Jour de Paardeberg | l'Encyclopédie Canadienne

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Jour de Paardeberg

C’est à l’occasion de la bataille de Paardeberg que, pour la première fois dans l’histoire du Canada, des hommes portant l’uniforme canadien combattent au sein d’une unité canadienne dans une guerre outre-mer. Cette bataille est également à l’origine du premier jour du Souvenir au Canada : à partir de 1900 et jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale, les Canadiens se sont réunis, non pas le 11 novembre, mais le 27 février — le jour de Paardeberg —, pour honorer les fils du pays morts au combat et les réalisations du Canada en Afrique du Sud.
Bataille de Paardeberg
Canadiens au bataille de Paardeberg, février 1900.

L’un des artefacts les plus originaux ayant un jour été prêtés au Musée canadien de la guerre est un mouchoir blanc. Usé et sale, il avait été hissé au bout d’une carabine par des commandos boers qui se rendaient aux soldats du Royal Canadian Regiment; l’un d’entre eux avait sans doute estimé que ce bout de chiffon constituait un souvenir du champ de bataille digne d’intérêt.

Ce mouchoir a été rapporté au Canada en provenance de Paardeberg en Afrique du Sud où, le 27 février 1900, des soldats canadiens, après avoir traversé l’Empire britannique, ont combattu et vaincu une armée boer forte de quatre mille hommes, apportant ainsi à la Grande‑Bretagne sa première victoire importante dans la guerre des Boers.

C’est lors de la bataille de Paardeberg que, pour la première fois dans l’histoire du Canada, des hommes portant l’uniforme canadien combattent au sein d’une unité canadienne dans une guerre à l’étranger. Cette bataille est également à l’origine du premier jour du Souvenir au Canada. À compter de 1900 et jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale, les Canadiens se réunissent, non pas le 11 novembre, mais le 27 février, le jour de Paardeberg, pour honorer leurs compatriotes morts au combat et rendre hommage aux réalisations du Canada en Afrique du Sud (voir également Jour du souvenir).

Paardeberg, qui signifie « colline du cheval » en afrikaans, est le nom de la montagne qui projette son ombre sur une plaine pierreuse et brûlée par le soleil dans le centre de l’Afrique du Sud non loin de Bloemfontein, capitale à l’époque de la république boer de l’État libre d’Orange. En 1900, un bataillon de mille soldats canadiens avance au sein d’une colonne britannique bien plus nombreuse qui marche sur la ville. En chemin, ils affrontent et encerclent une force boer abritée dans des tranchées sur les rives de la rivière Modder à Paardeberg.

Bataille de Paardeberg

Les Britanniques assiègent les Boers pendant des jours, pilonnant leur campement (« laager » en afrikaans) à l’artillerie. Le matin du 18 février, les Canadiens, sous le commandement du lieutenant‑colonel William Otter (un ancien combattant de la rébellion du Nord‑Ouest), reçoivent l’ordre de partir frontalement à l’assaut des tranchées de l’ennemi et de le forcer à se rendre.

La plaine, largement exposée, offre des possibilités de couverture très limitées pour une attaque d’infanterie et, à la tombée de la nuit, plus d’une vingtaine de Canadiens gisent sans vie ou mourants au milieu des herbes âcres et des fourmilières, tandis que les survivants de cet assaut manqué repartent terrifiés en rampant vers leurs propres lignes. L’assaut fait au total soixante blessés. Parmi les victimes se trouve un soldat de vingt‑sept ans, James Findlay, originaire de Barrie en Ontario, mort d’une balle en plein cœur, qui devient ainsi le premier soldat canadien tué à l’étranger.

Dans la nuit du 26 au 27 février, après plusieurs jours de repos, le bataillon canadien reçoit l’ordre de repartir à l’assaut des lignes boers. Une fois encore, son attaque sur la plaine à découvert est arrêtée par le feu ennemi et treize autres Canadiens sont tués. En revanche, cette fois, seule la moitié du bataillon bat en retraite pour se réfugier derrière ses propres lignes; les combattants restant se plaquent au sol ou creusent leurs propres tranchées de fortune à seulement cinquante‑cinq mètres des lignes boers. À l’aube, les Canadiens recommencent à tirer sur l’ennemi et, avant six heures du matin, les Boers assiégés, à court d’approvisionnement et souhaitant enterrer les leurs, hissent le drapeau blanc et se rendent.

Cette bataille constitue un tournant pour les Britanniques dans la guerre qui les oppose aux Boers, le mérite de cet épisode étant largement attribué au Canada. La reine Victoria adresse un télégramme de félicitations aux troupes canadiennes. À Paardeberg, le feld‑maréchal britannique Frederick Roberts salue les soldats canadiens : « À compter de ce jour, le mot “Canadiens” sera synonyme de bravoure, de panache et de courage. »

L’Afrique du Sud marque le début d’une longue histoire d’engagements canadiens à l’étranger qui s’étendra à deux guerres mondiales, à la Corée, à la Bosnie et à l’Afghanistan. La guerre des Boers, également appelée guerre d’Afrique du Sud, a fait, entre 1899 et 1902, 267 victimes parmi les 7 368 soldats canadiens ayant servi là‑bas. Il s’agissait, bien sûr, d’une guerre de conquête impériale menée par l’Empire britannique, la plus grande puissance militaire de la planète, qui souhaitait mettre la main sur les mines d’or les plus riches du monde enfouies dans le sous‑sol de deux républiques boers indépendantes. Que la participation du Canada ait été justifiée ou non, ce conflit a été l’occasion de l’émergence d’un sentiment de fierté nationale à la suite de faits d’armes en sol étranger, et ce, dix‑sept ans avant la bataille de la crête de Vimy qui ravivera de tels sentiments.

Le mémorial en souvenir de la guerre d’Afrique du Sud surmonté d’un ange ailé, imposant par sa hauteur, qui s’élève sur l’avenue University à Toronto, a été conçu par le sculpteur Walter Allward. C’est ce même artiste qui concevra, ultérieurement, le mémorial de Vimy en France, une œuvre qui lui vaudra une célébrité bien plus importante encore.

Il y a des dizaines de mémoriaux, de plaques et de statues en souvenir de la guerre d’Afrique du Sud sur les places, sur les terrains des bâtiments gouvernementaux et dans les parcs des villes du pays, de Vancouver à Halifax. Aujourd’hui, nous passons devant sans même un regard et nous avons oublié ce qu’ils commémorent. Mais, pendant vingt ans, au tournant du 19e et du 20e siècles, ils ont représenté des symboles importants de la fierté canadienne autour desquels le peuple se rassemblait tous les 27 février, le jour de Paardeberg, pour dire des prières et rendre hommage aux anciens combattants. Des années plus tard, des sacrifices consentis à l’occasion d’un conflit bien plus important et bien plus sanglant porteront un coup terrible à la nation.