Place Royale | l'Encyclopédie Canadienne

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Place Royale

   Située à la basse-ville près du fleuve St-Laurent, la place Royale de Québec s'est développée en bordure de la seconde habitation que Samuel de CHAMPLAIN a fait ériger entre 1623 et 1626. Dans un plan montrant la ville de Québec en 1660, Jean Bourdon identifie l'endroit comme place d'armes.

Place-Royale
Édifice Louis-S.-St-Laurent surplombant Place Royale. Crédit: Yves Tessier, Tessima
Place Royale, toitures du XVIIe siècle
Toitures de l'époque classique (fin du XVIIe siècle) reconstruites à la Place Royale (photo de Luc Noppen).
Place Royale, reconstruction de la
Exemples d'habitations urbaines de la Nouvelle-France du XVIIIe siècle reconstruites à Place Royale, avec l'église Notre-Dame des Victoires, à droite (photo de Marc Robitaille du Centre de production multimédia, à l'U. Laval).
Située à la basse-ville près du fleuve St-Laurent, la place Royale de Québec s'est développée en bordure de la seconde habitation que Samuel de CHAMPLAIN a fait ériger entre 1623 et 1626. Dans un plan montrant la ville de Québec en 1660, Jean Bourdon identifie l'endroit comme place d'armes. Pour Robert de Villeneuve, en 1685, c'est un marché, ce qui correspond à la fonction principale du lieu du XVIIe au XIXe siècle. Cette place de marché, dont la plupart des maisons ont été reconstruites à la suite de l'incendie de la basse-ville en 1682, est devenue place Royale en 1686 lorsque l'Intendant Jean Bochart de CHAMPIGNY y fit installer la copie d'un buste du roi Louis XIV. De nos jours, l'appellation Place-Royale identifie globalement la place elle-même et tout le secteur urbain environnant. Par contraste, certains historiens disent qu'il n'y a jamais vraiment eu de place Royale à Québec puisque, contrairement aux places royales créés en France à la même époque, le marché de la basse-ville de Québec n'a jamais reçu de cadre architectural planifié et cohérent. Les appellations anciennes ne sont pas moins divergentes. Dans une vue de Québec que Jean-Baptiste-Louis Franquelin a préparée en 1688, l'endroit est effectivement nommé place Royale. Mais le nom ne s'est pas imposé et, pour comprendre le choix de Franquelin, il faut tenir compte du fait qu'il avait spécialement préparé cette vue de Québec pour une carte qu'il a présentée à Louis XIV en appui à sa demande d'un poste officiel bien rémunéré. Cette carte royale porte même les armoiries de Louis XIV dans son coin supérieur gauche. Les autres vues et plans de Québec réalisés à la fin du XVIIe siècle sont généralement plus ambivalents. En 1692, Robert de Villeneuve identifie l'endroit simplement comme la Place. Au mieux, on trouve l'expression suivante, trop compliquée pour refléter un usage courant: "La place au centre de laquelle est un piedestal portant le buste du Roy" (Beaucours, 1693).

En apportant un buste du roi à Québec en 1686, Champigny répondait à une demande que Louis XIV avait faite à ses intendants l'année précédente, celle de créer des places royales en son honneur dans les différentes provinces de son royaume. Champigny avait vraisemblablement l'intention de tirer profit d'un projet conçu par l'architecte Claude Baillif en 1685. Ce projet visait à transformer la place du marché pour créer un ensemble dérivé de la place Royale de Paris (aujourd'hui place des Vosges). Champigny connaissait sans aucun doute le projet de Baillif puisqu'il transportait, dans les instructions qu'il avait reçues en France, un document de Louis XIV autorisant Baillif à utiliser un partie de l'espace public pour réaliser son projet. Baillif nommait le projet « Place de Québec », mais le nouvel intendant a sûrement vu là une belle occasion de créer sa place Royale et se mettre ainsi en valeur aux yeux du roi dès le début de son mandat. Le projet de Baillif n'a cependant pas été réalisé à cause de l'opposition farouche des marchands de la basse-ville, qui résistaient à l'amputation d'une partie du marché. Champigny a annulé le projet après avoir constaté la tension qui régnait à Québec, mais il fit néanmoins installer le buste qu'il avait apporté. Il y avait donc, en 1686 et pour quelques années encore, une place Royale à Québec. Mais le buste encombrait le marché: on l'a d'abord déplacé pour l'adosser à la façade d'une maison riveraine, puis on l'a tout simplement enlevé pour le garder au Palais de l'Intendant.

