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Arrangeurs

Arrangeurs. La profession d'arrangeur date de plusieurs siècles. Elle consiste à modifier l'instrumentation ou la texture d'une composition musicale, souvent dans le but de l'adapter à un instrument qui diffère de l'original.

Arrangeurs

Arrangeurs. La profession d'arrangeur date de plusieurs siècles. Elle consiste à modifier l'instrumentation ou la texture d'une composition musicale, souvent dans le but de l'adapter à un instrument qui diffère de l'original. La pratique de l'arrangement devient courante en Europe du XIVe au XVIe siècle alors que les œuvres pour voix sont souvent adaptées pour instrument à cordes frappées ou pour luth. Les arrangements d'œuvres instrumentales pour d'autres instruments font leur apparition à la fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle. Au XIXe siècle, les arrangeurs travaillent généralement avec des musiques datant de périodes plus anciennes, les compositeurs d'alors écrivant des musiques qui ne sont pas facilement adaptées à d'autres instruments; la plupart des arrangements d'œuvres au cours de cette période sont écrits par leur compositeur. Également au XIXe siècle, les arrangements pour piano d'œuvres orchestrales ou de musique de chambre, que ce soit pour une interprétation personnelle ou de virtuose, sont très répandus.

La profession d'arrangeur devient très exigeante à partir des années 1920, l'arrangement devenant un facteur clé dans le succès ou l'échec d'une chanson ou d'un groupe. En réponse à la demande émanant des orchestres de danse, des big bands, de la radio et de la télévision, beaucoup d'arrangeurs se spécialisent, ce qui ne les empêche pas, dans bien des cas, d'exercer en même temps un autre métier, tel que celui de compositeur, de chef d'orchestre, de chef de chœur et de musicien, occupant souvent une fonction en relation avec une autre. Les arrangements prennent aussi une grande place dans la musique légère pour orchestre ou harmonie, dans la musique de circonstance, de film, de spectacle (fête du Canada, ouverture des Jeux olympiques, etc.) et dans la musique de fond pour la radio. À noter cependant qu'ils ne sont pas nécessairement de style populaire. Au cours des XXe et XXIe siècles, il devient plus compliqué de travailler avec du matériel contemporain en raison des droits d'auteur, car il faut obtenir la permission d'utiliser des œuvres qui ne sont pas du domaine public.

Les premiers arrangeurs canadiens

Musique sacrée

L'avènement de la musique en feuilles au Canada crée un marché pour les arrangements musicaux de combinaisons variées d'instruments et de divers niveaux de difficulté. Les premières partitions canadiennes sont utilisées pour la musique religieuse. Ces partitions comprennent parfois des harmonisations pour des hymnes particuliers et, à l'occasion, des arrangements pour accompagnement instrumental. Par exemple, le père Jean-Denis Daulé (1765-1852) publie, de façon anonyme, la collection d'hymnesNouveau recueil de cantiques à l'usage du diocèse de Québec (1819). Bien qu'il comprenne principalement des mélodies sans accompagnement, on croit qu'il pourrait bien inclure ce qui semble être des arrangements pour des duos pour clavier ou instrument à vent (H. Kallmann, A History of Music in Canada, 1534-1914). L'index du Patrimoine musical canadien, V (Hymnes) comprend une liste de compositeurs et d'arrangeurs.

Musique folklorique
D'autres arrangeurs canadiens de la première heure ont travaillé dans le genre « musique folklorique ». Vers 1817, les arrangements manuscrits de Frederick Glackemeyer de « Mon père a fait faire un étang » et « En roulant ma boule », pour voix et piano, constituent les premiers arrangements du XIXe siècle des chansons de voyageurs. Il n'est pas rare qu'une mélodie folklorique soit adaptée par différents arrangeurs. Par exemple, les premiers arrangements imprimés de la chanson À la claire fontaine sont ceux de Mlle M.B.J. (Album littéraire et musical de la Revue canadienne, Montréal 1846). Par la suite, cette même chanson est arrangée « comme on la chante en France » par Antoine Dessane (1861), pour orchestre par Robert Farnon (1958), pour soprano, alto et piano par Violet Archer (1970) et pour chœur SATB par Anthony Petti (1976). On compte d'autres arrangeurs de musique folklorique de la deuxième moitié du XIXe siècle, dont Ernest Gagnon, qui a vu ses nombreux arrangements pour chorale être imprimés dans Les soirées de Québec (1887), Cantiques populaires du Canada français (1897) et Chants canadiens (date non disponible), de même qu'Achille Fortier, Susie Frances Harrison et Jules Hone.

