Musique populaire francophone | l'Encyclopédie Canadienne

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Musique populaire francophone

Issue principalement du folklore de différentes régions de France, la musique populaire francophone se transforma selon les régions où s'installèrent les îlots de population éparpillés sur un vaste territoire. Au XVIIIe s.

Musique populaire francophone

Issue principalement du folklore de différentes régions de France, la musique populaire francophone se transforma selon les régions où s'installèrent les îlots de population éparpillés sur un vaste territoire. Au XVIIIe s., l'arrivée de colons anglophones de Grande-Bretagne et des États-Unis, puis au XIXe s., d'Irlande et d'Écosse, ajouta une coloration particulière, surtout au niveau de la musique instrumentale traditionnelle. Ce folklore se propageait de bouche à oreille, de génération en génération, perpétuant toutes les variantes selon les principes de la tradition orale (voir MUSIQUE FOLKLORIQUE CANADIENNE-FRANCAISE). Vers le milieu du XIXe s. apparut, surtout dans la société bourgeoise, la chanson d'auteur, généralement calquée sur des modèles classiques et diffusée par la musique en feuille.

Au début du XXe s., la musique populaire francophone va entrer rapidement dans l'ère commerciale et industrielle grâce à deux événements structurants et fortuits.

Dans le but de valider les brevets canadiens qu'il avait obtenus pour son gramophone et sa méthode de gravage des disques (1897), l'allemand Emile Berliner inaugure à Montréal, en janvier 1900, un petit atelier de pressage de disques qui devint, en quelques années, le plus important fabricant et distributeur de disques au Canada. Son fils aîné, Herbert Berliner, enregistra, à compter de 1916, plus d'une centaine d'artistes canadiens anglophones et francophones sur son étiquette His Master's Voice. Il fondera également la compagnie Compo qui, sur l'étiquette Starr, éditera des milliers d'enregistrements francophones jusqu'aux années 1960.

Contre toute attente, l'industrie de la musique populaire francophone au Canada survivra et se développera malgré l'écrasante concurrence des cultures américaine et française, d'abord et avant tout grâce à l'indéfectible appui de la population pour ses artistes qui devinrent souvent les porte-parole et parfois les symboles de cette volonté singulière de survivance. La méthode d'adaptation fut souvent la même: les créateurs s'imposaient d'abord en présentant eux-mêmes au public local les chansons françaises et américaines à la mode. Puis ils glissaient dans leur répertoire des chansons originales écrites à la façon des modèles américains ou français. Finalement émergeait une chanson intégrant des éléments musicaux de ces deux courants avec des textes reflétant les réalités culturelles et sociales des francophones de ce pays.

La radio

Un autre heureux concours de circonstances amena l'italien Guglielmo Marconi à venir terminer ses travaux sur la radiophonie à Montréal où il mit en opération, en 1919, XWA (CFCF) qui devint la première station de radio commerciale au monde. En septembre 1922, CKAC (Montréal) devenait une des toutes premières stations francophones au monde. Cet apport précoce du disque et de la radio donna à Montréal un avantage marqué au niveau de l'infrastructure technologique et du personnel qualifié qui permit le développement d'une vigoureuse et souvent innovatrice industrie culturelle dans les décennies subséquentes.

Produisant ses émissions en direct, la radio employa de plus en plus d'artistes locaux, interprètes de chansons, musiciens, annonceurs et commentateurs, humoristes et comédiens qui se firent ainsi connaître d'un public de plus en plus large. C'est à cette époque qu'il faut situer la naissance d'un vedettariat d'abord local puis de plus en plus étendu à la grandeur du territoire. Et c'est la radio qui rendit viable, au milieu des années 1930, le métier d'artiste professionnel de la chanson.

1920-1940: les premières vedettes populaires

La chanson populaire commerciale se développe d'abord à Montréal, seule ville de la francophonie canadienne à posséder les infrastructures culturelles (salles de spectacles, maisons de disques, radio) nécessaires à son rayonnement. Cette chanson atteindra d'autres centres urbains et ruraux au gré des tournées et du développement du réseau radiophonique sur le territoire.

