Charles Lightfoot Roman | l'Encyclopédie Canadienne

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Charles Lightfoot Roman

Charles Lightfoot Roman, M.D., C.M., chirurgien, auteur, chercheur, conférencier (né le 19 mai 1889 à Port Elgin, en Ontario; décédé le 8 juin 1961 à Valleyfield, au Québec). Charles Lightfoot Roman a été l’un des premiers Canadiens noirs à obtenir son diplôme de la Faculté de médecine de l’Université McGill et il est devenu un expert reconnu en médecine du travail. Il a également été parmi les premiers Canadiens noirs à s’enrôler pour le service militaire pendant la Première Guerre mondiale, et il a été le seul Noir connu à servir au sein de l’Hôpital général canadien no 3 (McGill). Charles Lightfoot Roman a probablement été aussi le premier Noir à devenir Grand Maître d’une loge maçonnique traditionnelle.

Charles Lightfoot Roman
Charles Lightfoot Roman. Date inconnue.
Dr Charles Victor Roman.
Charles Lightfoot Roman et Jessie Roman avec une amie
Charles Lightfoot (à gauche) et Jessie Roman (à droite), années 1940. Avec la permission de la famille Roman.
Charles Lightfoot Roman et son fils Charles
Charles Lightfoot Roman et son fils Charles

Origines familiales

Charles Lightfoot Roman est le petit-fils d’un homme asservi et fugitif, James William Roman, qui a quitté le Maryland et s’est rendu au Canada grâce au chemin de fer clandestin. James William Roman épouse Anne Walker McGuinn, la fille de personnes asservies en fuite. Pendant quelques années, le couple habite à Williamsport, en Pennsylvanie, où James William Roman est capitaine d’un bateau fluvial. Il transporte du bois sur la rivière Susquehanna jusqu’à la baie de Chesapeake, puis, en tant que parrain du chemin de fer clandestin, il retourne en amont avec des personnes réduites en esclavage en fuite cachées dans la cale du bateau.

Vers 1870, le couple retourne au Canada avec leurs enfants et la famille s’installe sur la ferme McGuinn à Burford, en Ontario. En 1876, la famille déménage à Dundas, toujours en Ontario. Là, James William Roman et un de ses fils également prénommé James (le père de Charles Lightfoot Roman) vendent des balais à la filature de coton locale et aux habitants de la ville. Un autre fils, Charles Victor, commence à travailler à la filature à l’âge de 12 ans. Alors qu’il a 17 ans, Charles Victor Roman est victime d’un tragique accident à la filature qui entraîne l’amputation de sa jambe droite. Il déménage éventuellement aux États-Unis où il devient un médecin et un chirurgien très respecté, et il se spécialise en ophtalmologie et en oto-rhino-laryngologie.

Le père de Charles Lightfoot Roman, James, est également dans la vingtaine lorsqu’il quitte la région de Hamilton. Il déménage à Port Elgin, une ville portuaire qui est alors en plein essor sur les rives du lac Huron, où il se trouve un emploi à l’usine locale de balais.

Jeunesse

James Williams Roman retourne brièvement à Dundas en Ontario, pour épouser Fannie Lightfoot, le 1er mai 1888. Il l’emmène ensuite vivre à Port Elgin. Un an plus tard, le 19 mai 1889, Fannie donne naissance à un fils, Charles Ferdinand Roman (il remplace plus tard son nom Ferdinand par le nom de fille de sa mère). Le couple a éventuellement trois autres enfants : Etta, Anniebel et John.

Au début des années 1890, la famille déménage à Bay City, dans le Michigan, à environ 160 km de Detroit. James est embauché par la Bay City Broom Factory (comme il est né à Williamsport en Pennsylvanie, il peut vivre et travailler des deux côtés de la frontière). Son fils, Charles Lightfoot Roman, grandit donc à Bay City, où il fait ses études primaires et secondaires.

Éducation

Charles Lightfoot Roman porte le nom de son oncle, le chirurgien et professeur de médecine Dr Charles Victor Roman. Après avoir obtenu son diplôme d’études secondaires en 1907, le jeune Charles suit l’exemple de son oncle et se rend à Nashville, dans le Tennessee, pour y suivre des cours à l’université. Il s’inscrit à l’Université Fisk, juste en face du Meharry Medical College, où son oncle est professeur de médecine. En 1910, il obtient son baccalauréat en sciences de l’Université Fisk.

