Opéra et opérette - Représentation | l'Encyclopédie Canadienne

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Opéra et opérette - Représentation

La première présentation de théâtre lyrique au Canada est peut-être celle que rapportait La Gazette de Québec le 13 février 1783 : « Lundi soir dernier fut présenté au Thespian Theatre un extrait de la tragédie Venice Preserv'd et l'opéra-bouffe The Padlock, avec chant, musique, etc.

Opéra et opérette - Représentation

 

Débuts

La première présentation de théâtre lyrique au Canada est peut-être celle que rapportait La Gazette de Québec le 13 février 1783 : « Lundi soir dernier fut présenté au Thespian Theatre un extrait de la tragédie Venice Preserv'd et l'opéra-bouffe The Padlock, avec chant, musique, etc. Les interprètes incarnèrent leurs personnages respectifs avec la plus grande justesse et donnèrent satisfaction infinie à un auditoire très nombreux et respectable. » Entre mars et juin de la même année, La Gazette rapporta quatre autres représentations de The Padlock. Cet opéra léger écrit par Charles Dibdin en 1768 fut aussi l'une des premières oeuvres du genre dont on ait mentionné la représentation à Montréal : la compagnie Allen l'y joua en 1786, ainsi que Thomas and Sally de Thomas Arne et Damon and Phillida de Dibdin; l'année suivante, on y donna The Poor Soldier de William Shield; l'opéra français apparut en 1789, avec Les Deux chasseurs et la laitière d'Egidio-Romualdo Duni et Les Deux billets de J.-P.-C. de Florian, mais pendant longtemps, les présentations d'opéra anglais furent plus nombreuses. On put aussi entendre à Montréal des oeuvres écrites sur place comme The Enchanters, pantomime de John Bentley, en 1786, et Colas et Colinette, opéra léger de Joseph Quesnel en 1790, au Théâtre de Société. Selon la coutume de l'époque, la soirée commençait par une pièce de théâtre, se poursuivait par de courtes présentations - une chanson, un monologue ou une danse - et se terminait par le « morceau de la fin », soit un « ballad opera » ou une autre forme d'opéra léger. Parmi les oeuvres présentées à Halifax figurent The Duenna de Thomas Linley en 1790, Rosina de Shield en 1794, The Waterman de Dibdin en 1798 et 1799, The Review d'Arnold en 1806 et plusieurs autres (voir Halifax). The Choleric Fathers de Shield fut présenté à Québec en 1794 et The Poor Soldier du même compositeur l'année suivante. Les représentations de Richard Coeur-de-Lion de Grétry à Halifax en 1798 eurent un caractère plus exceptionnel. Après avoir dépouillé les journaux de Halifax, de Montréal et de Québec portant sur des années précises, Helmut Kallmann estima qu'en 1810, près de 100 représentations d'opéras pourraient avoir pris place au Canada. Il ne fait aucun doute que la plupart étaient celles de compagnies d'acteurs itinérants, mais quelques-unes avaient été offertes par des amateurs de l'endroit. L'« orchestre » était probablement un ensemble composé de trois ou quatre musiciens à une ou deux douzaines.

La présentation du même répertoire se poursuivit au cours des trois premières décennies du XIXe siècle. Parmi les présentations des deux premières décennies à Montréal, mentionnons une fantaisie musicale, The Purse, or The Benevolent Tar (1794) de W. Reeve en 1808 et 1818; The Review de Samuel Arnold en 1813 et 1820; The Adopted Child (1795) de T. Attwood en 1818. Parmi les exemples remontant aux années 1820, on compte l'opéra pastiche The Maid of the Mill de Samuel Arnold et Love in a Village de Thomas Arne, donnés à Montréal en 1825, ainsi que Paul and Virginia de Rodolphe Kreutzer en 1826; et les opéras qui furent peut-être les premiers à Toronto : The Mountaineers d'Arnold et No Song, No Supper de Stephen Storace (tous deux 1825); suivis de The Devil's Bridge, « grand opéra romantique » de John Braham (1826). Dans Three Years in Canada (Londres 1829), John Mactaggart mentionne que des « bals très élégants, des opéras amateurs, etc., amusent la haute société pendant l'hiver » à Halifax. Les habitants de Saint-Jean, T.-N., entendirent The Duenna en 1820, qui, selon Paul Woodford, était le premier opéra joué à Terre-Neuve.

