Judaïsme | l'Encyclopédie Canadienne

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Judaïsme

Religion des Juifs, le judaïsme est originaire de l'Israël antique, où le texte sacré de la Bible hébraïque était reconnu comme la Révélation divine. Le coeur de la Bible est la Torah, les cinq livres communiqués par Dieu au peuple juif sur le mont Sinaï par l'entremise de Moïse, son libérateur, son maître et son prophète. Les autres parties de la Bible (livres prophétiques, historiques et de sagesse) sont fondées sur la Torah, qui en demeure le centre.

De Sola, Abraham
Abraham de Sola est un rabbin influent de Montréal au XIXe si\u00e8cle (avec la permission des Archives de l'U. McGill).

Judaïsme

Le Temple de Jérusalem est détruit en l'an 70 à la suite d'une guerre au cours de laquelle les Juifs ont vainement tenté de se libérer de l'emprise des Romains. Pendant les siècles qui suivent, les rabbins, maîtres religieux des Juifs, compilent d'autres textes sacrés : la Mishna, le Talmud de Jérusalem et le Talmud de Babylone. Plus tard, les rabbins ajoutent encore des commentaires et des codes de lois. Les rabbins enseignent que la Mishna et le Talmud sont la « Torah orale » qui a été donnée à Moïse sur le Sinaï, mais qui n'a été écrite que lorsque la destruction du Temple en a rendu trop difficile la transmission orale.

La « Torah écrite », les textes plus tardifs de la « Torah orale » et les autres Écritures constituent une « patrie portative », une voie de sainteté détaillée et consignée par écrit, destinée à préserver le peuple juif et sa foi au cours de son exil. Dans ce mode de vie, le rabbin est un docteur de la Loi qui guide l'existence quotidienne des gens grâce à sa connaissance de la Torah. Cependant, le judaïsme ne se limite pas à la prière, à la synagogue, aux jeûnes et aux fêtes. Le judaïsme fondé sur la Torah écrite et orale s'intéresse aussi à la famille, aux affaires, au droit civil et criminel, au système judiciaire qui adopte et applique des lois en ces matières, ainsi qu'aux philosophies et aux visions du monde qui trouvent un sens à la présence historique des Juifs. Le judaïsme se constitue de la sorte comme un cadre religieux, social et culturel.

Le judaïsme biblique trouve son origine dans la contestation des croyances et pratiques païennes traditionnelles. Le christianisme et l'islam se présentent ouvertement comme des religions destinées à lui succéder. Tout en respectant le judaïsme en tant que première révélation, elles l'ont décrit comme étant la religion rejetée par leurs propres révélations ultérieures. À leurs descriptions bizarres et hostiles du judaïsme se sont ajoutées les humiliations, les expulsions et les violences. Si le judaïsme a été dénigré dans la société canadienne, il l'est moins de nos jours parce que la tolérance religieuse et le pluralisme sont désormais des valeurs culturelles généralement reconnues. Le Conseil canadien des chrétiens et des juifs est un organe de promotion de la tolérance religieuse et du dialogue entre juifs et chrétiens. Des mouvements de promotion d'un dialogue entre juifs et musulmans tentent également de se former. (Voir aussi Antisémitisme au Canada; Préjugés et discrimination au Canada).

Alors que les États-Unis ont pratiqué dès le début la séparation de l'Église et de l'État, le Canada, au moment de sa fondation, a reconnu les droits des catholiques et des protestants. Les membres des religions minoritaires pouvaient toutefois devenir des citoyens à part entière. À l'exception de l'important domaine de l'éducation, dans lequel certaines provinces soutiennent entièrement les systèmes d'écoles chrétiennes confessionnelles alors que les écoles non chrétiennes ne peuvent obtenir un soutien équivalent, les minorités religieuses canadiennes jouissent maintenant des mêmes droits et privilèges que l'ensemble de la population. Avant le XIXe siècle, les juifs sont loin de bénéficier d'une telle égalité de statut juridique.

Cette possibilité de participation à une société ouverte en tant que membres égaux met les juifs et le judaïsme en présence de défis à relever. L'économie ouverte et concurrentielle donne aux immigrants l'occasion de sortir de la pauvreté, mais elle les incite également à enfreindre les interdits rituels qui limitent leurs perspectives économiques, notamment l'interdiction de travailler le samedi et les jours de fêtes religieuses. L'éducation obligatoire amène les enfants juifs à fréquenter des écoles publiques qui ont pour but déclaré de faire d'eux de bons Canadiens. Ainsi, les fils d'immigrants juifs y étudient des sciences, une histoire et une littérature dont les générations précédentes ignoraient tout. La plupart de ceux qui font des études supérieures sont impressionnés par la culture cosmopolite des intellectuels occidentaux. En tant que membres de la société de consommation qui voit le jour, les juifs canadiens sont encouragés à consacrer leurs heures de loisirs au magasinage et aux divertissements plutôt qu'aux pratiques communautaires de piété prescrites par leur religion. Devant de tels défis, quelques-uns abandonnent radicalement leurs traditions, mais la plupart choisissent d'allier une certaine forme de fidélité au judaïsme, en conservant la sécurité de la famille traditionnelle et des liens communautaires, à un effort pour s'intégrer à la société canadienne et en être acceptés.