Charles Lightfoot Roman reste dans le sud des États-Unis et enseigne pendant un an avant de retourner au Canada en 1912 pour s’inscrire à la Faculté de médecine de l’Université McGill. Lorsqu’il commence ses études en médecine à McGill, il réalise le rêve de son oncle; Charles Victor Roman avait d’abord prévu d’étudier la médecine à l’Université McGill, mais il n’avait pas les fonds nécessaires et a donc fini par étudier dans le Tennessee.

Au commencement de la Première Guerre mondiale, Charles Lightfoot Roman interrompt ses études pour s’enrôler dans l’Hôpital général canadien no 3 (HGC), le 18 février 1915.

Guerre et romance

Charles Lightfoot Roman est l’un des premiers membres de l’Hôpital général canadien no 3 (McGill). Lorsqu’il s’enrôle, le 18 février 1915, il devient l’un des premiers Canadiens noirs à s’engager pour la Première Guerre mondiale et il est le seul Noir connu qui sert au sein de l’HGC no 3 (McGill). (Voir aussi Volontaires noirs dans le Corps expéditionnaire canadien.) À l’époque où il s’enrôle, Charles Lightfoot Roman n’a terminé que trois des cinq années nécessaires pour compléter sa formation médicale à McGill, alors il commence son service militaire en tant qu’infirmier avec le grade de soldat.

Le 6 mai 1915, il embarque sur le RMS Metagama, à destination de l’Europe. À bord du navire se trouve sa future épouse, l’infirmière militaire Jessie Middleton Sedgewick, qui sert également avec l’HGC no 3.

Un autre membre de l’équipe de l’hôpital est un quartier-maître adjoint, le lieutenant Edward Osler, fils du célèbre médecin canadien, sir William Osler. Charles Lightfoot Roman a plus tard mentionné le lieutenant dans une lettre qu’il a écrit au célèbre neurochirurgien et auteur Dr Harvey Cushing, le 4 mai 1926. En référence à The Life of Sir William Osler, la biographie qui a mérité un prix Pulitzer à Harvey Cushing, Charles Lightfoot Roman écrit qu’il a « eu le privilège de connaître le fils de sir William Osler, un gentilhomme noble et galant qui a servi dans la même unité que moi (Hôpital général canadien no 3) ».

Le 16 mai 1915, l’équipe de l’hôpital de McGill arrive à Shorncliffe, en Angleterre. Environ un mois plus tard, le 19 juin 1915, elle atteint Dannes-Camiers, en France, et commence à établir son camp. (L’infirmière militaire Jessie Middleton Sedgewick et les autres infirmières venant de Montréal portent assistance à l’Hôpital général canadien no 1 près d’Étaples pendant un mois environ, jusqu’à ce que leur unité devienne opérationnelle.)

L’HGC no 3 opère dans d’immenses tentes Durbar qui ont été expédiées d’Inde. Malheureusement, les tempêtes et les inondations s’abattent sur les tentes, causant des fuites, et au cours d’une inspection ultérieure, un certain nombre d’entre elles sont condamnées. Le 25 octobre, une autre tempête ravage les installations et laisse de nombreuses tentes en lambeaux. En conséquence, certains membres du personnel sont affectés à d’autres postes et à d’autres hôpitaux (incluant l’infirmière militaire Jessie Middleton Sedgewick, qui est réaffectée temporairement à l’HGC no 1).

Ironiquement, jusqu’à ce moment, Charles Lightfoot Roman a passé la majeure partie de son temps en France (de juillet à la mi-octobre) malade à l’hôpital. Cependant, à la mi-octobre 1915, il rejoint l’HGC no 3 en tant qu’infirmier. Avec le reste de l’équipe médicale de McGill, il continue à travailler à Dannes-Camiers jusqu’en janvier 1916, lorsqu’ils sont déplacés vers le nord à Boulogne-sur-Mer, sur la côte de la France. À cet endroit, l’hôpital est aménagé dans un ancien collège de jésuites. Au lieu d’opérer sous des tentes, le personnel travaille dorénavant dans des structures permanentes ou faites de bois. Charles Lightfoot Roman passe le reste de son séjour en France à Boulogne.

La future épouse de Charles Lightfoot Roman, l’infirmière militaire Jessie Middleton Sedgewick, est également en poste à Boulogne avec l’HGC no 3, du 14 février 1916 jusqu’au 11 août 1917. Elle figure dans le journal de guerre de l’infirmière militaire Clare Gass, qui écrit qu’elle a « marché aujourd’hui pendant nos heures libres d’après-midi, le long du chemin supérieur de Boulogne vers l’ouest et vers le sud jusqu’à Camiers (environ sept milles, j’estime) avec Ruth et Jessie Sedgewick ».

