Affaire Paul Bernardo et Karla Homolka | l'Encyclopédie Canadienne

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Affaire Paul Bernardo et Karla Homolka

Les crimes de Paul Bernardo et de sa femme Karla Homolka font partie des dossiers les plus horrifiants et les plus controversés de l’histoire du Canada.

Cet article traite de thématiques délicates qui peuvent ne pas convenir à tous les publics. .

Les crimes du tueur et violeur en série Paul Bernardo et de sa femme Karla Homolka – en particulier les meurtres à caractère sexuel des adolescentes Leslie Mahaffy et Kristen French, dans les années 1990 – font partie des dossiers les plus horrifiants et les plus controversés de l’histoire du Canada.

Le violeur de Scarborough

Aux alentours d’une heure du matin, le 4 mai 1987, une jeune femme est attaquée et violée quelques minutes après avoir quitté le bus près de son domicile à Scarborough, dans la banlieue de Toronto. Ce crime s’inscrit dans une série de 24 viols ou tentatives de viols perpétrés sur une période de cinq ans (voir Agression Sexuelle). Les cibles du « violeur de Scarborough » sont des adolescentes et des jeunes femmes. La plupart des attaques surviennent dehors, mais le criminel s’est introduit au moins une fois dans le domicile de sa victime. Les attaques sont accompagnées de violences physiques et verbales ainsi que de menaces graves visant à décourager la victime de contacter la police. À une occasion, un policier de Toronto, en uniforme, qui surveille un arrêt de bus, aperçoit un suspect qui se cache sous un arbre et le poursuit à pied, mais le suspect parvient à s’échapper.

Le 17 novembre 1988, la police de la Communauté urbaine de Toronto met sur pied un groupe de travail chargé d’arrêter le violeur de Scarborough. Les enquêteurs ne disposent d’aucune piste sérieuse jusqu’en mai 1990, lorsqu’une victime leur fournit une description du visage de son agresseur. La police crée alors par ordinateur un portrait composite qu’elle diffuse largement, y compris dans les journaux. Sur les 16 000 réponses reçues dans les semaines qui suivent, trois émanent de personnes qui déclarent que le portrait ressemble à Paul Bernardo.

Les enquêteurs interrogent par deux fois celui-ci, qui vit à l’époque dans la maison de ses parents, à Scarborough. Ils pensent qu’il n’est pas un suspect sérieux, mais suivant leur routine, ils prennent des échantillons de ses cheveux, de son sang et de sa salive pour effectuer des comparaisons avec l’ADN relevé sur les vêtements d’une victime de viol. À l’époque, les tests ADN sont tout nouveaux au Canada, et le personnel du Centre des sciences judiciaires de Toronto ne compte qu’un scientifique qualifié et un seul technicien. Les échantillons prélevés sur des dizaines d’hommes interrogés dans le cadre de l’affaire du violeur de Scarborough font partie des 50 000 échantillons recueillis à l’époque par la police qui enquête sur de nombreuses affaires dans tout l’Ontario.

Mort de Tammy Homolka

Le 23 décembre 1990, Paul Bernardo, 26 ans, est déjà fiancé à Karla Homolka, 20 ans, et il vit dans la maison de ses beaux-parents à St. Catharines, en Ontario. Ce soir-là, alors que les parents et la cadette, Lori, sont endormis, Karla Homolka et Paul Bernardo droguent la benjamine des sœurs, Tammy Lyn, 15 ans, pour que Paul Bernardo puisse la violer. Karla Homolka participe à l’agression sexuelle de sa sœur et l’enregistre sur une bande-vidéo. Tôt dans la matinée du 24 décembre, Tammy, toujours inconsciente, est prise de vomissement puis cesse de respirer. Paul Bernardo et Karla Homolka habillent Tammy et la transportent dans sa chambre. Ils nettoient la scène du crime, cachent la cassette vidéo et contactent les services d’urgence en composant le 911. Une ambulance transporte Tammy à l’hôpital générale St. Catharines où elle est déclarée morte. La police de la région de Niagara interroge Paul Bernardo et Karla Homolka, au sujet, en particulier, d’une marque de brûlure bizarre sur le visage de Tammy. Les enquêteurs acceptent les explications de Paul Bernardo qui prétend que la brûlure provient de la friction avec le tapis, lorsqu’il a traîné la jeune fille jusqu’à sa chambre. En fait, cette brûlure a été causée par un anesthésiant, l’halothane, qui a été administré à Tammy par l’intermédiaire d’un tissu appliqué sur son visage. Les médecins concluent que Tammy s’est étouffée dans ses propres vomissures après avoir abusé d’alcool.