Démographie

Les juifs vivent surtout en milieu urbain, pour la plupart dans les trois grands centres métropolitains. C'est en Ontario qu'ils sont les plus nombreux, surtout à Toronto. À Montréal, lieu de fondation de la première synagogue canadienne, la communauté juive a longtemps été la plus nombreuse au Canada et elle est encore très vivante. La population juive de Vancouver s'accroît. Si les organisations et les pratiques de la communauté juive de Montréal sont les plus traditionnelles, celles de la communauté de Vancouver s'avèrent les moins strictes.

Les données des recensements canadiens tiennent compte à la fois des juifs comme groupe ethnique et du judaïsme comme religion. Au recensement de 1991, quelque 318 000 Canadiens se sont dits de religion juive. Les organisations juives estiment que la population juive totale est d'environ 356 000 personnes, y compris celles qui se déclarent juives de par leur origine ethnique, mais ne professent aucune religion. La plupart des membres de cette minorité non pratiquante ne sont pas complètement dépourvus de connaissances religieuses et n'ont pas abandonné toute observance. En raison des liens étroits entre la religion et les autres aspects de l'identité juive, ils ont généralement une certaine éducation religieuse, participent aux activités de leur famille élargie qui comportent des rites religieux et observent à leur manière les pratiques juives qui marquent les étapes de la vie.

Confessions judaïques

Les confessions judaïques qui sont apparues par suite de la nouvelle situation des juifs dans la société moderne sont toutes représentées au Canada. Le judaïsme orthodoxe, selon lequel la Torah écrite et la Torah orale constituent la Révélation divine, prescrit un mode de vie très distinctif. Le judaïsme conservateur, originaire du Jewish Theological Seminary des États-Unis, interprète la Torah de façon plus souple en permettant à ses adeptes de bénéficier des institutions sociales, culturelles et éducatives canadiennes, tout en professant une totale continuité avec une tradition en constante évolution. Le judaïsme réformé, tout en respectant les sources traditionnelles de la sagesse et de l'inspiration, rejette ouvertement le caractère divinement inspiré de la loi orale. Les juifs réformés n'observent que de façon facultative les prescriptions alimentaires et les interdictions du jour du sabbat, entre autres.

La plupart des premiers immigrants juifs sont originaires de régions où l'on ne pratiquait que le judaïsme orthodoxe. Presque toutes les synagogues canadiennes fondées vers 1900 étaient en effet orthodoxes. Certains survivants de l'Holocauste qui ont immigré au Canada étaient des Hassidim, juifs orthodoxes qui se vouent à l'étude des textes mystiques et s'opposent aux influences culturelles extérieures. Ils ont réussi à former des communautés à Montréal et à Toronto. Les juifs d'Afrique du Nord arrivés au Canada dans les années 50 ont fondé des synagogues orthodoxes, dont la plupart se trouvent à Montréal et quelques-unes, à Toronto. Les assemblées orthodoxes sont encore nombreuses aujourd'hui. Peu à peu, certaines synagogues canadiennes ont adhéré au judaïsme conservateur, souvent pendant la deuxième ou la troisième génération après l'arrivée des immigrants. La majeure partie des juifs canadiens appartient aujourd'hui aux synagogues conservatrices. Au début des années 50, le mouvement de réforme ne comptait que trois assemblées au Canada, mais comme il a aussi connu une croissance considérable, il est maintenant une confession majeure et bien établie du judaïsme canadien. Le Canada compte également un petit nombre de synagogues appartenant au mouvement reconstructionniste, fondé sur le principe d'une civilisation religieuse juive.

Institutions

 Dans leur vie personnelle, les juifs canadiens se préoccupent davantage des synagogues et des écoles, fondements de l'organisation judaïque, que des divergences théologiques entre confessions. Les synagogues appartiennent aux assemblées qui les fréquentent. Celles-ci choisissent la confession à laquelle elles veulent adhérer et, normalement, un rabbin formé dans le séminaire rabbinique de cette confession. L'appartenance varie selon les étapes de la vie et se manifeste surtout lorsque les enfants sont à l'école primaire. Dans les grandes villes, les synagogues se font concurrence pour attirer des membres. Le rôle du rabbin est devenu moins juridique et plus pastoral, sous l'influence d'une population habituée à comparer avant de choisir, qui cherche parfois des racines spirituelles dans un monde dangereux et complexe, mais qui parfois aussi ne désire rien de plus qu'un cadre agréable pour les rites de passage et les quelques occasions où les convenances sociales exigent qu'on soit présent.

