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General Idea

Le collectif d’artistes de renommée internationale General Idea (actif entre 1969 et 1994) est à l’origine d’un vaste ensemble d’œuvres multimédia de toutes natures.

Le collectif d’artistes de renommée internationale General Idea (actif entre 1969 et 1994) est à l’origine d’un vaste ensemble d’œuvres multimédia de toutes natures. On retrouve dans leur corpus des vidéos, des performances devant public, des œuvres écrites, des tableaux, des sculptures et des installations plastiques. Au cours de ses 25 années de travail collectif, General Idea a tenu 123 expositions en solo et a été incorporé à 149 expositions collectives. Il a fait des apparitions dans la sphère artistique internationale, notamment aux Biennales de Paris, Sydney, Sao Paulo et Venise, ainsi qu’à la Documenta de Kassel, en Allemagne. En 2011, le Musée des beaux-arts de l'Ontario a présenté une grande exposition rétrospective visant les 25 ans d’activité du groupe. L’exposition s’intitulait General Idea: Haute Culture.

La mise en place d’un collectif

Ronald Gabe, Slobodan Saia-Levy et Michael Tims se rencontrent à Toronto en 1969, au Théâtre Passe Muraille, installé alors dans les locaux du collège Rochdale. La rencontre survient lors des répétitions de la pièce Home Free de Lanford Wilson. Assez vite, voici qu’ils aménagent ensemble et se mettent à produire des objets d’art. Dans le but d’affermir leur nouvelle identité en tant que membres d’un collectif, les trois protagonistes adoptent des pseudonymes. Michael Tims, O.C. (né le 18 juin 1946 à Vancouver, en Colombie-Britannique) devient AA Bronson. Ron Gabe (né le 23 avril 1945 à Winnipeg, au Manitoba; décédé le 5 juin 1994 à Toronto, en Ontario) devient Felix Partz. Et Slobodan Saia-Levy (né le 28 janvier 1944 à Parma, en Italie; décédé le 3 février 1994 à Toronto, en Ontario) devient Jorge Zontal.

Leurs aptitudes sont multiples et diversifiées. Au milieu des années 1960, AA Bronson et Felix Partz étudient tous les deux à l’Université du Manitoba. Bronson étudie l’architecture, l’écriture et l’édition. Partz est aux beaux-arts. Jorge Zontal, qui a passé son enfance au Venezuela, étudie l’architecture, le théâtre et le cinéma à l’Université Dalhousie, à Halifax.

Bronson, Partz et Zontal ont chacun individuellement circulé dans l’avant-garde de la contre-culture du Toronto de la fin des années 1960. Vers 1969, les voici qui travaillent ensemble. Dès le départ, General Idea concentre son énergie créatrice sur une compréhension approfondie de la culture populaire. Le groupe s’intéresse à la façon dont l’artiste, le musée, les médias, le processus créatif, et l’auditoire entrent en interaction pour configurer la culture. Dans le but de procéder à l’exploration de ces phénomènes, General Idea crée des dispositifs de fiction narrative en forme de labyrinthes : Miss General Idea et le Pavillon Miss General Idea 1984. Il met aussi en place Le concours Miss General Idea 1971. Il s’agit d’un dispositif multimédia d’art et de performance incorporant initialement une dimension postale. Les membres du collectif postent des formulaires de candidature à 16 artistes nord-américains. Ces formulaires incluent des consignes et des règlements ainsi qu’une robe rétro, style 1940, de couleur marron, dénommée la Robe de Miss General Idea. Les 13 artistes ayant répondu à cette invitation postale, envoient chacun huit photographies d’eux-mêmes posant dans la robe marron en question, comme le ferait un mannequin. Il s’ensuit une spectaculaire remise de prix, avec tapis rouge, projecteurs de poursuite, limousines et performances musicales. La remise de prix a lieu dans le Walter Court du Musée des beaux-arts de l’Ontario. Le premier concours de beauté Miss General Idea est remporté par Marcel Dot, connu aussi sous son nom d’artiste : Michael Morris.