Hector Pellerin (1887-1953) fut assurément la plus grande vedette francophone au pays dans la première moitié du siècle. En plus de ses quelques 300 enregistrements sur disques et cylindres, il fut l'un des seuls chanteurs à pouvoir remplir des salles et à vivre de son métier. La chanson urbaine compte plusieurs noms connus à cette époque, dont Hercule Lavoie, Georges Beauchemin, Hervey Germain, dans les années 1920, Ludovic Huot, Albert Marier, Fernand Perron et Jean Lalonde dans les années 1930.

La chanson folklorique urbaine

Entre 1881 et 1921, l'industrialisation a fait passer la population de Montréal de 140 000 à 618 000 habitants. Ces nouveaux venus, provenant presque tous des régions rurales du Québec, ont fait de la métropole une ville majoritairement francophone et ont implanté la chanson folklorique dans l'industrie culturelle montréalaise. Les Veillées du bon vieux temps, soirées folkloriques organisées de 1920 à 1940 au Monument-National par Conrad Gauthier ont permis l'émergence d'Ovila Légaré, Eugène Daigneault, Charles Marchand et Mary Travers, dite La Bolduc, qui exprimaient, sur un mode folklorique, les difficultés d'adaptation que rencontraient les nouveaux arrivants. Les chansons de La Bolduc, parmi les premiers artistes à ne chanter que son propre répertoire, sont à leur tour devenues du folklore moderne et sont reprises même par des artistes Rap.

La situation économique difficile des années 1930 frappa durement l'industrie du disque qui ne reprit son rythme de croisière qu'en 1936.

Les années 1940

Les débouchés pour les artistes de la chanson deviennent de plus en plus nombreux et structurés grâce à la radio qui connut son âge d'or et à la "belle époque" des cabarets à Montréal et en province.

La guerre (1939-1945) réduisit considérablement l'importation de disques français et ce sont Robert L'Herbier, Lucille Dumont, Jacques Normand, Lise Roy et d'autres vedettes québécoises qui présentèrent les créations parisiennes. Certains interprètent, dont Jacques Aubert et Lionel Parent, composaient une grande partie de leur répertoire.

La guerre est le sujet du jour et les chansons du soldat Roland Lebrun traduisent en mots simples les angoisses des mères et des jeunes soldats sur une musique dérivée du Western. Chansons des cowboys américains, ce genre connut son heure de gloire au milieu de la décennie avec Paul Brunelle, Willie LAMOTHE, Marcel Martel et plusieurs autres qui composaient leur propre répertoire. Ils participaient en cela à une tendance qui touchait des interprètes de variétés qui, comme Fernand Robidoux, Jacques Normand et Robert L'Herbier, tentaient d'endisquer un plus grand nombre de chansons québécoises, et une génération montante d'auteurs, compositeurs et interprètes, dont Raymond LÉVESQUE, Jacques Blanchet, Pierre Pétel et Félix LECLERC qui voulaient mettre de l'avant une chanson où le texte dominait.

Les années 1950

Inaugurée en 1952, la télévision s'étendit à plusieurs villes du Québec et devint un important employeur pour une foule d'artistes de tous genres. Parallèlement, de très nombreux cabarets et hôtels ouvrirent leurs portes à Montréal et partout en province, permettant l'arrivée d'une nouvelle génération d'artistes de variétés, dont Jen Roger, les Three Bars, Paolo Noël, Fernand Gignac et surtout Michel Louvain qui créa un engouement populaire comme on n'en avait jamais vu au Québec.

Le succès inattendu de Félix Leclerc à Paris en décembre 1950 démontra qu'il était possible de faire des chansons personnelles et de qualité qui pouvaient être appréciées par la francophonie mondiale. Dans cette foulée, Aglaé et Guylaine Guy, deux jeunes interprètes, connurent d'importants succès à Paris dans cette décennie. Plusieurs initiatives furent prises pour faire une plus grande place à la chanson québécoise. La plus célèbre, le Concours de la chanson canadienne (1957), fut une tribune importante pour cette cause grâce à l'immense pouvoir de la télévision naissante. Les cabarets étant peu propices à leur style de chanson poétique, les auteurs-compositeurs interprètes, qu'on appelle déjà les CHANSONNIERS, créèrent eux-mêmes les "boîtes à chansons", de petites salles intimistes qui devinrent les lieux de ralliement d'une jeunesse plus instruite et initiée à la littérature.