1830-1918

Les années 1830 représentent une sorte d'hiatus dans l'histoire des représentations lyriques au Canada. On ne fait que commencer à étudier les causes de ce phénomène, mais il est possible que la crise économique, l'instabilité politique et les épidémies de choléra qui sévirent pendant cette période puissent expliquer ce déclin manifeste. Quand l'opéra refit surface dans les années 1840 et 1850, l'ancien répertoire avait été abandonné au profit d'un autre, beaucoup plus exigeant (la représentation à Québec du Devin du village de J.-J. Rousseau en 1846 par une société locale sous la direction de Napoléon Aubin constitua une exception). Les grands opéras d'Auber, Bellini, Boieldieu, Donizetti, Rossini et Verdi présentaient en effet des difficultés beaucoup plus considérables, non seulement pour les chanteurs, mais aussi pour les orchestres qui les accompagnaient. Les Canadiens découvrirent ce nouveau répertoire grâce surtout à des versions abrégées, des extraits, des ouvertures et des pots-pourris. Les recherches menées par Dorith Cooper et Mireille Barrière révèlent que si les troupes venaient souvent au Canada, elles donnaient rarement l'intégralité des oeuvres. Arthur Séguin (Edward Shelden), son épouse Ann Childe Séguin, de la RAM, et W.H. Latham, du Theatre Royal de Drury Lane, Londres, vinrent à Montréal en 1839 et y chantèrent des extraits d'opéras comme La Cenerentola, La Sonnambula, Il Matrimonio segreto et La Gazza ladra. À plusieurs reprises entre 1840 et 1849, la troupe de Séguin vint présenter à Montréal et à Toronto divers extraits d'opéras et des versions abrégées. En 1843, une compagnie française de La Nouvelle-Orléans, dirigée par Julie Calvé, présenta Le Chalet d'Adam, Les Diamants de la couronne d'Auber et L'Ambassadrice, La Fille du régiment et les deux derniers actes d' Anna Bolena. Avec l'accroissement de la population et parallèlement au développement de la navigation à vapeur et des chemins de fer, des chanteurs célèbres commencèrent à inscrire le Canada à l'itinéraire de leurs tournées. Entre 1841 et 1854, John Braham, Euphrasie Borghese, Laure Cintie-Damoreau, Jenny Lind, Auguste Nourrit, Teresa Parodi, Henriette Sontag et la petite prodige Adelina Patti donnèrent des concerts à Montréal, Québec ou Toronto. Inévitablement, de telles célébrités inspirèrent les amateurs locaux, et on vit bientôt apparaître les premiers signes d'une programmation plus régulière. Entre les années 1850 et 1900, les grandes villes canadiennes accueillirent un grand nombre de compagnies itinérantes amér. qui amenaient avec elles de grandes primas donnas amér. telles Emma Abbott, Minnie Hauk, Emma Juch et Clara Louise Kellogg.