L'importance religieuse des écoles juives est peut-être aussi grande que celle des synagogues. Presque toutes les écoles sont confessionnelles et la grande majorité des enfants y reçoivent une éducation juive pendant au moins quelques années. Il existe deux types d'écoles juives : celles qu'on fréquente quelques heures par semaine, en plus de suivre l'horaire des écoles publiques, et celles qu'on fréquente sans aller à l'école publique. Les écoles dont l'enseignement s'ajoute à celui des écoles publiques sont presque toutes parrainées par les assemblées. Depuis une génération, les écoles juives privées qui remplacent l'école publique, appelées écoles de jour, ont connu une forte croissance. Les écoles de jour offrent un double programme : en général, on consacre une moitié de la journée au programme scolaire provincial obligatoire et l'autre moitié à l'instruction judaïque. Celle-ci inclut l'étude des Écritures (la Bible et, à certains endroits, le Talmud), de la langue hébraïque, de l'histoire juive et des pratiques religieuses. À Montréal et à Toronto, on trouve des écoles de jour orthodoxes sionistes, orthodoxes non sionistes, conservatrices et séfarades. Ces dernières enseignent les traditions religieuses et culturelles des juifs d'Afrique du Nord. À Toronto, il y a aussi des écoles de jour reformées et sionistes ouvrières. À Montréal, une école yiddish a été fondée pour perpétuer l'héritage culturel laïque des juifs de l'Europe de l'Est. Dans les agglomérations plus petites, le choix d'écoles n'est pas aussi vaste.

Dans le système scolaire juif, les orthodoxes occupent une place proportionnellement beaucoup plus grande que dans l'ensemble de la population parce que les juifs orthodoxes exigent une connaissance détaillée des rites, accordent une plus grande importance à l'étude des Écritures, sont plus disposés à payer pendant de nombreuses années les droits de scolarité des écoles privées et ont moins d'objections à se dissocier de la culture canadienne. Toutefois, le judaïsme est enseigné dans les écoles sionistes laïques et les écoles yiddish. Les élèves instruits dans ces écoles auront à vivre ensuite dans des milieux où l'on pratique le judaïsme, lequel fait partie de leur patrimoine culturel en tant que cadre historique de l'existence juive.

Après le secondaire, les possibilités de faire des études religieuses à temps partiel sont nombreuses. Certains continuent à étudier à plein temps le Talmud et les autres Écritures dans les yeshivot orthodoxes. Les études juives font partie du programme des universités McGill, Concordia et York, ainsi que de l'U. de Toronto et de l'U. de la Colombie-Britannique.

Pratiques rituelles

Les confessions judaïques diffèrent par leurs exigences en matière de pratiques rituelles. La plupart des juifs observent ces rites de façon sélective et ne se conforment pas strictement aux exigences de la confession à laquelle ils adhèrent. Certaines pratiques sont couramment observées, notamment les seders (banquets de famille) des deux premiers soirs de la Pâque, qui commémore la libération de l'esclavage en Égypte. De plus, on va à la synagogue pour le Nouvel An (Rosh Hashanah) et le Jour du Grand Pardon (Yom Kippour), qui est aussi un jour de jeûne; on allume des chandelles le vendredi soir avant un repas de famille; et on en allume aussi pour la Hannoukah, qui commémore la révolte victorieuse des Juifs contre l'Empire séleucide du IIe siècle av. J.-C.

Les pratiques couramment observées qui marquent les étapes de la vie sont la circoncision rituelle le 8e jour après la naissance, ce qui constitue l'entrée dans l'alliance de Dieu avec le peuple juif; la célébration, à la synagogue, du 13e anniversaire d'un enfant par le bar-mitzva (pour les garçons) ou le bat-mitzva (pour les filles); la célébration du mariage présidée par un rabbin et les funérailles religieuses suivies de l'inhumation dans un cimetière juif.

Bien que la plupart aient abandonné les coutumes qui nuisent à l'intégration à la société canadienne, les juifs veulent donner à leur identité une signification transcendante. Les pratiques juives contemporaines mettent surtout l'accent sur l'importance de la famille et du peuple. De plus en plus, des juifs marient des personnes nées hors de la foi judaïque, de sorte que l'étude du judaïsme en vue d'une conversion est devenue fréquente. La conversion suppose qu'on se rallie à la famille, à la communauté et au peuple juif tout autant qu'à la religion. Une minorité appréciable de juifs canadiens continuent, par choix personnel, d'observer avec grande fidélité les pratiques du culte, ce qui dénote la capacité du judaïsme à répondre aux questions de morale et de sens de la vie tout en comblant le besoin d'un soutien communautaire et d'une expérience transcendante.