La vigueur de tous ces mouvements suscita l'apparition de plusieurs compagnies de disques locales (Alouette, Météor, Music-Hall, Fleur-de-Lys, Vedettes...) qui, avec RCA Victor et Apex (Starr), puisaient dans le bassin de plus en plus grand d'artistes de la chanson sous tous ses aspects.

Les années 1960

Dans cette décennie de la "révolution tranquille", le mouvement chansonnier prit un essor rapide et quelques centaines de "boîtes à chansons" créèrent leurs propres vedettes: Jean-Pierre FERLAND, Gilles VIGNEAULT, Claude Gauthier, Claude LÉVEILLÉE, Clémence DESROCHERS et de nombreux autres chansonniers, sans oublier Pauline JULIEN, Renée CLAUDE et Monique LEYRAC, interprètes de chansons qui se voulaient le miroir des changements rapides de la société québécoise de l'époque.

Évoluant parallèlement à ce mouvement avec tout autant d'énergie, la chanson de variété profita de l'ouverture de nouvelles stations de télévision à Montréal (CFTM) et Québec (CFCM) qui firent la promotion de cette chanson dans leurs émissions (Jeunesse d'aujourd'hui, Allez-4...). S'adressant traditionnellement à un public plus âgé, le marché du disque s'ouvrit au groupe des 12 à 20 ans grâce au succès mondial des Beatles et à l'arrivée à l'adolescence des "baby-boomers". Pierre Lalonde, Donald Lautrec, Tony Roman, Ginette RENO, Michèle Richard et une multitude de groupes, dont Les Classels, les Sultans, les Hou-Lops et les Bel Canto, deviennent des vedettes nationales et donnent une vigueur sans précédent à l'industrie du disque et du spectacle au Québec.

Ayant eux aussi grandi avec le rock-and-roll, certains jeunes chansonniers, dont Claude DUBOIS, Jacques Michel et Robert CHARLEBOIS s'éloignent du modèle traditionnel et créent, à l'instar de Bob Dylan et de Paul Simon, une chanson à texte sur des rythmes Rock. En janvier 1969, la chanson Lindberg de Robert Charlebois est en première position du palmarès Méritas, réunifiant l'univers des chansonniers et de la musique de variété.

Les années 1970

Plusieurs facteurs firent de cette décennie l'âge d'or de l'industrie du disque au Québec. Une nouvelle réglementation du CRTC sur le contenu canadien à la radio favorisa grandement la production francophone. Les agents, producteurs et publicistes qui avaient fait leurs classes dans les années 60 atteignaient alors un niveau de professionnalisme permettant aux artistes de toucher un public plus vaste non seulement au Québec, mais dans le reste du Canada et même ailleurs dans le monde. Grâce à son gérant Guy Cloutier, René SIMARD se produisait à la PLACE DES ARTS alors qu'il n'avait que 10 ans, au Japon et à l'Olympia de Paris quatre ans plus tard et animait, de 1977 à 1979, The René Simard Show, sa propre émission de variété pancanadienne à la télévision. Des artistes québécois anglophones, dont Andy Kim, Gino Vanelli, April Wine et Leonard COHEN, se faisaient connaître dans tout le Canada et les États-Unis et le promoteur Donald Tarlton faisait de Donald K. Donald une des plus importantes compagnies de production de spectacles au Canada. Robert Charlebois et Diane DUFRESNE connurent d'importants succès en France sous l'égide du producteur Guy Latraverse, qui fonda parallèlement la compagnie Kébec Disc qui devint l'une des plus actives de la décennie.

En plus du dynamisme des producteurs locaux, l'industrie du disque québécoise profita de l'implication massive des multinationales (Columbia, Capitol, Barclay, Polygram) dans la production d'artistes locaux. Ce foisonnement d'intervenants et l'appui massif de la population francophone permirent l'éclosion de styles très variés. Le folklore de Louise Forestier et de Garolou côtoyait le rock progressif d'Octobre et de HARMONIUM, le Disco de Boule noire et de Nanette Workman, les chansons urbaines et collectivistes de BEAU DOMMAGE, des Séguin et de Raoul Duguay et le rock décapant de Plume LATRAVERSE et d'OFFENBACH.

