Nebenaigoching | l'Encyclopédie Canadienne

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Nebenaigoching

Nebenaigoching (aussi écrit Nebenaigooching, Unbenegooching ou Nabunagoging) ou Joseph Sayers, ogima (chef) anishinaabe (né autour de 1808 à Leech Island, sur le lac Supérieur, dans le Haut-Canada [Ontario]; décédé en 1899 sur la réserve de la Première nation de Garden River, en Ontario). Fils de l’ogima Waubejechauk (Wabechechacke) et de Julia Sayer, Nebenaigoching est le chef héréditaire du clan de la Grue. Défenseur des droits anishinaabeg (voir Ojibwé), il est également l’un des signataires du traité Robinson-Huron (voir Traités autochtones au Canada).

« Chefs autochtones chippewas à Montréal. »

Nebenaigoching (Nabunagoging), Shingwaukonse (Chingwackonce) et Menissinowenninne.

Jeunesse

Tout comme pour bien des membres des Premières nations ayant vécu au 19e siècle, on en sait très peu sur les premières années de vie de Nebenaigoching. Son père, Waubejechauk, membre du clan de la Grue, est le chef héréditaire de la région de Bawating (mot qui signifie « lieu des rapides ») (voir Sault Ste. Marie), mais il meurt au combat aux côtés des Britanniques pendant la Guerre de 1812. Le 29 juin 1819, probablement dans le but d’éviter des conflits pour la succession au poste de chef, les Britanniques confèrent à « un garçon de huit ans [il avait environ onze ans à l’époque] [...] le titre et les distinctions appartenant à son défunt père ». La mère de Nebenaigoching, Julia Sayers, fait quant à elle partie de la communauté métisse de Sault Ste. Marie. Elle est la fille d’un célèbre commerçant de fourrures, Jean-Baptiste Perrault.

Nebenaigoching aurait grandi dans la région de Bawating, parmi ses proches anishinaabeg (voir Ojibwé) et métis. Aussi connu sous le nom de Joseph Sayers, un nom qu’il hérite de la famille de sa mère, il travaille dans la traite de fourrures dans la région de Fond du Lac, à l’extrémité ouest du lac Supérieur, avec sa famille maternelle et ses proches métis jusque dans les années 1830.

Bien que les archives ne soient pas très claires à ce propos, Nebenaigoching aurait entretenu une relation avec Annie Shingwauk, la fille de Shingwaukonse (voir Shinguacöuse) : certaines sources historiques avancent que Shingwaukonse était le beau-père de Nebenaigoching. Quoi qu’il en soit, en août 1832, le jeune homme épouse Marie O’Conner, une femme métisse, lors d’un mariage catholique romain tenu à Sault Ste. Marie, au Michigan. Deux ans plus tard, en 1834, il achète un petit lopin de terre clôturé d’environ 10 000 m2, dont une bordure étroite longe la rivière St. Marys, en Ontario. Il y bâtit une petite maison en bois et des dépendances et y cultive quelques plantes.

Activités militantes et engagement communautaire

Des années 1830 à son décès en 1899, Nebenaigoching agit à titre de chef héréditaire du clan de la Grue, dans le Sault britannique, et défend les droits métis et anishinaabeg (voir Ojibwé) dans la région de Bawating (Sault Ste. Marie).

Les premiers efforts attestés de Nebenaigoching quant à la défense des droits métis et catholiques sont déployés à Bawating entre 1832 et 1838 : l’homme cherche à défendre les droits des Premières nations et des Métis, et ce, malgré que le gouvernement colonial du 19e siècle n’ait aucune intention d’appuyer les droits métis. William McMurray, missionnaire anglican récemment établi sur le domaine Ermatinger au cœur de la communauté métisse, réclame l’expulsion des Métis. Il les accuse, ainsi que Nebenaigoching, de saboter sa mission en vendant de l’alcool aux peuples des Premières nations et en participant à des activités de contrebande entre les États-Unis et le Haut-Canada. Il décide donc d’envoyer les Métis catholiques à St. Joseph’s Island, une décision appuyée par le capitaine Thomas G. Anderson, agent des Indiens britannique. (Les « agents des Indiens » sont des représentants du gouvernement britannique, puis canadien, sur les réserves des Premières nations, des années 1830 aux années 1960). Il en vient également à détruire une chapelle catholique en construction. Finalement, en 1835, avec le capitaine, il destitue Nebenaigoching en tant que chef principal puisque ce dernier milite pour les droits territoriaux et de culte des Métis. Bien que « destitué » par les autorités britanniques, Nebenaigoching demeure le chef reconnu du Sault britannique, aux côtés du nouveau chef officiel, Shingwaukonse. Le départ de William McMurray en 1838 soulage temporairement la pression de relocalisation qui pèse sur les catholiques.

