Ken Taylor et les évadés d'Iran | l'Encyclopédie Canadienne

Éditorial

Ken Taylor et les évadés d'Iran

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Quand Ken Taylor arrive en Iran pour la première fois pour y occuper le poste d’ambassadeur, il n’a aucune raison de s’attendre à autre chose qu’à une période agréable pour promouvoir le commerce et les échanges avec le Canada. À la place, il se lance dans la révolution iranienne dont le guide spirituel est Ayatollah Khomeini.

La révolution éclate au début de l’année 1979 et force Shah, soutenu par les Américains, à quitter son perchoir royal. L’ambassade de Ken Taylor se précipite pour évacuer les 850 travailleurs canadiens de l’Iran. Après, on attend que le chaos cesse en tenant au courant le gouvernement canadien de l’instauration rapide de la République islamique d’Iran. Entre-temps, l’ambassade traite des milliers de demandes de visa de la part des Iraniens inquiets qui veulent quitter leur pays.

Canadiens courageux et pleins de sang-froid

Un groupe de militaires islamiques furieux attaque l’ambassade des États-Unis le 5 novembre. Il prend en otage plus de 70 Américains. Ayatollah Khomeini demande le retour de Shah, qui est dans un hôpital de New York et de ses amples comptes bancaires, en échange de la libération des otages.

Il y a un peu de lumière dans les ténèbres. Les six Américains s’enfuient des militaires iraniens. Ils demandent de l’aide auprès de l’ambassade du Canada et ils l’ont immédiatement. De plus, ils jouissent du soutien intégral du premier ministre du Canada, Joe Clark, et du ministre des Affaires étrangères, Flora MacDonald. Les deux fugitifs demeurent dans la maison de Ken Taylor et de sa femme, Pat. Quatre autres se logent chez John et Zena Sheardown.

Les Américains contactent d’abord John Sheardown, qui est l’agent principal de l’immigration canadienne. Sa réponse est « Ben, ouais. Bien sûr. Comptez sur nous! » Les Canadiens courageux et pleins de sang-froid proposent même d’accueillir tous les correspondants étrangers à Téhéran si jamais ils ont des problèmes avec des révolutionnaires imprévisibles.

Confidentialité

Les invités américains espèrent se retirer de leur exil rapidement, mais les jours et les semaines s’étirent. Leur patience atteint sa limite. Cette débrouillardise ne peut pas rester en secret pour toujours.

De plus, c’est dangereux. Les Américains et Ken Taylor lui-même savent bien que leur secret sera dévoilé. Si cela arrive, les autorités iraniennes viendront immédiatement à l’ambassade.

Le correspondant à Washington du journal québécois La Presse, Jean Pelletier, est le premier à comprendre ce qui se passe. « Les Canadiens ont été impliqués pour créer un refuge à Téhéran. Ils étaient comme des animaux espiègles de basse-cour avant le tremblement de terre », — écrit-il plus tard dans son livre sur le sujet.

C’est un reportage exclusif d’une importance vitale, c’est pourquoi le rédacteur en chef de Jean Pelletier le veut immédiatement pour son journal. Mais Jean Pelletier refuse. « Vous ne pouvez pas appliquer votre principe de publier et être maudit à toutes les situations, peu importe le contexte », — dit-il à son chef.

S’échapper de Téhéran

Les autres ne seraient pas tellement consciencieux. Il faut organiser l’évasion. L’aéroport Mehrabad à Téhéran est soigneusement exploré. On accorde des passeports canadiens et des pièces d’identité aux six Américains. Le personnel de l’ambassade canadienne retourne au Canada tranquillement en petits groupes.

Le 27 janvier 1980, les invités américains nerveux passent par l’aéroport et prennent un vol matinal pour Francfort. Plus tard, dans la même journée, Ken Taylor et le personnel qui reste ferment l’ambassade et quittent l’Iran.

Jean Pelletier a finalement la chance de partager son histoire. Les nouvelles sur les évadés d’Iran sont vite partout. Ken Taylor, homme à la chevelure sauvage, avec un large sourire et en complet dernier cri, connu pour son goût pour la belle vie, est bien présenté comme un esprit audacieux dans un complot dangereux.

Le rôle de la CIA

John Sheardown cueille un peu de lauriers lui aussi, mais pas assez pour ses mérites.

Le fait suivant n’est pas révélé à l’époque pour ne pas mettre les otages en péril, mais l’Agence centrale de renseignements des États-Unis (CIA) joue son rôle dans l’évasion. Ses agents se faufilent à l’Iran pour organiser l’évasion de six otages avec les Canadiens. La CIA monte un stratagème avec l’aide de personnalités réelles de Hollywood. Selon ce stratagème, les six membres du personnel de l’ambassade américaine se déguisent en cinéastes qui cherchent un endroit pour filmer un long-métrage de science-fiction, intitulé Argo. Qui d’autre voudrait aller en Iran en pleine révolution? — pensent les planificateurs. Le rôle de la CIA est connu publiquement seulement en 1997, quand on brise le silence à ce sujet en réduisant le rôle de Ken Taylor et des Canadiens dans l’histoire des évadés d’Iran.

Avant 1997, les États-Unis ne glorifient que les Canadiens et Ken Taylor. « Merci à toi, le Canada », — disent les pancartes. Les lettres de remerciement envahissent Ottawa et le Congrès des É.-U. frappe une médaille d’or en l’honneur de l’ambassadeur canadien. Washington ne connaît jamais de sentiments aussi favorables envers le Canada.

C’est un interlude heureux qui rappelle que tous les Nord-Américains présentent une communauté unie, mais leur alliance ne peut pas durer. Peu de temps après, les deux gouvernements ont des conflits amers sur des ressources énergétiques, sur des questions environnementales et sur la politique étrangère, ce qui mène les commentateurs à s’inquiéter que les différences entre les États-Unis et le Canada soient importantes et frustrantes.

Autrement dit, le commerce comme toujours.