Montréal reçut en 1853 la visite d'une troupe itinérante dirigée par Luigi Arditi (peut-être la première formation à venir chanter les versions originales d'opéras italiens tels que Norma et Ernani) et, dès 1871, il y eut une production locale de Der Fliegende Höllander. Le théâtre Royal offrit en 1874, 1876 et 1877 des saisons entièrement consacrées à Offenbach, par une compagnie parisienne mettant en vedette Zulma Bouffar, une amie du compositeur. Emma Albani, la prima donna canadienne, et sa compagnie vinrent en 1890 et 1892 à l'Académie de musique pour y chanter Lucia di Lammermoor, La Traviata, Les Huguenots et Lohengrin, tous la mettant en vedette. Une troupe locale, l'Opéra français (1893-96), présenta des grands opéras français et italiens ainsi que des opérettes et des oeuvres dramatiques au théâtre Français. Ce fut le début d'une période d'activité intense à Montréal qui allait durer jusqu'à la déclaration de la Première Guerre mondiale. En 1899, le Charley Opera de la Nouvelle-Orléans et la troupe Durieu-Nicosias de Paris envahirent Montréal. La première compagnie se produisit au théâtre Her Majesty's, la seconde au Monument national. Toutes deux offrirent des saisons spectaculaires avec des raretés du répertoire français à l'affiche, notamment La Juive d'Halévy, Sigurd de Reyer, Mireille et La Reine de Saba de Gounod et Robert le Diable et L'Africaine de Meyerbeer. Le goût raffiné et la curiosité du public montréalais d'alors sont illustrés par le fait que Montréal fut choisie pour la création des opérettes de Victor Herbert Cyrano de Bergerac (1899) et The Singing Girl (1899) ainsi que celle de Sousa, The Charlatan (1898). Une petite troupe de chanteurs du Metropolitan Opera se produisit à Winnipeg et à Regina en 1899, tandis que la compagnie principale vint de New York à Montréal en 1899 et en 1901, accompagnée les deux fois d'Emma Calvé, la célèbre interprète de Carmen. La troupe revint en 1911 pour donner des représentations de Tannhäuser avec Fremstad et Slezak, et d' Aïda avec Emmy Destinn, ce dernier ouvrage sous la direction de Toscanini. La Mascagni Grand Opera Company donna des représentations scéniques de Cavalleria Rusticana, Zanetto et Iris en 1902 à Montréal, sous la direction du compositeur, et Leoncavallo vint en 1906. En 1904-05, Montréal reçut trois fois la visite de la Savage English Grand Opera Company qui avait à son répertoire des oeuvres inusitées comme Otello de Verdi et Parsifal de Wagner. La jeune Florence Easton (dont Montréal allait être le lieu de sépulture) tint le rôle de Gilda dans Rigoletto avec cette compagnie.

Le chapitre le plus important de l'histoire du théâtre lyrique à Montréal avant la Première Guerre mondiale fut sans aucun doute les trois saisons de la Compagnie d'opéra de Montréal (1910-13). Outre une activité intense au théâtre His Majesty's, la troupe effectua des tournées régulières à Québec, Ottawa, Toronto et même Rochester, N.Y. Parmi ses nombreuses créations canadiennes figurent Manon Lescaut et Tosca de Puccini, L'Amico Fritz de Mascagni, Fedora de Giordano, Louise de Charpentier et Le Jongleur de Notre-Dame et Cendrillon de Massenet. Cette société eut pour successeur la Compagnie nationale d'opéra du Canada qui présenta une saison très ambitieuse (1913-14) à Montréal et en tournée, avec des étoiles internationales telles que Marie Rappold et Leo Slezak. Cette époque se termina en mars 1914 par un séjour de trois semaines de la Quinlan English Opera Company au théâtre His Majesty's, grâce à laquelle le cycle complet de Der Ring des Nibelungen de Wagner fut présenté au Canada pour la première fois (une seconde présentation était encore à venir en 1990), en plus de Tannhäuser, Lohengrin, Le Vaisseau fantôme et Tristan und Isolde.

L'opéra mit du temps à prendre racine dans la ville de Québec, en grande partie à cause de l'opposition du clergé aux spectacles dramatiques, qu'ils fussent chantés ou parlés. Même en 1911, l'archevêque de Québec exhortait la population à boycotter la tournée de la Compagnie d'opéra de Montréal, alléguant que les livrets des oeuvres présentées « portaient atteinte à la morale ». Quelques représentations eurent lieu comme prévu, mais Manon et Thaïs furent interdits. D'autres spectacles dignes de mention furent une représentation du Barbier de Séville le 10 juin 1864 par une compagnie en tournée, et plusieurs de La Dame blanche de Boieldieu (1879) dirigées par Calixa Lavallée (l'opéra avait auparavant tenu l'affiche deux semaines à Montréal), avec des chanteurs canadiens.