Meurtre de Leslie Mahaffy

Le 1er février 1991, Paul Bernardo et Karla Homolka déménagent dans un bungalow à Port Dalhousie, en Ontario. Ils se marient à Niagara-on-the-Lake le 29 juin. Ce jour-là, sur le lac Gibson, au sud de St. Catharines, des plaisanciers et des pêcheurs découvrent des blocs de béton dans lesquels sont encastrés des bras, des jambes, des pieds et une tête humaine. Le lendemain, un homme découvre un torse humain qui flotte sur l’eau. Les restes s’avèrent être ceux de Leslie Mahaffy, 14 ans, de Burlington, en Ontario. Ses parents ont déclaré sa disparition le 15 juin. La police entame l’enquête sur le meurtre de Leslie Mahaffy alors que Paul et Karla Bernardo sont en voyage de noces à Hawaii.

Les enquêteurs qui cherchent une piste pouvant les mener au meurtrier de Leslie Mahaffy n’ont pas encore pris connaissance des indices qui lient ce crime au violeur de Scarborough. Pendant ce temps, le décès de Tammy Homolka ne fait l’objet d’aucune enquête criminelle.

Presque une année plus tard, en avril 1992, la police de la région de Niagara demande l’aide du FBI (Federal Bureau of Investigation) américain. Un groupe d’experts du FBI spécialisés dans l’établissement de profils criminels parvient alors à établir un portrait psychologique du meurtrier qui pointe vers un prédateur sexuel qui va probablement tuer à nouveau.

Meurtre de Kristen French

Le 30 avril 1992, le corps d’une femme est trouvé dans un fossé le long d’une route rurale, dans le nord de Burlington. Son visage est tuméfié et ses cheveux ont été rasés, mais une vieille blessure – le bout manquant du petit doigt de la main gauche – indique aux enquêteurs que le corps est celui de Kristen French, 15 ans, de St. Catharines.

Les parents de Kristen French l’ont déclarée disparue le 16 avril. Une chaussure, qui sera identifiée comme lui appartenant, est trouvée dans le parc de stationnement de l’église luthérienne Grace, qu’elle longe tous les jours pour aller à l’école et en revenir. Une femme témoigne ensuite avoir vu une bagarre sur ce parc de stationnement dans l’après-midi du 16. Selon elle, deux personnes ont forcé une fille à monter dans une voiture qu’elle décrit comme étant une Chevrolet Camaro de couleur crème. Des agents de police fouillent le parc de stationnement et trouvent un morceau d’une carte de Scarborough et une mèche de cheveux bruns. Ils entament alors une recherche exhaustive de toutes les Camaros de couleur crème, tentant d’exploiter un indice qui se révélera faux. La voiture de Paul Bernardo est en fait une Nissan dorée.

Le même tueur

Agissant à partir d’un tuyau selon lequel Paul Bernardo a un penchant pour la violence et les rapports sexuels agressifs, la police l’interroge le 12 mai avant de l’écarter une nouvelle fois comme principal suspect dans l’affaire des deux meurtres d’écolières dans le sud de l’Ontario. Les restes de Leslie Mahaffy sont exhumés et les médecins légistes constatent alors sur son dos la présence de bleus qui rappellent les chocs brutaux infligés à Kristen French. C’est à ce moment que la police établit pour la première fois un lien entre les deux meurtres. La police de la région de Niagara, qui collabore avec celle de Halton, met alors sur pied un groupe de travail pour diriger l’enquête portant sur les deux crimes. Le 21 juillet, une reconstitution de l’enlèvement de Kristen French est montrée à la télévision. Le programme génère des milliers de tuyaux, mais aucun ne donnera de piste sérieuse.

