Scott, Francis Reginald (Frank) | l'Encyclopédie Canadienne

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Scott, Francis Reginald (Frank)

À son retour, en 1923, il connaît peu son pays. Montréal lui semble particulièrement laide et dénuée de la beauté ancienne de l'Europe. Il s'y installe néanmoins pour enseigner au Lower Canada College et écrire de la poésie. En 1924, il s'inscrit à la faculté de droit de l'U. McGill, où H.A.
Scott, Frank
Photographié \u00e0 titre de président national au congr\u00e8s de la Co-operative Commonwealth Federation, en 1948. Frank Scott participe également \u00e0 la vie littéraire, intellectuelle et juridique du Canada (avec la permission des Biblioth\u00e8que et Archives Canada/PA-1162815).

Scott, Francis Reginald (Frank)

 Francis Reginald (Frank) Scott, poète, professeur de droit constitutionnel et membre fondateur du mouvement socialiste au Canada (Québec, 1er août 1899 -- Montréal, 30 janv. 1985). Homme de lettres et d'engagement social, il influence profondément l'évolution culturelle et politique du Canada moderne. Il est le sixième des sept enfants d'Amy et de Canon Frederick George Scott, prêtre anglican, poète mineur et farouche partisan de la tradition civilisatrice de l'Empire britannique. Ce dernier inculque à son fils la détermination de servir l'humanité, l'amour de l'équilibre régénérateur des paysages laurentiens et le respect absolu de l'ordre social. La présence discrète de sa mère se manifeste dans plusieurs de ses poèmes. Il vit, à Québec, une enfance et une adolescence paisibles, son éducation religieuse à peine perturbée par la Première Guerre mondiale, même si celle-ci emporte l'un de ses frères aînés et provoque le départ de son père pour l'Europe comme pasteur au service des soldats canadiens. Les émeutes déclenchées par la CONSCRIPTION lui offrent une première expérience du désordre social au Québec. Le carnage et les bouleversements sociaux suscités par la guerre ne l'affectent pas avant le milieu des années 20, époque où il commence à s'intéresser à la poésie moderne. Après des études au Québec High School et au collège Bishop (1919), il fréquente le Magdalen College d'Oxford en qualité de boursier de la fondation Rhodes. Membre du Mouvement chrétien des étudiants, il entreprend alors d'étudier la théorie socialiste par la lecture des ouvrages de R.H. Tawney.

À son retour, en 1923, il connaît peu son pays. Montréal lui semble particulièrement laide et dénuée de la beauté ancienne de l'Europe. Il s'y installe néanmoins pour enseigner au Lower Canada College et écrire de la poésie. En 1924, il s'inscrit à la faculté de droit de l'U. McGill, où H.A. Smith éveille son intérêt pour le droit constitutionnel. En 1924-1925, il collabore au McGill Daily Literary Supplement et fait la connaissance du poète et critique A.J.M. SMITH avec lequel il se liera d'une amitié à vie. Ensemble, ils fondent le McGill Fortnightly Review en 1925. Sous l'influence de Smith, il donne à ses poèmes un style plus contemporain l'amenant à tracer des portraits poétiques du paysage austère des Laurentides, qui l'inspire autant que la vieille Europe. Sa préférence de plus en plus marquée pour de tels paysages reflète son évolution intellectuelle, qui lui fait délaisser un monde égoïste pour s'intéresser à la société. En 1927-1928, il pratique le droit tout en enseignant la discipline à l'U. McGill et épouse Marian Dale SCOTT, peintre montréalaise. Il continue de participer à « The Group », un cercle de discussion composé de diplômés d'Oxford qui s'interrogent sur des questions sociales. Vers la fin des années 20, comme le montrent ses articles publiés dans The Canadian Mercury qu'il a contribué à fonder, il critique ses compatriotes qui s'inclinent devant les valeurs culturelles de l'Empire.

