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Tina Fontaine

Tina Michelle Fontaine (née le 1er janvier 1999 à Winnipeg, au Manitoba ; décédée entre le 9 et le 17 août 2014 à Winnipeg). Le meurtre de Tina Fontaine met en lumière des problèmes systémiques dans le traitement des femmes et des filles autochtones au Canada et incite le public à réclamer des réformes gouvernementales dans le domaine des soins aux jeunes au Manitoba. Sa mort, ainsi que l’acquittement de Raymond Cormier, son meurtrier présumé, mène à des revendications pour une enquête fédérale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Pour cette raison, une enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées est lancée le 1er septembre 2016.

Cet article traite de thématiques délicates qui peuvent ne pas convenir à tous les publics.

Tina Fontaine

Le mardi 12 mars 2019, Daphne Penrose, la protectrice des enfants et des jeunes, rend public un rapport spécial sur le décès de Tina Fontaine, âgée de 15 ans, au Sagkeeng Mino Pimatiziwin Family Treatment Centre de la Première nation de Sagkeeng, au Manitoba, alors que Marilyn Courchene, conseillère municipale de Sagkeeng, tient le rapport, avec la photo de Tina Fontaine en couverture.

Jeunesse et éducation

Née le 1er janvier 1999 à Winnipeg, au Manitoba, Tina Fontaine est la fille d’Eugene Fontaine de la Première nation de Sagkeeng à Fort Alexander, au Manitoba, et de Valentina (Tina) Duck de la Première nation de Bloodvein, au nord de Winnipeg.

Tina Fontaine a sept frères et sœurs. Après avoir vécu brièvement dans un foyer d’accueil à Winnipeg, elle emménage en novembre 2004 chez sa grand-tante et son grand-oncle Thelma et Joseph Favel, qu’elle appelle « grand-mère » et « grand-père ». Elle vit avec eux pendant près de dix ans à Powerview-Pine Falls, au Manitoba (près de la Première nation de Sagkeeng), à l’exception d’un bref séjour à Selkirk, au Manitoba.

Selon sa grand-tante, elle aime l’école et a de bons résultats. Elle a un grand cœur, aime les enfants et joue souvent avec eux. Thelma dit de Tina qu’elle est « une petite fille parfaite ».

En 2011, le père de Tina est battu à mort. Ne recevant aucun soutien psychologique, elle fait face au deuil seule et développe des problèmes de toxicomanie.

Vie à Winnipeg

Début 2014, Tina Fontaine se rend à Winnipeg pour visiter sa mère, Tina Duck. À ce moment-là, sa mère a perdu la garde de ses enfants parce qu’elle est travailleuse du sexe et qu’elle lutte contre l’alcoolisme.

Lorsque Tina retourne la voir le 1er juillet 2014, sa grand-tante Thelma lui donne environ 50 $ et une carte d’appel. C’est la dernière fois qu’elle verra Tina en vie.

Disparition et meurtre

Les 17 et 18 juillet 2014, Tina Fontaine est prise en charge par les services à l’enfance et à la famille de Winnipeg et est hébergée dans un hôtel du centre-ville, car aucun autre hébergement d’urgence n’est disponible. Selon le rapport spécial A Place Where it Feels Like Home: The Story of Tina Fontaine, publié en mars 2019 par la protectrice des enfants et des jeunes du Manitoba, Tina est placée sous la garde des services à l’enfance et à la famille, non pas parce qu’elle avait disparu et qu’on l’avait retrouvée, mais parce que le Service de police de Winnipeg avait reçu un appel selon lequel Tina criait à l’aide alors qu’un homme plus âgé la tirait par le bras sur l’avenue Selkirk. Cependant, on ne procède à aucune planification ni évaluation, Tina ne reçoit aucun soutien et est renvoyée de l’hôtel le 18 juillet.

Du 23 au 29 juillet, Tina séjourne à Ndinawe, un refuge temporaire pour jeunes, mais son lit est offert à un autre jeune vulnérable, car elle a raté son couvre-feu deux fois.

Le 31 juillet 2014, le Service de police de Winnipeg annonce la disparition de Tina Fontaine. À 5 h 15 le 8 août, un véhicule à bord duquel Tina prend place est arrêté par la police. Même si elle est portée disparue, elle est relâchée par la police après une vérification de son dossier. Quelques heures plus tard, on la retrouve inconsciente près de l’Université de Winnipeg dans une ruelle connue pour être régulièrement le théâtre d’activités d’exploitation sexuelle. Après que les ambulanciers la réveillent, elle est emmenée au Centre des sciences de la santé, puis on l’autorise à partir. Pendant son séjour à l’hôpital, Tina Fontaine mentionne à l’intervenant des services à l’enfance et à la famille qu’elle fréquente un homme de 62 ans nommé Raymond Cormier. L’intervenant emmène Tina dans un hôtel du centre-ville, où elle est autorisée à séjourner, mais elle part peu de temps après.