Le 6 janvier 1993, Karla Homolka est admise à l’hôpital général St. Catharines après avoir été vicieusement frappée par Paul Bernardo à l’aide d’une lampe de poche. Paul Bernardo est alors arrêté et inculpé d’agression armée avant d’être libéré sous caution. Karla Homolka ne reviendra plus dans la maison du couple, à Port Dalhousie.

Un mois plus tard, le Centre des sciences judiciaires finit par identifier l’ADN de Paul Bernardo comme étant celui du violeur de Scarborough. La police met alors Paul Bernardo sous surveillance et son téléphone sur écoute.

Plaidoyer négocié de Karla Homolka

Au début, Karla Homolka ne coopère pas avec la police. Après s’être entretenue avec son avocat, elle déclare cependant être prête à témoigner contre Paul Bernardo à condition qu’on lui accorde l’immunité de poursuite. Le procureur général de l’Ontario lui refuse toute immunité, mais se déclare prêt à envisager une peine réduite. Le 17 février, Paul Bernardo est arrêté pour le meurtre de Leslie Mahaffy et Kristen French et pour les viols de Scarborough.

Les enquêteurs soumettent Karla Homolka à quatre jours d’interrogatoire. Elle blâme Paul Bernardo pour la mort de sa sœur. Elle décrit comment Paul Bernardo a kidnappé Leslie Mahaffy dans le jardin de la maison où habitait la jeune fille, et comment elle et Paul Bernardo ont attiré Kristen French dans leur voiture sur le parc de stationnement. Elle raconte que les deux filles ont été exploitées comme esclaves sexuelles avant d’être étranglées par Paul Bernardo. Kristen French a été forcée de regarder un journal télévisé durant lequel son père, submergé par l’émotion, demande qu’elle soit rendue saine et sauve. Karla Homolka déclare que Paul Bernardo se serait vanté devant elle d’avoir violé au moins 30 femmes.

Elle se décrit comme une femme battue qui a été forcée de participer aux crimes de Paul Bernardo qui la terrorisait constamment. La fouille de leur domicile permet aux enquêteurs de trouver une liste recensant les viols de Scarborough, des livres au contenu sexuel déviant, un couteau de chasse, des menottes et une cassette vidéo montrant Karla Homolka et Paul Bernardo participant à des activités sexuelles avec deux autres jeunes filles non identifiées. Il est clair que Karla Homolka participe de son plein gré aux deux scènes. Elle admet aux policiers que l’une des filles a été droguée et n’a pas eu conscience par la suite d’avoir été violée.

Peine de douze ans

Le 6 juillet 1993, dans le cadre de son plaidoyer de culpabilité négocié avec les substituts du procureur général, Karla Homolka est reconnue coupable de deux chefs d’accusation d’homicide involontaire pour les meurtres de Leslie Mahaffy et de Kristen French. Elle est condamnée à deux peines de 12 ans de prison ferme qui doivent être purgées simultanément. À l’époque, les autorités ne savent pas encore que la première fouille effectuée par la police au domicile de Paul Bernardo est passée à côté de plusieurs bandes-vidéo, des enregistrements qui vont s’avérer être les preuves les plus accablantes et les plus explosives de cette affaire.

Le 6 mai 1993, l’avocat de Paul Bernardo a récupéré six bandes de 8 mm qui étaient cachées dans la maison de Paul Bernardo. Elles ne seront pas présentées à la police avant le 22 septembre 1994. Les bandes montrent dans tous ses détails le viol de Tammy Homolka, ainsi que la torture et le viol de Leslie Mahaffy et de Kristen French. Karla Homolka apparaît sur les images comme une complice consentante de Paul Bernardo, en aucun cas comme une participante forcée et effrayée. L’affaire fait alors les premières pages des journaux et capture l’attention du public dans toute l’Amérique du Nord. L’annonce de la découverte des bandes-vidéo provoque l’indignation du public. Les médias accusent le procureur d’avoir « passé un marché avec le diable » lorsqu’il n’a condamné Karla Homolka qu’à une peine de 12 ans pour son rôle dans les crimes. La Couronne déclare cependant qu’elle est obligée de respecter son engagement.

