Centre national des arts/National Arts Centre | l'Encyclopédie Canadienne

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Centre national des arts/National Arts Centre

Centre national des arts (CNA)/National Arts Centre (NAC). Complexe architectural regroupant théâtres et auditoriums, situé sur la rive Ouest du canal Rideau à Ottawa.

Centre national des arts/National Arts Centre

Centre national des arts (CNA)/National Arts Centre (NAC). Complexe architectural regroupant théâtres et auditoriums, situé sur la rive Ouest du canal Rideau à Ottawa. Inauguré en 1969, il est le résultat d'une proposition faite en 1963 au gouvernement du Canada par la National Capital Arts Alliance, un groupe de citoyens. En 1964, le gouvernement adopta la proposition et en fit un projet visant à commémorer le centenaire de la Confédération canadienne (1967). G. Hamilton Southam (Ottawa, 19 décembre 1916 - Ottawa, 1 juillet 2008) fut à cet effet nommé coordonnateur au sein du Secrétariat d'État. La Loi sur le Centre national des Arts, adoptée par le Parlement en 1966, établissait une corporation indépendante sous la juridiction du Secrétaire d'État ayant pour rôle de « diriger et maintenir le Centre, de développer les arts d'interprétation dans la région de la Capitale nationale et d'aider le CAC à développer les arts d'interprétation ailleurs au Canada ». Le conseil d'administration national de la corporation nomma Southam au poste de dir. général du centre à compter du 1er avril 1967 avec un mandat de cinq ans (renouvelé en 1972).

Deux comités consultatifs, l'un pour le théâtre et l'autre pour la musique, furent formés pour la planification des installations. Le comité de la musique, présidé par Louis Applebaum, recommanda une salle polyvalente pouvant servir au concert et à l'opéra; le comité du théâtre, un théâtre de 900 places et un studio de 300 places. Le plan définitif, de l'architecte Fred Lebensold de Montréal, préparé en collaboration avec les acousticiens Russell Johnson Associates, comportait le Théâtre, le Studio et le Salon hexagonal plus petit, convenant tous à des présentations dramatiques, concerts de musique de chambre et récitals; et l'Opéra pour le théâtre lyrique et le concert, d'une capacité de 2300 sièges, éloignés au maximum de 33 m d'une scène de 33,6 m de largeur. La fosse d'orchestre de l'Opéra peut loger 110 musiciens et son acoustique peut être modifiée, selon les exigences de l'opéra, de l'orchestre ou d'un choeur, au moyen de panneaux et de rideaux acoustiques au plafond et sur les murs, dispositifs contrôlés hydrauliquement. Pour les concerts symphoniques, une conque favorisant l'acoustique peut être abaissée au-dessus de la scène.

Les quatre salles, avec leur vaste foyer commun, les loges d'artistes, restaurants, bureaux et garage souterrain, sont réunis en un vaste édifice occupant 2,6 hectares sur la rive du canal. La monotonie extérieure du centre est légèrement atténuée par la répétition d'un motif hexagonal dans l'ensemble de la structure. La décoration est aussi diversifiée, puisque beaucoup de ses éléments (rideau de l'Opéra, portes du Salon, chandeliers, tapisseries et tentures, sculptures extérieures, etc.) sont eux-mêmes des oeuvres d'art.

Le centre fut terminé en 1969 au coût de 46 000 000 $ et inauguré le 2 juin par la présentation, à l'Opéra, de deux ballets commandés pour l'occasion et dansés par le Ballet national du Canada : La Reine de Grant Strate, musique de Louis Applebaum, et Kraanerg de Roland Petit, musique de Iannis Xenakis. Parmi les autres ensembles et artistes solistes présents au festival inaugural de deux semaines figuraient l'OSM sous la direction de Franz-Paul Decker, avec Jon Vickers comme soliste, le TS lors du dernier de ses concerts sous la direction de Seiji Ozawa, dans un programme comportant Tangents de Harry Freedman, l'ONJ, les Cassenti Players, le Duo Pach, le Manitoba University Consort, le Quatuor à cordes Orford, la contralto Maureen Forrester, le soprano Sylvia Saurette, la chanteuse Monique Leyrac et le chanteur Gordon Lightfoot. Orphée I, opéra en un acte de Gabriel Charpentier, fut commandé pour l'inauguration du Studio durant la seconde semaine du festival.

