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Tony Burgess

​Tony Burgess, romancier, scénariste, musicien (né le 7 septembre 1959 à Toronto, en Ontario).

Tony Burgess, romancier, scénariste, musicien (né le 7 septembre 1959 à Toronto, en Ontario). Mieux connu pour le roman Pontypool Changes Everything, qu’il a aussi adapté pour l’écran, Tony Burgess se spécialise dans les récits d’horreur expérimentaux, surréalistes et post-modernes, dont l’action se déroule dans de petites villes ontariennes.

Enfance, éducation et carrière

Tony Burgess grandit à Mississauga, en Ontario, avant de déménager à Toronto une fois son diplôme d’études secondaires en poche. Là, il se fait connaître dans les sphères de l’art et de la musique grâce à ses poèmes, qu’il interprète sous le pseudonyme Tony Blue. De 1989 à 1995, il fréquente l’Université de Toronto, où il obtient un diplôme en sémiotique.

Tony Burgess commence à faire publier ses poèmes et romans au cours des années 1990, dont une trilogie d’œuvres appelée aujourd’hui The Bewdley Mayhem, constituée d’un recueil de nouvelles, The Hellmouths of Bewdley (1997), et des romans Pontypool Changes Everything (1998) et Caesarea (1999).

Pontypool Changes Everything (1998), dans lequel un virus transmis par le langage transforme les gens en zombies, est l’œuvre la plus connue de l’écrivain.

Horreur et subversion

Comme la plupart des derniers romans de Tony Burgess, Pontypool Changes Everything emprunte des sujets récurrents du genre horrifique, dans ce cas-ci la violence sanglante et l’apocalypse des zombies, pour les subvertir et déroger aux conventions.

Par exemple, le roman se déroule sans protagoniste principal et donc, sans héros, et le virus dont il est question se propage par le langage, de manière abstraite et surréaliste. D’habitude, dans les romans d’horreur, les virus de zombies comme dispositif narratif sont accompagnés d’explications pseudo-scientifiques.

Le style de narration utilisé par Tony Burgess est poétique et elliptique, au point où le lecteur peine à discerner les faits véritables dans le récit. En effet, tout semble relever du rêve. Cette voix instable et volatile est un trait distinctif des œuvres de Tony Burgess qui le place en opposition directe avec les romanciers de fiction horrifique conventionnels, ces derniers racontant plutôt l’horreur à coups d’images cauchemardesques décrites de façon claire et sans équivoque.

Dans la postface du recueil de nouvelles Fiction for Lovers: Freshly Cut Tales of Flesh, Fear, Larvae, and Love (2003), Tony Burgess affirme qu’il cherche à raconter ses histoires par l’intermédiaire d’une « conscience en détérioration. » L’effet littéraire créé par cette technique est celui d’un récit qui s’effondre, comme raconté par un narrateur qui aurait été traumatisé par les événements qu’il a vécus.

Tony Burgess mentionne dans ses entrevues qu’il planifie chaque roman pendant plusieurs années, avant de vite les écrire et de façon presque précipitée. C’est le cas de The n-Body Problem (2013), un roman qu’il écrit en neuf jours. L’approche de Tony Burgess rappelle l’écriture automatique des artistes surréalistes (quoique ses pratiques en matière de planification différencient sa méthode à la leur), et ses œuvres tendent à allier des situations d’humour noir et absurde à une violence lugubre, voire cauchemardesque.

À ce titre, la prémisse de The n-Body Problem fait figure d’exemple parfait. Tout comme Pontypool Changes Everything, le roman subvertit les lieux communs du roman de zombies. Ainsi, les zombies de The n-Body Problem ne constituent plus une menace directe, mais deviennent maintenant un problème d’élimination des déchets.

