Économie, réglementation de l' | l'Encyclopédie Canadienne

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Économie, réglementation de l'

La réglementation de l'économie, une des formes d'intervention de l'État, vise à influencer le comportement des entreprises et des particuliers du secteur privé.

Économie, réglementation de l'

La réglementation de l'économie, une des formes d'intervention de l'État, vise à influencer le comportement des entreprises et des particuliers du secteur privé. Tout comme les dépenses publiques, les taxes, la propriété de l'État, les prêts et les prêts garantis, les titres participatifs dans les entreprises privées et la persuasion, la réglementation consiste en général à « imposer des règlements, assortis de sanctions, pour modifier précisément le comportement économique des entreprises et des agents du secteur privé ». Autrement dit, la réglementation permet de limiter leur marge de manoeuvre dans certains domaines comme la tarification (tarifs d'avion, salaires minimums, certains produits agricoles, tarifs téléphoniques) ; l'offre (permis de radiodiffusion, certification professionnelle, quotas agricoles, accréditation de sociétés d'oléoducs reconnues « de commodité et de nécessité publiques ») ; le taux de rendement (services publics, sociétés de gazoducs) ; la divulgation de renseignements (prospectus liés aux placements, étiquette de composition du produit) ; la fabrication d'un produit (normes de rejet, d'hygiène et de sécurité au travail) ; les normes régissant les produits et les services (sécurité des jouets, salubrité des aliments, teneur canadienne des émissions radiotélévisées) et les conditions de service (conformité aux exigences du transporteur public ou refus de toute discrimination en matière d'embauche ou de vente de biens et de services).

Gouvernements

La réglementation de l'économie pratiquée par les gouvernements vise donc à maximiser l'affectation des ressources, à modifier la répartition des revenus et à réaliser des objectifs sociaux et culturels plus vastes. L'État peut, au nom de l'efficacité économique, envisager la réglementation des monopoles qui, en contrôlant le rendement et en augmentant les prix, peuvent réduire la production de biens et services à des niveaux socialement insuffisants. La réglementation peut également intervenir dans des situations où les coûts induits ne sont pas assumées par ceux qui en sont responsables. C'est le cas notamment du coût social de la pollution à grande échelle produite par les entreprises privées. Vu le caractère interdépendant de la gestion des ressources collectives, la réglementation étatique est nécessaire pour empêcher la surexploitation des ressources renouvelables (p. ex. les poissons, les baleines et les forêts) et la saturation des ondes de radiodiffusion.

L'État peut aussi imposer des règlements propres à favoriser une meilleure répartition des revenus en empêchant, en partie, l'accumulation des profits monopolistiques et certaines formes de discrimination tarifaire, lesquels avaient justifié la réglementation des chemins de fer au XIXe siècle et desSERVICES PUBLICS au début du XXe siècle. Cette réglementation a permis, en plus de lutter contre la discrimination, d'assurer des tarifs « justes et équitables » pour les consommateurs, termes qui figurent encore aujourd'hui dans la législation canadienne. De même, par le truchement de processus administratifs, la réglementation peut permettre à l'État de freiner les changements économiques et la répartition des revenus conformément à l'idée que la population, en général, éprouve une aversion pour le risque et que les variations parfois brusques du marché aboutissent à une répartition inégale des revenus. Enfin, la réglementation peut servir à octroyer des avantages à certains au détriment des autres.

Réglementation sociale et culturelle

Le gouvernement du Canada a souvent recours à la réglementation dans la poursuite de ses objectifs sociaux et culturels. C'est le cas notamment du développement du pays grâce à la mise en place d'infrastructures liées au transport (voir TRANSPORT, RÉGLEMENTATION DU), de la promotion de l'unité nationale et de l'identité culturelle à l'aide de règlements relatifs à la radiodiffusion et à la teneur canadienne (voir CONSEIL DE LA RADIODIFFUSION ET DES TÉLÉCOMMUNICATIONS CANADIENNES). On tente aussi de réduire la domination étrangère dans certains secteurs (p. ex. la radiodiffusion, les banques) en renforçant le contrôle intérieur des entreprises commerciales (voirNATIONALISME ÉCONOMIQUE).

