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Otto Joachim

Otto Joachim. Compositeur, professeur, altiste, violoniste (Düsseldorf, 13 octobre 1910 - Montréal, 30 juillet 2010; hon LLD (Concordia) 1994, naturalisé canadien 1957). Le père de Joachim, Emil Joachimsthal, était un artiste lyrique.

Otto Joachim

Otto Joachim. Compositeur, professeur, altiste, violoniste (Düsseldorf, 13 octobre 1910 - Montréal, 30 juillet 2010; hon LLD (Concordia) 1994, naturalisé canadien 1957). Le père de Joachim, Emil Joachimsthal, était un artiste lyrique. À six ans, Joachim commença l'étude du violon au Conservatoire Buths-Neitzel (1916-1928). En 1928, il entre à la Rheinische Musikschule à Cologne et est un temps sous la tutelle de Hermann Zitzmann qui le prépare à une carrière professionnelle comme violoniste et altiste. Pendant son dernier trimestre, il est l'adjoint de son maître (1930-1931). En 1934, un an après l'arrivée au pouvoir d'Hitler, il quitte l'Allemagne pour l'Extrême-Orient où il séjourna 15 ans, comme interprète et professeur, d'abord à Singapour et ensuite à Shanghaï. En 1949, il obtient un visa d'immigrant au Brésil, visa lui permettant un mois de séjour au Canada.

Joachim décide alors de se fixer à Montréal où il devint membre, puis alto solo, de l'Orchestre symphonique de Montréal et de l'Orchestre de chambre McGill. Avec son frère Walter, violoncelliste, et les violonistes Hyman Bress et Mildred Goodman, il fonde le Quatuor à cordes de Montréal (1955) dont il est l'altiste. En 1956, il devient professeur au McGill Conservatory et au Conservatoire de musique du Québec à Montréal où il est responsable des classes de musique de chambre, de violon et d'alto jusqu'en 1977. Son intérêt pour les instruments anciens se concrétise par la formation (1958) du Montreal Consort of Ancient Instruments qu'il dirige jusqu'en 1968. Quand il quitte McGill en 1964, il abandonne peu à peu la carrière active pour se consacrer à l'enseignement et à la composition.

Son œuvre

Comme membre de l'avant-garde moderniste, Joachim écrit de la musique s'inscrivant dans ses vogues principales : sérielle, aléatoire et électroacoustique. Au milieu des années 1950, il met sur pied son propre studio de musique électroacoustique, le troisième au Canada et le premier de propriété privée, et, après plusieurs années d'étude et d'expérimentation, il crée Katimavik, une œuvre sur bande à quatre pistes commandée par le Pavillon canadien de l'Expo 67. Dans le Canadian Music Journal (hiver 1959), il prépare une révision de Electronic Music, un recueil de 12 textes publié à Ottawa en 1956. En 1971, il produit deux autres compositions entièrement électroniques, 6 ½ et 5.9, les titres représentant la durée (en minutes) des œuvres. Dans Stimulus à Goad (1973) pour guitare et son électroacoustique en direct, le guitariste contrôle la qualité du son électroacoustique afin que l'instrument suscite certaines réactions du synthétiseur. À la demande de la Société de musique contemporaine du Québec, Joachim compose en 1977 Uraufführung pour 13 instruments et son électroacoustique en direct. En 1999, il lance Elektroakustische Momente, un album de compositions électroacoustiques dont chaque piste, encore une fois, tire son titre de sa durée.

La longue et importante association de Joachim avec la musique aléatoire commence avec Nonet (1960) pour cordes, vents et piano, peut-être la première pièce de musique aléatoire à être écrite au Canada. Par la suite, il écrit Contrastes, commandée par le Toronto Symphony pour le centenaire du Canada et Illumination I, Illumination II, et Mankind, trois œuvres commandées par la SRC qui explorent les relations entre les propriétés du son et de la lumière. Pour Illumination II, le compositeur reçoit en 1969 le Grand prix Paul-Gilson de la Communauté radiophonique des programmes de langue française.

