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Crise des opioïdes au Canada

Les surdoses de la classe d’analgésiques appelés opioïdes causent la mort de milliers de Canadiens de tous les milieux. Le nombre de décès est le résultat de la montée d’une crise de santé publique : une épidémie de dépendance aux opioïdes. La crise est rendue encore plus meurtrière par la disponibilité accrue de fentanyl illicite et de drogues à composition chimique semblable, mais elle peut d’abord être attribuée à la surprescription médicale d’opioïdes, comme l’oxycodone, le fentanyl et la morphine.

Les anti-douleurs OxyContin sont un facteur principal dans le développement de la crise de surdose des opioïdes.
Les anti-douleurs OxyContin sont un facteur principal dans le développement de la crise de surdose des opioïdes.

Aggravation de la crise

Au Canada, on compte plus de 15000 décès liés aux opioïdes entre janvier 2016 et décembre 2019, une moyenne de plus de dix personnes décédées par jour. Quatre-vingt-onze pour cent de ces décès sont accidentels. De ces décès accidentels liés aux opioïdes, 77% impliquent du fentanyl ou un analogue du fentanyl en 2019, comparativement à 55% en 2016. Le fentanyl est un opioïde synthétique puissant qui est utilisé pour couper (donc qui est «ajouté à») un nombre grandissant de drogues de rue. Aucune province n’est plus durement touchée par la crise que la Colombie-Britannique, qui déclare l’état d’urgence en 2016. Dans la province, en 2019, le fentanyl est détecté dans 85% des 979 décès dus à des surdoses de drogues illicites, comparativement à 67% en 2016. Presque chaque jour, les pompiers, qui sont habituellement les premiers à arriver sur les lieux d’un appel d’urgence médicale, s’occupent de multiples surdoses. Parmi les dernières années, 2017 et 2018 voient le plus grand nombre de surdoses de drogues illicites en Colombie-Britannique. Les 979 décès de 2019 constituent une diminution de 37% par rapport à 2018 (qui a compté 1546 décès) et un total inférieur à celui de 2016. Cependant, le nombre de morts recommence à grimper durant la pandémie de COVID-19 en 2020. De mai à juillet seulement, la Colombie-Britannique enregistre plus de 500 décès liés aux drogues illicites.

Le saviez-vous?
Les experts s’expliquent de plusieurs façons l’augmentation des décès liés aux opioïdes durant la pandémie de COVID-19. Les drogues de rue deviennent plus puissantes et toxiques quand les fermetures des frontières perturbent les chaînes d’approvisionnement et que les revendeurs locaux commencent à couper leurs drogues avec plus d’additifs. Les précautions liées à la pandémie jouent également un rôle, car la distanciation sociale et la capacité réduite des centres de consommation supervisée font en sorte que plus de gens consomment des drogues en solitaire. Enfin, certaines personnes se tournent vers les drogues pour faire face aux répercussions de la pandémie sur la santé mentale.

En Alberta, la communauté de Stand Off, sur la réserve de la tribu des Blood, subit un nombre disproportionné de décès. Esther Tailfeathers, une médecin de famille de la tribu des Blood, s’occupe de sa première surdose de fentanyl en juillet 2014. Initialement, elle traite un ou deux cas de surdose par semaine dans sa ville natale de 12800 habitants, mais ce chiffre grimpe rapidement à deux ou trois par quart de travail. Le conseil de bande local déclare l’état d’urgence en mars 2015, ce qui fait de la tribu des Blood la première communauté au pays à sonner l’alarme quant au fentanyl. Peu après, l’épicentre de la crise de l’Alberta se déplace à Calgary, où la consommation de fentanyl commence à atteindre des proportions considérables. En 2019, Calgary et Edmonton représentent environ 75% des 523 décès liés au fentanyl dans la province. Dans l’ensemble de la province, les décès accidentels liés au fentanyl ont augmenté de 51% en 2019 par rapport à 2016.

Le fléau associé au fentanyl se répand rapidement vers l’est et devient la principale cause des décès dus aux opioïdes en Ontario pour la première fois en 2014. Entre 2000 et 2015, près de 6300 personnes meurent de surdoses liées aux opioïdes en Ontario. Dans les trois années qui suivent, ces décès représentent plus de la moitié de ce nombre (3605 morts).

