Bataille d'Angleterre | l'Encyclopédie Canadienne

Article

Bataille d'Angleterre

La bataille d’Angleterre (10 juillet au 31 octobre 1940) était la première bataille de la Deuxième Guerre mondiale menée en majeure partie dans les airs. Après près de quatre mois de combats angoissants, la Fighter Command de la Royal Air Force (RAF) réussit à empêcher la tentative de la force aérienne allemande de dominer le ciel au-dessus du sud et de l’est de l’Angleterre en vue d’une invasion prévue. Des centaines de Canadiens, faisant partie à la fois des équipages navigants et terrestres, ont participé à la bataille, la plupart comme membres de la RAF.
Hawker Hurricane
Spitfires

Antécédents de la bataille

Lorsque la Grande-Bretagne déclare la guerre à l’Allemagne le 3 septembre 1939, la RAF est encore en train de renforcer ses effectifs. Son objectif de bombardement de cibles allemandes avant la guerre cède peu à peu la place au besoin d’une défense active contre une attaque aérienne de la part de l’ennemi contre la Grande-Bretagne.


Les innovations technologiques, comme le radar, et une nouvelle génération de chasseurs monoplans (à une seule aile), le Hawker Hurricane et le Supermarine Spitfire, sont unies dans un système unique de commande et de contrôle sous l’autorité de la Fighter Command. Fournir assez de pilotes est problématique, mais un recrutement agressif, à la fois en Grande-Bretagne et dans les possessions reculées de l’Empire britannique, y compris au Canada, augmente de façon soutenue le nombre des effectifs.

À partir du milieu des années 1930, avec le soutien tacite du gouvernement fédéral à Ottawa et l’aide de l’Aviation royale canadienne (ARC), le Canada devient une bonne source de recrues pour la RAF, pour les postes de navigants aussi bien que pour les postes au sol. Le pays sort du chaos économique de la Crise des années 1930 et n’a qu’une petite force aérienne domestique. Donc, les Canadiens à la recherche d’aventure ou juste d’un poste stable en aviation sont de plus en plus nombreux à s’adresser à la RAF. De façon collective, ces Canadiens de la RAF sont appelés les CAN/RAF. On estime que plus de 1 800 d’entre eux ont servi au sein des services de l’aviation britannique au cours de la guerre.

242e Escadron

En octobre 1939, on forme le 242e Escadron (canadien) à l’intérieur de la RAF, surtout pour encourager un recrutement supplémentaire, mais aussi en tant qu’initiative de relations publiques. Commandé par le commandant d’aviation Fowler Gobeil, un pilote de l’ARC participant à un échange avec la RAF, tous les pilotes de l’escadron, à part un seul, et jusqu’à 40 % de son équipe au sol sont de la CAN/RAF. Ce sera le regroupement de Canadiens le plus grand dans les batailles aériennes à venir, jusqu’à l’arrivée du 1er Escadron de l’ARC en juin 1940.

À l’exception des batailles au-dessus de la Norvège, les combats entre la RAF et la Luftwaffe (la force aérienne allemande) est sporadique jusqu’au 10 mai 1940. Ce jour-là, l’invasion allemande des Pays-Bas, de la France et de la Belgique entraîne la RAF et la Luftwaffe dans un conflit violent. Lorsque la France tombe aux mains des Allemands le 22 juin 1940, les Britanniques ont perdu 1 029 aéronefs et 1 500 membres du personnel navigant, dont beaucoup sont Canadiens.

Mis peu à peu à la disposition de la France vers la fin de mai, le 242e Escadron est engagé de façon active au cours de cette période. Le 25 mai, le commandant d’aviation Gobeil gagne la première victoire aérienne de l’ARC. Quand l’escadron est retiré en Angleterre le 18 juin pour se reposer et se reconstituer, les grandes pertes et le remplacement subséquent des pilotes par du personnel britannique signifient que, en pratique, l’unité est « canadienne » que de nom.

1er Escadron (chasse)

Inquiet de la possibilité que la Grande-Bretagne perde la guerre, le 8 juin, le gouvernement canadien envoie sa seule unité équipée de Hurricanes, le 1er Escadron (chasse), en Angleterre. Le fait de devoir, avant son départ, amalgamer à l’escadron du personnel navigant et de sol du 115e Escadron « Ville de Montréal » pour lui donner la force nécessaire pour la guerre démontre à quel point l’ARC est petite en 1940.