Pendant l'été 1977, il se rend à Séoul en Corée comme répétiteur des cordes pour l'Orchestre mondial des jeunesses musicales. En 1985, pendant un concert à Windsor en Ontario donné pour son 75<sup>e</sup> anniversaire, les Essex Winds créent son Mobile für Johann Sebastian Bach, commandée par l'Orchestre symphonique de Windsor, qu'il dirige. En 1990, son 80<sup>e</sup> anniversaire est souligné par un concert de ses œuvres présenté à la Chapelle historique du Bon-Pasteur à Montréal et diffusé par la suite sur les ondes de la SRC. Joachim continue à composer et écrit le mélodrame Stecheldraht en 1994. Écrite pour un orchestre de chambre et un narrateur, cette œuvre traite du meurtre d'enfants juifs dans les camps de concentration lors de la Deuxième Guerre mondiale. Le texte est extrait des conversations qu'il a eues avec des survivants d'Auschwitz-Birkenau. Son fils, Davis Joachim, crée Trio, pour guitare solo en 1996. L'œuvre Quatuor à cordes est créée en 1977. Elle évoque les sons de la Corée au milieu de musique sérielle et aléatoire.

La musique de Joachim est interprétée par les Orchestres symphoniques de Montréal, de Toronto, de Chicago et de Boston, l'Orchestre métropolitain, la Société de musique contemporaine du Québec, l'Ensemble instrumental de Radio-Canada et le Quatuor à cordes Molinari. Il dirige le Shangaï Refugee Orchestra et l'Orchestre du Centre national des Arts, parmi d'autres orchestres.

Son style

Bien qu'il soit formé en Allemagne, la carrière de compositeur de Joachim se développe presque entièrement au Canada (les œuvres commencées en Allemagne - le poème symphonique Asia et les Trois Bagatelles pour piano - sont terminées dans un autre pays), et la convergence de deux cultures dans son œuvre lui confère un caractère fort singulier. C'est comme si sa volonté de composer trouvait sa substance et ses stimuli entièrement au sein du nouveau pays, tandis que les techniques seraient un legs de l'ancien. Ainsi, des œuvres telles que L'Éclosion et Concertante n<sup>o</sup> 1 expriment un certain esprit de compromis. En se référant au quatuor à cordes de Joachim et à ceux d'autres compositeurs canadiens, le musicologue Robin Elliott décrit cet esprit comme un trait qui « a été l'une des marques du psychisme canadien. »

À peu près toutes les œuvres de Joachim ont une base sérielle et il croit, comme beaucoup l'ont fait, à la nécessité historique de cette technique. Selon Udo Kasemets (Compositeurs canadiens contemporains), la façon dont Joachim use de la série dodécaphonique est à la fois très conventionnelle et non dogmatique... les séries qu'il utilise sont mélodieuses et frappent la mémoire. Dans des œuvres telles que Tribute to St-Romanus, il utilise des séries pour parvenir à un effet lyrique et tragique. Tout en n'excluant pas consciemment les implications tonales des octaves doublées et de la répétition littérale, les résultats demeurent toujours extrêmement avant-gardistes et originaux. Même dans des œuvres peu récentes comme Music (1953, RCI 459) pour violon et alto, March (1954) pour chant et piano et Sonate (1954) pour violoncelle et piano, le compositeur est allé au-delà du sérialisme classique au point d'expérimenter avec des plans numériques appliqués au paramètre rythmique. Si de tels procédés rappellent Webern et Boulez, la façon de Joachim de créer des sons inusités à partir d'instruments traditionnels montre aussi l'influence de Varèse.

