Manzo Nagano | l'Encyclopédie Canadienne

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Manzo Nagano

Manzo Nagano, homme d’affaires (né le 26 novembre 1853 à Kuchinotsu [Minamishimabara], préfecture de Nagasaki, au Japon; décédé en mai 1924 à Kuchinotsu [Minamishimabara], préfecture de Nagasaki). Manzo Nagano est le premier immigrant japonais connu au Canada. En mars 1877, alors âgé de 24 ans, il quitte le Japon pour l’Ouest à bord d’un navire à vapeur britannique, arrivant en Colombie-Britannique au mois de mai. Il s’installe par la suite à Victoria, où il exploitera différentes entreprises. Il revient au Japon en 1923 avec une santé chancelante et s’éteint l’année suivante.

Jeunesse et arrivée au Canada

Manzo Nagano voit le jour à Kuchinotsu, un village de pêche de la préfecture de Nagasaki au Japon. Selon son petit-fils Paul M. Nagano, il est le quatrième des sept enfants de Kihei Nagano.

À cette époque, le Japon s’ouvre graduellement au commerce international. En 1854, le pays met fin à 250 années d’isolation du monde extérieur. La même année, un commandant naval américain persuade les puissants shoguns (dictateurs militaires héréditaires) d’ouvrir un nombre restreint de ports japonais au commerce avec les États-Unis et l’Europe. Au lendemain de la restauration de Meiji en 1868, le Japon se modernise rapidement. Le commerce avec les autres pays s’accroît et le gouvernement investit d’importantes sommes dans l’industrialisation, érigeant notamment des chantiers navals.

Son travail dans les chantiers navals au service de navires étrangers éloigne Manzo Nagano de ses fonctions d’apprenti en charpenterie. Aux dires de son petit-fils, celui-ci se joint à l’équipage d’un navire britannique qui se rend à Shanghai, en Chine, ainsi qu’en Colombie-Britannique. « Mon grand-père a su développer son propre sens de l’aventure, si bien qu’en 1878, lors de l’un de ses voyages au Canada, il décide de débarquer à Victoria. » Les histoires racontées par sa famille suggèrent qu’il aurait d’abord vécu au sein d’une communauté autochtone locale. Comme la plupart des immigrants, il occupe différents emplois, pêchant tantôt le saumon, aidant tantôt au chargement de bois d’œuvre sur les navires quittant le pays. Il se mêle également à la communauté d’immigrants chinois de Victoria et travaille pendant un certain temps comme ouvrier de la construction sur un chemin de fer.

Mariage, famille et affaires

En 1886, alors âgé de 33 ans, Manzo Nagano revient au Japon, où il épouse Tsuya Ichi, de 16 ans sa cadette. Le premier fils de Manzo Nagano, George Tatsuo (ainsi nommé en l’honneur du monarque britannique, le roi George), voit le jour le 9 décembre 1893. Suivant le décès tragique de son épouse peu de temps après, Manzo Nagano revient au Japon accompagné de son jeune garçon.

En 1896, Manzo Nagano, son fils et sa nouvelle épouse, Tayoko, reviennent au Canada. L’homme d’affaires ne tarde pas à ouvrir une boutique de fournitures destinées aux prospecteurs d’or qui se rendent au Klondike pendant la ruée vers l’or de 1897. Manzo Nagano exploite de nombreuses autres entreprises, notamment un petit hôtel et un magasin sur la rue Government, une entreprise d’exportation de saumon salé à destination du Japon et un service de mise à disposition de main-d’œuvre aux contremaîtres japonais. Son petit-fils nous indique qu’il aurait aussi ouvert deux restaurants sous le nom « Ricksha » – l’un aux États-Unis et l’autre à Yokohama – sans toutefois connaître le succès. Le 3 octobre 1898, Manzo Nagano et sa femme Tayoko ont un fils, Frank Terumaro.

Pendant la Première Guerre mondiale, Manzo Nagano accueille les officiers de marine des croiseurs japonais accostés à Esquimalt. (Bien que le Japon et le Canada aient été alliés pendant le conflit, la plupart des volontaires asiatiques essuient un refus aux bureaux de recrutement de Colombie-Britannique, et plus de 200 d’entre eux se rendent en Alberta pour s’enrôler.)

