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Crazy Canucks

​En 1975, le skieur alpin Ken Read est le premier Nord-américain à remporter une épreuve de ski alpin en Coupe du monde.

En 1975, le skieur alpin Ken Read est le premier Nord-américain à remporter une épreuve de ski alpin en Coupe du monde. Pendant environ dix ans, Ken Read et trois autres jeunes Canadiens, Dave Irwin, Dave Murray et Steve Podborski, défient l’ordre établi du ski européen et changent le cours de l’histoire canadienne du ski de compétition. De 1974 à 1984, les quatre « Crazy Canucks » montent sur le podium à 39 reprises lors d’épreuves de la Coupe du monde (y compris sur la plus haute marche à 14 reprises), remportent un titre de la Coupe du monde de ski alpin et décrochent une médaille de bronze olympique. Leur succès est une source d’inspiration pour le programme national de ski et les générations futures de skieurs alpins.

[Note de la rédaction : Tout comme les quatre Crazy Canucks, les skieurs alpins Jim Hunter et Todd Brooker remportent un vif succès sur le circuit de la Coupe du monde dans les années 1970 et 1980. Bien que les deux soient souvent associés aux Crazy Canucks, leur histoire est racontée dans des articles distincts (l’article sur Jim Hunter sera disponible sous peu).]

Membres

« Il serait difficile de trouver groupe aux personnalités aussi disparates » (Steve Podborski, vers 1998).

Dave Murray, être solitaire et spirituel qui affectionne sa guitare, grandit sur les pentes du mont Whistler, en Colombie-Britannique.

Dave Irwin, skieur très compétitif surnommé « Thunder Thighs », apprend à skier à Loch Lomond, un domaine skiable fondé par son père, Bill, à Thunder Bay, en Ontario.

Steve Podborski, benjamin de l’équipe, a du cœur au ventre. Pendant sa jeunesse, il skie au Craigleith Ski Club, près de Collingwood, en Ontario.

Ken Read, doté d’une détermination à toute épreuve, commence à skier dans les montagnes situées en périphérie de Vancouver, puis se joint au Club de ski d’Ottawa, au Camp Fortune, lorsque sa famille déménage vers l’est.

Premières victoires internationales

À l’automne 1973, les deux Dave passent au circuit de la Coupe du monde, suivis de Ken Read et Sreve Podborski l’année suivante. Puis, le 7 décembre 1975, les Canucks signalent le début d’une nouvelle ère en ski alpin et bouleversent l’ordre établi européen. Cette journée-là, Ken Read remporte la première course de la Coupe du monde de ski alpin à Val-d’Isère, en France. Il est le premier homme nord-américain à monter sur la plus haute marche du podium lors d’une épreuve de la Coupe du monde de ski alpin.

Deux semaines plus tard, le 20 décembre 1975, Dave Irwin arrive premier sur le parcours de Planai à Schladming, en Autriche. C’est là que Franz Klammer, l’un des plus grands skieurs alpins de l’histoire, avait remporté sa toute première victoire en Coupe du monde de ski alpin en 1973. Or, en 1975, Dave Irwin devance le héros autrichien du ski et 52 des meilleurs compétiteurs au monde, remportant ainsi la deuxième victoire canadienne en ski alpin.

Par ailleurs, 25 ans plus tard, Franz Klammer se remémore : « Si cela n’avait été des Canadiens, j’aurais gagné plus de courses! » Les Canadiens sont dorénavant de sérieux concurrents.

Les Canucks apportent une nouvelle dynamique sur le circuit de la Coupe du monde. De l’avis des amateurs français, si l’un de leurs compatriotes ne peut remporter la victoire, aussi bien que ce soit un Canadien plutôt qu’un grand rival d’Autriche ou d’Italie.