Il exploite son intérêt pour la musique aléatoire et électroacoustique en combinaison avec la musique sérielle, les deux premières permettant d'alléger les exigences plus rigoureuses de la dernière. Tel est le cas avec Contrastes (1967) qui emploie des pratiques aléatoires dans un cadre sériel obligatoire. Joachim est réputé pour la variété des figures qu'il utilise dans ses pièces, par exemple, des transitions soudaines et très convaincantes du pointillisme au lyrisme, ainsi que pour son habileté à produire des sons électroacoustiques créatifs et inhabituels.

Hommages
Joachim reçoit le Prix de musique Calixa-Lavallée de la Société St-Jean-Baptiste en 1990 et nommé Chevalier de l'Ordre national du Québec en 1993. L'Université Concordia donne son nom à une résidence de compositeur et à une commande de musique électronique. Il est membre de la Ligue canadienne de compositeurs et de la SOCAN ainsi que compositeur agréé du Centre de musique canadienne et membre honoraire de la Communauté électroacoustique canadienne.

COMPOSITIONS (Sélection)

Orchestre
Asia, poème symphonique : 1928-3199; grand orchestre; Ber (location).

Concertante n<sup>o</sup> 1 : 1955-1957; vn, orchestre cordes, percussion; BMIC 1960; RCI 293 et 6-ACM 14 (Bress).

Concertante n<sup>o</sup> 2 : 1961; quatuor cordes, orchestre cordes; Ber (location); RCI 597 (Orchestre métropolitain).

Contrastes : 1967; grand orchestre; Ric 1968.

Métamorphoses : 1995; orchestre.

Musique de chambre
Music for Violin and Viola : 1953; manuscrit; RCI 459 et 6-ACM 14 (Verebes).

Sonate : 1954; violoncelle, piano; BMIC 1963; RCI 139 et 6-ACM 14 (W. Joachim), CBC SM-113 (Depkat).

Quatuor à cordes : 1956; AMP 1959, BMIC 1960; RCI 190 et 6-ACM 14 (Quatuor à cordes de Montréal).

Interlude« Quatuor pour quatre saxophones » : 1960; manuscrit.

Nonet : 1960; quatuor vent, quatuor cordes, piano; manuscrit;1980; RCI 524 et 6-ACM 14 (Ens. instr. de la SRC).

Divertimento : 1962; quintette à vent; Ber (location); RCI 524 et 6-ACM 15 (Quintette à vent du Québec).

Expansion : 1962; flûte, piano; BMIC 1967.

Dialogue : 1964; alto, piano; manuscrit; 6-ACM 14 (voir DISCOGRAPHIE).

Illumination I (A. Purdy) : 1965; réc., ensemble chambre, projecteurs; BMIC 1968.

Kinderspiel, musique aléatoire pour enfants (Le Petit Prince) : 1969; narrateurs, violon, violoncelle, piano; éd. hors commerce par l'auteur 1970.

Twelve 12-Tone Pieces for the Young : 1970; violon, piano; Ber 1961.

Six Pieces for Guitar : 1971; Preissler 1975; RCI 392, Mel SMLP-4025 et 6-ACM 14 (D. Joachim).

Requiem : 1977; violon (alto ou violoncelle); manuscrit; Centredisques CMC-0883 (Golani).

4 Intermezzi : 1978; flûte, guitare; Québec-Musique 1981; (3 Intermezzi) RCI 482 et 6-ACM 14 (D. Joachim).

Night Music : 1978; flûte, guitare; manuscrit; RCI 482 et 6-ACM 14 (D. Joachim).

Tribute to Saint Romanus : 1981; orgue, 4 cors, 4 percussions; manuscrit; 6-ACM 14 (voir DISCOGRAPHIE).

Paean : 1989; violoncelle; manuscrit.

Stacheldraht : 1994; réc.; flûte solo et orchestre de chambre.

Trio : 1996; guitare.

Orchestre à cordes : 1997; orchestre à cordes.

Clavier
Bagatelles : 1939; piano; manuscrit.