La crise des années 30 le pousse à étudier les facteurs économiques à l'origine du désarroi social qui l'entoure. Inspiré par J.S. WOODSWORTH, il fonde avec l'historien Frank UNDERHILL, en 1931-1932, la LEAGUE FOR SOCIAL RECONSTRUCTION (LSR), un groupe d'étude socialiste qui élabore des politiques socio-économiques pour combattre la misère et sera le berceau de la CO-OPERATIVE COMMONWEALTH FEDERATION (CCF). Il contribue aussi à la rédaction du célèbre Manifeste de Regina de la CCF et de Social Planning for Canada (1935). Au fil des ans, il devient un pilier de la CCF, tant au niveau national qu'au Québec. L'objectif de ces deux associations, qui était de bâtir une société plus égalitaire, influence les poèmes satiriques et les essais constitutionnels et socialistes qu'il publie pendant la crise, souvent dans le Canadian Forum, auquel il collabore. À la fin des années 30, ses préoccupations majeures, qui sont la guerre civile d'Espagne et la campagne qu'il mène en faveur de la neutralité canadienne dans le conflit mondial imminent, lui attirent de vives critiques.

La Deuxième Guerre mondiale, qui semble démontrer que les hommes ne peuvent résoudre leurs différends de manière pacifique, l'affecte profondément. Dans ses poèmes de l'époque, il oscille entre une anxiété profonde et une foi renouvelée en l'humanité et finit par croire en l'avènement de « l'homme social ». Par le biais de revues comme Preview et Northern Review et au sein de l'organisme philanthropique Fondation canadienne et d'associations d'artistes, il incite les artistes à conserver un esprit critique à l'égard de la société et à abandonner leurs perspectives régionales et artistiques limitées pour viser la création d'une culture nationale démocratique. En tant que président national de la CCF (1942-1950), son intérêt renouvelé pour le socialisme l'oppose à la direction de l'U. McGill, qui refuse alors de le nommer doyen de la faculté de droit.

En 1950-1951, il est l'un des cofondateurs de Recherches sociales, un groupe d'étude s'intéressant aux relations entre le Canada anglais et le Canada français. Il traduit aussi des poètes canadiens-français comme Anne HÉBERT et Saint-Denys GARNEAU. En 1952, il se rend en Birmanie en tant qu'assistant technique de l'ONU afin d'aider à la création d'un État socialiste. Au milieu des années 50, il remporte deux causes célèbres devant la Cour suprême, la LOI DU CADENAS et RONCARELLI C. DUPLESSIS, qui l'oppose à l'autocratique premier ministre du Québec, Maurice DUPLESSIS. Dans les années 50, sa poésie est particulièrement critique à l'égard de la société canadienne et de l'homme en général.

En 1962, après avoir activement participé à la transformation de la CCF en NOUVEAU PARTI DÉMOCRATIQUE, il cesse de faire de la politique partisane. Nommé doyen de la faculté de droit de l'U. McGill (1961-1964), il s'intéresse de plus en plus à la survie de la Confédération. Il participe à la COMMISSION ROYALE D'ENQUÊTE SUR LE BILINGUISME ET BICULTURALISME et devient un ardent défenseur de l'ordre public, appuyant le recours à la Loi des mesures de guerre en 1970. Plus tard, il écrira plusieurs rétrospectives, soit Poems of French Canada (1977, prix de traduction du Conseil des arts), Essays on the Constitution (1977, prix du Gouverneur général, catégorie essais) et Collected Poems (1981, prix du Gouverneur général, catégorie poésie). Il a contribué à faire du Canada un modèle international de coopération. Sa vision sociale consiste à tirer le meilleur de la personne et de la collectivité, même si sa loyauté envers l'ensemble de la société risque de limiter les libertés individuelles. Ses engagements politiques et sa poésie illustrent une tension constante entre les besoins de la personne et ceux d'une société idéalement homogène.

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