D'ordinaire, on distingue deux formes de réglementation : directe et sociale. La réglementation directe vise à modifier aussi bien la structure des prix (taux, tarifs, frais) que les conditions d'entrée et de sortie, ou le niveau de production. Elle peut donc s'appliquer à une seule industrie ou à un ensemble d'industries : aviation commerciale, chemins de fer, télécommunications, certains produits agricoles, gazoducs, taxis (dans la majorité des villes) et radiodiffusion.

Quant à la réglementation sociale, elle s'attache d'habitude aux méthodes de production, aux caractéristiques d'un produit ou d'un service ou encore à la divulgation de renseignements. Elle touche en général une gamme étendue d'industries, même si son effet sur chacune varie énormément. Enfin, elle comprend des règlements édictés par le gouvernement dans les domaines suivants : protection de l'environnement, santé et sécurité, équité (droits de la personne, protection contre la fraude, la tromperie ou l'inexactitude), culture (contenu, langue), utilisation du sol et codes de construction.

La réglementation de l'économie au Canada est de plus en plus complexe puisque les gouvernements fédéral et provinciaux détiennent d'importants pouvoirs de réglementation dans les domaines précités comme dans bien d'autres : protection environnementale, ressources naturelles, commercialisation de produits agricoles, santé et sécurité au travail, droits de la personne, protection du consommateur, protection sanitaire, normes d'emploi et établissements financiers. Il faut bien préciser que le coût de la réglementation directe et sociale, dans les dépenses fédérales, provinciales et municipales, ne représente qu'une infime partie de ce que coûte cette réglementation à l'ensemble de l'économie. L'essentiel du coût total est assumé par les particuliers et les entreprises (et leurs consommateurs), qui doivent s'y conformer.

Le poids de la réglementation étatique a fait l'objet de nombreuses évaluations. Par exemple, certains chercheurs estiment que 29 p. 100 du PIB canadien de 1978, mesuré au coût des facteurs de production, est soumis à la réglementation directe. Pour les États-Unis, ce chiffre s'élève à 26 p. 100, même si ces estimations ne tiennent pas compte de la rigueur des contrôles qui peut varier énormément entre les deux pays. Selon d'autres estimations, 34 p. 100 des activités du secteur privé en 1980 relèvent de la « supervision ou réglementation étatique ». Il s'agit toutefois d'évaluations établies avant l'assouplissement des règlements, soit avant la déréglementation des transports (compagnies aériennes, transport ferroviaire et routier), des services financiers et de l'énergie (prix du pétrole et du gaz naturel et exportations) de 1985 à 1988. Dans les années 70, la réglementation fédérale se renforce tant au Canada qu'aux États-Unis. Des 140 lois fédérales adoptées à la fin de 1978 touchant la réglementation de l'économie au Canada, 25 le sont entre 1970 et 1978. De plus, 11 d'entre elles, après avoir été votées antérieurement, sont rétablies dans les années 70. Plus de nouvelles lois fédérales sont adoptées au cours de cette période que de 1940 à 1969. Ces lois concernent principalement la protection de l'environnement, la santé et la sécurité de même que la protection du consommateur. Cependant, après 1978, sous la pression en faveur des réformes réglementaires, cette tendance connaît un déclin très marqué.

Au cours de la dernière décennie, les initiatives en matière de réforme de la réglementation suivent deux voies. La première consiste d'une part en des études menées en grande partie par le gouvernement fédéral ou ses organismes et axées sur lePROCESSUS RÉGLEMENTAIRE(notamment, les études effectuées par laCOMMISSION DE RÉFORME DU DROITl'Institut de recherches en politiques publiques, leCONSEIL ÉCONOMIQUE DU CANADAet le Conseil canadien de la consommation). D'autre part, les enquêtes officielles comprennent celles du Conseil économique du Canada (Mandat sur la réglementation), du Groupe de travail parlementaire en matière de réforme de la réglementation (Comité Peterson) et de la Commission royale sur la gestion financière et l'imputabilité (Commission Lambert). En général, toutes ces études aboutissent aux recommandations suivantes : examen ex ante des règlements envisagés axé sur l'analyse coûts-bénéfices ; consultation antérieure accrue ; mise en place d'un calendrier des projets de réglementation ; examen ex post périodique des programmes de réglementation courants ; remplacement des appels interjetés auprès du Cabinet par des directives en matière de politique gouvernementale ; définition plus claire dans les lois et règlements des mandats de réglementation ; examen plus rigoureux des règlements existants et prévus par le corps législatif et meilleurs accès et financement des groupes de défense de l'intérêt public. Dans les années 80, le gouvernement fédéral adopte des mesures visant à scruter de plus près les nouvelles initiatives réglementaires, y compris le calendrier des programmes de réglementation. La deuxième voie, très indépendante de la première, regroupe une série de décisions prises par des organismes de réglementation ou de modifications apportées à la politique gouvernementale afin d'assouplir la réglementation directe de nombreuses industries.