Peu après s’être retiré du sport, Dave Murray formule l’observation suivante au sujet du phénomène : « Les Européens pouvaient encourager les Canadiens sans trahir leur nationalité. Les Autrichiens ne pouvaient pas encourager les Suisses et les Italiens ne pouvaient pas encourager les Allemands, mais ils pouvaient tous se rallier derrière nous. »

Des années plus tard, autour de 1996, Dave Irwin se souvient des foules de partisans qui les attendent après les courses : « Après les courses, nous étions connus pour le fait que nous restions à la ligne d’arrivée jusqu’à ce que tous aient reçu un autographe. Je me rappelle une fois où je signais des autographes en compagnie de Dave Murray à val Gardena [en Italie]. Alors qu’il ne restait qu’une dizaine de jeunes autour de nous, je me suis rendu compte que l’espace s’était vidé et que même la camionnette était partie. Après avoir signé les derniers autographes, nous avons dû marcher jusqu’à la route et faire de l’autostop pour retourner en ville. Cependant, tous les jeunes avaient reçu leur autographe. »

« Crazy Canucks »

Les journaux et les spectateurs parlent de leur courage téméraire sur les parcours dangereux et rapides, où ils se donnent à fond. Des articles à propos des « Canadiens kamikazes » font la manchette des pages sportives des journaux européens. Serge Lang, journaliste et cofondateur de la Coupe du monde de ski alpin, en 1966, évoque dans ses écrits l’audace et l’agressivité de ces jeunes compétiteurs canadiens.

À la suite d’une spectaculaire descente de Dave Irwin à Wengen, en Suisse, le 9 janvier 1976, Steve Lang est le premier à utiliser l’expression « Crazy Canuck ».

« J’ai glissé sur le côté, j’ai mis mes pieds à l’opposé, j’ai glissé de l’autre côté, je me suis collé les pieds sur les bales de foin, où j’ai skié sur 6 ou 9 m, j’ai remis un ski sur la neige, j’ai filé de l’autre côté de la piste, j’ai passé par-dessus un caméraman, pour finalement traverser la ligne d’arrivée. C’était spectaculaire à voir. J’ai terminé 18e. Monsieur Lang, un grand homme costaud, m’a regardé en hochant la tête et en s’exclamant “Crazy Canuck”. C’est la première fois que j’ai entendu ces mots » (Dave Irwin, vers 1996).

Toutefois, le lendemain, soit le 10 janvier 1976, Dave Irwin fait une chute dévastatrice sur le même parcours. Avant la deuxième course, il se classait parmi les meilleurs skieurs alpins du monde. Cependant, à l’issue de celle-ci, il peut s’estimer chanceux d’être encore en vie.

Dave Irwin chute au même endroit où Ken Read avait fait de même quelques instants auparavant. Ce dernier s’en tire indemne, mais Dave Irwin, qui filait à 120 km/h, se voit projeter dans les airs avant d’atterrir violemment sur le haut du dos. Il descend alors la piste en rebondissant jusqu’à ce que les filets protecteurs freinent sa glissade.

Toutes ses pièces d’équipement sont endommagées : ses skis, ses bâtons et son casque sont en morceaux. Le premier médecin à arriver à ses côtés est la Dre Courtney Brown, de l’équipe américaine de ski. Un hélicoptère arrive sur les lieux en quelques minutes. Courtney Brown l’accompagne au cours du vol de 13 minutes en direction de l’hôpital d’Interlaken. Les nouvelles sont mauvaises. Dave Irwin a subi une commotion cérébrale majeure, en plus d’avoir des côtes cassées et des coupures et des écorchures au visage, causées par le bris de ses lunettes. Pendant trois jours, il oscille entre la conscience et l’inconscience. Il est hospitalisé pendant une semaine. Trois semaines plus tard, il termine huitième aux Jeux olympiques d’hiver de 1976 à Innsbruck, en Autriche.

Au cours des deux saisons qui suivent, les Canucks doivent non seulement composer avec les blessures, mais aussi avec des problèmes d’équipement, l’arrivée de nouveaux entraîneurs, la pression des médias et les enjeux politiques (tant au pays que sur le circuit). Toutefois, ils poursuivent leur ascension avec détermination et courage. Le 11 février 1978, Ken Read termine premier, suivi de Dave Murray en seconde position, lors de la descente de Les Houches, en France. Il s’agit du premier doublé canadien de l’histoire.

Maîtres à Hahnenkamm

Pendant quatre années consécutives, de 1980 à 1983, des skieurs canadiens remportent la descente d’Hahnenkamm à Kitzbuehel, en Autriche (Ken Read en 1980, Steve Podborski en 1981 et 1982, et Todd Brooker en 1983). Les longues descentes à forte pente lui confèrent la réputation d’être le parcours le plus difficile au monde. La piste glacée exige une technique exceptionnelle.

