Voix d'ici : Russell Myers Ross | l'Encyclopédie Canadienne

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Voix d'ici : Russell Myers Ross

Russell Myers Ross parle de sa thèse, de la façon dont les histoires de sa communauté l’ont formé et de sa compréhension de la gouvernance Tŝilhqot'in. Il discute aussi des défis éprouvés lors de la reconstruction d’une nation.

Sechanalyagh, Russ, de nous avoir invité dans ta communauté et d’avoir partagé tes réflexions et ta merveilleuse thèse avec nous.

Tourné le 10 juin, 2019 sur le territoire non cédé des Tŝilhqot'ins.

Dir. Photographie – Kaayla Whachell
Monteur – Madison Thomas
Coloriste – Martin Gaumond + Outpost MTL
Ingénieur du son – SeratoneStudios
Illustrations – Russell Myers Ross
Animation graphique – Graeme Mathieson
Portrait – Natasha Donovan

Transcription

Thèse de Russ: L’histoire commence donc dans la noirceur, où nous apprenons à éclairer la vérité. Puis nous dévoilons l’histoire dans l’histoire. La première histoire s’embrase et se réveille dans la lumière. Raven étend le soleil au-dessus des montagnes et pousse le feu vers la forêt. Au bord de l'eau, les semis absorbent les flammes. La forêt pousse, les racines se souviennent de tout ce qui nous a précédés. Une marquesur l'écorce. Mère de toute création. Nous sommes nés.

Mon travail de thèse consistait à essayer de combiner trois histoires différentes. La première était mon histoire personnelle, car je crois que toute personne a une histoire de colonisation. La seconde était d’illustrer l’une de nos histoires Tŝilhqot’in, une de nos légendes. J’ai donc utilisé Salmon Boy. La troisième n’est que le contexte général de colonisation qui s’est produit et a engendré le déplacement de presque tout le monde. J’ai essayé de me représenter dans une de ces histoires, mais en essayant d’être optimiste à propos du regard que nous jetons sur nos propres histoires et de leur pertinence actuelle.

Je m’appelle Russell Myers Rosset je viens de Yunesit'in. Je suis présentement le chef de Yunesit'in. Je suis devenu chef en 2012, après huit années de harcèlement par mon oncle qui m’a poussé à accepter le rôle. J’étais très réticent. Je venais de terminer un programme de gouvernance autochtone. Je n’avais aucune intention de devenir chef. Je crois que c’est lorsque j’ai vu les difficultés de mon oncle durant sa dernière année, et que j’ai pensé à ce que je voulais pouvoir accomplir avec ma communauté et ma nation. J’ai fini par soumettre mon nom.

Je n’ai pas vraiment grandi dans la communauté en tant que tel. J’yai passé beaucoup de temps en visite, mais jamais plus que deux semaines. J’étais en quelque sorte un étranger, mais je crois que beaucoup de gens voyaient en moi quelqu’un de confiant. Ils voyaient ce que je faisais et mon travail contre les compagnies minières, les mines Taseko, dans notre région.

J’ai toujours eu honte de mes origines. C’est le temps. D’apprendre les histoires - celles qui sont venues avant toi, celles qui t’attirent, celles quite guident. Mais par où commencer?

C’est approximativement en 1862 que la variole a été introduite en territoire Tŝilhqot'in. Ça fait doncun peupartie de notre histoire. J’ai toujours décrit cela un peu comme les origines des Tŝilhqot'in parce que ça a été un événement dévastateur. Et c’est venu en deux vagues. Une de l’ouest, et l’autre de l’est. Dans un des comptes rendus, approximativement 500 personnes sont mortes à Bentzi, ou Puntzi Lake. Seulement des petits enfants, trop petits ont survécu à cela. C’est dur d’en parler parce que c’est un génocide. Et je crois que c’est dur pour les gens de comprendre l’ampleur de l’effet sur la perte et le deuil de… la perte de tout, des récits et comment les gens pratiquaient tout sur cette terre. Une immense perte. Et je ne sais pas comment bien décrire ce que nous avons perdu parce que nous n’avons jamais vu ce que nous avons perdu.