Paul Bernardo est déclaré délinquant dangereux

La sélection du jury pour le procès de Paul Bernardo commence le 1er mai 1995. La Couronne ouvre le procès le 18 mai. Le procès durera quatre mois, durant lesquels Karla Homolka sera appelée à la barre des témoins à l’occasion de 17 audiences. Paul Bernardo est finalement reconnu coupable de toutes les charges qui pèsent contre lui : deux chefs d’accusation pour meurtre du premier degré, enlèvement, séquestration et agression sexuelle grave, et un chef d’accusation pour profanation d’un cadavre humain. Il est condamné à l’emprisonnement à vie et déclaré délinquant dangereux, ce qui rend sa remise en liberté conditionnelle très improbable.

Cinq ans plus tard, en 2000, la cour d’appel de l’Ontario et la Cour suprême du Canada rejettent le recours en appel de Paul Bernardo concernant sa condamnation pour meurtres. En 2006, l’avocat de Paul Bernardo déclare qu’en 2005, son client lui aurait confié avoir commis dix agressions sexuelles supplémentaires. Paul Bernardo est incarcéré depuis 2013 dans la prison à sécurité maximale Millhaven, à Bath, en Ontario.

Retombées

Les crimes perpétrés par le couple Bernardo-Homolka, mis à part l’impact qu’ils ont eu sur les victimes et leur famille, ont eu de vastes retombées qui ont continué à se faire sentir bien après la fin des procès. Un tribunal de l’Ontario a ordonné la destruction des bandes-vidéo montrant le viol et le meurtre de leurs victimes. L’avocat de Paul Bernardo, Ken Murray, qui avait récupéré les bandes-vidéo cachées dans la maison de Paul Bernardo a été accusé en 1997 d’entrave à l’exercice de la justice et de complot visant à faire entrave à l’exercice de la justice pour n’avoir pas remis ces bandes à la police. Ken Murray est cependant acquitté de ces chefs d’accusation en 2000.

En 1996, une enquête gouvernementale sur l’enquête menée sur Paul Bernardo conclut que la police a fait de nombreuses erreurs, que des rivalités entre les différents corps policiers ont également nui à l’enquête, et que certains des crimes commis par Paul Bernardo auraient pu être évités si les échantillons de son ADN avaient été traités et comparés plus rapidement.

Karla Homolka a purgé la totalité de sa peine de 12 ans et a été libérée de prison en 2005 sous plusieurs conditions imposées par le juge, notamment des restrictions concernant ses déplacements et l’interdiction de tout contact avec des personnes de moins de 16 ans. Ces conditions ont été annulées par un autre juge quelques mois seulement plus tard, ce qui a déclenché une avalanche de critiques de la part des familles de Leslie Mahaffy et de Kristen French. Karla Homolka s’est d’abord installée à Montréal, où elle a donné naissance à un enfant en 2007.

Elle a ensuite vécu en Guadeloupe, dans les Caraïbes, sous le nom de Leanne Bordelais – avec son nouveau mari, Thierry (frère de Sylvie Bordelais, l’avocate qu’elle avait en prison), et les trois enfants qu’elle avait alors. En 2012, après avoir été découverte en Guadeloupe par un journaliste canadien, Karla Homolka est revenue au Québec. 

Paul Bernardo est devenu admissible à la semi-liberté en 2015 et à la libération conditionnelle totale en février 2018, après avoir purgé 25 ans en prison (voir Probation et libération conditionnelle). Toutefois, en octobre 2018, sa demande de semi-liberté ainsi que de libération conditionnelle a été refusée par un comité de la Commission des libérations conditionnelles du Canada, après 30 minutes de délibération seulement. En tant que délinquant dangereux, Paul Bernardo ne sera probablement jamais libéré.