Traité Robinson-Huron, 1850

En tant que chef, Nebenaigoching concentre ses efforts, pendant les années 1840 et 1850, sur la signature d’un traité visant à protéger les droits et les terres anishinaabeg (voir Ojibwé) et métisses. La nécessité d’établir un traité est mise en évidence par les efforts du Canada-Ouest (le nom donné à cette région entre 1841 et 1867) pour avoir accès aux ressources minérales des lacs Supérieur et Huron sans signer de traité. Nebenaigoching, avec son allié et ami Shingwaukonse, résiste à l’arpentage du Sault mené par Alexander Vidal en 1846. Ensemble, ils déposent une pétition en 1847, selon laquelle ils refusent d’être expulsés de leurs terres et envoyés à l’île Manitoulin. Ils se rendent ensuite à Montréal en 1849, où ils rencontrent le gouverneur général, lord Elgin, pour discuter de la nécessité d’un traité. La même année, exerçant leur droit de déterminer qui peut avoir accès à leurs terres et à leurs ressources et en profiter, Nebenaigoching et Shingwaukonse louent bon nombre d’îles et de terres à Alexander Macdonell, spéculateur minier et avocat. Grand sympathisant des revendications pour les droits et les territoires autochtones, ce dernier est en faveur de l’expansion économique du Canada-Ouest. Pour lui, les revendications et les ambitions anishinaabeg sont essentielles au succès de l’état colonial.

Les efforts de négociation pacifique de Nebenaigoching et de Shingwaukonse prennent fin en novembre 1849 lorsque, avec de nombreux militants métis et anishinaabeg, ils expulsent des mineurs de Mica Bay (une baie située sur les rives du lac Supérieur). La mine de Mica Bay, créée par la Quebec and Lake Superior Mining Association (aussi connue sous le nom de Quebec Mining Company), est fondée sur un permis d’exploitation minière illégal émis par le Canada-Ouest : contrairement à ce qu’exige la Proclamation royale de 1763, la terre n’a ni été cédée ni été louée à la Couronne par les Anishinaabeg. Après l’incident de Mica Bay, Nebenaigoching et d’autres leaders se rendent rapidement aux autorités. L’homme est alors saisi et envoyé à Toronto pour subir un procès. Tout comme Shingwaukonse, il est libéré lorsque le juge sir John B. Robinson déclare illégales les arrestations. L’incident de Mica Bay devient un point marquant de l’histoire et force le Canada-Ouest à entamer des négociations de traité avec les groupes autochtones locaux en août et en septembre 1850.

Pendant les négociations du traité Robinson-Huron de 1850, Nebenaigoching insiste sur la sûreté immobilière, l’accès aux ressources et l’inclusion des Métis. Bien que ses efforts ne lui permettent pas d’inclure spécifiquement les Métis dans le traité, ni d’augmenter leur annuité, ni d’obtenir une protection de l’accès aux minéraux, il réussit tout de même à conserver Whitefish Island, sur la rivière St. Marys, comme campement de pêche pour son peuple et à créer une grande réserve sur Batchawana Bay.

Après la signature du traité de 1850, Nebenaigoching concentre ses efforts sur l’application des clauses du traité, le développement économique et la protection des terres et des droits. Par exemple, en 1851, il demande à l’agent des Indiens Georges Ironside Jr. 100 lb de fil de pêche pour créer des filets.

Fin de vie

En 1857, le gouvernement fédéral cherche à se faire céder davantage de terres au nom des spéculateurs miniers et des marchands de poisson et de bois. Nebenaigoching, qui s’oppose à cette augmentation du nombre de cessions, voit alors son statut de chef menacé par les actions des représentants du gouvernement, comme Joseph Wilson, agent des terres de la Couronne. Plus tard, en 1859, il en vient à signer le traité Pennefather, selon lequel il cède la majorité de la réserve de Batchewana créée en 1850. Toutefois, le traité prévoit aussi que son peuple intègre à sa réserve quelques terres et campements de pêche, et William Gibbard, inspecteur des pêches, fait une promesse à propos des droits de pêche. Une fois le traité signé, cependant, William Gibbard et le gouvernement ne tiennent pas leurs promesses.

