Curley Christian | l'Encyclopédie Canadienne

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Curley Christian

​Ethelbert « Curley » Christian était un ancien combattant de la Première Guerre mondiale, probablement né le 15 avril 1882 à Homestead, en Pennsylvanie, et mort le 15 mars 1954 à Toronto, en Ontario.

Douglas Christian, le fils de Curley et Cleo Christian (date inconnue), carnet de Curley Christian. Crédit photo: Sharon Williams et le Military Museums of Calgary.
Programme de concert, 22 août 1936, S.S. Duchess of Richmond, carnet de Curley Christian. Crédit photo: Sharon Williams et le Military Museums of Calgary.
Coupures de journal (1936), carnet de Curley Christian. . Crédit photo: Sharon Williams et le Military Museums of Calgary.
Coupures de journal (1936), carnet de Curley Christian. . Crédit photo: Sharon Williams et le Military Museums of Calgary.

Ethelbert « Curley » Christian était un ancien combattant de la Première Guerre mondiale, probablement né le 15 avril 1882 à Homestead, en Pennsylvanie, et mort le 15 mars 1954 à Toronto, en Ontario. Il se distingue par son service pendant la Première Guerre mondiale et par son activisme communautaire. Au cours de la bataille de la crête de Vimy, il subit plusieurs blessures qui le laisseront amputé de quatre membres. Avec sa femme, Cleopatra, et son équipe de soutien médical, il aide à jeter les bases d’un programme qui offrira plus tard, par les Forces canadiennes, de l’aide financière et sociale aux anciens combattants invalides. Ce programme est encore offert aujourd’hui par le gouvernement canadien.

Recherches sur Ethelbert « Curley » Christian

Il est difficile d’effectuer des recherches pour la biographie d’Ethelbert « Curley » Christian, car beaucoup des renseignements disponibles sont contradictoires. M. Christian indique souvent le prénom « Curley » dans les documents, alors que son prénom officiel à la naissance est Ethelbert. Les variations au sujet de la date et du lieu de sa naissance sont encore plus préoccupantes. Les documents militaires indiquent qu’il est né en 1882 à Homestead, en Pennsylvanie. Cependant, selon sa famille, il serait né en 1884 en Virginie. La raison précise de ces écarts n’est pas claire, mais il n’est pas hors du commun de trouver des renseignements divergents lorsqu’on effectue des recherches sur des personnes d’ascendance africaine qui ont vécu à cette époque. Une explication possible est que les registres ont été mal documentés par les autorités responsables. Par contre, il est aussi imaginable que les membres de la communauté noire ont délibérément obscurci leurs documents pour créer des alias et falsifier les registres afin d’échapper à la surveillance gouvernementale à cette époque de discrimination raciale.

Enfance

Selon les documents militaires, « Curley » Christian est né le 15 avril 1882 à Homestead, en Pennsylvanie. Selon la tradition familiale, il est élevé en tant que baptiste par ses parents, Emma Neibors et Daniel Christian, et grandit avec sa fratrie (Lizzie, James et Branch) en Pennsylvanie. Quand il est encore tout petit, sa mère le surnomme « Curley » (frisé) à cause de la texture de ses cheveux. Ce surnom l’accompagnera toute sa vie.

Il abandonne l’école vers l’âge de 15 ans. Les registres militaires indiquent que le jeune homme mesure 168 cm et qu’il est doté d’un physique solide.

Curley Christian peut être considéré « Nord-américain africain », terme qui désigne les Noirs nés entre 1850 et 1930 qui migrent entre le Canada et les États-Unis. Né aux États-Unis, Curley Christian a voyagé et travaillé dans les deux pays avant de s’établir en permanence au Canada. Selon sa famille, il est voyageur avide, reconnu pour ses déplacements le long des côtes nord et sud-américaines. Pendant ses voyages, il travaille en tant que chaîniste, cuisinier de bord et briqueteur, et s’engage sur un tramp à vapeur. Son travail sur le navire à vapeur l’amène en Alaska, où il traverse la frontière canadienne. Il aboutit à Selkirk, au Manitoba, lieu de son enrôlement dans les Forces canadiennes en 1915.