Racines de l’épidémie

Le Canada fait face aux retombées d’une décision prise en 1996 pour rendre les opioïdes plus largement accessibles. Auparavant, les médecins prescrivaient principalement des opioïdes aux patients atteints d’un cancer en phase terminale. Cependant, en 1996, Santé Canada approuve l’OxyContin, une marque générique de l’opioïde nommé oxycodone, pour soulager les douleurs considérées comme modérées à sévères chez tous les types de patients, ce qui laisse présager un changement radical du traitement de la douleur.

Les tablettes d’OxyContin, responsables du développement de la crise des surdoses d’opioïdes. Purdue Pharma, le fabricant de l’OxyContin, affirme que son médicament se distingue de ceux de ses concurrents par sa formule à durée d’action, celui-ci étant conçu pour être avalé et digéré pendant douze heures. Les représentants des ventes de l’entreprise persuadent les médecins d’élargir leur utilisation des opioïdes en faisant valoir que l’OxyContin pose un plus faible risque d’abus et de dépendance pour les patients que les autres antidouleurs à action rapide.

Les médecins commencent à prescrire l’OxyContin pour tous les problèmes, des maux de dos à la fibromyalgie (un syndrome qui touche les muscles et les tissus mous, et cause de la douleur chronique, de la fatigue et des troubles du sommeil). Le médicament à succès devient l’antidouleur à effet prolongé le plus populaire au Canada pendant plus d’une décennie. Mais il devient également un objet de controverse au début des années 2000, quand on rapporte une explosion des dépendances et des surdoses.

Nouveaux opioïdes d’ordonnance

Purdue retire l’OxyContin du marché en 2012, peu de temps avant l’expiration du brevet, et le remplace par l’OxyNEO, un médicament alternatif plus résistant qui est difficile à écraser, à renifler ou à injecter. À peu près à la même époque, les régimes publics d’assurance-médicaments des provinces cessent pratiquement de payer pour l’OxyContin et l’OxyNEO. Les experts médicaux affirment toutefois que les décideurs politiques n’ont pas tenu compte de l’ensemble de la situation en concentrant leurs efforts uniquement sur ces deux médicaments. Les médecins commencent à prescrire des antidouleurs opioïdes alternatifs, dont le fentanyl, à leurs patients. En conséquence, le nombre d’ordonnances continue d’augmenter au Canada. En 2016, les médecins rédigent une ordonnance pour deux Canadiens. Après les États-Unis, le pays devient ainsi le plus grand consommateur d’opioïdes pharmaceutiques par résident au monde. Le taux d’ordonnances pour des opioïdes est actuellement en baisse au Canada, mais l’épidémie demeure une crise de santé publique.

Nouveau type de consommateurs de drogues

L’utilisation généralisée d’opioïdes d’ordonnance est à l’origine d’un nouveau type de consommateurs de drogues. De nombreuses personnes à qui sont prescrits des comprimés très addictifs deviennent dépendantes. Incapables de se défaire de leur habitude, elles ont besoin de doses de plus en plus fortes.

L’OxyContin est populaire non seulement chez les personnes qui sont devenues dépendantes après que leur médecin le leur a prescrit, mais également chez celles qui consomment de l’héroïne. Pour atteindre rapidement un effet d’euphorie, ces deux groupes peuvent facilement renifler la drogue comme de la cocaïne ou se l’injecter comme de l’héroïne. Quand l’OxyContin n’est plus disponible, beaucoup se tournent vers le marché noir pour assouvir leur dépendance. Le crime organisé exploite la demande d’un remplacement de l’OxyContin par une version contrefaite du médicament, alimentant ainsi une hausse vertigineuse des surdoses accidentelles.

Essor du marché noir

En avril 2013, peu après le retrait de l’OxyContin, la police effectue sa première grosse saisie: elle défait une opération canadienne dédiée à la production et à la vente de quantités industrielles de fentanyl de contrebande. La police de Montréal arrête deux hommes à la tête de cette opération de trafic de drogue pendant qu’ils se rendent à un point de service de la messagerie UPS pour expédier un micro-ondes contenant 10180 comprimés de fentanyl au New Jersey. Les deux hommes plaident coupables et, en 2014, ils sont tous deux condamnés à environ huit ans de prison.

Depuis lors, la police a arrêté des trafiquants dans presque chaque province. Toutefois, la saisie de Montréal était sans précédent: trois policiers sont tombés malades après avoir défoncé la porte du laboratoire clandestin qui produisait les comprimés toxiques et contrefaits, et l’un d’entre eux a même dû passer la nuit à l’hôpital.

