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Politique étrangère féministe du Canada

En juin 2017, le gouvernement libéral de Justin Trudeau présente sa Politique d’aide internationale féministe (PAIF). Cette politique adopte une approche explicitement féministe à l’égard de la politique étrangère et du développement international afin de cibler l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes et de filles. (Voir Affaires mondiales Canada).

Politique d'aide internationale féministe du Canada

Historique

Le Canada met l’accent sur les femmes et les filles dans les secteurs de la gouvernance mondiale et du développement international depuis longtemps. Des exemples incluent la participation du Canada à la Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes en 1979, à la Déclaration et Programme d’action de Beijing créée à la Conférence de l’ONU sur les femmes en 1995, et aux deux plans d’action nationaux sur les femmes, la paix et la sécurité.      

Le féminisme et le gouvernement libéral de Justin Trudeau

Lors de sa campagne fédérale en 2015, Justin Trudeau fait du féminisme la pièce maîtresse de la plateforme libérale. Après l’élection de son parti, Justin Trudeau tient ses promesses électorales en nommant le premier Cabinet de parité hommes-femmes de l’histoire du Canada, et en lançant une enquête nationale sur les femmes et filles autochtones disparues et assassinées au Canada (FFADA).

En 2017, son gouvernement présente une stratégie pour prévenir et combattre la violence reliée au sexisme. En 2018, il transforme Condition féminine Canada en un ministère fédéral nommé Femmes et égalité des genres Canada (FEGC), et il adopte une nouvelle loi sur l’équité salariale. Sur la scène internationale, les libéraux soulignent leur programme féministe en convoquant le tout premier Conseil consultatif sur l’égalité des genres du G7 en 2018, et en promettant plus de financement pour la santé sexuelle et reproductive à travers le monde, suite au rétablissement et à l’expansion de la règle du bâillon mondiale de la part du président des États-Unis, Donald Trump, règle qui interdit le financement américain aux groupes étrangers qui soutiennent ou mentionnent l’avortement (voir Relations canado-américaines).

Cependant, le gouvernement Trudeau est critiqué pour ne pas avoir respecté ses promesses en ce qui concerne son engagement féministe. Par exemple, de nombreux groupes autochtones font valoir que la Commission de la FFADA manque de transparence, de communication et d’inclusion (voir Femmes et filles autochtones disparues et assassinées au Canada). Lors de l’affaire SNC-Lavalin, le traitement brutal de Justin Trudeau envers la première ministre de la Justice autochtone, Jodie Wilson-Raybould, ternit son image féministe (voir aussi Jane Philpott).

Rapport de la Politique d’aide internationale féministe du Canada

Publié en 2017 par le gouvernement du Canada, avec les préfaces de Chrystia Freeland, à l’époque ministre des Affaires étrangères, et de la ministre du Développement international et de la Francophonie Marie-Claude Bibeau, le rapport de la Politique d’aide internationale féministe (PAIF) est basé sur des consultations auprès de plus de 15 000 personnes de 65 pays. Ce rapport contient des domaines prioritaires et des exemples concrets d’actions politiques.

Affaires mondiales Canada met l’accent sur le caractère innovateur de la politique. Le rapport reconnaît que l’autonomisation des femmes et des filles nécessitera la transformation des relations de pouvoir et des normes sociales. L’engagement des hommes et des garçons est inclus dans cette stratégie, notant que « les normes sociales et les stéréotypes liés au genre limitent également les hommes et garçons dans leurs rôles sociétaux et familiaux. »  

La PAIF est centrée sur un domaine d’action essentiel : l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes et des filles. Les cinq autres domaines d’action sont : la dignité humaine, la croissance qui fonctionne pour tous, l’environnement et l’action climatique, la gouvernance inclusive et la paix et sécurité. Un autre des buts de la PAIF est d’aider le Canada à atteindre les objectifs de développement durable des Nations Unies, qui « visent à éradiquer la pauvreté d’ici 2030 », et à mieux aligner les efforts politiques du Canada avec l’Accord de Paris sur le changement climatique, qui vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à protéger l’environnement.

La Politique engage le Canada à devenir un donateur féministe en garantissant que 15 % de tous les investissements bilatéraux dans l’aide au développement international visent l’égalité des genres et l’autonomisation. En 2022, au moins 95 % de l’aide étrangère du Canada devra être axée sur l’égalité et l’autonomisation. 

La PAIF ne cible pas à l’avance les pays que le Canada devra aider. Il est prévu que l’Afrique subsaharienne devrait recevoir non moins de 50 % du financement, mais l’attention est portée en général sur les pays fragiles et affectés par les conflits. Afin de garantir un impact maximal, la Politique insiste également sur un besoin de flexibilité et d’innovation, incluant une collaboration plus étroite avec le secteur privé et les organismes de la société civile. On destine 150 millions de dollars aux organismes et mouvements locaux pour les femmes.  

Le saviez-vous ?
Le Canada est le deuxième pays au monde à adopter une approche explicitement féministe de la politique et du développement étrangers. La Suède a été le premier pays à la faire, en 2014.

Critiques

Bien qu’elle soit célébrée par certains comme étant une approche progressiste à la politique étrangère, la PAIF s’attire également quelques critiques.

Par exemple, certains remettent en question une approche dans laquelle l’égalité des genres n’est pas considérée comme une fin en soi, mais comme une réponse à d’autres problèmes, tels que la croissance économique et la diminution de la pauvreté. Certains critiquent également l’approche centrée sur les entreprises dans laquelle l’autonomisation des femmes et des filles est vue comme un moyen de rendre les pays plus prospères économiquement, en partie parce que cela sert les intérêts de l’état donateur.   

Une autre critique concerne la complexité de la transformation des normes et des stéréotypes de genre. Alors que la PAIF plaide pour les enjeux de genre tels que de meilleures opportunités économiques pour les femmes, il n’est pas prouvé que cela peut changer les rôles et relations traditionnels des genres. Dans certains contextes où les opinions traditionnelles sur les hommes et les femmes sont très arrêtées, la Politique pourrait possiblement faire plus de tort aux femmes et aux filles, spécialement si la demande d’un changement social et culturel est imposée par un pays donateur. De plus, cette politique ne fournit aucune mesure concrète de l’impact à long terme du projet ni aucun indicateur de succès ou d’échec.

Certains signalent également l’incohérence entre la rhétorique féministe de la politique et certaines actions prises par le gouvernement de Justin Trudeau. Par exemple, alors qu’ils clament être féministes et qu’ils fonctionnent sur une plateforme où règne le respect du droit des femmes, les libéraux continuent de vendre des véhicules blindés légers au gouvernement de l’Arabie Saoudite, un régime très reconnu pour avoir commis des violations de droits de la personne, plus particulièrement envers le droit des femmes et l’égalité des genres.

Une dernière critique concerne les ressources financières limitées allouées à la PAIF. En 2017, seulement 0,26 % du revenu intérieur brut (RIB) a été consacré à l’aide extérieure, et malgré une légère augmentation en 2018-2019, il reste limité comparativement aux autres pays occidentaux et membres du G7. En d’autres termes, les critiques soutiennent que le financement fourni ne correspond pas aux ambitions de la politique.

Liens externes