Service militaire

Curley Christian a 33 ans quand il s’enrôle dans le Corps expéditionnaire canadien (CEC) pendant la Première Guerre mondiale. Selon ses documents de recrutement, il s’enrôle à l’automne 1915 à Selkirk, au Manitoba, en tant que soldat du 108e bataillon (numéro d’identification du CEC : 721010). Après avoir été déployé en Europe, il est transféré au 78e bataillon, connu sous l’appellation « Winnipeg Grenadiers ». Sa mission la plus remarquable est la légendaire bataille de la crête de Vimy (avril 1917), pendant laquelle il subit des blessures traumatiques qui résultent en l’amputation de ses quatre membres.

Blessures traumatiques en combat

Pendant la bataille de la crête de Vimy, Curley Christian doit livrer des ravitaillements aux tranchées de la ligne de front. La livraison des ravitaillements est particulièrement dangereuse à Vimy, car les soldats sont vulnérables à l’artillerie et aux tireurs d’élite allemands. Tandis que les Canadiens se tapissent dans leurs tranchées sous l’escarpement, préparant l’attaque, les Allemands ont un avantage stratégique important, étant situés sur la crête au-dessus, avec une vue dégagée sur plusieurs kilomètres dans chaque direction.

Les archives militaires ne fournissent que les détails essentiels de ses blessures, précisant qu’il est blessé par un obus d’artillerie et que ses quatre membres doivent être amputés à cause de la gangrène. Par contre, les histoires de sa famille offrent plus de détails. Selon sa famille, Curley Christian, qui est à pied, propose à un conducteur de camion militaire de faire une course jusqu’au lieu de livraison; c’est une course qu’il gagnera. À l’insu de ses compagnons, il y a un bombardement d’obus sur le lieu de livraison après le départ du camion. Le soldat est enterré dans une tranchée, sous la terre et les débris.

Deux jours passent avant qu’on ne le retrouve, pris sous les débris. Quand les soldats l’atteignent enfin, ils mettent un miroir sous ses narines pour voir s’il respire encore. Il est en vie, mais à peine. Sa condition est très sérieuse. Ses compagnons tentent de le transporter en urgence, mais pendant le déplacement, des tirs d’artillerie ennemie tuent les brancardiers. Une autre équipe récupère le soldat blessé, qui, de façon incroyable, est toujours en vie, et l’amène au triage.

Ses bras et jambes étant très endommagés par un manque de circulation sanguine, il est en très mauvais état. Les médecins lui diagnostiquent la gangrène et décident que l’amputation constitue la seule option de traitement viable. Ses deux jambes sont amputées à environ 13 cm au-dessous du genou, tandis que son bras gauche est amputé à 12,7 cm au-dessous du coude et son bras droit à 10,2 cm au-dessous du coude. L’amputation des quatre membres est sans précédent à cette époque et est considérée comme très dangereuse.

Bien que certains médecins doutent que Curley Christian survive, il devient la première, c’est-à-dire la seule personne, à survivre à l’amputation des quatre membres pendant la Première Guerre mondiale. À la suite de ses chirurgies, il reçoit des soins en Europe jusqu’en 1917, puis retourne à Toronto pour être appareillé de prothèses et suivre un programme de réadaptation. Le navire qui le transporte dans les eaux périlleuses vers le Canada est un navire médical appelé Llandovery Castle. C’est ce même navire-hôpital qui est torpillé neuf mois plus tard par un U-boot et coule, amenant 234 médecins, infirmières et patients à leur mort. Seulement 24 patients survivent à l’attaque.

