Donalda, Pauline | l'Encyclopédie Canadienne

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Donalda, Pauline

Pauline Donalda (née Lightstone). Soprano, professeure, administratrice (Montréal, 5 mars 1882 - 22 octobre 1970). D.Mus. h.c. (McGill) 1954.

Donalda, Pauline

Pauline Donalda (née Lightstone). Soprano, professeure, administratrice (Montréal, 5 mars 1882 - 22 octobre 1970). D.Mus. h.c. (McGill) 1954. Née de parents juifs originaires de Russie et de Pologne, dont le nom de Lichtenstein est changé en Lightstone, elle attire tôt l'attention grâce aux qualités de sa voix. À titre de boursière, elle étudie au Royal Victoria College avec Clara Lichtenstein. Elle souhaite se rendre en Europe mais son père exige d'abord une confirmation de son talent par des experts. À New York (1902), Walter Damrosch refuse de l'entendre mais le ténor français Thomas Salignac l'encourage vivement. La même année, une bourse de lord Strathcona lui permet de se rendre à Paris pour travailler la voix avec Edmond Duvernoy, la mise en scène avec Paul Lhérie, l'élocution avec Pierre Berton et l'italien avec Babette Rosen. Elle choisit le nom de théâtre Donalda en hommage à son bienfaiteur, sir Donald A. Smith devenu lord Strathcona. Elle chante pour Massenet dans l'espoir d'obtenir le rôle titre de Chérubin mais il est confié à Mary Garden. C'est néanmoins grâce à l'intervention de ce compositeur qu'elle débute à Nice, le 30 décembre 1904, dans le rôle de Manon, suivi de Marguerite, de Micaëla et de Mimi, autant de succès pour la jeune artiste. Leoncavallo était à Nice pour la création en France de son Chatterton et Donalda y tint le rôle de Jenny. Elle interprète aussi sous sa direction le rôle de Nedda dans I Pagliacci.

Carrière d'interprétation (1905-1922)

Engagée à Covent Garden à Londres, elle y débute le 24 mai 1905 dans le rôle de Micaëla aux côtés d'Emmy Destinn et de Charles Dalmorès, sous la direction d'André Messager. Le 28 juin suivant, elle tient le rôle de Ah-Joe lors de la création mondiale de L'Oracolo de Franco Leoni avec Dalmorès, Scotti et Vanni-Marcoux comme partenaires. Considérée comme l'émule de Melba, elle la remplace fréquemment, ce qui lui permet de chanter Mimi aux côtés d'Enrico Caruso. Son succès se poursuit dans les rôles de Juliette, de Zerlina et de Marguerite. Elle chante Marguerite dans la production de 1905 de Faust à Covent Garden et un de ses partenaires est le baryton français Paul Seveilhac qu'elle épouse à Londres en mai 1906. À l'automne 1905, elle chante Marguerite et Mimi au théâtre de la Monnaie de Bruxelles mais, sur le conseil du médecin, doit prendre un repos de six mois dans le sud de la France. De retour à Bruxelles en mars, elle chante Manon puis Elsa (Lohengrin et Eva (Die Meistersinger), se montrant tout aussi à l'aise dans ces rôles wagnériens.

Après la saison de 1906 à Londres, elle chante de nouveau à Bruxelles mais annule son contrat en payant un dédit afin d'accepter une offre de la Manhattan Opera Company d'Oscar Hammerstein. Avant de se rendre à New York, elle fait ses débuts professionnels canadiens aux côtés de son mari, le 16 novembre 1906, lors d'un récital triomphal à l'Aréna de Montréal. Elle débute à New York le 7 décembre dans Faust puis chante Carmen, Martha, Don Giovanni, La Traviata, Lohengrin et I Pagliacci au cours d'une saison prestigieuse qui réunit les noms de Melba, Calvé, Bonci, Ancona, Sammarco, Renaud, Gilibert, etc. Comme elle est épuisée à la suite d'une saison aussi remplie et que des offres du Metropolitan et du Teatro Colón de Buenos-Aires ne se concrétisent pas, elle obtient son congé de Hammerstein. Elle chante à Covent Garden pendant l'été 1907 et accepte une offre de l'Opéra-Comique de Paris où elle débute le 19 octobre dans Manon aux côtés de Salignac, Périer et Fugère, suivi de La Bohème et de La Traviata. Dans les années subséquentes, elle partage son temps entre l'opéra à Londres et Paris, et des tournées de concerts qui la conduisent en Europe centrale jusqu'en Russie (1910). Elle devient une interprète recherchée de l'oratorio et donne des concerts avec les grands musiciens de l'époque, dont Elman, Kreisler, Paderewski, Zimbalist, Kubelik, Casals, etc., sans compter des chefs d'orchestre comme Hans Richter et sir Landon Ronald.