Musique pour orchestre
Des orchestres militaires et civils font partie intégrante des premières performances de musique instrumentale au Canada et de la diffusion d'œuvres plus imposantes autres que des œuvres pour chœur, telles que des symphonies, des oratorios et des opéras. Il y avait également un désir d'adapter de telles œuvres de même que les chansons populaires pour les instruments disponibles dans les orchestres individuels, les premiers étant le Sharon Band et l'orchestre de la Société Sainte-Cécile. Il est difficile de retracer l'activité des premiers arrangeurs de musique pour orchestre avant le milieu du XIXe siècle, époque où le répertoire imprimé commence à circuler sous forme d'arrangements pour piano. De nombreux autres genres de musique ont été arrangés pour orchestre, dont des marches, des musiques de danse et des pots-pourris de chansons traditionnelles. Un exemple de ces derniers est la Mosaïque sur des airs canadiens (1880), de Joseph Vézina, pour lequel il réalise un arrangement d'un pot-pourri de mélodies folkloriques et patriotiques du Québec. Les arrangeurs de musique pour orchestre actifs au cours de la première moitié du XXe siècle comptent entre autres J.-J. Gagnier, Arthur Wellesley Hughes, Louis-Philippe Laurendeau, Charles O'Neill et Charles Thiele. Kenneth Bray, Kenneth Campbell, William McCauley, Jack Sirulnikoff et Morris Surdin sont, quant à eux, des arrangeurs de la deuxième moitié du XXe siècle.

À compter du XXe siècle

Musique folklorique
Le début du XXe siècle est témoin d'un mouvement qui vise à considérer avec plus de respect la musique folklorique et à la rendre plus attirante comme matériel de composition. Cette tendance crée une demande pour des arrangements qui s'adaptent à divers ensembles tels que le quatuor vocal, la chorale et l'orchestre. Les arrangeurs canadiens de musique folklorique du XXe siècle sont, entre autres, W.H. Anderson, Gabriel Cusson, Achille Fortier, Pierre Gautier, Hector Gratton, Alfred La Liberté, Ernest MacMillan, Oscar O'Brien, Leo Smith, Roberta Stephen, J.-Antonio Thompson et Healey Willan.

Musique chorale
Les arrangements de mélodies folkloriques canadiennes comprennent un important répertoire de musique chorale. De tels arrangements sont d'abord apparus dans les premières décennies du XXe siècle et ont été favorisés par les festivals au cours des années 1920 et 1930. Par exemple, lors du Festival de la chanson, des danses et des métiers du terroir de 1928, à Québec, les arrangements pour chorale de Ernest MacMillan et Alfred Whitehead sont parmi les gagnants de concours E.W. Beatty récompensant des compositions basées sur des chansons folkloriques canadiennes-françaises. Au cours des années 1950 et 1960, le répertoire prend de l'ampleur grâce à l'intérêt national renouvelé pour la culture canadienne et le patrimoine et grâce aussi à l'expansion de la musique dans les écoles. Jusque dans les années 1960 et 1970, alors que la popularité des arrangements de musique folklorique diminue, les arrangements pour chorale sont très populaires, offrant de nombreuses combinaisons de voix et de niveaux techniques (G. Proctor, Canadian Music of the Twentieth Century). La liste des arrangeurs qui ont contribué à ce répertoire comprend Lydia Adams, Leslie Bell, Keith Bissell, Victor Bouchard, George Brandon, Kenneth Bray, François Brassard, Howard Cable, Stuart Calvert, Claude Champagne, Donald Cook, Lori-Anne Dolloff, Robert Fleming, Patricia L. Guy, Derek Healey, Richard Johnson, Clarence Lucas, William McCauley, Oskar Morawetz, Imant Raminsh, Godfrey Ridout, Gino Silvi, Harry Somers, Carl Tapscott, Nancy Telfer, Eric Wild, Healey Willan et Don Wright.

Musique pour orchestre
Le répertoire de musique canadienne pour orchestre comprend des arrangements pour orchestre de chansons provenant d'autres genres musicaux. Par exemple, l'Imperial Oil McPeek Pops Library, fondée par Ben McPeek en 1982, est une collection de pièces populaires canadiennes arrangées pour orchestre symphonique. La collection comprend des œuvres d'arrangeurs tels que Lucio Agostini, Michael Conway Baker, Peter Bjerring, Robert Farnon, Marc Fortier, Murray Geddes, Paul Hoffert, Milan Kymlicka, William McCauley, Bob McMullin, John Mills-Cockell, Glen Morley, Eric Robertson, Paul Ruhland, Brian Sexton, Fred Stride, Jerry Toth et Rick Wilkins. Les compositeurs peuvent faire des arrangements de leurs propres œuvres pour des ensembles plus imposants. C'est le cas de Claude Champagne, Jean-Josaphat Gagnier, Hagood Hardy et Georges-Émile Tanguay. Parmi les autres arrangeurs canadiens, notons Léon Bernier, Kenneth Bray, Alexander Brott, Howard Cable, Johnny Cowell, François Dompierre, Harry Freedman, André Gagnon et Scott MacMillan.