Histoire d’amour à l’hôpital

En 1918, Curley Christian est transféré à Euclid Hall, rue Jarvis, à Toronto, pour poursuivre sa réadaptation. Pendant son traitement, il fait la connaissance de Cleopatra (Cleo) McPherson, une aide-bénévole qui deviendra sa personne soignante et l’amour de sa vie. Cleopatra McPherson est une immigrante jamaïcaine née vers 1896. Curley Christian l’épouse le 11 décembre 1920. Le couple demeure à Toronto et aura un fils, Douglas Christian.

Récupération et activisme

Les complications causées par les amputations résultent en de longs séjours à l’hôpital pour Curley Christian et demandent des soins exigeants de la part de sa femme, Cleo. En plus de la pression de devoir s’ajuster à de telles blessures débilitantes, cela présente des défis financiers pour le couple. Cleo McPherson formule un plan en collaboration avec le directeur de l’hôpital. Les blessures de son mari nécessiteront une aide pendant toute la vie du patient; Cleo McPherson mettra donc en pratique ses habiletés d’aidante pour le soigner à la maison. Cela libérera l’hôpital du coût et des ressources en dotation qu’exigeraient les soins à l’hôpital. Le directeur de l’hôpital fait appel au gouvernement, qui finit par accorder une indemnité aux aidants à temps plein auprès des anciens combattants blessés pendant la guerre. Ce programme du gouvernement fédéral, l’allocation pour soins, est encore offert aux anciens combattants militaires souffrant d’incapacité qui ont besoin de soutien financier et médical pour vivre de façon autonome.

Curley Christian est un homme qui ne cède pas à ses défis médicaux. Selon les dires de sa famille, il est un penseur créatif, concevant des équipements qui lui permettent d’accomplir les tâches quotidiennes. Entre autres, il conçoit un accessoire prosthétique qui lui permet d’écrire et de rester actif dans la famille militaire. Il écrira des lettres aux autres amputés de guerre et aux anciens combattants, leur offrant conseils, soutien et motivation.

Visite du Mémorial de Vimy

En juillet 1936, Curley Christian et 6 200 autres anciens combattants, dont plusieurs sont aveugles, acceptent de visiter le Mémorial de Vimy, en France (voir Monuments). Un grand nombre des participants ont été aveuglés pendant la Première Guerre mondiale par les armes chimiques, en particulier par le chlore gazeux. Quand ces obus à gaz explosent, ils causent de sérieuses blessures aux poumons et la perte de la vue de beaucoup des militaires (en 1925, la plupart des pays impliqués dans la Première Guerre mondiale signent le Protocole de Genève, qui abolit l’utilisation de gaz mortels et des armes biologiques.)

Pendant le séjour à Vimy, Curley Christian et un groupe d’anciens combattants canadiens aveugles ont l’occasion de rencontrer le roi Édouard VIII. À l’époque, son interaction suscite une controverse : certains journaux rapportent que Curley Christian se serait approché du roi sans invitation, rompant ainsi avec l’étiquette. M. Christian répond avec indignation à cette critique, déclarant publiquement que le roi l’avait reconnu depuis une rencontre antérieure et que c’était lui qui s’est approché de M. Christian pour lui parler. Curley Christian conserve un album de coupures de journaux au sujet de la visite à Vimy, y compris plusieurs versions différentes de l’incident. L’impression générale de ces reportages est que le roi a gentiment rencontré un M. Christian très enthousiaste qui lui a présenté les anciens combattants aveugles.

Héritage

Curley Christian et Cleo McPherson forment un couple heureux jusqu’à la mort de Curley Christian, le 15 mars 1954, âgé d’environ 70 ans. Le service et le sacrifice d’Ethelbert « Curley » Christian sont inscrits au mur d’honneur au Musée militaire de Calgary, en Alberta, où son histoire fait partie de l’exposition. Son fils, Douglas Christian, poursuit la tradition militaire familiale en servant dans la Marine canadienne pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Ethelbert « Curley » Christian est enterré au Prospect Cemetery, une partie du cimetière Mount Pleasant, à Toronto. Sa pierre tombale se trouve dans la section désignée aux anciens combattants.