C'est le cas de l'aviation commerciale dont la déréglementation progressive de 1977 à 1979 stimule la concurrence. Durant cette période, on assiste tout d'abord à l'élimination des restrictions en matière de capacité, ce qui permet à CP Air de mieux concurrencer Air Canada. D'ailleurs, en vertu de la Loi d'Air Canada de 1978, cette société d'État, qui a jusqu'en 1959 le monopole des vols transcontinentaux, tombe sous les dispositions législatives régissant les autres transporteurs ; puis, en 1973 et en particulier à la fin des années 70, les règlements touchant les vols affrétés intérieurs et internationaux font l'objet de profondes modifications favorisant le développement rapide des services de frètement ; ensuite, au début de 1978, l'Office national des transports du Canada (ONT) permet aux compagnies aériennes canadiennes d'offrir une gamme de tarifs réduits. À la suite des audiences tenues à la demande du ministre des Transports, l'ONT décide en mai 1984 d'accorder aux compagnies aériennes une liberté plus grande dans la détermination des tarifs et assouplit les restrictions concernant l'accès des transporteurs, nouveaux et existants, à de nouvelles destinations. Enfin, une nouvelle législation entrée en vigueur en 1988 supprime pratiquement toute la réglementation qui pesait sur les voyages aériens dans le Sud du Canada et modifie celle qui s'appliquait aux vols vers et en provenance du Nord du Canada.

Ce sont les changements technologiques qui donnent lieu, en partie, à l'assouplissement de la réglementation et à l'accroissement de la concurrence dans l'industrie des télécommunications. Ainsi, la technologie sape l'argument du monopole naturel avancé par le gouvernement pour réglementer le secteur de la téléphonie. Dans les années 70, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) commence à établir une distinction entre les dispositions monopolistiques afférentes aux services de transmission et l'approvisionnement en matériel terminal (appareil téléphonique de base, terminaux de traitement de données, etc.). Par suite des décisions prises au début des années 80 au sujet du raccordement des terminaux concernant Bell Canada et BC Tel, cette distinction permet aux abonnés de devenir propriétaire de leurs appareils téléphoniques et de bénéficier en matière de fourniture et d'entretien d'une concurrence accrue, largement renforcée en mai 1979 par une décision du CRTC en faveur de l'interconnexion des systèmes. Désormais, les clients de Télécommunications CNCP peuvent accéder directement à ses réseaux informatiques et à ses services d'appel sélectif. CNCP ne peut pas concurrencer directement les lignes à tarif unitaire, les services téléphoniques interurbains ou les services WATS, mais elle livre une rude concurrence dans les domaines de la transmission de données, des lignes privées et des services télex. La concurrence dans le secteur des services interurbains pourrait être plus forte si les coûts communs fixes découlant des tarifs interurbains par rapport aux tarifs locaux n'étaient pas aussi élevés. En août 1985, le CRTC se prononce contre la concurrence dans le domaine des services à tarif unitaire et des services interurbains, alors qu'une telle concurrence existe aux États-Unis.

Bien que le Canada n'ait pas connu une déréglementation aussi totale que celle des États-Unis, d'importants changements s'y sont cependant produits au cours des dernières années : la déréglementation des prix du transport des céréales en novembre 1983, suivie toutefois de la remise en vigueur de certains règlements en 1985 ; la libéralisation des prix du pétrole et la suppression, le 1er juin 1985, des contrôles exercés sur les contrats d'exportation à court terme ; la déréglementation des compagnies aériennes du Sud du Canada en 1988. En outre, de nombreuses réglementations directes font l'objet d'une libéralisation notable, comme le remplacement de la Loi sur l'examen de l'investissement étranger par la Loi concernant l'investissement au Canada en juin 1985, et la réduction, en 1986, des exigences en matière de contenu canadien des émissions de la télévision payante. Parallèlement, la portée de la réglementation s'étend dans certains cas, ce qui aboutit en 1983, par exemple, au renforcement de certains règlements concernant le contenu canadien de la radiodiffusion.

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