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Profession musicale

Profession musicale. Pratique de la musique comme occupation à temps plein.

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Profession musicale. Pratique de la musique comme occupation à temps plein. Gagner sa vie comme musicien, surtout dans une discipline unique telle que la composition, le chant ou la pratique d'un instrument, n'a été possible au Canada que depuis assez récemment pour un nombre relativement élevé de personnes. Plus encore qu'en Europe, le musicien au Canada a longtemps dû s'adonner à des occupations diverses, souvent hors de la musique, afin de subvenir à ses besoins. Les premiers musiciens rémunérés furent les fifres et tambours des régiments français au XVIIe siècle ainsi que les organistes des grandes églises de Québec et de Montréal, mais ils n'étaient engagés qu'à temps partiel. Le musicien à temps plein ne fit son apparition qu'à la fin du XVIIIe siècle. Il était presque toujours d'origine européenne car la colonie ne disposait pas de moyens pour former ses propres musiciens. Pour survivre, le musicien devait être un homme à tout faire et, en vérité, les carrières d'hommes tels que Frédéric Glackemeyer et J.-C. Brauneis sont fascinantes par la diversité de leur activité : chefs de musique, organistes d'église, marchands de musique, accordeurs de pianos et, à l'occasion, compositeurs, professeurs et dir. de sociétés musicales. L'église, la musique régimentaire et le studio d'enseignement privé procuraient l'essentiel des revenus de la profession au cours du XIXe siècle. Même si le commerce de la musique et la fabrication d'instruments à clavier allaient créer de plus en plus d'emplois, un grand nombre des éditeurs et marchands de musique (par exemple A.J. Boucher, Peter Grossman, Edmond Hardy, Arthur et Ernest Lavigne, Henry Prince) étaient également des musiciens actifs. Au nombre des premiers professionnels nés au Canada figurent Charles Sauvageau (1804?-1849) et J.-C. Brauneis fils (1814-1871); ce dernier fut peut-être le premier à recevoir une formation européenne, ce qui devint presque toujours la règle chez les musiciens doués qui en avaient les moyens, à partir de la fin du XIXe siècle (voir Enseignement supérieur).

De pair avec l'évolution européenne, à partir du « musicien complet » du XVIIIe siècle (il était naturel pour Haydn, Mozart et la plupart de leurs contemporains d'être à la fois compositeurs, virtuoses, chefs d'orchestre et professeurs) au musicien surtout compositeur, chef d'orchestre seulement ou encore interprète et parfois professeur, les musiciens canadiens de la fin du XIXe siècle et du siècle suivant furent enclins à se spécialiser de plus en plus. Ceci était surtout vrai dans les grandes villes où maints professeurs (mais rarement un o. m. c.) pouvait gagner sa vie dans sa discipline particulière, et où des spécialisations nouvelles au Canada firent leur apparition, telles que le journalisme musical et l'enseignement dans les écoles et, au XXe siècle, la direction d'orchestre et de choeur, l'appartenance à un orchestre, le chant à l'opéra, l'enseignement universitaire, la recherche, la bibliothéconomie musicale, l'administration de concerts, la production d'artistes, l'arrangement, la composition de rengaines publicitaires et la gestion musicale. Des technologies nouvelles ont nécessité d'autres professions spécialisées : réalisateur d'émissions de radio et de télévision, directeur de programmes, animateur, ingénieur en enregistrement, ou encore technicien en musique électroacoustique.

Ce sont les unions qui furent en grande partie responsables des progrès vers l'établissement de la musique comme profession. Constituées d'abord en 1887, elles se sont surtout appliquées à améliorer le sort de l'instrumentiste d'ensemble (orchestres, harmonies, groupes pop). Ces progrès sont aussi attribuables, dans une large mesure, aux organismes professionnels de professeurs, d'organistes, de compositeurs, etc. Toutefois, même en 1990, les conditions de travail ne pouvaient encore être considérées comme idéales; ainsi, aucun orchestre canadien n'était en mesure d'employer ses musiciens toute l'année (contrat de 52 semaines). Dans Recollections of a Violinist (Oakville, Ont. 1983, p. 23), Maurice Solway décrit en termes colorés ce qui se passait dans les premières décennies du XXe siècle : « La vie professionnelle qui s'offrait à un étudiant [en musique] dans le Toronto de l'après-guerre [...] avait toutes les chances de mettre un frein à ses ambitions : aucun orchestre symphonique, pas d'opéra ni de ballet - et les chambristes avaient bien du mal à trouver du travail, à moins qu'ils ne fussent solo, et encore. [...] Avec les restaurants, la musique en direct connut un grand essor durant la période 1920-1950. Au Royal York Hotel, Rex Battle et son orchestre animaient les repas du midi et du soir; même chose au King Edward Hotel pour Luigi Romanelli et ses musiciens. [...] Seuls de petits contrats dans les théâtres et les hôtels permettaient de se tirer d'affaire en-dehors de l'enseignement. Même les anciens étudiants d'un Kunits pouvaient être réduits à jouer des classiques dans un théâtre - où ils payaient de leur talent une sécurité d'emploi sclérosante. »