Pour non seulement survivre mais se développer, tout produit culturel a besoin d'un nombre suffisant de personnes intéressées, condition que la dispersion des francophones sur le territoire canadien rend difficile à atteindre. Principalement centrée en Ontario et dans les Maritimes, la chanson francophone hors Québec survit sur une base artisanale et les productions individuelles mal distribuées atteignent rarement le marché québécois. Ne disposant pas dans leur milieu d'une structure industrielle capable de soutenir de fortes carrières en français, quelques francophones canadiens s'installent avec succès au Québec: Edith BUTLER et Calixte Duguay (Nouveau-Brunswick), Angèle ARSENAULT (Ile-du-Prince-Édouard), Daniel Lavoie (Manitoba), Cano et Robert Paquette (Ontario). Au milieu des années 1980, le groupe Hart Rouge (Alberta) et le chanteur Roch VOISINE (Nouveau-Brunswick) viendront eux aussi poursuivre leur carrière au Québec.

L'Association du Disque et de l'Industrie du spectacle au Québec (ADISQ) fut créée en 1978 et tint, l'année suivante, son premier gala où furent décernés les premiers prix Félix.

Les années 1980

Prélude aux prises de contrôle et aux fusions qui touchèrent l'industrie mondiale du disque, les multinationales cessèrent presque leur production au Québec au début des années 80, provoquant un réveil brutal à 10 ans d'euphorie. Malgré une situation économique défavorable, des entrepreneurs lancèrent de nouvelles compagnies de disques locales (Audiogram, Star, Pro-Culture, Disque Double, PGC...) et des aides promotionnelles, dont le palmarès Radio-Activité (1981), l'organisme d'aide à la production Music-Action (1985) et la station de vidéoclips francophone Musique Plus (1986).

Dans cette décennie, les auteurs-compositeurs interprètes dominent dans tous les genres musicaux. Paul Piché, Michel RIVARD, Richard Séguin, Pierre Flynn, Claude DUBOIS et Richard DESJARDINS relancent la chanson à texte. Marjoleine Morin (MARJO), Daniel Lavoie, Diane Tell et Marie Denise Pelletier dominent le palmarès avec une pop de très haute qualité. Connaissant un regain de popularité après 20 ans de carrière, Ginette Reno fracasse tous les chiffres de vente. Mais la décennie est dominée par Céline DION, une adolescente qui, après avoir raflé tous les honneurs au Québec, aborde avec succès une carrière européenne et canadienne.

Les années 1990

Décennie marquée par la disparition des disques de vinyle (33 et 45 tours) et la suprématie des CD et des techniques informatiques (INTERNET). Ayant retrouvé sa stabilité, l'industrie lance un grand nombre de nouvelles vedettes qui s'adressent à un public jeune: Éric LAPOINTE, Kevin PARENT, Dan Bigras, Jean LELOUP, les Colocs, Noir Silence, Daniel BÉLANGER, Luce Dufaux, Laurence Jalbert, Lara Fabian, France D'Amour, Isabelle Boulay, Linda Lemay et bien d'autres. Déjà célèbre au Québec, Roch Voisine devient une des plus grandes vedettes en France et connaît également un bon succès au Canada anglais. Après Starmania, La légende de Jimmy et Les Romantiques, Luc PLAMONDON remporte un très grand succès populaire à Paris, Londres, Las Vegas et Montréal avec Notre-Dame-de-Paris, pavant la voie à des carrières internationales pour ses interprètes, dont Garou, Bruno Pelletier, Luck Mervil et Daniel Lavoie. À compter de 1993, Céline Dion devient une des chanteuses les plus populaires non seulement aux États-Unis mais dans le monde entier.

Mais cette industrialisation de la chanson amène une hausse importante des coûts de production dans un marché relativement petit. De plus en plus d'artistes, surtout des nouveaux venus, sont poussés vers la marginalité de l'autoproduction et de la distribution dans des circuits parallèles. L'appellation "musique alternative" regroupe beaucoup de ces productions musicales qui n'ont souvent en commun que de ne pas correspondre aux attentes de l'industrie qui, parfois, en accepte quelques-uns (Dubmatic, La Chicane, NoDéjà...). La généralisation du réseau Internet pourrait permettre aux créateurs d'atteindre une clientèle de plus en plus grande sans l'apport des distributeurs et des détaillants habituels du domaine de l'enregistrement sonore. (Voir aussiINDUSTRIE DU DISQUE AU QUÉBEC, HISTOIRE).

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