Parallèlement à ces événements, Mgr François de LAVAL réclamait depuis 1680 le terrain du magasin du roi dans le but d'ériger une chapelle en bordure la place. C'est son successeur, Mgr de Saint-Vallier qui mena le projet à terme et qui fit construire une petite église pour la basse-ville en 1688. Vers 1690, la place de la basse-ville pouvait donc être vue comme place Royale, place du marché, ou place de l'église.

On connaît l'aspect général de la place à la fin du régime français grâce à la gravure réalisée en 1761 d'après un dessin de Richard Short. Graduellement reconstruite après la fin de la GUERRE DE SEPT ANS, la place s'inscrit dans un ensemble urbain qui comprendra deux autres marchés, des entrepôts et de rues bordées de commerces de toutes sortes au XIXe siècle. Au cours du XIXe siècle et au début du XXe, les maisons autour de la place connaissent le même genre de transformations que celles des rues environnantes, soit l'ajout d'un étage souvent coiffé d'un toit plat, la transformation des ouvertures et le développement d'une devanture commerciale au rez-de-chaussée. La chapelle de 1688 - renommée Notre-Dame-de-la-Victoire en 1690, puis Notre-Dame-des-Victoires en 1711 - a été complétée par un nouvelle façade en 1723. L'église a subi des travaux de reconstructions majeurs de 1762 à 1766 (par Jean Baillairgé) et en 1816 (par François Baillairgé). (BAILLAIRGÉ, FAMILLE) Un nouveau clocher et un parvis clôturé, conçus par Joseph-Ferdinand Peachy, ont été complétés en 1861.

À la suite d'une période de déclin économique amenée par le ralentissement de l'activité portuaire, le secteur est l'objet de travaux de conservation et de restauration à partir des années 1960. Le buste de Louis XIV qui orne actuellement la place a été donné par la France en 1931 et installé là en rappel de celui de 1686. Après des travaux de restauration ponctuels recherchant l'esprit du XVIIIe siècle - l'hôtel Chevalier, la maison Fornel, l'église Notre-Dame-des-Victoires - le gouvernement du Québec a lancé une grande opération visant à reconstituer la place dans l'état qu'elle pouvait avoir à la fin du régime français. Plusieurs bâtiments sont reconstruits de 1970 à 1979. Le résultat possède une certaine valeur pédagogique d'illustration, mais n'a que peu de valeur historique (dans le sens qu'Alois Riegl donne à ce terme, soit la valeur d'un objet pouvant être étudié scientifiquement en tant qu'artefact d'une époque), au moins en ce qui concerne le XVIIIe siècle. Les historiens d'aujourd'hui considèrent cet ensemble comme un produit de la politique culturelle québécoise des années 1960 et 1970 et, au point de vue de la valeur historique, comme un témoin de cette période.

La portion de la place qui longe la rue Notre-Dame, qui n'avait pas encore été restaurée, fut l'objet d'un concours d'idées en 1997 et donna lieu à la création du Centre d'interprétation de Place-Royale. Le projet, qui conserve les vestiges de la maison du marchand François Hazeur et qui récupère la maison Smith voisine, a été réalisé en 1999. Conçu par la firme Gauthier, Guité, Daoust et Lestage, le bâtiment de verre, de béton et d'acier est traversé par un escalier public reliant la place Royale à la rue Côte-de-la-Montagne, située un peu plus haut. Grâce à une approche respectant les vestiges d'époques différentes, le projet amène un renouveau intéressant dans le traitement du patrimoine architectural à Québec.