Bien que nous ne sachions que peu de choses sur la romance en temps de guerre de Charles Roman Lightfoot et de Jessie Middleton Sedgewick, leur relation militaire est claire. En tant que soldat et ensuite caporal, Charles Lightfoot Roman est le subordonné de Jessie Sedgewick qui, en tant qu’infirmière militaire, est un officier commissionné (lieutenant). Ceci continue d’être le cas même après la promotion de Charles Lightfoot Roman au rang de sergent le 17 avril 1917. Clare Gass fait référence à cette hiérarchie dans son journal lorsqu’elle écrit que « l’un des médecins de l’hôpital McGill a observé que certaines infirmières sont plutôt mesquines, car elles ordonnent aux étudiants en médecine, de simples sergents, de passer le balai ».

Charles Lightfoot Roman sert en France pendant 25 mois, et à la fin de son service, il est chef de salle dans l’HGC no 3. En 1917, il retourne au Canada, à la suite de la décision du gouvernement voulant que tous les étudiants en médecine et en dentisterie qui avaient terminé au moins un an de formation doivent maintenant terminer leurs études. En juin 1917, le colonel Birkett déclare dans le journal militaire officiel que « deux de mes étudiants en médecine, no 477 sergent Wienke et no 439 sergent Roman C. L., qui avaient complété trois des cinq années du programme de cinq ans à l’Université McGill à Montréal, au Canada, sont retournés en Angleterre, en route vers le Canada, afin de reprendre leurs études ».

En 1919, Charles Lightfoot Roman obtient son doctorat en médecine et sa maîtrise en chirurgie (M.D., C.M.) de l’Université McGill. Il épouse Jessie Middleton Sedgewick le 25 décembre 1920, et le couple s’installe éventuellement à Valleyfield, au Québec. Ils ont cinq fils : Charles, James, William Middleton, Robert et Stephen. Jessie Roman meurt le 20 juillet 1958. Son mari fait faire un vitrail en sa mémoire qui est fixé dans l’Église unie que la famille fréquente. Sur son inscription on peut lire : « Ses propres œuvres la louent aux portes » (Proverbes 31:31), un hommage à son dévouement en tant qu’infirmière et mère. (En 2008, l’église est convertie en Le MUSO, un musée à Salaberry-de-Valleyfield. La fenêtre demeure intacte.)

Le saviez-vous?

Dominique François Gaspard a été un autre Noir notable du Corps expéditionnaire canadien. Tout comme Charles Lightfoot Roman, Dominique François Gaspard était étudiant en médecine lorsque la guerre a éclaté. Il a abandonné ses études à la branche montréalaise de l’Université Laval (renommée plus tard l’Université de Montréal) et s’est porté volontaire pour le service outre-mer. Dominique François Gaspard a servi à l’Hôpital stationnaire no 4 à Saint-Cloud, un hôpital de campagne canadien-français situé en France et doté de volontaires de l’Université Laval. En 1917, Dominique François Gaspard a repris ses études. Il a établi son propre cabinet de médecine générale à Montréal et est devenu un pionnier du quartier noir de la ville.

Pratique de la médecine

Après avoir obtenu son diplôme de l’Université McGill en 1919, Charles Lightfoot Roman assume plusieurs fonctions à l’Hôpital général de Montréal, y compris celle de chirurgien titulaire. De plus, il est le résident sénior, l’agent d’admission et le surintendant médical intérimaire de l’hôpital jusqu’en 1921.

Charles Lightfoot Roman continue à être influencé par la vie de son oncle et homonyme, Charles Victor Roman. Sa décision de faire carrière en médecine du travail est sans doute influencée par l’amputation liée au travail que son oncle a subie à la suite de son accident de travail. En 1921, Charles Lightfoot Roman devient l’un des premiers docteurs en médecine du travail au Québec lorsqu’il accepte le poste de médecin chez Montreal Cottons Limited (une division de la Dominion Textile Company) à Valleyfield. Son épouse, Jessie Roman, travaille à ses côtés en tant qu’infirmière. Enfin, il accède éventuellement au poste de directeur médical pour toute l’entreprise et reste chez Dominion Textile durant le reste de sa carrière, prenant sa retraite peu avant sa mort, en 1961.