Au cours des quatre années qui suivirent, deux orgues furent installés au CNA, dons de la communauté canadienne-néerlandaise « comme témoignage de reconnaissance pour le rôle joué par les troupes canadiennes dans la libération des Pays-Bas en 1945 ». Les deux orgues avaient été construits par la Flentrop Orgelbouw de Zaandam, Pays-Bas. Le petit orgue positif de six jeux fut livré en 1970. Le grand orgue de concert (8,2 m de hauteur, pesant 2,7 tonnes), un instrument à deux claviers et 21 jeux, à traction mécanique, suivit en 1973. Tous deux sont mobiles et peuvent être entreposés. Ils furent inaugurés le 7 octobre 1973 par un récital d'Albert de Klerk, organiste municipal de la ville de Haarlem, Pays-Bas.

Afin de remplir le mandat défini par la Loi sur le CNA, le centre doit monter des productions d'opéra, de ballet et de théâtre, présenter des concerts et récitals, envoyer en tournée dans tout le Canada son orchestre et ses compagnies de théâtre et inviter d'autres compagnies canadiennes et étrangères et des interprètes à se produire sur ses scènes. Il devait aussi, initialement, fournir des services de gérance de tournées pour les ensembles et artistes interprètes canadiens, mais ce rôle fut assumé par un office des tournées créé à cette fin et relevant de l'administration du CAC à partir de 1973.

Le programme musical du CNA fut particulièrement couronné de succès au cours de sa première décennie, grâce surtout à l'extraordinaire distinction et l'inlassable activité de l'OCNA, orchestre résident qui fit ses débuts le 7 octobre 1969 sous la direction de son chef en titre, Mario Bernardi; sa saison lyrique et ses concerts d'été sont présentés sous le vocable de Festival Ottawa, inauguré en 1971 sous le nom de Festival Canada, avec Bernardi comme dir. artistique et chef d'orchestre et, à partir de 1974, Andrée Gingras comme administratrice. Le festival eut lieu jusqu'en 1983.

Les concerts d'ensembles résidents s'intégrèrent cependant à un programme musical plus vaste qui réunit, par exemple, au cours de la saison 1969-70, 65 concerts d'orchestre, de musique de chambre et de musique chorale; 13 récitals; 12 présentations d'opéra, 39 de danse y compris le ballet, et 142 de divers genres de spectacles. Durant la saison 1977-78, le nombre de concerts avait augmenté à 100 et celui des représentations d'opéra, à 19. La saison 1990-91 fut du même ordre, avec 80 concerts (musique d'orchestre, de chambre et chorale), 7 représentations d'opéras, 9 récitals et 15 spectacles donnés par des troupes de danseurs. Les chiffres concernant les concerts de musique populaire ne sont pas disponibles.

De nombreux ensembles et artistes individuels, canadiens et étrangers, se sont produits au CNA : ensembles de chambre, choeurs, orchestres, harmonies, instrumentistes et chanteurs solistes, artistes rock, jazz, country et pop, troupes d'opéra et de danse, etc. Le centre a également accueilli des productions d'opéras canadiens (Louis Riel, Seabird Island), de comédies musicales et de revues canadiennes (Dominion Chautauqua '85, Duddy, Kronborg : 1582, Les Hauts et les bas d'la vie d'une diva : Sarah Ménard par eux-mêmes, The Legend of the Dumbells).