Après un bref séjour au Canada au printemps 1910, elle ouvre la saison de Covent Garden, remplaçant au pied levé Luisa Tetrazzini dans La Traviata aux côtés de McCormack et Sammarco. Elle y revient pour la saison 1912, chantant le Page dans Les Huguenots et Nedda dans I Pagliacci avec son mari, devenu ténor, dans le rôle de Canio. En novembre 1913, elle chante le rôle titre de Carmen dans une version anglaise et obtient un immense succès, l'ayant travaillé avec une Carmen célèbre, Marie Roze. Elle le reprend en français à Nice en février 1914, tout comme La Bohème.

Elle se trouve au Canada en juillet, devant ensuite se rendre en Australie pour une tournée de concerts. Mais la Première Guerre mondiale éclate et la tournée est annulée. La chanteuse décide alors de demeurer au Canada et poursuit sa carrière au concert et même au music-hall, souvent au profit d'œuvres de guerre ou de charité. En 1915, elle organise à Montréal les Donalda Sunday Afternoon Concerts et chante à New York et à Boston. En 1916, elle chante le rôle de Nedda dans I Pagliacci au Princess Theatre de Montréal comme invitée du San Carlo Opera. Elle rentre en France en 1917 et, une fois divorcée, elle épouse en secondes noces le ténor danois Mischa Léon à Paris en juin 1918. La même année, elle chante avec lui à Nice Le Talisman de Balfe. Lors de la réouverture de Covent Garden en 1919, son nom paraît sur l'affiche; c'est sa dernière saison dans ce théâtre. Le 24 juillet, elle tient le rôle de Concepción lors de la création en Angleterre de L'Heure espagnole de Ravel, représentation saluée de 17 rappels.

Professeure et administratrice

Peu à peu, elle met un terme à sa carrière active pour se consacrer à l'enseignement et elle ouvre un studio à Paris en 1922. Membre de l'Association professionnelle des maîtres du chant français, elle dispense son enseignement à des centaines d'élèves jusqu'en 1937, année de son retour définitif à Montréal. Dans sa ville natale, elle ouvre un studio puis fonde en 1942 l'Opera Guild dont elle dirige les destinées jusqu'en 1969, présentant 29 opéras, dont plusieurs créations canadiennes, en 28 saisons. Elle n'en continue pas moins son enseignement, plusieurs de ses élèves faisant une carrière internationale, notamment Clarice Carson, Fernande Chiocchio, Mary Henderson, Eileen Law, Germain Lefebvre et Robert Savoie. Elle est nommée Officier de l'Ordre du Canada en 1967.

Appréciation

Au cours d'une carrière relativement brève, Pauline Donalda suscite partout l'enthousiasme, la critique lui reconnaissant une voix exceptionnelle au timbre très pur, une grande musicalité, une diction parfaite et une présence scénique incontestable. Ce n'est pourtant pas seulement à ces qualités que son nom doit d'être passé à la postérité, mais aussi à l'énergie inlassable qu'elle déploie dans la promotion à Montréal du spectacle lyrique et du talent des jeunes chanteurs canadiens. Une partie de ses documents personnels sont déposés à la Bibliothèque nationale du Canada. Sa musicothèque et quelque 200 lettres sont léguées à l'Université McGill.

Enregistrements

Elle enregistre neuf titres, notamment en 1914, un air de Manon jamais publié et, vers 1916 aux États-Unis, l'air des cartes de Carmen pour Emerson. Sept titres enregistrés à Londres pour G & T Predog, en 1907 et 1908, sont repiqués en 1967 sur étiquette Rococo (5255). Précédés d'une courte présentation par la cantatrice elle-même, ce sont : « Vedrai carino » (Don Giovanni), « Balatella » (Pagliacci), « Mi chiamano Mimi » (La Bohème), « Air des bijoux » (Faust), « Love's Way » (Tosti), « Who can tell me? » (Wynne), « Si mes vers avaient des ailes » (Hahn). D'autres repiquages peuvent être entendus sur Les Grandes Voix du Canada/Great Voices of Canada, vol 1 (Analekta AN 7801, 7803, 1993) et Opera Souvenirs (XXI-21 Records, 2002).

Écrits

Pauline Donalda, « A Jewish singer's career », Canadian Jewish Year Book, II (1940-1941).

Bibliographie

Richard NORTHCOTT, Covent Garden and the Royal Opera (Londres 1924).

The Record Collector, X (nov. 1956, consacré à Donalda).

John F. CONE, Oscar Hammerstein's Manhattan Opera (Norman, Okla 1966).

Irving GUTTMAN, « Pauline Donalda : a memorial tribute », OpCan, XI (déc. 1970).

Jules SALèS, Théâtre de la Monnaie (Bruxelles 1971).

Ruth C. BROTMAN, Pauline Donalda (Montréal 1975)

Eric McLEAN, « Singer got big break opposite Caruso », The Gazette (Montréal, 5 févr. 1989).

-« A Grand tradition : Pauline Donalda 1882-1970 », Opera Canada (aut. 1990).

Stanley FROST, « McGill's original prima donna : Pauline Donalda », McGill News, LXXI (été 1991).

Musiciennes de chez nous (Montréal 1955).

Musiciens canadiens (Lachine 1935).

Lecture supplémentaire