Art populaire | l'Encyclopédie Canadienne

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Art populaire

Historiquement, l'art populaire est né du désir de donner un sens à la routine quotidienne du travail et de la vie domestique et de l'humaniser. Il reflète ainsi les diversités culturelles et régionales du Canada.
\u00ab Good Friends \u00bb
Fermier prospère du XIXe siècle dans le Sud-Ouest de l'Ontario, Ebenezer Birrell est si fier de son bétail qu'il en peint le portrait (avec la permission de l'Art Gallery of Hamilton).
\u00ab Sainte Famille \u00bb
Comme il n'existait pas de fonderies pour réaliser des sculptures en métal, les artistes québécois sculptaient généralement du bois et peignaient leurs oeuvres de façon réaliste (avec la permission du Musée canadien des civilisations).

Art populaire

  L'art populaire comprend une grande variété d'oeuvres artistiques, caractérisées par un mélange de naïveté et de raffinement, de tradition culturelle et d'innovation personnelle. Bien que l'on puisse en donner de nombreuses définitions, en général l'art traditionnel est divisé en deux catégories : l'art culturel et l'art individuel. L'art culturel repose sur une base ethnique : il est français, anglais, allemand, polonais, ukrainien, etc. D'ordinaire assez conservateur, il se veut l'expression d'une communauté. En revanche, l'art individuel est innovateur et il exprime une personnalité unique, voire excentrique. Qu'il s'agisse de peinture, de sculpture, de gravure ou de motifs picturaux ou décoratifs appliqués sur des objets, les produits de l'art populaire plaisent au public. Les artistes les créent dans l'intention d'intéresser les gens ordinaires que sont leurs voisins, leurs amis ou leurs connaissances.

Historiquement, l'art populaire est né du désir de donner un sens à la routine quotidienne du travail et de la vie domestique et de l'humaniser. Il reflète ainsi les diversités culturelles et régionales du Canada. Aujourd'hui souvent coupé des sources traditionnelles, soumis aux contraintes imposées par les musées et les collectionneurs, l'art populaire est devenu un moyen d'expression individuelle et esthétique qui utilise de nouvelles techniques et réagit aux influences de la société moderne. Alors que l'art populaire traditionnel est habituellement anonyme, les artistes contemporains sont connus et se spécialisent dans des moyens d'expression et des styles particuliers.

L'art populaire reflète les idées et coutumes à partir desquelles s'élaborent les modes de vie et peut donc s'inspirer de la religion, d'un sentiment patriotique envers le roi et la patrie, de la satisfaction apportée par la vie quotidienne ou de l'amour de la nature. L'art populaire est parfois qualifié de « primitif » parce que les artistes qui le pratiquent n'ont pas de formation particulière à leur art, qu'ils travaillent par instinct et qu'ils expriment avec simplicité les vérités fondamentales reconnues par les gens ordinaires.

Inspiration religieuse

  L'art populaire d'inspiration religieuse s'épanouit au Canada dès le début de la colonisation européenne et il exprime la continuité et la tradition. Les visiteurs du Québec catholique à l'époque des XVIIIe et XIXe siècles décrivent les devises pieuses décoratives, les peintures religieuses illustrant des thèmes anciens et les coqs surmontant le clocher des églises, ce qui rappelle aux paroissiens la basilique de Saint-Pierre de Rome. Ces objets sont peints ou façonnés par des gens simples et croyants qui n'ont pas de formation, mais qui éprouvent tous un grand désir d'exprimer leur sensibilité artistique. L'une des formes notables de cet art populaire religieux, repris de la tradition française, est la PEINTURE VOTIVE, qui illustre des événements miraculeux, tels qu'un naufrage imminent évité grâce à l'intervention de sainte Anne (collection de Sainte-Anne-de-Beaupré au Québec). Les personnages sculptés de la Sainte Famille et des saints les plus populaires qui ornent de nombreuses églises ont inspiré la fabrication de copies plus naïves destinées à la dévotion religieuse domestique.

Dans tout le Québec, des croix de chemin ont été érigées à de nombreux carrefours et le Christ crucifié, qui repose sur certaines d'entre elles, est souvent l'oeuvre d'un artisan local. Ces oeuvres s'élèvent parfois au rang de l'art populaire le plus raffiné. C'est le cas par exemple d'un Christ simple, massif et austère, aux traits modestes et dignes, qui ne prétend pas au réalisme du grand art, sculpté par un artisan de la péninsule de Gaspé et maintenant conservé au Musée des beaux-arts de Montréal. Les artistes locaux sculptent les personnages de la Nativité pour la crèche de Noël, reproduisent l'agneau sur les bannières utilisées lors des processions religieuses ou fabriquent des moules à confiserie à motifs bibliques. Toute cette production rappelle de façon agréable les enseignements de la religion et montre l'importance de la vie religieuse. Au cours des années 30 et 40, un groupe d'artistes locaux du comté de Charlevoix représentent des thèmes connus, dont quelques-uns d'inspiration religieuse, comme les rois mages visitant une humble maison et se mêlant aux membres de la famille en toute simplicité pour célébrer Noël.

