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Relations internationales du Québec

Parmi les États non souverains que sont la Catalogne, les Landers allemands, l'Écosse et la Belgique francophone, il est difficile d'en trouver un qui ait développé ses relations internationales autant que le Québec.

Relations internationales du Québec

Parmi les États non souverains que sont la Catalogne, les Landers allemands, l'Écosse et la Belgique francophone, il est difficile d'en trouver un qui ait développé ses relations internationales autant que le Québec. La province entretient deux relations privilégiées; l'une est composée de liens étroits avec la France, l'autre, est celle, pragmatique et commerciale, qu'elle a avec les États-Unis.

Le contexte constitutionnel et politique

Les relations internationales sont rarement l'apanage des gouvernements provinciaux ou des États fédérés. Au Canada, la constitution n'est pas claire en ce qui concerne l'action internationale des provinces dans les domaines de leur compétence. L'Acte de l'AMÉRIQUE DU NORD BRITANNIQUE (AANB) de 1867 ne spécifie pas clairement les compétences en matière de politique étrangère. La Loi constitutionnelle de 1982, que le gouvernement du Québec a refusé d'entériner, ne règle pas non plus cette question. En 1937, avant que la Cour suprême ne devienne la dernière instance légale, le Comité judiciaire du Conseil privé de Londres décide que les provinces peuvent intervenir sur le plan international dans les domaines de leur compétence. Depuis 1937, ni les gouvernements provinciaux ni le gouvernement fédéral n'ont demandé à la Cour suprême de déterminer qui a compétence en matière de politique étrangère en vertu de la Constitution. Aussi, afin d'éviter des querelles légales, très peu de lois québécoises encadrent-elles ces actions internationales. Avant 1988, seulement trois lois concernant la politique internationale ont été édictées: la Loi concernant les agents ou délégués généraux de la province, la Loi concernant l'Office franco-québécois pour la jeunesse et la Loi assurant l'application de l'entente sur l'entraide judiciaire.

Il faut savoir par ailleurs que le gouvernement fédéral a toujours été hostile, particulièrement sous Pierre Elliott TRUDEAU, à l'action du Québec sur le plan international. Cette position du ministère des Affaires extérieures à Ottawa s'explique par trois raisons. La première est historique. Les actions internationales du Québec entraveraient, selon les dirigeants du service extérieur canadien, les efforts fédéraux, entrepris surtout à partir de 1945. Le service extérieur n'avait aucune envie de partager les pouvoirs qu'il avait si récemment arrachés au Colonial Office. La deuxième raison est d'ordre culturel: au cours des années 60, des Canadiens français parvenaient au sommet du Ministère des Affaires extérieures, sans réussir toutefois à convaincre le Québec qu'ils représentaient adéquatement leur province. Le troisième motif est bureaucratique: le ministère des Affaires extérieures ne voulait pas être contesté alors qu'il cherchait à affirmer son pouvoir face aux autres ministères du gouvernement fédéral.

Les débuts

À l'exception de quelques interventions menées à la fin du XIXe s. et restées sans suite, le Québec n'est devenu actif sur la scène internationale que dans la foulée de la RÉVOLUTION TRANQUILLE. La formulation d'une première politique internationale tient en deux discours que le ministre de l'Éducation, Paul GÉRIN-LAJOIE, prononce d'abord devant le corps consulaire à Montréal, le 12 avril 1965, puis devant des universitaires français, belges et suisses, le 22 avril 1965. Pour la première fois, un ministre québécois affirme, devant des représentants étrangers, la volonté du Québec de développer ses activités internationales sans le consentement ou la supervision du gouvernement fédéral. La doctrine juridique concernant les activités internationales du Québec tient en une expression qui résume ces discours: « le prolongement international des compétences internes du Québec ». Cette position, appelée doctrine Gérin-Lajoie, est formulée quatre ans après l'ouverture de la première délégation du Québec à Paris, en 1961.

En 1966, après la victoire de l'UNION NATIONALE, Daniel JOHNSON père, bien qu'ayant qualifié la politique internationale, lorsqu'il était dans l'opposition, de « dépenses fastueuses » découlant de la « politique de grandeur » de Lesage, poursuit dans cette voie. C'est aussi sous Johnson que la loi de 1967 donne naissance au ministère des Affaires intergouvernementales (MAI) qui remplace le ministère des Relations fédérales-provinciales. Le nouveau ministère se voit confier la responsabilité de concevoir une politique dans le domaine et de coordonner les activités extérieures du gouvernement, des ministères et organismes, aussi bien dans le domaine des relations fédérales-provinciales que dans le domaine international. On transfère alors la responsabilité des délégations du ministère de l'industrie et du Commerce vers le nouveau ministère. C'est seulement en 1974, que les activités internationales des ministères de l'Éducation et des Affaires culturelles sont à leur tour rapatriées au sein de ce ministère.