Jazz et musiques populaires
Au début du XXe siècle, les arrangements prennent une nouvelle signification dans le domaine de la musique populaire, l'auteur-compositeur n'écrivant qu'une partition pour voix et pour piano ou simplement une ligne mélodique avec les harmonies de base. L'éditeur engage ensuite un arrangeur pour créer une orchestration « standard » à partir de laquelle différentes parties instrumentales peuvent être omises ou adaptées. Toutefois, en pratique, les ensembles instrumentaux qui accompagnent ou jouent la pièce demandent des partitions adaptées à leur instrumentation et à leur style spécifique. De la même façon, en jazz, lorsque seules une mélodie et les progressions des accords de base sont fournies, l'arrangeur peut être responsable de toute harmonisation, de toute interprétation rythmique et de toute orchestration. La contribution artistique de l'arrangeur peut varier de l'intervention dont le but est entièrement d'ordre pratique à la recomposition hautement créative.

Les Torontois Gil Evans (1912-1988) et Robert Farnon comptent parmi les plus grands arrangeurs de musique populaire et de jazz, respectivement. Rob McConnell et Percy Faith sont aussi très respectés internationalement. Le Canadien Gordon Delamont a écrit Modern Arranging Technique (1965), un guide pour les arrangements et les orchestrations. Parmi les autres arrangeurs canadiens qui ont contribué aux répertoires de jazz et de musique populaire, retenons, entre autres, Tommy Banks, Jules Brazil, Johnny Burt, Neil Chotem, Ron Collier, Denny Christianson, Jean Derome, Phil Dwyer, Hugh Fraser, Jerry Fuller, Lee Gagnon, Guido Basso, Bobby Hales, Buster Harding, Hagood Hardy, Johnny Holmes, Andrew Homzy, Oliver Jones, Moe Koffman, Pierre Leduc, Russ Little, Phil Nimmons, Bert Niosi, Ron Paley, Pat Riccio, Doug Riley, Dave Robbins, Renee Rosnes, Norman Symonds, Vic Vogel et Kenny Wheeler.

Formation

La plupart des arrangeurs ont appris leur métier en puisant dans leur expérience de musicien ou de compositeur. Mais plusieurs d'entre eux ont été initiés au domaine durant les années 1970 et 1980 dans les nombreux conservatoires et les nombreuses universités, dont les collèges communautaires Capilano, Grant MacEwan, Humber, Selkirk et Vancouver. Au XXIe siècle, la plupart des universités et des collèges qui sont dotés de programmes de musique offrent des cours en arrangement ou en orchestration ou des cours qui comprennent ces aspects.

Les arrangeurs les plus célèbres

Plus de 100 arrangeurs font l'objet d'un article dans l'EMC. La liste qui suit se limitera donc aux plus connus : Lucio Agostini, Jack Arthur, Tommy Banks, Kenneth Bray, Johnny Burt, Howard Cable, Neil Chotem, Ron Collier, François Cousineau, Morris Davis, John Dobson, François Dompierre, André Durieux, Maurice Durieux, Gil Evans, Percy Faith, Robert Farnon, André Gagnon, Hagood Hardy, Ricky Hyslop, Jack Kane, Milan Kymlicka, William McCauley, Rob McConnell, Jim McGrath, Allan McIver, Bob McMullin, Ben McPeek, Art Morrow, Phil Nimmons, Doug Parker, Eric Robertson, Ivan Romanoff, Jerry Toth, Denny Vaughan, Vic Vogel, Eric Wild et Rick Wilkins.

Bibliographie

Gordon Delamont, Modern Arranging Technique (New York 1965).

Gordon Delamont, « The nature of arranging »Canadian Musician, I (no5, nov.-déc. 1979).

George Proctor, Canadian Music of the Twentieth Century (Toronto 1980).

Clifford Ford, dir. The Canadian Musical Heritage, vol. 2 : Sacred Choral Music I (Ottawa 1984).

John Beckwith, dir. The Canadian Musical Heritage, vol. 5 : Hymn Tunes (Ottawa 1986).

Helmut Kallmann, A History of Music in Canada, 1534-1914 (Toronto 1960, édition révisée 1987).

Lucien Poirier, dir. The Canadian Musical Heritage, vol. 7 : Songs II to French Texts (Ottawa 1987).

Ron Collier, « In session: Maybe I'll take arranging »The Jazz Report, II (no 3, déc. 1988).

Elaine Keillor, dir. The Canadian Musical Heritage, vol. 15: Music for Orchestra II (Ottawa 1993).

Elaine Keillor, dir. The Canadian Musical Heritage, vol. 16: Music for Orchestra III (Ottawa 1995).

Timothy Maloney et Stanley H. Clark, dir. The Canadian Musical Heritage, vol. 21: Music for Winds I: Bands (Ottawa 1998).

Malcolm Boyd, « Arrangement »The New Grove Dictionary of Music and Musicians, édit. S. Sadie et J. Tyrrell (Londres 2001)

Lecture supplémentaire