L'art religieux des provinces protestantes du Canada est moins apparent, puisque la religion protestante ne permet pas les représentations de Dieu. Cependant, des pièces murales dédiées à un parent disparu ou les modèles de broderie de la Nouvelle-Écosse datant du début du XIXe siècle sont la preuve d'une profonde piété religieuse. Les loges des Orangistes protestants (voir ORANGE, ORDRE D') portent, au cours de leurs processions, des bannières ornées de symboles religieux et de nombreux foyers protestants possèdent de petites peintures de King Billy monté sur son cheval blanc. Des bannières religieuses sont suspendues dans le Sharon Temple, construit par un groupe de protestants du Nord de Toronto. Au XIXe siècle, Anna WEBER, une mennonite du comté de Waterloo (Ontario), peint des motifs qui représentent la nature telle qu'elle est décrite dans le « Cantique des cantiques ». Presque partout au Canada, les anciennes PIERRES TOMBALES des petits cimetières locaux sont souvent considérées comme faisant partie de l'art populaire. En Ontario, l'une de ces pierres rappelle, de façon imagée, la mort d'un pionnier qui s'est fait écraser par un arbre alors qu'il était en train de défricher la forêt. À Halifax, une pierre tombale du XVIIIe siècle montre Ezéchiel soufflant dans sa trompette lors du Jugement dernier; tout près, une autre pierre montre Adam et Ève de chaque côté du pommier et le serpent enroulé autour de l'arbre. On trouve un autre exemple d'art populaire religieux dans la « poupée de maïs », tressée avec art avec la dernière gerbe de la moisson et parfois lancée dans le feu afin de se concilier les dieux. Cette pratique correspond à une superstition qui remonte à l'époque des druides en Angleterre.

Thèmes communs

La loyauté envers la patrie, l'origine raciale et la religion sont les thèmes communs de l'artiste populaire au Canada, qu'il soit britannique, français, allemand, italien, mennonite, ukrainien, doukhobor ou polonais. Nombreux sont les monuments commémoratifs de batailles sur lesquels on trouve des peintures détaillées ou des sculptures de soldats en uniforme. Durant les deux guerres mondiales, des mères patriotiques ont accroché des images de chars d'assaut et de drapeaux sur leurs paillassons. Les loyalistes qui immigrent au Canada ne laissent aucun doute sur leurs sympathies britanniques, et ils érigent devant le King's Head Inn de Burlington (Ontario) un panneau sur lequel est peinte la tête du roi Georges III. Un sculpteur local a créé une statue du général WOLFE , qui demeurera longtemps encastrée dans une niche au coin d'une rue de la ville de Québec. Les immigrants luthériens de la région palatine d'Allemagne, qui s'installent dans le haut du fleuve Saint-Laurent en 1784, ont fabriqué une girouette en forme de cygne, en souvenir du cygne de Saint-Lothair, symbole traditionnel de leur pays natal qui rappelle leur origine. Les enseignes d'auberges et de commerces des villes anglaises et françaises font office de galerie d'art populaire et fascinent les gens. Elles sont reproduites au Canada. Aussi, des motifs traditionnels de vêtements et certaines décorations utilisées en Europe ont été reprises en Amérique.

Les oeufs de Pâques ukrainiens relèvent d'une pratique ancienne et recherchée de l'art populaire qui a une grande importance symbolique et religieuse. La tradition de décoration, d'ornementation et de calligraphie des documents, livres et divers articles est apportée en Ontario par des immigrants mennonites entre les années 1780 et 1830 (voir ÉCRITURE ET CALLIGRAPHIE GOTHIQUES). Petit à petit, les objets représentant des symboles ou des héros canadiens apparaissent. Un modèle de broderie des années 1880 représente John A. MACDONALD et quantité d'objets s'ornent de différents motifs reproduisant des feuilles d'érable, des castors ou des policiers de la Gendarmerie royale. D'autres figures, comme le cowboy et le pionnier, deviennent des motifs privilégiés de l'art populaire.