L’usage du fentanyl de qualité médicale, développé en 1959 par un chimiste belge et utilisé comme antidouleur dans les hôpitaux, se répand vers le milieu des années1990 lorsqu’un timbre transdermique, qui se porte comme un bandage et libère le médicament dans la circulation sanguine pendant 72 heures, fait son apparition sur le marché. Il est jusqu’à 100 fois plus puissant que la morphine. Lorsque le fentanyl est produit dans un laboratoire clandestin sans contrôle de qualité, il est difficile d’obtenir le bon dosage, ce qui en fait une drogue potentiellement plus dangereuse et qui peut entraîner une vague de décès sans précédent.

Failles aux frontières

L’industrie chinoise des produits chimiques contribue à stimuler le marché du fentanyl illicite au Canada. Des entreprises chinoises produisant des produits chimiques conçoivent des variantes personnalisées de fentanyl de qualité pharmaceutique en modifiant très légèrement une molécule. Quelques centaines de microgrammes, l’équivalent du poids d’un grain de sel, sont suffisants pour susciter une euphorie semblable à celle de l’héroïne. L’un des meilleurs analogues du fentanyl est l’alphamethylfentanyl, connu dans les rues sous le nom de «China White». Les trafiquants de drogues le font passer sous forme d’une poudre cristalline blanche au Canada en contrebande de la Chine. Pour en réduire la puissance, ils la coupent ensuite avec du sucre en poudre, de la poudre pour bébé ou des antihistaminiques avant de la revendre dans les rues. Les trafiquants font souvent passer ce mélange dans des presses à comprimés, puis colorent en vert les comprimés obtenus pour imiter les comprimés d’OxyContin de 80mg que les consommateurs dépendants aux opioïdes préfèrent. Ils les vendent par la suite sous les noms de «greenies» ou «shady eighties».

Le fentanyl et de nombreux opioïdes à composition chimique similaire sont des médicaments contrôlés au Canada, ce qui rend leur importation illégale sans permis. Toutefois, les fournisseurs en ligne qui envoient des drogues au Canada élaborent des ruses pour contourner les règles d’inspection. Ils utilisent souvent des colis qui pèsent moins de 30g pour expédier les drogues, ce qui signifiait auparavant que les agents des douanes ne pouvaient pas légalement les ouvrir. En mai 2017, les agents reçoivent l’autorisation de fouiller, sans le consentement du destinataire, les colis internationaux pesant moins de 30g qui arrivent par la poste et par messagerie. De nombreux fournisseurs garantissent une réexpédition aux clients dans l’éventualité où leur colis serait intercepté aux douanes canadiennes.

Un marché très rentable

Le fentanyl révolutionne le commerce des drogues illicites au Canada. Tandis que la production et le transport de l’héroïne et de la cocaïne requièrent une importante infrastructure et des cartels, presque n’importe qui peut acheter et vendre du fentanyl. Comme cette drogue est extrêmement puissante, de petites quantités rapportent beaucoup, ce qui la rend hautement rentable pour les trafiquants. Un kilogramme de poudre, une quantité égale en poids à un cantaloup de taille moyenne, s’achète sur Internet pour 12500 dollars seulement et se vend dans la rue pour 20 millions de dollars. Un kilogramme est suffisant pour produire un million de comprimés, qui se vendent 20$ chacun dans les grandes villes.

Retard de l’intervention gouvernementale

Les Canadiens meurent de surdoses accidentelles d’opioïdes depuis près de deux décennies. Pourtant, les dirigeants gouvernementaux ont tardé à réagir au problème qui continue de s’aggraver, un retard qui s’explique par les politiques de répression de la criminalité du gouvernement conservateur du premier ministre Stephen Harper (2006-2015). Par conséquent, jusqu’à récemment, le Canada ne disposait pas d’un système national de surveillance pour suivre le nombre de surdoses fatales. Dans plusieurs régions, des renseignements désuets ont fait entrave aux interventions d’urgence face à une situation qui évolue rapidement, selon les experts médicaux. De plus, les personnes qui consomment des drogues se heurtent à divers obstacles lorsqu’elles veulent accéder à des programmes de traitement de la toxicomanie.

Au lieu de consacrer des ressources aux programmes de traitement et aux mesures de réduction des méfaits, par exemple par un approvisionnement en naxolone, antidote de surdose aux opioïdes, le gouvernement de Stephen Harper mène une guerre contre les drogues en poursuivant principalement des contrevenants de bas niveau. En 2007, il élimine toute mention des mesures de réduction des méfaits du site Web de Santé Canada et lance la Stratégie nationale antidrogue.