Les étapes principales de l'histoire longue et fort variée de l'opéra à Toronto commencèrent en 1825 par les spectacles mentionnés plus haut, suivis en 1843 de deux représentations de The Miller and His Men de sir Henry Bishop. La French Opera Troupe de la Nouvelle-Orléans vint en 1850 chanter des extraits d'une demi-douzaine d'opéras. Le 8 juillet 1853, grâce à la compagnie Arditi, Toronto eut droit à sa première version intégrale d'un grand opéra, Norma, avec Rosa Devries dans le rôle titre. La troupe revint en 1854 et donna Lucia di Lammermoor et The Daughter of the Regiment. Arditi dirigeait aussi en 1854, lors des prestations de l'Italian Opera Company de Mme Sontag. En 1853, l'« intégralité du premier acte de Lucrezia Borgia » avait été chantée par des interprètes locaux accompagnés au piano. Cinq ans plus tard, la Holman Juvenile Opera Troupe effectua la première de plusieurs visites qui devaient aboutir à la décision de George Holman de s'établir à Toronto. De 1867 à 1873, il y présenta des saisons régulières d'opéra et de théâtre au Royal Lyceum Theatre avec la Holman English Opera Troupe qu'il dirigeait. Vinrent également l'Italian Opera Company de Parodi en 1859, la Cooper Opera Troupe de la Nouvelle-Orléans et la French Opera Company en 1860. À la vérité, à l'instar de Montréal, Toronto connut rarement une saison sans le passage d'une troupe itinérante, notamment l'Emma Abbott Grand Opera Company dans les années 1880. En 1883, Emma Albani chanta pour la première fois un opéra dans son pays natal : Lucia di Lammermoor à la Grand Opera House. Elle revint le 3 janvier 1888 dans une production de Lohengrin donnée par la Compagnie nationale d'opéra. Lohengrin, Rigoletto, Carmen et Les Huguenots furent les grands opéras à l'affiche au cours de la saison 1890-91, particulièrement active, totalisant 91 représentations d'opéras et d'opérettes. Un groupe de chanteurs du Metropolitan Opera se produisit à Toronto en 1892, tandis que la compagnie principale présentait six opéras en 1899. La création de l'opérette The Fortune Teller de Victor Herbert prit place à la Grand Opera House de Toronto, le 14 septembre 1898. La Savage English Grand Opera Company donna en 1905 la première exécution au Canada de Parsifal. La Compagnie d'opéra de Montréal se rendit pour la première fois à Toronto en 1911, tandis que le Boston Opera y effectuait quatre visites entre 1915 et 1917, avec des vedettes de choix comme la jeune Maggie Teyte dans Faust et La Bohème et Luisa Villani dans L'Amore dei tre re de Montemezzi.

Il faut souligner qu'au tournant du siècle, même les villes comme Montréal et Toronto présentaient rarement des saisons complètes. Les risques financiers que comportait la venue de compagnies étrangères entraînaient des fluctuations extrêmes d'une année à l'autre. Les productions locales, même si elles étaient rares, dépendaient habituellement de l'importation de chanteurs pour certains rôles. À ce jour, peu de détails sont connus quant aux orchestres qui pouvaient accompagner les représentations de grand opéra. L'instrumentation en était-elle réduite? Les musiciens locaux y participaient-ils? On peut supposer que les troupes itinérantes voyageaient avec leur propre orchestre. L'installation matérielle des troupes posait peu de problèmes dans les grandes villes vu que les théâtres, même peu convenables pour le grand opéra, avaient au moins le mérite d'être nombreux. Par contre, le nom de « grand opera house », dont se paraient les auditoriums d'un bout à l'autre du Canada (voir Salles de concert et d'opéra), n'était aucunement un indice de la fonction réelle ni des propriétés de l'édifice. Il est plus que probable que dans les villes canadiennes, les grands centres mis à part, ces salles d'opéra n'accueillaient ou ne pouvaient accueillir rien de plus ambitieux que l'opérette. Ce dernier genre, toutefois, prospérait autant chez les sociétés locales que chez les troupes en tournée dans le pays. Rares étaient les localités canadiennes-anglaises où les opérettes de Victor Herbert, de Reginald de Koven et surtout de Gilbert et Sullivan n'étaient pas à l'honneur. Ainsi, la première opérette présentée à Calgary fut Trial by Jury en 1890, et à Regina, The Pirates of Penzance en 1909. C'est même au Canada que de nombreuses productions de Gilbert et Sullivan furent montées, peu de mois après leur création. Rares aussi étaient les villes canadiennes-françaises où Offenbach, Messager, Lecocq ou Planquette n'étaient pas à la mode. La troupe de Bateman présenta des opérettes d'Offenbach à Montréal, Ottawa et Toronto en 1868. Les Cloches de Corneville de Planquette connurent une grande vogue dans tout le pays et, en 1904, une adaptation anglaise intitulée The Chimes of Normandy fut la première opérette à prendre l'affiche à Edmonton. Charles Hutton inaugura ses productions d'oeuvres de Gilbert et Sullivan à Saint-Jean, T.-N., en 1894. Une autre oeuvre appréciée du public était l'opéra-comique Martha de von Flotow, présenté par des sociétés locales à Halifax et à Victoria. Winnipeg entendit Iolanthe dès 1883 à l'occasion de la visite du Hess Opera d'Angleterre, et Halifax entendit The Mikado en 1887, deux ans après sa création. (Voir aussi H.M.S. Parliament.) London, Ont., profita pendant quelques saisons de la présence de la Holman English Opera Company qui s'y était établie en 1873. Kingston assista à la création en 1899 de Leo, the Royal Cadet, composé par un de ses citoyens, Oscar Telgmann, qui le présenta également dans d'autres villes de l'Ontario. Le grand opéra fit son apparition à Vancouver en 1891, avec l'inauguration de la Vancouver Opera House du CP qui mit à l'affiche à cette occasion une représentation de Lohengrin avec une compagnie amér., l'Emma Juch English Opera.