Pendant de nombreuses années au début du XXe siècle, les orchestres de théâtre et de cinéma constituèrent la principale source de revenus des musiciens d'orchestre; pendant les années 1930, ce rôle revint aux stations de radio privées et à la SRC qui devinrent leur soutien financier le plus important, ou fournissaient du moins un revenu d'appoint suffisant non seulement aux instrumentistes mais aussi aux chanteurs, arrangeurs, solistes et compositeurs - il faut néanmoins préciser que, contrairement aux sociétés de diffusion européennes (par exemple la BBC ou Radio France), la SRC n'emploie pas encore de musiciens d'orchestre ou de choristes travaillant à temps plein et salariés. Jusqu'à un certain point, les studios d'enregistrement et les universités (dans la mesure où ces dernières emploient des professeurs et assurent la formation d'interprètes) étaient devenus en 1980 les principaux soutiens de la vie musicale professionnelle. Dans les années 1970 toutefois, les grands orchestres symphoniques étaient globalement les employeurs qui embauchaient le plus grand nombre d'instrumentistes actifs, du moins (allant d'Est en Ouest) à Halifax, Québec, Montréal, Ottawa, Toronto, Hamilton, London, Winnipeg, Calgary, Edmonton et Vancouver. Heureusement, la majorité des musiciens ont préféré s'adonner à des occupations diversifiées, non seulement à cause du facteur économique, mais aussi par inclination. La nomenclature des principaux secteurs d'activité des musiciens figurant dans les articles biographiques de l' EMC témoigne, encore de nos jours, de cette polyvalence. Seulement quelques Canadiens se consacrent exclusivement ou presque à la composition (Somers, Louie) ou à la direction chorale (Iseler, Laurencelle). De même, les artistes lyriques, les musiciens d'orchestre, les enseignants et plusieurs chefs d'orchestre très sollicités exercent une seule activité. Ailleurs, par contre, on doit en plus soit pratiquer le chant et l'art dramatique, soit jouer dans les églises ou s'occuper du culte, soit encore enseigner ou participer à l'administration d'une école. Les crises économiques survenues au début et à la fin des années 1980 ont réduit au chômage certains musiciens, en particulier ceux qui se trouvaient en début de carrière, ou bien les ont forcés à changer d'emploi. Réagissant, les artistes canadiens (représentés par la CCA et nombre de ses organisations membres) ont réclamé que soit revu leur statut (voir Financement, mécénat et bénévolat 4).

L'aspect économique n'est qu'une facette du professionnalisme, l'autre étant la formation reçue et la compétence. (Des centaines d'amateurs tirent des revenus « professionnels » à titre, par exemple, de batteurs ou de trompettistes à temps partiel dans des groupes, simplement parce qu'ils appartiennent à des unions.) Une des causes de l'arrivée tardive du professionnalisme a été un marché par trop limité; longtemps, la seule voie menant au succès était celle qui débouchait à l'étranger (voir Émigration). L'absence de formation au-delà du conservatoire a été, jusqu'à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, une autre cause. Ceux qui ne pouvaient se permettre d'aller poursuivre leurs études à l'étranger se trouvaient dans une situation désavantageuse, quoique d'excellents musiciens aient été formés à peu près exclusivement au Canada (Contant, Deslauriers, J.-J. Gagnier, Morel, Ridout, Amédée Tremblay, Vézina, sans compter de grands interprètes tels que Maureen Forrester, Don Garrard, Glenn Gould, Lois Marshall, Teresa Stratas, Huguette Tourangeau et Jon Vickers). Néanmoins, les immigrants ont conservé une priorité sur les Canadiens dans l'occupation de postes clés, et c'était encore le cas en 1990 dans les domaines de la direction d'orchestre, de l'enseignement supérieur et de la musicologie. Cet état de choses a rendu difficile l'établissement de traditions canadiennes dans certains domaines. Cependant, des normes professionnelles élevées prévalaient en ce dernier quart de siècle dans tous les secteurs de la musique au Canada.

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