Le journaliste sportif Brian Williams décrit pourquoi les Canucks affectionnent cette descente : « À Kitzbuehel, les Canucks aimaient le danger. Elle représente l’équivalent du Tournoi des Maîtres, ou encore du Kentucky Derby. C’est une grande course, la plus dangereuse en son genre. Exempte de la réglementation sur la sécurité, la piste est trop étroite, trop raide et trop glacée. Et les Canadiens adorent. C’est ce qui contribue à leur légende et à leur mystère. Les Européens raffolent du fait que les Canadiens semblent s’amuser sur un parcours qui effraie la plupart des Européens. »

Pour les skieurs alpins, une victoire à Hahnenkamm équivaut à remporter le Super Bowl. Les quatre victoires consécutives des Canadiens constituent tout un exploit.

Jeux olympiques d’hiver de 1980 à Lake Placid

À l’aube des Jeux olympiques d’hiver de 1980 à Lake Placid, les Canucks sont de sérieux aspirants au podium. Les Crazy Canucks sont dorénavant des sportifs d’expérience habitués à la pression des compétitions internationales.

Les Canadiens s’attendent à remporter une médaille en ski alpin. Ken Read est le favori, mais l’un ou l’autre des Canucks peut y aspirer. Ils doivent composer avec la pression de revenir au bercail avec une médaille.

Le jour de la course, la visibilité est réduite sur le sommet enneigé de Whiteface. Steve Podborski, 15e à s’élancer sur la piste, remporte la médaille de bronze. Il s’agit de la première médaille olympique canadienne en ski alpin. Il partage le podium avec deux Autrichiens : Leonard Stock (or) et Peter Wirnsberger (argent).

Champion en titre de la Coupe du monde de ski alpin et retraite

Le 6 mars 1982, les Crazy Canucks compétitionnent ensemble pour une dernière fois sur la Ruthie’s Run d’Ajax, à Aspen, au Colorado. Le même jour, Steve Podborski, alors âgé de 24 ans, devient le premier homme nord-américain à remporter un titre de la Coupe du monde de ski alpin.

Dave Murray et Dave Irwin prennent leur retraite du ski de compétition et passent à autre chose. Ken Read prend sa retraite l’année suivante, en 1983, suivi de Steve Podborski, en 1984. L’ère des Crazy Canucks prend alors fin.

Héritage sportif au Canada

Le style intrépide, la discipline, la motivation personnelle et la passion des Crazy Canucks se sont avérés un tournant pour le ski alpin masculin au Canada. De 1974 à 1984, les Canucks montent sur le podium à 39 reprises lors d’épreuves de la Coupe du monde (y compris sur la plus haute marche à 14 reprises), remportent un titre de la Coupe du monde de ski alpin et décrochent une médaille de bronze olympique. Leur succès est une source d’inspiration pour le programme national de ski et les générations futures de skieurs alpins.

Le 11 mars 1984, alors que Steve Podborski participe à sa dernière épreuve, à Whistler, en Colombie-Britannique, un autre Canadien, Rob Boyd, participe à sa première course en Coupe du monde. Cinq années plus tard, Rob Boyd devient, sur la même piste, le premier homme canadien à remporter une épreuve de la Coupe du monde en sol canadien.

Aux yeux des jeunes Canadiens, les Crazy Canucks démontrent qu’il est possible de battre les Européens. Ils sont une source d’inspiration pour ceux qui les ont suivis, notamment Chris Kent, Todd Brooker, Felix Belczyk et Edi Podivinsky.

Selon John Kucera, premier Canadien à remporter le Championnat du monde de ski alpin masculin en 2009, les skieurs alpins canadiens doivent beaucoup aux Canucks : « En observant ce qu’ont réalisé les Crazy Canucks pour offrir la notoriété à notre sport sur la scène internationale pendant les années 1970 et 1980, on se dit qu’ils sont probablement une des plus importantes raisons de nos accomplissements jusqu’à aujourd’hui » (John Kucera, 2013).

Remarque : La citation de David Murray est tirée de ses écrits personnels, gracieuseté de Stephanie Sloan. La citation de John Kucera est tirée du site Web de l’Institut canadien du sport - Calgary. Toutes les autres citations ont été obtenues par l’auteure au cours d’entrevues réalisées pour le livre The Crazy Canucks: Canada’s Legendary Ski Team (2008).

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