Selon le rapport annuel 1977-78, plus de 800 représentations furent à l'affiche cette saison, les auditoires totalisant plus de 800 000 personnes (presque le double de la fréquentation de la première année) dont 94 p. cent d'abonnés. Les coûts de production et de promotion et les frais généraux d'exploitation s'élevèrent à 13 650 000 $ au cours de cette saison, dont 4 600 000 $ furent recouvrés par la recette des guichets, les revenus des tournées et des émissions à la SRC, et 8 700 000 $ grâce à un crédit voté par le Parlement. Le déficit, de plus de 700 000 $, fut réduit d'environ les deux cinquièmes la saison suivante. Ces chiffres démontrent qu'en dépit du montant substantiel des subsides du gouvernement fédéral accordés au programme de grande envergure du CNA, ces derniers ne furent pas illimités. Le rapport 1989-90 présentait des chiffres comparables (budget global : 35 600 000 $; recettes des spectacles : 10 180 000 $; subventions du Parlement : 16 340 000 $; déficit : 116 550 $).

Trois paliers d'administration affectent ou contrôlent le programme musical du centre. Au premier dir. général, Hamilton Southam, succéda en 1977 Donald MacSween, qui démissionna en 1987 et fut remplacé en 1988 par Yvon DesRochers. Outre ses responsabilités comme chef d'orchestre et dir. artistique de l'OCNA et de Festival Ottawa, Mario Bernardi succéda à Jean-Marie Beaudet comme dir. mus. du centre en 1969. Le poste de dir. mus. fut ensuite occupé par Costa Pilavachi (1982-86) et Gabriel Chmura (1986-90), remplacé par Trevor Pinnock en 1991. Le dir. mus. est assisté de l'administrateur de la musique - Hugh Davidson (1971-73), Guy Huot (1973-75), Kenneth Murphy (1975-78, ex-gérant de l'OCNA), Michael Aze (1978-81) et Joanne Morrow (1981-86). En 1986, le poste prit le nom de « producteur musical ». Morrow l'occupa de 1986 à 1989 avant de céder la place à Jack Mills. À Lawrence Freiman, premier prés. du conseil du CNA, ont succédé François Mercier (1969-78), Arthur Gelber (1978-80), Pauline McGibbon (1980-85), J. Pierre Boutin (1985-88) et Robert Landry (1988 -).

Selon leurs titres, les chefs d'orchestre de l'OCNA ont eut les coudées plus ou moins franches : Mario Bernardi fut dir. mus. et chef d'orchestre (1969-82); en 1982, Franco Mannino devint conseiller artistique et chef d'orchestre principal - il s'agissait d'un poste temporaire; en 1986, Gabriel Chmura fut nommé dir. mus. et chef d'orchestre principal; en 1991, Trevor Pinnock devenait conseiller artistique et chef d'orchestre principal.

Dans les années 1980, le centre dut faire face à des problèmes de financement de plus en plus fréquents. Les subventions gouvernementales n'augmentèrent pas beaucoup, et ni le conseil ni le dir. général ne pensaient que le CNA pourrait concurrencer ses homologues sur le plan du financement privé. En 1983, le centre dut annuler ses nouvelles productions d'opéra et prendre son mal en patience. Le public s'émut, et l'on assista à une grave remise en question du rôle du CNA et de l'intérêt qu'il représentait en-dehors de la capitale canadienne, sans parler de ses politiques de programmation et de son financement. Des experts du gouvernement avaient déjà étudié la question. En 1982, dans leur Rapport du Comité d'étude de la politique culturelle fédérale, Louis Applebaum et Jacques Hébert recommandaient au CNA qu'il mette en valeur « les meilleurs talents... dans toutes les disciplines des arts de la scène au Canada. Plutôt que de monter ses propres spectacles (théâtre et opéra), il devra entreprendre des productions conjointes avec d'autres compagnies canadiennes. Il conservera toutefois son orchestre, qui continuera de se produire en tournées ». De son côté, le Groupe de travail chargé de l'examen des programmes dirigé par Erik Nielsen exprimait, dans le rapport Culture et communications publié en août 1985, le voeu que le CNA « recherche plus assidûment des fonds privés » et recommandait que l'immeuble soit cédé à la Commission de la Capitale nationale pour que celle-ci s'efforce de « fondre les activités du centre dans le paysage culturel et touristique de la capitale canadienne ». La Task Force jugeait également nécessaire que les « activités touchant à la programmation... soient confiées au secteur privé », le CAC se chargeant alors de « rechercher des possibilités de coproduction avec d'autres centres, au bénéfice du CNA ». Plus loin, on parlait de « démanteler la Corporation du Centre national des arts et d'abroger la Loi sur le CNA », et on proposait que « l'OCNA devienne indépendant ». Tout cela aurait réduit le CNA à un centre de spectacles ne produisant plus rien lui-même et n'hébergeant plus aucune compagnie.