Deux autres unités aériennes de l’ARC ont déjà été envoyées en Angleterre, les 110e et 112e Escadrons (Coopération avec l’armée). Bien qu’ils ne participent pas à la bataille d’Angleterre de façon active, ils servent de source de pilotes de remplacement. Arrivé en Angleterre les 20 et 21 juin, le 1er Escadron participe tout de suite à une période de formation intense pour l’amener au niveau des normes du combat.

Bataille

10 juillet au 11 août 1940

Pendant la première phase de la bataille, les deux côtés procèdent à renforcer leurs forces respectives et à comprendre la force de l’adversaire. La Luftwaffe concentre ses attaques sur la navigation dans la Manche, sur les ports côtiers et sur les positions de défense jugées comme une menace à l’invasion. Après beaucoup de consultations, le dirigeant allemand Adolf Hitler émet la Directive du Führer numéro 16 qui met en mouvement l’Opération Sea Lion (lion de mer), l’invasion prévue de l’Angleterre.

Lorsqu’elle en est capable, la RAF se précipite pour envoyer ses chasseurs pour intercepter les attaquants allemands, ce qui entraîne parfois de grands engagements aériens et l’accroissement du nombre de victimes des deux côtés. Le sous-lieutenant d’aviation Duncan Hewitt, un membre du 501e Escadron de la RAF âgé de 20 ans, de Saint John, au Nouveau-Brunswick, est le premier Canadien mort au combat lorsqu’il meurt en interceptant un aéronef allemand, le 12 juillet. Deux autres membres aviateurs de la CAN/RAF sont tués pendant cette phase de la bataille.

Pendant ce temps, le 1er Escadron (ARC), ainsi désigné pour éviter la confusion avec le 1er Escadron de la RAF, poursuit sa formation à la station Croydon de la RAF, au sud de Londres. Cet escadron s’engagera à la guerre le 27 juin, pendant un bombardement ennemi.

12 au 23 août 1940

En août, la Luftwaffe lance de grandes attaques agressives contre les terrains d’aviation de la RAF, cherchant à détruire celle-ci soit au sol, soit en combat aérien. Le sous-lieutenant Robert Beley, 20 ans, de Rossland, en Colombie-Britannique, est le premier Canadien qui meurt pendant cette phase lorsque son chasseur Hurricane est abattu au-dessus de la Manche, le 12 août, par un chasseur allemand Messerschmitt 109. Deux autres Canadiens qui volent avec les escadrons de la RAF sont tués au cours de cette période.

À la mi-août, le commandant du 1er Escadron (ARC), le commandant d’aviation Ernest McNab, en pilotant au sein du 111e Escadron de la RAF pour acquérir de l’expérience, abat un aéronef allemand. Quelques jours plus tard, son propre escadron est déclaré opérationnel et transféré à la station Northolt de la RAF, au nord-ouest de Londres. Presque tout de suite après son arrivée, l’escadron est envoyé dans les airs pour effectuer une patrouille.

Pendant cette phase, les engagements impliquent souvent des centaines d’aéronefs. Le combat atteint son point ultime le 18 août, lorsque la Luftwaffe perd 71 aéronefs, endommagés ou détruits, comparés à 70 du côté britannique.

24 août au 6 septembre 1940

Des évaluations erronées des pertes subies par la RAF font croire à la Luftwaffe qu’elle gagne la bataille. Elle redouble les efforts pour détruire la RAF, concentrant ses attaques sur le sud-est de l’Angleterre, car c’est le site le plus probable pour une invasion allemande par mer.

Le 1er Escadron (ARC) n’a pas encore réussi à attaquer l’ennemi avec succès. Ensuite, le 24 août, les Canadiens interceptent ce qu’ils croient être trois aéronefs allemands, mais ce sont en fait des bombardiers Blenheim de la RAF. Deux des aéronefs britanniques sont abattus et l’équipage de l’un d’eux est tué lors de l’écrasement.

Deux jours plus tard, l’escadron canadien ne commet pas d’erreur lorsqu’il s’engage contre des aéronefs allemands au-dessus du sud de l’Angleterre, abattant trois d’entre eux et en endommageant trois autres. Trois chasseurs Hurricane canadiens sont abattus et le lieutenant d’aviation Robert Edwards, 28 ans, de Cobourg, en Ontario, devient le premier des trois membres de l’escadron tués au combat pendant la bataille. Trois autres pilotes de la CAN/RAF sont tués pendant cette phase.