Entre 1970 et 1978, General Idea met en place des performances et des installations centrées ainsi sur la formule du concours de beauté, comme simulacre et commentaire critique sur le monde des arts. À l’approche de l’ultime concours de beauté, celui de 1984, General Idea décrète que son Pavillon Miss General Idea 1984 vient d’être dévoré par les flammes. Les membres du collectif se transforment alors en « archéologues » (1979-1987) fouillant les ruines du pavillon présumément incendié, à la recherche d’ « artéfacts ». De fait, la mise en scène de la destruction fictive de ce pavillon remonte aux origines du projet. Le vidéo intitulé Hot Property (1977­) contient déjà des segments filmés du désastre fictif et le commentaire vocal de ces images avance une série d’hypothèses éparses et de spéculations contradictoires sur ce qui serait la cause de cette catastrophe. S’agit-il d’un cas de combustion spontanée ou de pyromanie? Les œuvres du collectif General Idea se concentrent désormais sur l’objet, et la performance disparaît en grande partie de leur œuvre. En 1982, par exemple, General Idea expose, à la Documenta 10 à Kassel, en Allemagne, une installation incorporant de la peinture et un travail sur papier. En 1984, les œuvres du collectif font l’objet d’une grande tournée rétrospective en Europe, à l’initiative du Kunsthalle Basel en Suisse et du Van Abbemueum Eindhoven aux Pays-Bas.

VIH/sida

Vers 1987, General Idea, recentre toute son attention artistique sur l’épidémie de sida. Se réappropriant le formalisme du tableau culte LOVE du peintre américain Robert Indiana (1967), General Idea crée le logo AIDS. Il lance ensuite une campagne d’information traitant de cette fameuse maladie qu’on n’ose pas encore nommer. Au cours des sept années suivantes (1987-1994), le collectif va diffuser internationalement une cinquantaine d’installations artistiques publiques temporaires. Des œuvres complémentaires vont ensuite suivre, comme les installations Une année d’AZT et Une journée d’AZT ainsi que la cruciale Fin de siècle, installation montrant trois faux blanchons immobilisés sur une grande surface de polystyrène représentant une fine banquise flottante. Les centaines de feuilles de polystyrène sont disposées de façon à avoir l’apparence de grands tessons de glace en train de se lézarder. Le tout fait allusivement référence à une œuvre du peintre romantique Caspar David Friedrich intitulée Le naufrage (la mer de glace) (1823-24). Se voulant un ultime autoportrait collectif, l’œuvre évoque symboliquement les trois artistes à la merci de forces qui s’avèrent en dernière instance incontrôlables.

Bien que Felix Partz et Jorge Zontal se sachent tous les deux séropositifs depuis plusieurs années, ils développent finalement le sida en 1993. Zontal et AA Bronson vont passer quelque temps à New York, puis ils reviennent à Toronto. Les trois artistes vont alors vivre ensemble jusqu’à ce que Zontal et Partz meurent, à quatre mois d’intervalle, en 1994. Le 29 janvier 1994, quelques jours avant la mort de Zontal, le collectif General Idea lui fête son 50e anniversaire avec une grande célébration à laquelle se présentent plus de 100 invités, dont certains débarquent pour l’occasion des quatre coins du monde. Par allusion au tableau de El Greco Le gentilhomme à la main sur la poitrine (1580), Zontal se présente à sa cérémonie d’anniversaire déguisé en aristocrate espagnol.

Autres activités et AA Bronson après General Idea

General Idea a aussi publié 26 numéros de la revue FILE Megazine (1972-1989). En 1974, le collectif fonde Art Metropole, un centre de publication et de distribution pour artistes à Toronto. AA Bronson travaille maintenant seul et il continue d’exposer sur la scène internationale. De 2004 à 2010, il est directeur de la librairie Printed Matter, Inc. à New York, qui incorpore un espace artistique. En 2005, il lance la Foire du livre d’art de New York. En 2009, il fonde et co-dirige l’institut pour les arts, la religion et la justice sociale du Union Theological Seminary de New York. En 2013, il devient le directeur fondateur de la Foire du livre d’art de Los Angeles.

En 2002, AA Bronson reçoit le Prix du Gouverneur général an arts visuels et en arts médiatiques. En 2008, il devient Officier de l’Ordre du Canada. En 2011, il est nommé Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres par Frédéric Mitterand, ministre de la Culture et des Communications de la République française.

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