La solution employée dans le roman consiste à envoyer les zombies dans l’espace, où ils s’agglomèrent en une sorte de « voile cadavérique » orbitant autour de la planète et bloquant la lumière du soleil. La menace du virus devient conceptuelle plutôt que physique. Si les zombies demeurent au premier plan dans la conscience des gens, comme en témoigne la lumière du soleil à jamais changée, c’est parce qu’ils mènent à un nouveau fléau encore plus destructeur : cette fois-ci, il ne s’agit pas de zombies, mais d’une vague de désespoir accablant qui pousse les gens au suicide.

L’entreprise de traitement des déchets responsable d’envoyer les corps dans l’espace tire profit de cette catastrophe en engageant des voyageurs de commerce qui vont de village en village pour convaincre les populations de mettre fin à leur jour de façon collective.

Expérimentations

The n-Body Problem contient un chapitre impossible à lire parce qu’il est rédigé en entier par un algorithme mathématique. Tony Burgess livre ainsi au lecteur une suite de nombres et de symboles au lieu d’un texte, l’empêchant ce faisant de connaître la nature des événements importants qui s’y déroulent.

La plupart des récits de Tony Burgess opèrent des changements soudains et radicaux ou encore créent des événements qui déforment ou transforment l’histoire du tout au tout. Dans People Live Still in Cashtown Corners (2010), par exemple, un massacre de masse se déclenche lorsqu’un sociopathe est incommodé par une femme qui s’est arrêtée à un feu vert.

Ravenna Gets (2010), pour sa part, rappelle une série de nouvelles liées entre elles. Le récit est toutefois interrompu lorsque les personnages du roman sont assassinés par un autre personnage qui s’introduit dans l’histoire. On apprend plus tard dans le roman que, pour des raisons que l’on ignore, une communauté a décidé de tuer tous les citoyens du village voisin.

Dans Idaho Winter (2011), un roman pour jeunes adultes, les personnages changent de sexe quand l’auteur écrit mal leur nom. Bien vite, l’intrigue du roman devient si compliquée que le livre « tombe en panne » et « redémarre », à la manière d’un ordinateur plutôt que de se résoudre.

Bien que les œuvres de Tony Burgess affichent une foule de qualités propres à la métafiction post-moderne (une fiction qui réfère à sa qualité de fiction et qui commente ce fait), elles se distancient du mouvement en cherchant l’immersion et la détresse et l’implication émotionnelle du lecteur. Le post-modernisme, au contraire, valorise la distanciation du lecteur, une déconnexion émotionnelle qui lui permet de déconstruire les conventions du récit ou de s’investir au niveau intellectuel ou politique dans celui-ci.

Les romans de Tony Burgess dérogent aussi des messages traditionnels et conservateurs liés au genre horrifique, qui met en général en scène les terribles conséquences de la transgression des limites humaines et morales. Plutôt que de nous mettre en garde contre ces monstres, les romans de Tony Burgess semblent vouloir devenir eux-mêmes des monstruosités.

Scénarisation

En 2008, Bruce McDonald réalise le film Pontypool à partir d’un scénario de Tony Burgess. L’œuvre est par la suite adaptée au théâtre en 2012, toujours par Tony Burgess, et publiée en format papier en 2015.

Après le succès de Pontypool, Tony Burgess se lance de façon plus active dans la scénarisation. Septic Man, réalisé en 2013 par Jesse Thomas Cook, relate la transformation physique et psychologique d’un employé du traitement des eaux coincé dans une fosse septique. En 2014, Chad Archibald et Matt Wiele réalisent Ejecta, un film d’horreur et de science-fiction sur une rencontre du troisième type, alors que John Geddes met en image Hellmouth (2014), le récit d’un gardien de cimetière se rendant en Enfer pour sauver l’âme d’une femme.

Prix et distinctions

Malgré le fait que le genre horrifique soit souvent boudé par la critique, Tony Burgess reçoit une reconnaissance des milieux littéraire et cinématographique canadiens. En effet, Pontypool fait partie des finalistes pour le Prix de la meilleure adaptation cinématographique aux Prix Génie en 2010, Ravenna Gets reçoit en 2011 un ReLit Award, et Idaho Winter est nommé en 2012 pour le Prix littéraire Trillium de l’Ontario.