L'Éclosion : 1954; piano; BMIC 1968; RCI 133 (Goldblatt), Mel SMLP-4023 (Kubálek), (1980) RCI 524 et 6-ACM 14 (Blondin).

Twelve 12-Tone Pieces for Children : 1959; piano; BMIC 1961; (n<sup>os</sup> 1, 3, 4, 5, 7, 8, 9, 10) CCM-2 (Cavalho), (1980) RCI 524 et 6-ACM 14 (Van Nguyen).

Fantasia : 1961; orgue; BMIC 1967; RCI 225, RCA CCS-1019 et 6-ACM 14 (Gilbert).

Musique électroacoustique et multimédias
Katimavik : 1967; bande; 6-ACM 14.

Illumination II : 1969; instr. variés, bande 4-pistes, projecteurs; Ber 1976; RCI 298 et 6-ACM 14 (voir DISCOGRAPHIE).

5.9 : 1971; bande 4-pistes; RCI 373 et 6-ACM 14.

6 <sup>1</sup>/2 : 1971; bande 4-pistes.

Mankind (littérature hébraïque, Coran, liturgie catholique, bouddhique) : 1972; 4 réc., 4 synth., orgue, timbale, encens, diapositives, projecteurs; manuscrit.

Stimulus à Goad : 1973; guitare, synth.; Preissler 1977; RCI 392, Mel SMLP-4025 et 6-ACM 14 (D. Joachim guitare).

Uraufführung : 1977; guit, 14 instr, musique élec; ms.

Seven Electronic Sketches : 1984; bande.

Mobile für Johann Sebastian Bach : 1985; 4 bois, cél., orgue, 4 cordes, bande; manuscrit.

Autres œuvres, dont « Psalm pour chorale » : 1960; BMIC 1961; RCI 206 et 6-ACM 14 (Chorale Bach de Montréal).

Voir aussi Davis Joachim (son fils).

Discographie

Joachim Dialogue : Vida, Newmark piano; (1983); 6-ACM 14.

- Illumination II : Ens. instr. de la SRC, Joachim dir; v. 1972; RCI 298 et 6-ACM 14.

- Tribute to Saint Romanus : Ens. des NMC, Albright orgue, Joachim dir.; (1983); 6-ACM 14.

Anthology of Canadian Music Vol. 14 : 1983; RCI 5-ACM-14.

Elektroakustische Momente : 1999; Joachim JO100-2.

Tribute to Otto Joachim : divers artistes; 2000; Radio-Canada RCI 100.

Presence II : 2002; CE206-2.

Voir aussi Montreal Consort of Ancient Instruments, Musica Antica e Nuova et DISCOGRAPHIES de Boyden, Bress et Quatuor à cordes de Montréal.

Bibliographie

« Otto Joachim, un portrait », Musicanada, XX (juin 1969).

Francean CAMPBELL, « La Maîtrise d'Otto Joachim influence son fils », Scène musicale, CCLV (sept.-oct. 1970).

BMI Canada Ltd., SDE Canada Ltée, « Otto Joachim », dépliants (1974, 1978).

Lyse RICHER-LORTIE, « Otto Joachim, compositeur, interprète, inventeur », Variations, II (fév. 1979).

Centre de musique canadienne, Compositeurs au Québec : Otto Joachim (Montréal 1980).

Claude GINGRAS, « Otto Joachim, musicien complet », La Presse (Montréal, 26 avril 1980).

Joachim DORFMüLLER, « Wider Willen eine Reise um die Welt », Düsseldorfer Hefte (oct. 1985).

Stéphane JEAN, The Otto Joachim Fonds: Numerical List (Ottawa, 1994).

Susan FRYKBERG avec John OSWALD et Tina PEARSON, « Otto Joachim in Conversation », Musicworks, XVIII (hiver 1982).

Keith MACMILLAN et John BECKWITH, éd. Compositeurs canadiens contemporains (Toronto 1975).

Université de Victoria, Creative Canada, I (Victoria 1971).

Lecture supplémentaire