Jusqu'au début du XXe siècle, alors que les voiliers sont encore le seul lien avec les contrées éloignées, une bonne partie de la production artistique populaire est consacrée à la mer, particulièrement dans les motifs de goélettes et de phares créés sur la côte est (voir SCULPTURE). Les équipages éprouvent de l'affection pour leurs bateaux et les nomment en l'honneur de héros de la mer célèbres, comme l'amiral Nelson, ou pour des raisons plus personnelles, comme le Mary W. Craftsmen. Dans les chantiers navals de Québec, de St. John's, de Digby et de Summerside, on crée des bustes de femmes aux formes généreuses ou encore un grand amiral pour évoquer les noms des bateaux. Une sculpture remarquable orne la proue du clipper baptisé MARCO POLO, construit près de Saint-Jean et qui accomplit des voyages records en Orient. Certains marins au long cours passent de longues heures à créer des modèles ou des peintures de leur bateau, souvent avec un gréement compliqué, qu'ils pourront ensuite montrer à leur retour. D'autres sculptent des boîtes à babioles ou des fanons de baleine, gravant sur les surfaces polies des images de licornes, d'ours polaires ou des gages d'amour envers les absents.

L'art populaire canadien s'inspire également de l'agriculture, qui joue un rôle important dans la vie du pays. L'agriculture connaît une période de prospérité évidente à la fin du XIXe siècle au Québec et en Ontario. On construit alors de vastes GRANGES, dont beaucoup sont couronnées de girouettes décoratives faites de métal ou de bois et représentant des chevaux, des vaches ou des moutons. Les fermiers méritants exposent leur meilleur bétail lors de foires agricoles ou d'expositions provinciales à Toronto, à Québec et à Fredericton, et des artistes et des artisans comme J.W. Swift, de Toronto, sont mandatés pour peindre, à l'eau ou à l'huile, le plus beau bétail. Encore aujourd'hui, certains fermiers accrochent à l'entrée de leur ferme des enseignes peintes à la main représentant le type de troupeau qu'ils élèvent. Jan Wyers, un immigrant danois, produit dans la seconde moitié du XIXe siècle certaines des peintures d'art populaire les plus admirables du pays, représentant la plupart la vie sur la ferme. William Panko, un artiste de l'Ouest qui ne connaît pas l'art de la perspective, peint dans les années 40 des scènes qui expriment le plaisir de la vie au grand air.

Dans les fermes autosuffisantes, où l'on exécute des tâches variées à la fois dans les champs et dans la maison, de nombreux objets utilitaires sont joliment façonnés et ornés de motifs significatifs et délicats. Outils manuels, trépieds, moules et peignes utilisés pour le filage témoignent souvent d'un grand talent (voir CUIR, TRAVAIL DU). Les cachets en bois pour le beurre servent de marque de commerce et révèlent la sensibilité esthétique du fermier.

Les femmes de la campagne recyclent les fibres textiles et en faisaient des and COURTEPOINTES et des TAPIS décoratifs, dont l'assemblage de couleurs et de motifs rivalisent avec la peinture contemporaine abstraite. Elles brodent sur les taies d'oreillers, le linge de table et les mouchoirs de délicats symboles évoquant le sentiment amoureux. Les « sculpteurs » de la famille fabriquent des modèles d'animaux domestiques et de poupées. Ils sculptent aussi des étagères et des armoires, des chevaux à bascule et des jouets pour les enfants (voir JOUETS ET JEUX; MEUBLES RUSTIQUES). Les plus habiles d'entre eux fabriquent des leurres travaillés pour la chasse, ornés de détails animaliers. Les coffres de bois servent de malles de voyage et de boîtes de rangement dans la maison.

Avec l'industrialisation, de nombreux artisans se mettent à fabriquer des miniatures qui représentent de façon tangible, pour les générations à venir, la vie rurale qui passe. Ils témoignent ainsi des talents, des loisirs et des histoires du passé. D'autres sculpteurs reproduisent plutôt les nouvelles technologies telles que des machines à vapeur qui fonctionnent et des modèles complexes de machinerie de ferme.

 L'art populaire n'est pas nécessairement utile ou fondé sur la culture ou la tradition. Il peut être simplement fantaisiste et provenir de l'imagination particulière d'un artiste. Ornements de jardin, maisons d'oiseaux, vitrines et figurines peuvent être exotiques, érotiques, humoristiques ou fantaisistes, mais toujours y transparaît le caractère spontané et direct de l'artisan. J.B. Côté, un sculpteur de Québec, a réalisé une figurine de bois représentant un jeune homme décharné et dégingandé qui chante dans une chorale et qui a l'air d'un fanfaron avec son collet empesé du dimanche qui semble l'emprisonner, ou même l'étrangler. Ses qualités humaines attrayantes ont immédiatement plu au public et, comme tout art populaire à succès, il a égayé la vie des gens ordinaires de son entourage.

Voir aussi DANSE FOLKLORIQUE; FOLKLORE.

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