Il faut attendre 1988 pour qu'un ministère du gouvernement du Québec reçoive pour seul et unique mission de s'occuper des questions de politiques internationales. Cette année-là, le ministre Paul Gobeil dépose le projet de loi créant le ministère des Affaires internationales, qui doit parachever la construction de l'édifice institutionnel, en soulignant que personne n'a jamais contesté le principe du prolongement international des compétences internes émis par Gérin-Lajoie. Gobeil ajoute que le rôle international du Québec a été légitimé par diverses actions dont il donne trois exemples liés à la francophonie. D'abord, la représentation du Québec au sein de l'Agence de coopération culturelle et technique; ensuite la reconnaissance publique par le premier ministre du Canada, Brian MULRONEY, le 8 novembre 1984, de la légitimité des relations entre le Québec et la France; enfin, la conclusion d'un accord Ottawa-Québec permettant au premier ministre du Québec d'assister à la Conférence des chefs d'État de la francophonie. Cette construction est complétée par l'énoncé de politique intitulé « Le Québec et l'interdépendance, Le Monde pour horizon, Éléments d'une politique d'affaires internationales », rendu public le 19 septembre 1991. Cela ne devait guère durer. En diminuant le nombre de ministères lors de son passage à la tête de l'État québécois, Daniel JOHNSON Jr. fusionne ce nouveau ministère avec celui de l'Immigration et des communautés culturelles. Puis, en 1996, Lucien Bouchard aura deux ministres: le ministre d'État de l'Économie et des Finances se gardant le Commerce international et le ministre des Relations internationales étant responsable de la Francophonie.

La France et le général De Gaulle

Cette politique internationale rayonne parce que la France fournit à la politique extérieure du Québec un élément essentiel de son développement en agissant comme interlocuteur étatique national engagé dans une relation de nature officielle. À ce point de vue, De Gaulle fut d'ailleurs plus qu'un interlocuteur, il devança à maintes reprises les demandes du Québec. C'est grâce à l'intervention de la France qu'est créé le statut de « gouvernement participant » destiné à permettre au Québec d'agir comme État lors de la création de l'Agence de coopération culturelle et technique (ACCT) suite aux Conférences de Niamey I (1969) et II (1970). Pour la première fois, le gouvernement du Québec devient membre à part entière d'un organisme multilatéral. C'est ce qui va permettre ultérieurement la participation du Québec aux Sommets de la francophonie.

Longtemps après le départ de De Gaulle, la France continue d'apporter son soutien au Québec. Les présidents français successifs réitèrent l'appui de leur pays. La position de « non ingérence, mais non indifférence », adoptée depuis par les dirigeants français, traduit cette fidélité.

Libre-échange et commerce extérieur

En termes de choix stratégiques, les États-Unis demeurent le premier partenaire du Québec en tant que marché pour les exportations québécoises et la principale source d'investissements étrangers sur le territoire du Québec. C'est une des raisons pour lesquelles le gouvernement québécois a fait preuve de leadership lors de la signature des Accords de libre-échange, d'abord avec les États-Unis et ensuite avec le Mexique. Comme l'ensemble du Canada, le Québec devait aussi se prémunir contre le protectionnisme américain et éviter que le marché nord-américain se ferme à ses produits et services. Le gouvernement québécois estimait alors qu'au moins 285 000 emplois directs et indirects dépendaient des exportations de marchandises.

Par comparaison, la relation avec la France est peu importante économiquement pour le Québec qui exporte plus en Grande-Bretagne et en Allemagne. En effet, selon les chiffres de l'Institut de la statistique du Québec, en 1998, le Québec importait pour plus de 27 milliards de dollars des États-Unis alors qu'il exportait pour près de 48 milliards chez ses voisins du sud; le deuxième pays d'où il importe le plus est le Japon, précisément pour deux milliards et demi, tandis que, la même année, il vendait pour moins de un demi-milliard sur le marché nippon; la France est le 3e pays d'où le Québec importe le plus alors que pour les exportations celle-ci vient au 4e rang derrière le Royaume-Uni et l'Allemagne. En 1998, le Québec achetait en fait pour 2,238 millions à la France mais n'y vendait que 897 millions. Le Québec a toujours accordé une grande importance à ses relations internationales avec la France, en revanche, sur le plan commercial, c'est le lien avec les États-Unis qui compte. Le Mexique, 3e membre de l'Accord de libre-échange nord-américain (Alena), n'occupe que le 19e rang pour les exportations et le 7e pour les importations.

Les années 90

Le symbole le plus visible de l'importance pour le Québec de son rayonnement international est la création d'un réseau de DÉLÉGATIONS DU QUÉBEC autour du monde. Ce réseau connaît une certaine expansion jusqu'au moment où des coupures budgétaires entraînent la fermeture de plusieurs délégations, en 1996. Le gouvernement de Lucien Bouchard annonce alors que le Québec n'aura désormais plus que six bureaux à l'étranger, ses délégations générales de Paris, Bruxelles, Londres, New York, Tokyo, et Mexico. Cette politique étonne, surtout de la part d'un premier ministre qui fut ambassadeur et ministre fédéral et qui déclarait en 1991: « Mon expérience d'ambassadeur rejoint sans doute votre expérience de praticiens: pour faire affaires - en tout cas de bonnes affaires - sur le plan international, il faut entretenir des relations avec les gouvernements. Cela est évident quant il s'agit des pays où l'État est le canal obligé des transactions d'affaires (...) pays d'Afrique, d'Amérique latine, d'Europe de l'Est, Chine, URSS ». Dans les années 90, c'est donc moins l'hostilité du gouvernement fédéral que la politique internationale du gouvernement Bouchard qui a provoqué le recul du Québec sur la scène internationale. (Voir FRANCOPHONIE; FRANCE ET LE QUÉBEC, RELATIONS ENTRE LA.)