Elle est vue pour la dernière fois au centre-ville de Winnipeg le 9 août, marchant dans la rue avec un homme.

Huit jours plus tard, soit le 17 août, son corps, enveloppé dans un sac de plastique et une housse de couette et alourdi par des pierres, est repêché dans la rivière Rouge à Winnipeg, près du quai Alexander. Tina a 15 ans.

À ce jour, la cause de sa mort reste à élucider.

Arrestation du suspect et procès pour meurtre

En décembre 2015, le Service de police de Winnipeg accuse Raymond Cormier, âgé de 53 ans, du meurtre au deuxième degré de Tina Fontaine. Il plaide non coupable.

Son procès commence le 29 janvier 2018. Tyrell Morrison, un témoin, déclare que la dernière fois qu’il a vu Tina Fontaine, elle se disputait avec le suspect parce qu’il avait vendu le cadre de sa bicyclette pour acheter de la drogue.

La Couronne ne présente aucune preuve médicolégale et ne cite aucun témoin oculaire pour relier directement Raymond Cormier à la mort de Tina. L’affaire, en grande partie basée sur des preuves circonstancielles, repose sur les déclarations du suspect enregistrées secrètement au cours d’une opération d’infiltration de la police. Bien que la défense ne présente aucune preuve, l’avocat de Raymond Cormier, Me Tony Kavanagh, déclare dans sa conclusion que son client devrait être acquitté pour une seule raison : le jury ne peut confirmer que la mort de Tina découle d’un acte illégal.

Verdict et répercussions

Le jury parvient à un verdict le 22 février 2018, et Raymond Cormier est acquitté.

L’annonce du verdict suscite immédiatement chez les leaders autochtones du Manitoba un tollé de protestations contre les systèmes gouvernementaux, qu’ils accusent de ne pas avoir protégé Tina Fontaine. « En tant que nation, nous devons en faire davantage pour nos jeunes, déclare Sheila North, grande cheffe de Keewatinowi Okimakanak. Nous avons abandonné Tina Fontaine. »

Carolyn Bennett, ministre fédérale des Relations Couronne-Autochtones, écrit sur Twitter :« L’histoire tragique de Tina témoigne des échecs de tous les systèmes de protection des enfants et des jeunes autochtones à tous les niveaux… Nous devons remédier à cette situation. »

Un jour après la fin du procès, plus de mille personnes se réunissent à Winnipeg pour rendre hommage à Tina Fontaine et soutenir sa famille.

Le 13 mars 2018, les procureurs de la Couronne annoncent qu’ils ne feront pas appel.

Le saviez-vous?

Les femmes et les filles autochtones au Canada sont 16 fois plus à risque d’être assassinées ou de disparaître que les femmes et les filles caucasiennes, selon le rapport final de l’enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, publié le 3 juin 2019. Les femmes et les filles autochtones représentent près de 25 % des femmes victimes d’homicide en 2015, par rapport à 9 % en 1980.


Héritage

La mort de Tina Fontaine suscite l’indignation à l’échelle nationale et donne lieu à un examen approfondi des enfants placés sous la garde du gouvernement au Manitoba. Le rapport spécial de la protectrice des enfants et des jeunes du Manitoba, A Place Where It Feels Like Home, est consacré à la mémoire de Tina Fontaine et formule cinq recommandations, y compris de nouveaux protocoles pour effectuer des interventions appropriées auprès d’enfants et de jeunes disparus. Les services à l’enfance et à la famille du Manitoba annoncent qu’ils ne placeront plus d’enfants dans des hôtels à compter du 1er juin 2015.

À la suite de la mort de Tina Fontaine, le groupe bénévole Drag the Red est mis sur pied ; il fouille le fond de la rivière Rouge, à Winnipeg, à la recherche de personnes disparues, de victimes d’homicide ou de preuves en lien avec des affaires non résolues. La Bear Clan Patrol, qui promeut la sécurité et la prévention du crime dans le nord de la ville, est également fondée.

Un programme d’intervention à court terme auprès des jeunes à risque d’exploitation sexuelle et géré par un personnel autochtone est lancé à Winnipeg à l’automne 2015. Le 5 novembre 2018, le Ndinawe Youth Resource Centre, en activité depuis 25 ans, est rebaptisé « Tina’s Safe Haven » à la mémoire de Tina Fontaine. Grâce au financement fédéral, Tina’s Safe Haven devient un centre d’accueil pour les jeunes ouvert 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Thelma Favel, la grand-tante de Tina, déclare que « ce centre sera toujours là pour protéger les enfants ».

Tina Fontaine est enterrée dans la réserve de la Première nation de Sagkeeng.