Après la cession critiquée de la réserve de Batchawana Bay en 1859, Nebenaigoching et sa bande s’installent sur la réserve de la Première nation de Garden River où, malgré des promesses de partage équitable, ils sont peu à peu exclus de l’accès aux ressources. Après le déménagement en 1859, la bande de Nebenaigoching conserve son chef, son conseil de bande et son propre compte de bande et continue de recevoir ses annuités de traité. Avec l’augmentation des populations des bandes de Garden River et de Batchewana, cette dernière a un besoin croissant pour sa propre assise territoriale. De plus, des débats entre les membres de la bande à savoir qui, de Nebenaigoching ou Shingwaukonse, était le dernier chef héréditaire principal du Sault, contribuent également à un sentiment de division. Ces conditions amènent ainsi le conseil de bande de Batchewana à acheter un site minier de la Rankin Mining Company à l’est de Sault Ste. Marie en 1939. En 1952, ces terres sont officiellement reconnues comme la réserve Rankin 15D.

Nebenaigoching considère comme très important l’accès à l’éducation pour les générations futures. Ainsi, en 1874, il travaille avec Edward F. Wilson, fondateur de Shingwauk Home, pour créer un « wigwam d’enseignement » à Batchawana Bay.

En 1875, Nebenaigoching et les fils de Shingwaukonse, Ogista et Buhkwujjenene, demandent au gouvernement d’abolir l’Acte pourvoyant à l’émancipation graduelle de 1869 (voirLes femmes autochtones et le droit de vote), qui émancipe les femmes indiennes inscrites (voirLoi sur les Indiens) ayant épousé des Canadiens d’origine européenne. Cette loi vise à émanciper les femmes qui se marient à l’extérieur de leur communauté autochtone, à faciliter l’émancipation des membres masculins de la bande, à imposer une quantité minimale de sang indien, à permettre l’imposition d’un système de gouvernance occidental et à permettre aux Indiens inscrits d’acquérir une part de terres de réserve tout en imposant le patriarcat occidental sur les communautés. C’est à ces tentatives d’amoindrir les droits des femmes et la souveraineté anishinaabe que Nebenaigoching décide de s’opposer. Les efforts de Nebenaigoching et d’autres leaders pour la lutte contre l’émancipation des femmes, la possibilité de gérer leurs critères d’appartenance et la prise en main d’autres problèmes sont infructueux à court terme. Cependant, à long terme, leurs efforts pour l’obtention de terres de réserve garantissent une assise territoriale à leurs communautés.

Dans les années 1880, Nebenaigoching milite pour la protection des terres. En 1882, par exemple, il conteste l’arpentage mal réalisé de la réserve de Batchewana (cédée en 1859). L’année suivante, avec Ogista, chef de Garden River, il s’oppose à la saisie de terres par le spéculateur minier Arthur Rankin. Il continue ainsi de résister aux politiques foncières du gouvernement et au fait que ce dernier dépense l’argent des comptes de capital des bandes. Quoique n’ayant pas pu empêcher la saisie de la majorité des terres en 1883-1884, Garden River réussira finalement à régler ce dossier avec l’Ontario et le Canada en 2019.

Nebenaigoching milite également pour les droits des autres nations autochtones. Tout au long de la deuxième moitié du 19e siècle, lui et d’autres leaders du Sault s’opposent aux efforts gouvernementaux visant à retirer des listes d’annuité ceux étant considérés comme des membres des Métis ou des Premières nations américaines, dans les bandes de Batchewana et de Garden River. Lorsque la province de l’Ontario cherche à réduire les listes d’appartenance à une bande au début des années 1890, Nebenaigoching refuse de collaborer avec l’enquêteur E. B. Borron. Cette opposition limite ainsi les efforts peu scrupuleux de la province de retirer les Métis et certaines autres personnes des listes de bande afin de réduire les obligations financières des provinces par rapport aux annuités prévues dans le traité Robinson-Huron de 1850.

Héritage

Nebenaigoching est aujourd’hui connu comme un puissant chef de la région de Sault Ste. Marie ayant joué un rôle clé dans la défense des droits métis et anishinaabeg (ojibwés). Il est l’un des fondateurs de la réserve de la Première nation Batchewana et l’un des signataires du traité Robinson-Huron de 1850. Il joue également un rôle important d’unification des intérêts anishinaabeg et métis de la région de Bawating. Par exemple, ses efforts et ceux de Shingwaukonse, qui visent à intégrer les Métis dans le traité Robinson-Huron de 1850, tout comme les propos énoncés par le commissaire aux traités de la Couronne, William B. Robinson, contribuent à la reconnaissance des droits de chasse des Métis lors de l’affaire Powley, en 2003.

À long terme, Nebenaigoching et d’autres leaders anishinaabeg ont su créer une assise pour la résistance contre les politiques coloniales canadiennes et ont permis une résurgence culturelle et politique à l’ère moderne. Le chef Nebenaigoching décède en janvier 1899. Il est enterré sur les terres de la Première nation de Garden River.