Si le Canada n'avait pas encore organisé une seule compagnie durable composée en majorité de chanteurs canadiens, il n'en reste pas moins qu'au moment de la déclaration de la Première Guerre mondiale, le pays avait contribué de façon remarquable à enrichir les effectifs des grandes compagnies des États-Unis et de l'Europe. La première cantatrice à s'illustrer à l'étranger, Emma Albani, fut aussi la plus célèbre, mais d'autres artistes ont également joui d'une notoriété internationale : Francis Archambault, Donald Brian, Edmund Burke, Craig Campbell, Eugene Cowles, Pauline Donalda, Louise Edvina, Kathleen Howard, Edward Johnson, Béatrice La Palme, Christie MacDonald, F.-X. Mercier, Whitney Mockridge, Irene Pavloska, Albert Quesnel et Marie Toulinguet. (Voir aussi États-Unis d'Amérique.)

1918-1945

La Première Guerre mondiale porta un coup sévère au théâtre lyrique au Canada, et la reprise se fit attendre. La principale compagnie professionnelle à venir au Canada avant le milieu du siècle fut la San Carlo Opera Compagny de New York. Elle fit une tournée de villes canadiennes presque chaque année, de Vancouver à Montréal en passant par Winnipeg et Toronto, avec un répertoire varié formé d'oeuvres traditionnelles et un certain nombre de vedettes canadiennes. Montréal fit de nouveau preuve de la plus grande initiative pendant cette période : une troupe, la Société canadienne d'opérette, locale en dépit de son nom, présenta plusieurs grands opéras entre 1925 et 1936, la Canadian Opera Company (1931) ne monta qu'un seul opéra, Roméo et Juliette au théâtre Loew's avec Edward Johnson et Queena Mario, sous la direction de Wilfrid Pelletier. En 1933-34, un bref regain d'énergie lui permit de présenter, à l'hôtel Mont-Royal, des versions concert, avec accompagnement de piano, des Noces de Figaro, Orpheus de Gluck, Le Roi David de Honegger et Le Martyre de saint Sébastien de Debussy. Les Variétés lyriques tinrent plus longtemps (1936-55). L'Opera Guild de Montréal (1941-69) fut fondée par Pauline Donalda. En 1940, l'un de ses prédécesseurs, le Dominion Grand Opera, avait présenté seulement La Traviata et Faust au théâtre His Majesty's avant de disparaître. De nombreux Canadiens faisaient partie des distributions. La même année, les Festivals de Montréal (1936-65) présentèrent un premier opéra : Pelléas et Mélisande. Cette oeuvre ainsi qu' Ariadne auf Naxos en 1946 étaient des créations canadiennes. Pour sa part, l'Opera Guild assura plusieurs premières au pays, dont Le Coq d'or en 1944 et Fidelio en 1946.

