Voie maritime du Saint-Laurent | l'Encyclopédie Canadienne

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Voie maritime du Saint-Laurent

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Lors de la première pelletée de terre près de Cornwall, en Ontario, le 10 août 1954, il ne s'agissait pas tellement du début de la ​Voie maritime du Saint-Laurent, mais plutôt de la poursuite de rêves centenaires.

Les sentiments de Jacques Cartier et de Samuel de Champlain étaient partagés entre l'espoir et le désespoir alors qu'ils regardaient du côté des rapides à l'ouest de Montréal. S'imaginant que les richesses de la Chine se trouvaient tout près des rapides, les Français les nommèrent « La Chine ». En 1680, le père sulpicien Dollier de Casson fut le premier à suggérer la construction d'un petit canal pour contourner les rapides. Un dénommé Gideon de Catalogne creusa même un canal en 1700, mais il fit faillite alors qu'il n'était plus qu'à quelques centaines de mètres de la complétion.

En 1781, les Britanniques, se méfiant toujours des intentions des Américains le long de la frontière, firent venir un groupe de mineurs de la région de Cornouailles pour creuser quatre petits canaux le long du fleuve Saint-Laurent. Ces canaux peu profonds, en plus du premier canal de Lachine en 1825 et du canal de Cornwall en 1843, facilitèrent le passage des bateaux à largeur réduite du lac Ontario jusqu'à Montréal.

Au-delà du Saint-Laurent, le plus grand obstacle à la navigation des Grands Lacs était sans conteste le phénomène des chutes Niagara. Faisant preuve de beaucoup d'ingéniosité et d'ambition, le Haut Canada termina le premier canal Welland en novembre 1829. Quarante écluses hissaient ou abaissaient les vaisseaux marins sur une hauteur de quelque 91 mètres. Le canal Welland fut reconstruit en 1887 et encore une fois, à grande échelle, entre 1913 et 1932. Une fois que les plus gros bateaux des lacs pouvaient transporter des marchandises du lac Supérieur au lac Ontario, il devint évident que les canaux du Saint-Laurent créaient de véritables embouteillages.

En 1871, le nouveau gouvernement canadien entreprit de reconstruire tous les canaux existants afin de pouvoir recevoir de plus grands navires. Dans un projet dont l'envergure n'avait jamais encore été atteinte au Canada, tous les canaux et toutes les écluses furent agrandis pour atteindre 14 pieds (4,2 mètres) de profondeur. Ces canaux desservirent le Canada et les États-Unis jusqu'en 1950. Plusieurs lignes maritimes firent construire des navires de haute mer leur permettant d'utiliser les écluses de 14 pieds. Pour le commerce intérieur, une flotte d'environ 200 navires fut construite pour transporter les minerais et les céréales.

Bien que la construction du canal moderne vers 1950 soit citée à titre de très grande oeuvre de collaboration entre le Canada et les États-Unis, les Américains avaient participé au projet à contrecœur. Une forte opposition des ports atlantiques, de ceux du Texas, des intérêts du chemin de fer et d'autres se manifesta. Des lobbyistes réussirent à convaincre le Sénat américain de rejeter le plan du Canal en 1932.

Au Canada, il n'y avait aucun doute que les embouteillages dans le Saint-Laurent constituaient une entrave à la croissance économique, surtout après la découverte de riches gisements de minerai de fer au Labrador. En 1951, le premier ministre Louis St. Laurent réussit à tordre le bras du président Harry Truman en lui disant que le Canada était prêt à construire le Canal seul si les Américains ne voulaient pas participer au projet.

Une fois la construction entamée, les Américains se mirent à agir, tel que Lionel Chevrier l'a écrit, « comme s'ils devaient réaliser tout le projet par eux-mêmes ». Le président Eisenhower, qui avait dit à Chevrier au cours des négociations que ce serait dans les intérêts du Canada de devenir le « 49eétat », voulait contrôler seul la Section des rapides internationaux. Face à cette attitude, le premier ministre Pearson rétorqua que le Canada construirait son propre canal et ses propres écluses au même endroit que les Américains. Les États-Unis cessèrent leurs pressions. (En fin de compte, le Canada paya 75 % des coûts de la Voie maritime du Saint-Laurent.)

Le fait que la construction de la voie maritime se fit en seulement cinq ans fut un remarquable accomplissement en termes de génie et de construction. Quelque 500 ingénieurs et 22 000 ouvriers de la construction prirent moins de la moitié du temps consacré à la construction du Canal de Suez, qui ne comprend aucune écluse.

Parmi les défis à relever, les ingénieurs devaient trouver une solution aux ponts traversant le fleuve Saint-Laurent. Ceux de Cornwall furent tout simplement remplacés, tandis que le pont Jacques Cartier à Montréal fut lentement remonté de 15 mètres. Le vénérable pont Victoria ne put toutefois pas être remonté. Le CN, qui en était le propriétaire, refusa catégoriquement toute interruption de la circulation. En fin de compte, une solution astucieuse fut trouvée. Un prolongement de l'extrémité sud du pont permit de dévier la circulation de part et d'autre des écluses lorsqu'un navire passait.

Le 25 avril 1959, le premier navire à pénétrer dans l'écluse Saint-Lambert fut le d'Iberville, un brise-glace de la Garde côtière canadienne. Le yacht royal Britannia y entra le 26 juin avec à son bord sa majesté Élizabeth II et le président Eisenhower. Ils inaugurèrent officiellement la Voie maritime du Saint-Laurent ce jour-là.