Par ailleurs, le gouvernement fédéral tente de fermer Insite, le premier centre d’injection supervisée en Amérique du Nord. Le centre, situé dans le quartier défavorisé de Downtown Eastside, à Vancouver, permet aux personnes toxicomanes de consommer des drogues illicites en toute sécurité sous la surveillance d’une infirmière. Le gouvernement conservateur perd éventuellement cette bataille devant la Cour suprême qui lui ordonne, en 2011, de permettre à Insite de rester ouvert. Il réagit à ce jugement en adoptant une des lois qui rendent difficile, voire impossible, l’ouverture d’autres centres.

Une nouvelle approche

Le gouvernement libéral du premier ministre Justin Trudeau abandonne l’approche de justice criminelle de son prédécesseur et redéfinit la crise des opioïdes comme un enjeu de santé publique. En décembre 2016, le gouvernement remplace la Stratégie nationale antidrogue des conservateurs par la Stratégie canadienne sur les drogues et autres substances. La ministre de la Santé de l’époque, Dre Jane Philpott, s’engage à «rétablir les mesures de réduction des méfaits en tant que pilier clé de cette stratégie».

L’une des premières initiatives de Jane Philpott est de demander que Santé Canada change le statut de la naxolone, antidote aux surdoses, pour en faire un médicament sans ordonnance afin qu’elle soit plus largement disponible. En novembre 2016, la conférence nationale sur les opioïdes, organisée par le gouvernement fédéral, réunit pour la première fois des décideurs politiques et des experts médicaux afin d’élaborer des stratégies. À cette occasion, la ministre de la Santé s’engage à utiliser tous les outils à sa disposition pour lutter contre cette «crise nationale de santé publique».

En décembre 2016, le gouvernement présente à la Chambre de communes un projet de loi dont l’objectif est de réduire l’essor du fentanyl sur le marché noir au Canada. Le projet de loi C-37, adopté en mai 2017, interdit l’importation de presses à comprimés au Canada et donne le droit aux gardes-frontière qui inspectent les marchandises entrant dans le pays de saisir et d’ouvrir les colis suspects pesant moins de 30g. Cette loi réduit également les obstacles à l’ouverture et à l’opération des centres de consommation de drogues supervisée comme le centre Insite.

Afin de contrer le nombre croissant de décès par surdoses et suivant des années de travail de la part des militants pour la réduction des méfaits, le gouvernement fédéral approuve une expansion rapide du nombre de centres d’injection supervisée. En juin 2020, on compte 9centres approuvés en Colombie-Britannique, 7 en Alberta, 1 en Saskatchewan, 22 en Ontario et 4 au Québec.

En réponse à la hausse vertigineuse du nombre de décès dus à des surdoses durant la pandémie de COVID-19, la Colombie-Britannique lance un nouveau programme d’approvisionnement plus sécuritaire. Le gouvernement fédéral finance aussi deux nouveaux centres d’approvisionnement sécuritaire à Toronto. Ces mesures visent à faciliter l’accès à des médicaments sur ordonnance plus sécuritaires que les drogues de rue. Durant la pandémie, Dre Bonnie Henry, le premier ministre John Horgan, l’Association canadienne des chefs de police et les défenseurs de la réduction des méfaits demandent au gouvernement fédéral de décriminaliser la possession de drogues illicites à des fins personnelles.

S’attaquer aux racines de la crise

En plus des mesures de réduction des méfaits, comme la mise en place de centres d’injection supervisée, les experts médicaux affirment qu’il faut en faire davantage pour s’attaquer aux racines de la crise des opioïdes, soit la surprescription d’un médicament dont les risques sont substantiels et les avantages sont incertains. L’Université McMaster reçoit du financement de Santé Canada en 2015 pour mettre au point de nouvelles directives nationales sur la prescription sécuritaire d’opioïdes. Toutefois, peu de temps après la publication de ces directives, en mai 2017, la ministre de la Santé de l’époque, Jane Philpott, ordonne qu’une étude indépendante s’assure que les directives ne sont pas «entachées» par l’influence de l’industrie.

Cette intervention Dre Jane Philpott fait suite à des révélations selon lesquelles les responsables de McMaster n’auraient pas respecté leur engagement d’empêcher les experts médicaux rémunérés par des entreprises pharmaceutiques de pouvoir voter quant aux directives. Un médecin de famille qui était un des 15 membres du comité de vote avait été conférencier rémunéré et membre du conseil consultatif d’entreprises pharmaceutiques, dont Purdue Pharma. Ce fait n’a pas été dévoilé avant le 8 mai 2017, jour de la publication des directives.