Toronto et Montréal accueillirent la troupe d'Antonio Scotti en 1921 et la Russian Grand Opera Company en 1922 et 1923. Cette dernière présenta Boris Godounov, Eugène Oneguine et les opéras de Rimsky-Korsakov La Fée des neiges et La Fiancée du Tsar. Au niveau local, mentionnons des présentations par les Savoyards, troupe fondée en 1919, et par le Toronto Opera Chorus, fondé en 1920 par le prof. de chant Giuseppe Carboni et actif jusqu'à la mort de celui-ci en 1934. Le choeur offrit des représentations d'amateurs dont Le Chalet d'Adam, Philémon et Baucis de Gounod et d'autres oeuvres. Edoardo Ferrari-Fontana fonda vers 1927 la Music and Arts League qui offrit des programmes lyriques. La Toronto Cons. Opera Company, créée par Ernest MacMillan et la comtesse Laura de Turczynowicz (Laura Blackwell), monta plusieurs opéras, d'abord Hansel and Gretel en 1928, puis Dido and Aeneas et Hugh the Drover, mais la compagnie mit fin à son action en 1930. Au cours de la période de 1935 à 1939, on assista à une véritable floraison d'opéras présentés par des compagnies locales de divers calibres se faisant concurrence, notamment l'Opera Guild de Toronto et la Canadian Grand Opera Assn, toutes deux fondées en 1936 et présentant notamment des oeuvres de Verdi, Gounod, Wagner et Puccini. D'autres sociétés moins ambitieuses vécurent plus longtemps : la Rosselino Opera Company qui présentait des scènes d'opéras ou des opéras complets (1944-51) à lEaton Auditorium, l'Eaton Operatic Society (1931-65) et la Canada Packers Operatic Society (1942-55). Ces deux dernières organisations se spécialisaient dans les opérettes de Gilbert et Sullivan et d'autres oeuvres légères.

Comme dans beaucoup de villes canadiennes, à l'exception de Montréal et de Toronto, le répertoire lyrique entendu à Winnipeg, dans les décennies qui suivirent la Première Guerre mondiale, se limitait à Gilbert et Sullivan et à d'autres opérettes populaires telles que The Chimes of Normandy, ou The Bohemian Girl de Balfe. En plus des productions d'amateurs locaux, Winnipeg accueillait occasionnellement des compagnies comme le Royal English Opera et la troupe D'Oyly Carte. Si l'art lyrique put survivre à Vancouver, ce fut grâce au Theatre Under the Stars (TUTS) qui, dès 1940, présenta des opérettes en plein air, au Malkin Bowl. À Ottawa, H. Bramwell Bailey dirigea une Grand Opera Company (1949-64). Les noms des nombreuses autres sociétés d'opéras légers de l'époque figurent dans les articles sur les différentes villes canadiennes.

Un autre genre, celui du « ballad opera » à caractère folklorique, fut à la mode de 1927 à 1931 aux festivals du CP, surtout à ceux de Banff, Québec, Toronto, Vancouver et Victoria. Il faut cependant admettre que, dans l'ensemble, le Canada fut un désert pour ce qui était du grand opéra. Pour l'amateur d'art lyrique, même dans les grands centres, une représentation professionnelle était tout simplement inexistante durant certaines saisons ou se limitait au répertoire courant dans d'autres. Ce n'est pas non plus par hasard que Mozart, souvent considéré comme le plus grand compositeur d'oeuvres lyriques, a rarement été mentionné jusqu'ici. Il est probable que les oeuvres suivantes aient été présentées pour la première fois au Canada par les compagnies que voici : l'American Opera Company - Les Noces de Figaro à Toronto (et peut-être aussi à Montréal) en 1929; la Salzburg Opera Guild - Così fan tutte dans les deux villes en 1937; l'Opera Guild de Montréal - La Flûte enchantée en 1945. En saison, les amateurs d'opéra pouvaient cependant compter sur les retransmissions radiophoniques hebdomadaires du Metropolitan Opera de New York. Commencées en 1931, elles se poursuivaient toujours en 1991. Elles apportent aux Canadiens d'un océan à l'autre des opéras magnifiquement interprétés qui leur procurent non seulement un plaisir artistique, mais contribuent également à créer un public pour les productions locales et permettent aux auditeurs d'établir leurs critères d'évaluation.