Judaïsme et peuple juif

L'appartenance au peuple juif revêt une signification religieuse. Selon le judaïsme, le peuple, collectivement, est porteur du message sacré. L'Holocauste et la fondation de l'État d'Israël ont une grande valeur symbolique pour les juifs canadiens : ils y voient un Israël mythique (pas tout à fait identique à l'État hébreu) qui, tel un phénix, renaît des cendres d'Auschwitz, symbole du mal absolu. Ces événements ont valeur d'histoires sacrées et confèrent à l'appartenance au peuple juif une signification transcendante.

Judaïsme et esprit communautaire

Les membres des synagogues font presque tous partie d'autres organisations juives, religieuses ou non. Selon le Talmud, « tous les juifs sont responsables les uns des autres ». Même les non-pratiquants ou ceux qui se disent laïcistes considèrent que leur responsabilité envers leur peuple est une obligation morale.

Les organisations strictement religieuses des juifs canadiens sont intégrées à un réseau communautaire plus vaste. Les assemblées sont membres du Congrès juif canadien et des fédérations juives qu'on trouve dans les communautés locales partout au Canada. Les fédérations juives collectent des fonds au profit des foyers pour personnes âgées, des organismes de travail social et d'autres services juifs de bien-être social, qui collaborent tous avec les institutions religieuses des juifs canadiens. Les fédérations recueillent également des fonds pour l'éducation juive et y consacrent parfois une part substantielle du budget local.

Judaïsme et sionisme

Compte tenu du fait que l'appartenance au peuple et l'engagement religieux sont étroitement liés, il va de soi que le mouvement sioniste a un aspect religieux. Au départ, le sionisme était très laïciste, rejetant la doctrine selon laquelle seules la prière et la purification morale mettraient un terme à l'exil juif. Toutefois, un grand nombre de juifs qui pratiquaient les rites traditionnels et appartenaient à des synagogues ont soutenu le mouvement, motivés par le pragmatisme des sionistes qui réclamaient un lieu de refuge pour les juifs persécutés et par la promesse, incluse dans la Torah, que le peuple juif serait libre sur la terre d'Israël. Depuis son apparition (fin XIXe siècle), le mouvement sioniste a eu de nombreux adhérents parmi les juifs canadiens.

De nos jours, chaque confession judaïque parraine sa propre organisation sioniste, qui s'attache à renforcer les liens de la confession avec Israël et à promouvoir les intérêts de la confession au sein du mouvement sioniste. L'organisation sioniste conservatrice et son homologue réformée travaillent au développement de leur mouvement en Israël en encourageant, selon leurs structures respectives, les oeuvres de bienfaisance, les voyages, les études et l'aliyah (émigration vers Israël). Ces deux organisations participent aussi aux mouvements de pression qui protestent contre l'imposition des règles orthodoxes à la population israélienne et contre le soutien considérable de l'État dont seules les organisations orthodoxes bénéficient. Le sionisme orthodoxe a particulièrement bien réussi à créer des liens entre les juifs canadiens et les organisations orthodoxes israéliennes. Parmi les juifs canadiens, les orthodoxes sont les plus enclins à faire des voyages en Israël, à envoyer leurs enfants y étudier et à faire eux-mêmes l'aliyah. Une minorité de juifs orthodoxes s'opposent aux obligations du sionisme. Ils travaillent donc en collaboration avec les juifs orthodoxes non sionistes d'Israël.

Judaïsme et mouvements sociaux

Les juifs canadiens, comme les juifs américains, sont bien représentés dans les mouvements sociaux qui s'emploient à améliorer les conditions de vie des pauvres et des opprimés. Ces activités peuvent être considérées comme un élément essentiel du patrimoine religieux juif, qui découle de sa vision prophétique de justice et de paix universelles.

La dynamique particulière du judaïsme canadien tient à cette tension qui existe entre le besoin de participer à la société canadienne et l'engagement à conserver l'identité juive. Les stratégies employées pour concilier ces deux valeurs varient, de sorte que la communauté juive est pluraliste sur le plan idéologique, mais intégrée sur le plan social. Si les juifs canadiens interprètent de diverses façons le patrimoine judaïque, ils vivent une existence commune et espèrent avoir un avenir commun.

Voir aussi Littérature juive au Canada.

Lecture supplémentaire

Liens externes