La colonie britannique et la Compagnie de la Baie d’Hudson traçaientdes routes vers la côte ouest. Cependant, les Tŝilhqot’ins occupaient la région. La colonie était trop pauvre pour négocier des traités, ce qui était la politique britannique pour obtenir l'accès aux territoires.

En 1864, avec la présence d’une équipe de construction de la route, la variole a encore une fois menacé les Tŝilhqot’ins. C’est à ce moment que l’un des dirigeants de guerre, Lhats'asʔin, a décidé que le temps était venu de l’arrêter avant qu’elle n’arrive. D’un camp de plus d’une douzaine de personnes, seulement trois ont survécu. Et les trois sont retournés à Victoria et ont averti la colonie. Deux milices ont été assemblées. Elles se sont déplacées au travers du territoire Tŝilhqot’in durant l’été pour tenter de trouver le groupe de guerriers. C’était la première fois qu’ils allaient rencontrer les Tŝilhqot’ins. Il s’agissait d’un contingent des milices au fort et le groupe de guerriers, ainsi que de quelques-uns des dirigeants guerriers des Tŝilhqot’in, qui étaient plus neutres. Durant la nuit, ils ont été enchaînés et, le lendemain, ont été emmenés à cheval jusqu’à Quesnel. Puis à partir de ce moment, il y a eu une longue période de procès. C’était déjà décidé au préalable qu’ils allaient être pendus. Le 26 octobre 1864, cinq personnes ont perdu la vie. Pour les Tŝilhqot’ins d’aujourd’hui, c’est un jour de fête - nous sommes toujours vivants. Nous avons survécu non seulement à la variole, mais aussi au combat pour protéger notre peuple et notre territoire. Ça a été un gros changement, je crois. Pas seulement en raison de la population morte de la variole, mais un changement dans la structure juridique, et la façon dont la colonie allait gérer les peuples autochtones.

Lorsque la réserve a été créée, il n’y avait probablement que 24 personnes, je crois, enregistrées dans ma communauté. Aujourd’hui, il y a près de 450 personnes, mais vous pouvez imaginer la dévastation qui a été causée par après. Et une communauté, une nation, tentant de se reconstruire après la variole. Je crois que par la suite, il y a eu une grande influence de l’église et de l’état dans le développement de la Loi sur les Indiens.

Je crois que la Loi sur les Indiens a affecté notre communauté, en grande partie - je crois que l’idée était de rassembler tout le monde au même endroit afin que le reste du territoire puisse être occupé par la Couronne. Mais notre communauté et notre nation allaient continuer à utiliser la terre et à résister à certaines de ces lois. Mais tu sais, au fil du temps il y a eu des conséquences et il sont puni les gens qui ont décidé de quitter la réserve, ou de simplement continuer à mener leur vie. Et il y a eu des récompenses pour ceux qui sont restés et ont mené une vie plus confinée, j’imagine, sur la réserve. En assurant qu’ils reçoivent de l’assistance sociale, et des choses du genre. Créer une dépendance pour qu’ils restent sur la réserve. Les effets ont été que des Autochtones ont perdu les compétences leur permettant de vivre sur la terre et de vivre de la terre.

Nous nous affairons à nous extirper de la Loi sur les Indiens. Mais d’une certaine façon, nous n’avons pas la structure nécessaire comme celle des groupes côtiers avec leurs cérémonies du potlatch ou leurs cérémonies hivernales. Nous partons de rien. Nous essayons de trouver des façons de démanteler laLoi sur les Indienset le concept de conseil tribal. Et de trouver des façons de conserver nos valeurs fondamentales, tout en essayant de trouver des façons d’essayer de nouvelles choses, pour sortir du cadre auquel nous sommes habitués.

Les Tsilhqot'ins sont uniques de plusieurs façons, mais l’une d’entre elles est que, lorsqu’on parle de gouvernance, on parle souvent de nos lois de la terre, que nous appelons « Dechen Ts'edilhtan. » Il s’agit de nos relations avec les animaux et des histoires qui en font partie.