Après 1945

L'épanouissement sans précédent de l'opéra au Canada après la Deuxième Guerre mondiale fut favorisé par plusieurs facteurs, notamment par le développement de la radiodiffusion et de l'enregistrement, par l'afflux d'immigrants européens habitués des spectacles lyriques, et par la prospérité croissante des années 1950 et 1960. Un élément encore plus fondamental fut la reconnaissance par certains esprits perspicaces du RCMT du fait que l'opéra ne pourrait prendre racine de façon permanente au Canada autrement que par la formation de chanteurs et en même temps par la création d'emplois, avec l'appui d'institutions puissantes et de fonds privés. En pratique, cela se traduisit par la création de la Royal Cons. Opera School (University of Toronto Opera Division) et de la CBC Opera Company, de même que par une étroite collaboration de ces deux organismes. Placée d'abord sous la direction d'Arnold Walter puis d'Ettore Mazzoleni, et avec le concours de Herman Geiger-Torel, Nicholas Goldschmidt et Ernesto Barbini qui en furent les figures dominantes au double point de vue musical et dramatique, l'école d'opéra ne tarda pas à attirer des jeunes chanteurs de tous les coins du pays. Sa première réalisation, La Fiancée vendue (1947), fut suivie du premier Opera Festival (trois spectacles, 1950), qui devint la Canadian Opera Company, compagnie présentant une saison professionnelle indépendante de l'école. La compagnie entreprit en 1958 une série importante de tournées, assurant par la suite les premières représentations lyriques (1967) dans plusieurs régions de l'Alaska, du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest. En 1980, la COC était la compagnie d'opéra la plus ancienne et la plus active de l'histoire du Canada.

Des compagnies d'opéra se formèrent ailleurs, mais dans des circonstances moins favorables. L'Opéra national du Québec, école fondée par Édouard Woolley en 1948, présenta quatre saisons à Montréal, Québec, Trois-Rivières et certaines localités du Nouveau-Brunswick. En 1949, une représentation de Don Giovanni marqua l'inauguration de la Nova Scotia Opera Assn qui monta ensuite plusieurs productions à Halifax et visita d'autres centres des Maritimes. Le Light Opera of Edmonton fut créé par H.G. Turner en 1950. Le Regina Conservatory Opera (1951-69) monta chaque année un ou deux opéras du répertoire traditionnel et des oeuvres commandées. Le Grand Opéra de Montréal, fondé en 1957, présenta Don Giovanni et Le Barbier de Séville avant de se retirer de la scène en 1958. Par ordre chronologique, suivirent la Vancouver Opera Assn (1959), la Hamilton Opera Company (1961-72; les effectifs furent intégrés au Mohawk College Opera Workshop, devenu le Mohawk College Theatre en 1976), le Théâtre lyrique de Nouvelle-France (1961-70, rebaptisé Théâtre lyrique du Québec en 1967), l'Edmonton Opera Assn (1963), la Société lyrique d'Aubigny de Québec (1968), la Manitoba Opera Assn de Winnipeg (1969) qui ne donna sa première représentation qu'en 1973, l'Opéra du Québec, créé sous les auspices du gouvernement du Québec (1971-75, représentations à Montréal et à Québec), l'Atlantic Opera Society de Halifax (1972-80), la Southern Alberta Opera Assn de Calgary (1972, auj. Calgary Opera Assn), le Pacific Opera Victoria (1978), la Saskatoon Opera Assn (1978), l'Opéra de Montréal (1980, succédant à l'Opéra du Québec), l'Opera Hamilton (1980), le Canada Opera Piccola de Victoria (1982-88), l'Opéra-Comique du Québec à Montréal (1984), l'Opéra de Québec (1984), l'Opera Lyra d'Ottawa (1984) et l'Opera East de la Nouvelle-Écosse (1988). La plupart de ces compagnies montent ou ont monté d'une à quatre productions par an faisant appel principalement à des chanteurs canadiens professionnels. Elles se produisent pendant des périodes allant de quelques semaines à quelques mois, avec quelques représentations supplémentaires en tournée. Les quatre compagnies des Prairies et de la Colombie-Britannique mentionnées plus haut furent regroupées en une coopérative, Opera West, afin d'unir leurs ressources et de coordonner leur programmation. La prolifération de petites troupes communautaires ou spécialisées donne une bonne idée de la popularité croissante dont a joui l'opéra après 1980. Ainsi, seulement dans la région de Toronto, on trouvait comme exemple de ces troupes, en 1991, la Co-Opera Company Canada, la Cosmopolitan Opera Assn, l'Opera Atelier, le Mississauga City Centre Opera, l'Opera Ora Now et le Toronto Operetta Theatre. En outre, les opéras figurent plus ou moins régulièrement aux programmes de plusieurs festivals, dont le Festival Ottawa, le Festival du printemps de Guelph, les Festivals de Montréal, le Festival de Stratford et le Festival international de Vancouver.