Parfois envoyés dans les airs deux ou trois fois par jour, le rythme est tortueux à la fois pour les hommes et les aéronefs. Les héros méconnus de cette phase et du reste de la bataille sont les équipes au sol qui œuvrent sans relâche pour effectuer l’approvisionnement en carburant et en armes, et pour entretenir assez de Hurricanes pour que les Canadiens puissent continuer à combattre. Les efforts de ces hommes sont peu reconnus, mais deux sergents de section responsables des équipes d’entretien du 1er Escadron (ARC), Cecil Gale et John Burdes, reçoivent une citation dans l’ordre du jour et une Médaille de l’Empire britannique, respectivement.

7 septembre au 31 octobre 1940

Au cours de la dernière phase de la bataille, la concentration principale des attaques allemandes se déplace vers Londres et vers d’autres centres urbains. L’ampleur et la férocité des attaques continuent d’augmenter, culminant en deux grands assauts aériens le 15 septembre; les deux sont vaincus de façon décisive par la RAF. Jusqu’à 80 aéronefs de la Luftwaffe sont détruits ou endommagés. Le haut commandement allemand, ayant cru que la RAF était au bord de la défaite, est choqué et ne sait pas quoi penser de la perte d’un si grand nombre d’aéronefs.

Après avoir bien réévalué plusieurs facteurs, l’Allemagne décide, le 17 septembre, de remettre indéfiniment l’Opération Sea Lion. En fait, le lion de mer ne débarque jamais. Les équipages aériens alliés qui se battent dans la bataille d’Angleterre sauvent l’Angleterre de l’invasion.

Deux autres membres du 1er Escadron (ARC) sont tués pendant cette période. Lorsqu’elle est retirée du combat, le 9 octobre, l’unité est responsable de la destruction de 30 aéronefs ennemis et de huit autres qui sont sans doute perdus. Onze Canadiens en service dans la RAF perdent aussi la vie pendant cette phase. Le dernier Canadien qui meurt pendant la bataille est le lieutenant d’aviation George McAvity, 29 ans, de Little River, au Nouveau-Brunswick, qui est tué lorsque son Hurricane s’écrase le 19 octobre pendant un vol d’entraînement.

Bataille d’Angleterre aujourd’hui

On estime que l’aviation britannique a perdu plus de 1 000 aéronefs dans la bataille, comparé à environ 1 900 détruits du côté allemand. Le monument de la bataille d’Angleterre à Londres compte le nom des 2 937 aviateurs venant de 15 pays qui ont piloté des aéronefs pour l’Angleterre. De ces pilotes, 544 ont été tués. La Luftwaffe a perdu environ 2 600 hommes, y compris ceux qui ont été tués dans les bombardiers allemands, étant donné leurs grands équipages.

On estime que plus de 100 pilotes canadiens ont participé à la bataille, mais le nombre exact est difficile à déterminer à cause de l’ambiguïté concernant la citoyenneté de bon nombre d’entre eux. Au fait, à cette époque, les Canadiens ne sont identifiés de façon légale que comme « sujets britanniques ». La plupart des sources officielles s’entendent pour dire que 23 Canadiens ont été tués au combat, avec beaucoup plus de blessés, surtout à cause de brûlures. Trois membres du 1er Escadron (ARC), y compris le commandant d’aviation Ernest McNab, ont reçu la Croix du service distingué dans l’Aviation en reconnaissance de leurs accomplissements.

Distinguished Flying Cross (DFC)
Canadian Prime Minister William Lyon Mackenzie King with British Prime Minister Winston Churchill, 1941

Le 15 août 1940, bien avant la fin de la bataille, le premier ministre britannique Winston Churchill rend hommage aux aviateurs qui survolent alors les cieux de l’Angleterre pour la Grande-Bretagne, affirmant dans un discours : « jamais, dans l’histoire des conflits humains, une dette n’aura-t-elle été si grande à l’endroit d’un si petit nombre ». On pense que le tournant dans la bataille a eu lieu presque quatre semaines plus tard, le 15 septembre 1940. Connu comme le Jour de la bataille d’Angleterre, on le fête le plus souvent le dimanche qui suit. C’est le jour où nous nous souvenons des équipages canadiens navigants et terrestres qui faisaient partie du « si petit nombre ».

Lecture supplémentaire