Auteur, chercheur et conférencier

Charles Lightfoot Roman est devenu un expert reconnu dans le domaine de la médecine du travail. Il applique son expérience chez Dominion Textile à l’avancement des connaissances dans le domaine de la médecine du travail et il écrit plusieurs articles sur des sujets comme « Severe Industrial Injuries to the Fingers and their Treatment » (trad. Graves blessures aux doigts causées par des accidents de travail et leur traitement) (Canadian Medical Association Journal, volume 13, septembre 1923). Il étudie également l’évolution de la santé et sécurité des travailleurs dans les filatures de coton, et il publie ses conclusions dans l’article « Some Reflections Upon the Health and Mortality of Cotton Textile Workers » (trad. Quelques réflexions sur la santé et la mortalité des travailleurs du textile) (Canadian Medical Association Journal, volume 55, octobre 1946).

Tout comme son oncle Charles Victor Roman, Charles Lightfoot Roman est également conférencier et il présente des discours à travers l’Amérique du Nord sur la pratique et les objectifs de la médecine du travail.

L’un des premiers praticiens de la médecine du travail au Canada, Charles Lightfoot Roman est honoré à Los Angeles en tant que membre de la Industrial Medical Association en 1953. L’association (initialement connue sous le nom The American Association of Industrial Physicians and Surgeons) est fondée en 1915, six ans seulement avant que Charles Lightfoot Roman ne commence à pratiquer la médecine du travail.

Association maçonnique

Les réalisations de Charles Lightfoot Roman vont au-delà du domaine de la médecine. Il est initié à la loge de Valleyfield, no 75 de la franc-maçonnerie, le 28 mars 1923 et il est élu Vénérable Maître en 1929. En 1934, il devient Grand Maître Adjoint du District pour le district no 3 de Montréal. Son service au fil de plusieurs années lui mérite la distinction de membre honoraire de plusieurs loges au Québec. Il est également un conférencier régulier au Masonic Study Club (club d’étude des francs-maçons) de Montréal.

En octobre 1950, Charles Lightfoot Roman commence un mandat de deux ans en tant que Grand Maître Adjoint élu de la Grande loge de Québec et en octobre 1952, il devient Grand Maître. Lorsqu’il est élu Grand Maître, il est probablement le premier Noir à diriger une Grande loge traditionnelle ou générale en Amérique du Nord (c’est-à-dire une Grande loge fondée sur et adhérant aux lois et aux principes originaux des francs-maçons). D’autres francs-maçons canadiens notables incluent Thayendanegea Brant, sir Sanford Fleming, James Naismith, Robert Service, ainsi que plusieurs premiers ministres (p. ex., sir John A. Macdonald).

Importance

Le Dr Charles Lightfoot Roman meurt le 8 juin 1961 et est inhumé au Champ d’honneur national à Pointe-Claire, au Québec. Sa vie en a été une de service; à son pays, à sa foi et à ses semblables, hommes et femmes. Lorsque Charles Lightfoot Roman s’est enrôlé le 18 février 1915 dans l’Hôpital général canadien no 3 (McGill), il a été parmi les premiers Canadiens noirs à s’enrôler pour le service dans la Première Guerre mondiale. Il a été l’un des premiers Canadiens noirs à obtenir son diplôme de la Faculté de médecine de l’ Université McGill, et est devenu un expert réputé en médecine du travail. Selon l’historien maçonnique Dr Wallace McLeod, il est également fort probable que Charles Lightfoot Roman ait été le premier Grand Maître noir d’une loge maçonnique traditionnelle.

Après la mort de Charles Lightfoot Roman, le Grand Maître président rend hommage au « très vénérable frère Roman » lorsqu’il prononce son discours annuel devant les membres de la Grande loge. Il loue Charles Lightfoot Roman pour son « attitude envers la pratique de la médecine comme étant non seulement une profession, mais un mode de vie. […] Il était plus qu’un médecin pour ses patients, il était un ami et un conseiller chaleureux pour eux, et pour leurs familles […] en tant qu’homme, en tant que médecin et en tant que franc-maçon, il était un individu exemplaire ».

Remerciements

Beaucoup de collaboration et de recherches ont été nécessaires pour compléter cette biographie. Nos remerciements à la famille Roman (en particulier Cindy, Snake River et David Roman), Anna Dysert (bibliothèque Osler, Université McGill), Mathieu Tremblay (Musée de société des Deux-Rives), Dr Wallace McLeod (professeur émérite, Université de Toronto), Alan Smith, et Ken et Louise Lyons.