D'autres tentatives qui datent du milieu du XXe siècle environ et méritent une mention sont l'Opera Guild de Montréal qui fut actif jusqu'à la retraite de sa prés. fondatrice Pauline Donalda, en 1969; l'Opéra Minute de Montréal qui présenta des opéras de courte durée de 1949 à 1953; les réalisations de l'ÉBA Banff (CA Banff) après qu'Ernesto Vinci y eut fondé un dépt de chant en 1949; l'Atelier d'opéra de McGill fondé en 1956 par Edith et Luciano Della Pergola; le Toronto Opera Repertoire, créé en 1967 et dirigé par Giuseppe Macina; l'Atelier d'opéra de l'Université de Dalhousie (Halifax) qui monta son premier opéra en 1971; et la série Opera in Concert consacrée aux oeuvres rarement exécutées, inaugurée par Stuart Hamilton en 1974 au Saint Lawrence Centre, à Toronto. Dans cette dernière série, les opéras sont accompagnés au piano.

Les présentations d'opéras par la SRC, d'abord à la radio dans les années 1940 et 1950, puis à la télévision (dont le premier exemple fut Don Giovanni le 14 mai 1953) ont été d'une extrême importance. Ces réalisations de grande qualité ont non seulement fait sortir l'opéra des seuls grands centres, mais aussi permis de présenter des oeuvres, traditionnelles et modernes, qui ne jouissent pas d'une grande popularité auprès du public. De plus, elles ont fourni de l'emploi aux chanteurs canadiens pendant les périodes creuses des brèves saisons des grandes compagnies. La CBC Opera Company (1948-55, dont le centre était à Toronto), les réalisations télévisées de la SRC à Toronto dirigées par Franz Kraemer et celles de l'émission de télévision « L'Heure du concert » à Montréal (1954-56) furent les principaux véhicules de l'opéra à la SRC. Les réalisations en studio diminuèrent dans les années 1970, mais vers la fin de cette décennie fut instituée la télédiffusion en direct des productions de Festival Ottawa (notamment La Flûte enchantée en 1977, Le Barbier de Séville en 1978) et, dans les années 1980, des prestations en direct de diverses troupes canadiennes. Il faut aussi signaler les réalisations en collaboration avec la BBC et le réseau amér. éducationnel PBS (Public Broadcasting Service; par exemple Macbeth de Verdi en 1978), une réalisation de Madama Butterfly (1978) par le réseau français de la SRC, et une retransmission en direct de la représentation de Jeanne d'Arc de la COC en 1978.

Les productions d'amateurs de comédies musicales et d'opéras relativement simples se poursuivirent partout au Canada. Des présentations de niveau professionnel furent données par les Variétés lyriques de Montréal jusqu'en 1955, le Theatre Under the Stars de Vancouver, le Melody Fair de Toronto (1951-54) et le Rainbow Stage de Winnipeg (présentations en plein air inaugurées en 1954).

Parallèlement à la multiplication des productions canadiennes, les visites de compagnies d'opéra étrangères sont devenues plus rares. Le Metropolitan Opera visitait régulièrement Montréal et Toronto dans les années 1950, mais les seules salles pouvant accueillir cette compagnie dans ces deux villes, le Forum et le Maple Leaf Gardens respectivement, tout en étant en mesure d'admettre un très nombreux public, se révélèrent inadéquates tant du point de vue acoustique que scénique. Le Metropolitan Opera vint également à Vancouver dans les années 1960. En 1991, aucun festival d'opéra par des compagnies itinérantes n'avait encore surpassé celui du Festival mondial d'Expo 67 pendant lequel les grandes compagnies de Hambourg, Milan, Moscou, Stockholm et Vienne firent leurs débuts nord-amér. à la PDA de Montréal.

Voir aussi Festivals du CP, Folklore - Compositions inspirées du, Livrets, Opéras, Théâtre musical.

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