Alors, ça me consume, ça essaie de me noyer, notre esprit, et de nous emprisonner. Déplacés: nos corps ont été formés avec la transformation de la terre. Calme et toxique: je me demande si le poisson et moi allons retourner dans les rivières empoisonnées. Les saumons luttent dès leurs naissances, mais année après année, ils reviennent.

Donc pendant un bon nombre d’années, la nation Tŝilhqot'in avait un certain rapport avec le ministère Pêches et Océans. Il y avait une sorte de programme de surveillance à quelques endroits le long de la rivière Tŝilhqot’in. Seulement pour surveiller la pêche du saumon et des autres espèces. Ce n’est que depuis deux ans que nous recevons un peu de soutien financier afin de développer une plus grande vision pour la pêche pour les Tŝilhqot’ins. Pour nous, c’est une direction positive parce que nous essayons de prendre en charge tout ce que nous pouvons. Parce que nous avons toujours décrit l’importance de la pêche dans notre diète et dans la vie de tous les jours. Nous préparons le saumon et le poisson pour les hivers. C’est aussi crucial pour nous de continuer à éduquer les jeunes. L’an dernier a été l’une des premières années où nous avons pêché assez de poissons pour notre école. Cela peut sembler mineur, mais c’est important pour nous d’avoir notre propre poisson et notre propre nourriture.

Pour m’en sortir, j’étais constamment immergé dans un monde auquel je ne m’identifiais pas. Aux yeux des autorités, il n’y a pas de place pour être Tŝilhqot’in ou Autochtone. Si seulement j’avais la force de chanter. Je pourrais clamer ma vérité.

Je crois que l’intention était seulement d’inspirer d’autres jeunes qui traversaient un processus similaire, ou qui essayaient desavoirqui ils étaient, ou comment ils pouvaient gérer cette contradiction qu’est la vie dans ce type de société coloniale. Selon moi, beaucoup de leurs histoires sont très précieuses et pertinentes aujourd’hui.

Je comprends que la gouvernance est une chose interne. Mais c’est aussi une chose partagée. On doit y penser, on doit la comprendre poursoi-même et comment l’appliquer à la terre et aux choses qui nous concernent. Pour définir la gouvernance, je dirais que d’un côté je dois faire face à la Loi sur les Indiens et être le chef, et je dois regarder la gouvernance car je dois prendre les décisions finales, mais tout en fonctionnant avec les processus tribaux. J’essaie d’être juste et inclusif et de m’assurer que tout le monde peut participer. Mais la façon dont les Autochtones voient la gouvernance, ce n’est souvent que la relation avec la terre et les autres personnes. C’est basé sur le respect. Et même l’histoire de Salmon Boyra conte comment un garçon devient respectueux du saumon et des poissons parce qu’il devient un saumon et voit la perspective du poisson. Je crois que c’est le processus de toute une vie que de développer et comprendre la gouvernance. C’est plus compliqué que le simple fait de lire un manuel ou de jeter un coup d’œil à un cadre légal. C’est le morceau le plus important de la construction d’une nation, que de continuer d’avancer en se questionnant, d’essayer de nouvelles choses et d’essayer de garder ses valeurs fondamentales en avançant. C’est un défi parce qu’on ne peut pas le savoir avant de le faire et d’essayer quelque chose de nouveau.

Mené par des histoires qui m'ont précédé, celles que je suis, celles dont j'hérite, que je trahis et que je cherche à comprendre. Pendant trop longtemps, j’ai été désorienté parle colonialisme, cherchant les mots auxquels j'appartiens, les lieux qui me façonnent et la personne que je veux devenir. Permettez-moi de dénouer mon histoire.

En mémoire de mes oncles défunts, Ivor et Isaac, de ma tante Lila et de ma mère Meline, qui m’ont guidé sur ma route. Je suis reconnaissant pour ma famille et pour ma communauté deYunesit’in, qui m’ont fait confiance pour mener le chemin. En persévérance, avec la nation Tsilhqot’in, pour être resté résilient et continuer de partager notre vérité.