Les Instituts de recherche en santé du Canada est l’organisme fédéral chargé de mener l’étude. Il conclut dans un rapport publié le 7 septembre 2017 que la mise au point de nouvelles directives a été «scientifiquement rigoureuse malgré le défaut d’identification rapide d’un [conflit d’intérêts] d’un seul membre votant». L’organisme met sur le compte d’une «bévue administrative» le fait que le conflit d’intérêts du médecin n’ait pas été repéré dès le début du processus. S’il avait été repéré plus tôt, déclare le rapport, les responsables de McMaster qui encadraient la mise au point des directives auraient exclu ce médecin du comité de vote.

Retombées juridiques

De nombreuses personnes vivant aux prises avec la toxicomanie ont d’abord découvert les opioïdes par leur médecin de famille. Cependant, trop souvent, les préjugés associés à la dépendance aux opioïdes les incitent à souffrir en silence. Ils sont conscients que la société a tendance à blâmer la victime et à percevoir son problème comme une faiblesse de caractère.

Beaucoup d’entre eux ont toutefois mené une bataille juridique contre Purdue. En avril 2017, le fabricant de l’OxyContin accepte de payer 20 millions de dollars pour régler un recours collectif de longue date qui représente jusqu’à 1500 Canadiens devenus dépendants au médicament après qu’il a été prescrit par leur médecin. Cette poursuite accuse l’entreprise d’avoir été au courant que quiconque consommait le médicament était à risque de dépendance, mais n’a jamais divulgué ce risque. La nature et l’étendue de la tromperie de Purdue ne deviennent publiques qu’en 2017, quand l’entreprise et trois de ses dirigeants payent 634,5 millions de dollars américains pour régler des accusations criminelles et civiles contre eux aux États-Unis. Ils sont accusés de faux étiquetage d’un médicament: leur antidouleur était présenté comme moins addictif que les autres. L’opération canadienne de Purdue, pour sa part, n’admet aucun acte répréhensible.

Le règlement national proposé au Canada est approuvé par des tribunaux en Ontario, au Québec et en Nouvelle-Écosse (voir Système judiciaire canadien). Il doit être également approuvé par la Saskatchewan pour pouvoir être adopté, ce qui échoue: un tribunal de la Saskatchewan n’est pas convaincu que le règlement est «juste, raisonnable et dans l’intérêt fondamental de l’ensemble du groupe». La poursuite ne constitue pas une reconnaissance de responsabilité de la part de Purdue. Les experts médicaux affirment que le montant du dédommagement ne représente pas beaucoup plus qu’une décimale pour une entreprise qui a touché des revenus de 31 milliards de dollars américains grâce à l’OxyContin.

En plus de la poursuite civile, le gouvernement de l’Ontario demande à Ottawa de poursuivre Purdue en vertu des dispositions criminelles de la Loi sur les aliments et drogues (LAD) du Canada pour ce que le ministre de la Santé de l’Ontario appelle «des activités inappropriées et potentiellement illégales dans la commercialisation de l’OxyContin au Canada.»

En août 2018, le gouvernement de la Colombie-Britannique lance une poursuite judiciaire contre plus de 40 fabricants d’opioïdes, dont Purdue Pharma. Le gouvernement allègue que ces entreprises ont contribué à la crise en minimisant les risques que comportaient leurs drogues lorsqu’ils les ont commercialisées auprès des médecins pendant près de 20 ans. Bien qu’un montant en dollars n’ait pas été spécifié, le gouvernement cherche à recouvrer les sommes dépensées en soins de santé provinciaux en raison de la crise de surdoses, notamment celles associées au traitement de la toxicomanie, aux interventions d’urgence et aux dépenses hospitalières causées par «la négligence et la corruption» des entreprises pharmaceutiques. Il s’agit de la première fois qu’une province poursuit des entreprises pharmaceutiques pour la crise des opioïdes. Plusieurs autres provinces se sont depuis jointes à la poursuite, qui vise également des détaillants comme Shoppers Drug Mart (Pharmaprix au Québec) et le Groupe Jean Coutu, ainsi que des distributeurs et des grossistes. En septembre 2019, Purdue déclare faillite aux États-Unis en raison de poursuites semblables de la part de divers gouvernements américains. Purdue soutient que sa filiale canadienne est une entreprise distincte qui n’est pas directement touchée par les procédures aux États-Unis.