Après la fin de la Première Guerre mondiale, Manzo Nagano, souffrant d’une maladie pulmonaire (possiblement la tuberculose), décide de rentrer au Japon. De l’avis de Toyo Takata, les entreprises de Manzo Nagano ne sont plus rentables à cette époque; Paul Nagano, lui, affirme plutôt que son grand-père est alors « suffisamment riche pour embaucher les meilleurs médecins japonais pour trouver le remède à sa maladie ». En 1923, Manzo Nagano, accompagné de son épouse, revient à son village natal de Kuchinotsu, où il s’éteint l’année suivante. Ses deux fils ne sont pas du voyage : son fils aîné George Tatsuo et son épouse ont déménagé aux États-Unis en 1917, tandis que son fils cadet Frank Terumaro demeure au Canada.

LE SAVIEZ-VOUS?
Les fils de Manzo Nagano, George Tatsuo et Frank Teramuro, sont de grands amateurs de base-ball. De nombreux membres de la communauté japonaise de Colombie-Britannique aiment jouer au base-ball et regarder des matchs, et la célèbre équipe Asahi de Vancouver domine les ligues sportives à Vancouver et le long de la côte nord-ouest. Frank joue avec l’Asahi de Vancouver, tandis que George est si passionné de base-ball qu’il nomme son premier fils en l’honneur du voltigeur américain Tyrus « Ty » Cobb, l’un des plus grands joueurs de l’époque.

Importance et commémoration

En 1977, 100 ans après la première arrivée de Manzo Nagano au pays, le gouvernement canadien nomme un sommet de montagne en son honneur dans la chaîne Côtière de la Colombie-Britannique, près de Rivers Inlet, région où de nombreux Japonais donnèrent naissance à la pêche commerciale côtière au pays.

Manzo Nagano est le premier de nombreux immigrants japonais au Canada. Vers 1914, on dénombre environ 10 000 personnes d’origine japonaise installées au Canada, la plupart d’entre elles de jeunes hommes. Toutefois, au tournant du 20e siècle, la vie des immigrants japonais au Canada est loin d’être idéale : ces personnes sont systématiquement victimes de discrimination raciale. La loi leur interdit de voter aux élections provinciales et fédérales et on leur refuse des emplois dans de nombreux secteurs, y compris dans les mines et dans la fonction publique. À Vancouver en 1907, un rassemblement de la Ligue d’exclusion asiatique tourne au vinaigre lorsque la foule investit China Town et « Japtown », faisant éclater des vitrines et lançant des pierres au passage. On entend même des coups de feu ce jour-là. Après l’attaque de Pearl Harbor par des forces japonaises pendant la Deuxième Guerre mondiale, plus de 20 000 Canadiens japonais, expulsés de leur domicile, sont envoyés dans des camps de détention. Ils ne regagneront leur liberté et leurs droits civils complets qu’à la fin du conflit.

On compte aujourd’hui plus de 100 000 habitants d’origine japonaise au Canada, dont la plupart vivent en Colombie-Britannique, en Alberta et en Ontario. Les Canadiens japonais ont apporté une importante contribution à la société canadienne dans de nombreux domaines, dont les arts, les sciences, la politique et le sport.

Note concernant les sources de cet article

Toyo Takata découvre au hasard l’histoire de Manzo Nagano alors qu’il mène des recherches sur l’histoire de la communauté japonaise au Canada. Il identifie alors Manzo Nagano comme étant le premier immigrant japonais au pays et incorpore son histoire à l’ouvrage Nikkei Legacy: The Story of Japanese Canadians from Settlement to Today (1983).

Paul M. Nagano, théologien américain et petit-fils de Manzo Nagano, inclut des récits détaillés de la vie de son aïeul dans les collections Issei: Stories of Japanese Canadian Pioneers (1984), publiée par Gordon G. Nakayama, et Journeys at the Margin: Toward an Autobiographical Theology in American-Asian Perspective (1999), publiée par Peter C. Phan et Jung Young Lee.

LE SAVIEZ-VOUS?
Toyo Takata – l’auteur qui a identifié Manzo Nagano comme le premier immigrant japonais au Canada – est né à Esquimalt, en Colombie-Britannique, où sa famille exploitait les jardins de thé japonais Takata dans le parc Gorge. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, la famille Takata est envoyée dans un camp d’internement à Slocan – plus de 20 000 Canadiens japonais subiront le même sort pendant la guerre. Toyo Takata s’installe par la suite à Toronto.

Une autre version de cet article est précédemment parue sur le site Web Asie/Canada d’Historica Canada.