Le premier Jour d'Action de grâce en Amérique du Nord | l'Encyclopédie Canadienne

Éditorial

Le premier Jour d'Action de grâce en Amérique du Nord

L'article suivant est un éditorial rédigé par le personnel de l'Encyclopédie canadienne. Ces articles ne sont pas généralement mis à jour.

Il est de notoriété publique que le premier Jour d'Action de grâce en Amérique du Nord fut célébré par Martin Frobisher et son équipage à l'est de l'Arctique en 1578. Il y a ceux - principalement des Américains irrités à l'idée que l'on puisse s'approprier cette journée marquante pour eux - qui avancent qu'il ne s'agissait pas du « véritable » Jour d'Action de grâce. Je rétorquerai que Frobisher avait toutes les raisons du monde de rendre grâces, que rendre grâces était un aspect important de la société élisabéthaine et que par conséquent, il lui était tout naturel de le faire, ainsi qu'à ses hommes d'équipage.

Sir Martin Frobisher (courtesy Bodleian Library, Oxford).

Sir Martin Frobisher, marin, explorateur, chercheur de l'or des fous, quitta trois fois l'Angleterre pour l'Amérique du Nord à la recherche d'un passage vers l'Asie. Il découvrit la baie qui porte désormais son nom et revint au bercail avec des tonnes de terre qui, selon lui, renfermait de l'or. Chaque expédition était plus imposante que la précédente et en 1578, lors de la troisième expédition, il se retrouva à la tête d'une flottille de 15 navires et de plus de 400 hommes. Le 31 mai, il appareilla pour l'île de Baffin où il avait l'intention de mettre sur pied une exploitation d'extraction de l'or et d'installer la première colonie anglaise dans l'Amérique du Nord. Le 1er juillet, Frobisher et son équipage aperçoivent l'île de la Résolution, mais des orages les balaient vers l'entrée du détroit d'Hudson : la flotte est dispersée et le navire, celui qui transportait leurs logements déjà assemblés, coula à cause de la glace. Un autre navire déserta la flottille et mit le cap vers l'Angleterre. Les navires qui restaient se réunirent à l'île de la comtesse Warwick, aujourd'hui l'île Kodlunarn, un minuscule point de terre dans la baie Frobisher. Les hommes établirent deux mines sur l'île et commencèrent à faire du commerce dans le but de procéder à des essais sur le minerai provenant d'autres mines. Encore aujourd'hui, on peut voir les sites des mines et les ruines d'une maison en pierre.

De violents orages soufflèrent sur la flotte dans les environs du détroit d'Hudson pendant tout le mois de juillet et quand finalement, les hommes se rassemblèrent à leur point d'ancrage, dans la baie Frobisher, ils organisèrent une cérémonie de communion et exprimèrent gravement leur gratitude à l'aumônier qui était du voyage, Robert Wolfall, qui « leur fit un sermon pieux, les exhortant surtout à rendre grâce à Dieu pour leur étrange et miraculeuse délivrance en ces lieux si dangereux » (Richard Collinson, The Three Voyages of Martin Frobisher: In Search of a Passage to Cathaia and India by the North-West, Cambridge University Press, 2010).

Alors que le Jour de l'Action de grâce est traditionnellement la fête des moissons et que Frobisher avait organisé une cérémonie pour fêter l'arrivée saine et sauve de son équipage, il est indéniable que cette journée-là fut consacrée à rendre grâces, journée empreinte de soulagement, dans le contexte de la société dans laquelle ces hommes vivaient. Frobisher était au service d'Élizabeth I dont le règne fut marqué par des actes publics de gratitude : la reine exprima maintes fois sa gratitude d'avoir vécu suffisamment longtemps pour monter sur le trône (et de ne pas avoir été envoyée à l'échafaud par Marie la Sanglante), gratitude d'avoir été délivrée de l'Armada espagnole et dans son dernier discours au Parlement, elle exprime sa gratitude envers ses sujets. Le premier emploi du mot « Action de grâce » dans un texte anglais se retrouve dans une traduction de la Bible en 1533, et il signifie rendre grâce à Dieu. La tradition qui consistait à exprimer sa gratitude se poursuivit chaque automne, quand les fermiers remerciaient Dieu pour les récoltes qui allaient leur permettre de passer l'hiver. La célébration de cette tradition fut organisée par les pèlerins du Massachusetts, lors de leur première moisson, en 1621, et elle exprimait autant la gratitude et le soulagement d'avoir survécu à la traversée pour s'installer dans l'Amérique du Nord que la première moisson sur ces nouvelles terres.

La cérémonie fit son apparition en Nouvelle-Écosse dans les années 1750 et les résidents de Halifax commémorèrent la fin de la guerre de Sept Ans (1763) en organisant une journée d'Action de grâce. Les loyalistes, quant à eux, introduisirent cette fête dans d'autres régions du pays. En 1879, le Parlement proclama le 6 novembre Jour d'Action de grâce : il s'agit alors d'une fête nationale plutôt que religieuse. La fête a été célébrée à d'autres dates, la plus populaire étant le troisième lundi d'octobre. À la fin de la Première Guerre mondiale, le Jour d'Action de grâce et le jour de l'Armistice (qui deviendra plus tard le jour du Souvenir) sont commémorés pendant la même semaine. Ce n'est que le 31 janvier 1957 que le Parlement proclame « une journée pour rendre grâce à Dieu tout puissant pour les abondantes moissons accordées au Canada »; le jour de l'Action de grâce se déroulera désormais le deuxième lundi d'octobre.