Joseph-Élzéar Bernier et la revendication canadienne sur l'Arctique | l'Encyclopédie Canadienne

Éditorial

Joseph-Élzéar Bernier et la revendication canadienne sur l'Arctique

L'article suivant est un éditorial rédigé par le personnel de l'Encyclopédie canadienne. Ces articles ne sont pas généralement mis à jour.

Homme très volontaire et d'une extraordinaire ingéniosité, Joseph-Elzéar Bernier est le plus grand marin du Canada. C'est en grande partie grâce à lui si le drapeau canadien flotte maintenant sur l'archipel Arctique.

Bernier est né en 1852 dans une famille de marins de L'Islet, au Québec. Dès l'âge de deux ans, il commence à aller en mer avec son père et il a seulement 17 ans quand il devient capitaine de la goélette Saint-Joseph - certes le plus jeune capitaine du monde. En 1895, il a déjà traversé l'Atlantique plus de 100 fois. Toutefois, c'est l'Arctique qui séduit son imagination.

Au début du XXe siècle, la propriété des îles de l'Arctique est encore contestable. En juillet 1880, le gouvernement britannique cède au Canada ses possessions dans l'Arctique, "y compris toutes les îles adjacentes à tous territoires" qu'ils soient découverts ou non - un acte sans grande valeur étant donné qu'il est douteux que l'Angleterre ait le droit de donner au Canada des îles qui n'ont pas encore été découvertes ou qui ont été découvertes par des étrangers ou, quant à cela, qui sont habitées par des Inuits.

Entre-temps, les Américains Adolphus Greely et Robert Peary (en 1909 ils prétendent avoir atteint le pôle) sont particulièrement actifs autour de l'île Ellesmere. Entre 1898 et 1902, Otto Sverdrup découvre les îles Axel Heiberg, Ellef Ringnes et Amund Ringnes, il est la première personne (même en tenant compte des Inuits) à y poser le pied. Il revendique toutes ses découvertes au nom de la Norvège.

Pendant nombre d'années, Bernier tente sans succès de persuader un gouvernement canadien récalcitrant de soutenir une expédition visant à assurer la souveraineté du Canada dans l'Arctique. En 1903, un litige portant sur la limite territoriale entre l'Alaska et la Colombie-Britannique, à l'issue duquel une longue bande de terre faisant naturellement partie de la côte de la Colombie-Britannique est accordée aux États-Unis, semble toucher des cordes sensibles à Ottawa.

Le premier ministre Wilfrid Laurier accepte finalement de financer une expédition au pôle Nord. Bernier achète un bateau allemand, le rebaptise Arctic et procède à de méticuleux préparatifs. À la dernière minute, l'expédition est déroutée en une expédition mineure de maintien de l'ordre dans la baie d'Hudson. Déçu, Bernier persiste pourtant, et, le 28 juillet 1908, l'Arctic quitte enfin le port de Québec pour un voyage historique.

Le bateau de Bernier, l'Arctic

Dans de nombreux endroits parmi les plus éloignés sur terre, Bernier et son équipage répètent le même rituel. Ils jettent l'ancre aussi près de la côte que possible pour se rendre sur la terre ferme en chaloupe. En un point élevé - une colline, un tertre ou un cairn - ils enterrent une boîte en métal contenant une proclamation revendiquant le territoire pour le Canada. Puis ils plantent un mât et hissent l'Union Jack.

À la fin de l'été, Bernier a déjà revendiqué le reste des îles de l'Arctique, exception faite des îles Banks et Victoria. En avril 1909, de sa base de Winter Harbour, dans l'île Melville, il envoie Jules Morin et seize autres hommes à l'île Banks à travers les glaces traîtresses. Torturé par le froid extrême, la cécité des neiges et l'inanition, et bloqué par la glace infranchissable et les blizzards, Morin retourne annoncer à Bernier qu'il a laissé une affirmation dans l'île Banks, mais non dans l'île Victoria. Le cœur lourd, Bernier l'y renvoie, car son mandat est de revendiquer toutes les îles.

Dans son escale la plus glorieuse, le 1er juillet 1909, Bernier débarque avec tout son équipage à Parry's Rock, dans l'île Melville. Le chef mécanicien transporte une plaque de bronze qu'il a passé tout l'hiver à graver. Bernier lit la plaque solennellement : "Cette plaque commémorative est érigée aujourd'hui pour commémorer la prise de possession au nom du Dominion du Canada de tout l'archipel Arctique." Le Canada revendique maintenant tout le territoire, du Yukon à la terre de Baffin et jusqu'au pôle Nord.

Or, les drapeaux et les plaques ne suffisent pas. Le gouvernement canadien établit dans l'île Herschel Island, à Craig Harbour, Pangnirtung et Dundas Harbour des postes de la Police à cheval du Nord-Ouest.

En 1931, la Norvège abandonne officiellement sa revendication des îles de l'Arctique, mais pas les États-Unis. En 1969, ils envoient le navire-citerne Manhattan dans les eaux nordiques sans en demander la permission et, en 1985, le Polar Sea. Les Canadiens ont beau affirmer qu'ils protègent le Grand Nord (l'hymne national en anglais fait même mention du "True North, strong and free"), ils doivent néanmoins manifester un engagement véritable à le faire.

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