Composée de l'écrivain et homme de théatre torontois Tom Hendry (prés.), du critique montréalais Gilles Potvin et de l'administratrice artistique Nini Baird, de Vancouver, le Groupe de travail sur le Centre national des arts constitué en 1986 rédigea un rapport intitulé Favoriser l'accessibilité. On y lisait que si le CNA avait bien rempli une partie de sa mission (rendre florissants les arts d'interprétation dans la région de la Capitale nationale, « ses succès sont loin d'être évidents ailleurs au pays... où l'on estime que [pour se dégager de ses contraintes financières] le centre a peu à peu sacrifié les activités nationales au profit de la capitale et de sa région ». Les auteurs insistaient donc pour qu'on « redéfinisse son ordre de priorités afin de rétablir un juste équilibre entre ses activités régionales et nationales ». Le rapport suggérait aussi que le centre soit renommé Centre des arts du Canada et qu'il reçoive davantage de fonds. Sur le plan artistique, le comité jugeait nécessaire d'explorer la voie des « tournées électroniques », de multiplier les tournées conventionnelles, de privilégier la création proprement canadienne, de mettre sur pied un programme consacré aux arts d'interprétation (à l'intention du jeune public), et enfin de reprendre la production d'opéras ainsi que le festival d'été - lequel pourrait bénéficier du parrainage du secteur privé.

À peine nommé dir. général en 1988, Yvon DesRochers étudia en priorité la question des tournées électroniques et se mit à discuter avec Telesat Canada de la possibilité de diffuser les productions du CNA à l'échelle nationale. DesRochers était en faveur de l'utilisation de la technologie à haute définition pour les télédiffusions, les salles publiques devant être équipées spécialement pour recevoir les programmes. Dans son ensemble, la communauté artistique répondit négativementmal; on doutait que le public se déplace pour venir regarder la télévision. DesRochers annonça d'autre part que des plans étaient à l'étude concernant la possibilité d'intégrer des diplômés des conservatoires et des apprentis chefs d'orchestre dans l'OCNA. Les critiques estimèrent que la réputation internationale de l'orchestre allait en souffrir - l'importance de l'OCNA dans la politique du centre se trouvait ainsi remise en question. Le moral s'effondra davantage quand les offres contractuelles aux musiciens furent supprimées et que le contrat du dir. mus., Gabriel Chmura, ne fut pas renouvelé. L'orchestre fut en grève du 4 octobre au 30 novembre 1989. Artistes et partisans de la rationalisation s'affrontèrent de plus belle quand on apprit que l'orchestre serait en tournée à la mi-saison 1992 et que The Phantom of the Opera d'Andrew Lloyd Webber serait à l'affiche pour 10 semaines à la même époque. Ceci fut interprété par le public et les musiciens comme un autre défi au statut de l'OCNA au sein de l'organisme.

Durant cette période, le CNA réduisit le nombre de ses productions maisons, louant ses équipements à d'autres compagnies. Opera Lyra Ottawa présenta dès 1986 des productions dans le théâtre, et les productions d'opéras du CNA reprirent en 1987 avec une version concert de La Bohème, suivie de productions sur scène des Noces de Figaro (1988), Don Giovanni (1989) et Così fan tutte (1990). En 1987, le CNA institua un programme de musique destiné aux enfants de trois à cinq ans. En 1985, Mannino anima un atelier pour jeunes chefs d'orchestre, et en 1990, Chmura dirigea le premier symposium pour chefs d'orchestre organisé par le CNA.

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