Glenn Gould | l'Encyclopédie Canadienne

Article

Glenn Gould

Glenn Herbert Gould (né Gold), pianiste, communicateur, écrivain, compositeur, chef d'orchestre et organiste (né le 25 septembre 1932 et décédé le 4 octobre 1982 à Toronto (Ontario).

Glenn Gould, musicien
gould est l'un des musiciens les plus brillants et les plus complexes du xxe si\u00e8cle. on le voit en répétition, en 1974 (photo de walter curtin, 1974, avec la permission des biblioth\u00e8que et archives canada/pa-137052). pour écouter la musique, cliquez sur le bouton \u00ab son \u00bb : vous entendrez un extrait des \u00ab variations goldberg \u00bb de bach, variation 19 (enregistrée le 21/6/54, avec la permission de la société radio-canada).

Glenn Herbert Gould (né Gold), pianiste, communicateur, écrivain, compositeur, chef d'orchestre et organiste (né le 25 septembre 1932 et décédé le 4 octobre 1982 à Toronto (Ontario). Pianiste célèbre et communicateur prolifique, Glenn Gould figure parmi les personnalités culturelles les plus importantes du Canada. Il demeure l'un des musiciens les plus admirés et les plus étudiés dans le monde entier. Gould se démarquait par son style pianistique distinctif, par ses interprétations idiosyncrasiques, par ses comportements scéniques inhabituels et par sa vision indépendante. Ces caractéristiques faisaient de lui un franc‑tireur et un excentrique. Il privilégiait les structures musicales finement ouvragées aux œuvres préromantiques et impressionnistes, qui constituaient pourtant la base du répertoire standard pour piano de son époque. Il leur préférait la musique élisabéthaine, baroque, classique, postromantique et moderne, plus précisément celle du début du XXe siècle. La célébrité de Glenn Gould repose, en particulier, sur ses interprétations de la musique pour clavier de Jean‑Sébastien Bach. Artiste intellectuel, il avait le don d'élucider le contrepoint et la structure. Néanmoins, son jeu se caractérisait aussi par sa grande expressivité et par sa vivacité rythmique. Il possédait la technique et la palette tonale d'un virtuose, mais rejetait les conventions et dédaignait les représentations devant public. Glenn Gould a écrit abondamment sur la musique et la technologie. Il a suscité une grande controverse en se retirant de la scène à l'âge de 31 ans, pour se consacrer à ses enregistrements en studio et à ses projets d'émissions.

Jeunesse et études

Glenn Gould grandit dans le secteur Beaches de Toronto. (La ville a d'ailleurs désigné sa maison natale comme lieu historique.) Il fait également de longs séjours au chalet familial, près du lac Simcoe. Ses deux parents chantent. Son père, fourreur de métier, jouait du violon lorsqu'il était enfant. Sa mère, dont le grand‑père était cousin du compositeur norvégien Edvard Grieg, joue du piano, en plus d'enseigner cet instrument et le chant. À l'âge de trois ans, on découvre que Gould a l'oreille absolue (aptitude à identifier ou à reproduire n'importe quelle note prise isolément). À quatre ans, sa mère commence à lui donner des leçons de piano. Le 5 juin 1938, à l'âge de cinq ans, il fait sa première apparition publique documentée dans une église d'Uxbridge (Ontario). Il accompagne alors ses parents, qui chantent en duo.

Après que sa mère se charge de son instruction à domicile (1938‑1939), Glenn Gould fréquente la Williamson Road Public School (1939‑1945), puis le Malvern Collegiate Institute (1945‑1951), où il n'obtient pas son diplôme, cependant. En réaction à l'antisémitisme qui prévaut au Canada à la fin des années 1930, ses parents modifient leur nom de famille original (Gold) en adoptant la graphie « Gould ». Ils souhaitent clarifier leur patrimoine anglo‑protestant et ainsi éviter qu'on ne les prenne pour des Juifs.

En 1940, Gould s'inscrit au Toronto Conservatory of Music (ou TCM, devenu le Royal Conservatory of Music). Il y étudie la théorie musicale, l'harmonie et le contrepoint avec Leo Smith (1942‑1946), puis l'orgue avec Frederick C. Silvester (1942‑1949). Grâce à son apprentissage de cet instrument, Gould développe son amour pour la musique de Jean‑Sébastien Bach dès le jeune âge. Jusqu'en 1944, il se produit principalement à l'église et lors de manifestations scolaires, puis il remporte les concours des Festivals de musique Kiwanis (1944‑1946). Il réussit son examen de piano et obtient son diplôme ATCM (Associate of the Toronto Conservatory of Music) à l'âge de 12 ans, puis il passe ses examens écrits l'année suivante.

Glenn Gould fait partie de la première génération de concertistes canadiens qui reçoivent entièrement leur formation au Canada. Sous le tutorat du pianiste chilien Alberto Guerrero, qui enseigne au TCM, Gould franchit une étape déterminante de son éducation musicale (1943‑1952). En effet, Guerrero lui inculque le répertoire et la technique du doigté qui feront sa célébrité.

Début de la carrière musicale, 1944‑1950

Gould fait preuve d'un talent et d'une compétence extraordinaires, mais sa vie ne ressemble en rien à celle d'un enfant prodige. En tant que pianiste, ses apparitions publiques avec le TCM et à l'occasion des Festivals Kiwanis attirent l'attention sur lui pour la première fois. Il participe à sa première émission de radio (pour CFRB, le 10 mars 1945) avec d'autres lauréats du Festival Kiwanis, puis donne son premier récital complet de piano en solo au TCM le 10 avril 1945.

Dès sa tendre enfance, Glenn Gould devient un compositeur avide. Il écrit des pièces de musique tonale (fondée sur une gamme mineure ou majeure), atonale (fondée sur aucune gamme en particulier) et dodécaphonique (fondée sur les 12 tonalités chromatiques de l'octave; voir Dodécaphonisme et sérialisme). Il manifeste une préférence pour la forme contrapuntique, hautement structurée (musique comportant plus d'une ligne mélodique jouée en simultané). De l'âge de cinq ans jusqu'à la fin de son adolescence, il présente occasionnellement ses compositions au public. Il offre également des prestations à l'orgue jusqu'en 1948. En réalité, il fait ses débuts professionnels comme organiste lors du concert de Noël organisé à l'Eaton Auditorium, en 1945.

En tant que pianiste, Gould fait sa première apparition avec orchestre le 8 mai 1946 au Massey Hall. Il joue le premier mouvement du Concerto no 4 de Beethoven avec l'orchestre du TCM, dirigé par Ettore Mazzoleni. Les 14 et 15 janvier 1947, il présente cette œuvre en entier avec l'Orchestre symphonique de Toronto, dirigé par Bernard Heinze, à l'occasion d'un concert préparé pour des élèves du secondaire. Le 20 octobre 1947, peu après son quinzième anniversaire de naissance, il donne son premier récital professionnel à l'Eaton Auditorium. Cette performance marque les débuts de sa longue association avec l'agent de concert Walter Homburger, qui dure jusqu'en 1968.

Lors de ces premières prestations, la technique prodigieuse de Gould lui vaut des éloges, sans compter la beauté de son ton, la subtilité et la délicatesse de son phrasé, son tempérament « poétique », de même que sa profondeur d'expression et la sagesse de ses interprétations, qui se révèle nettement supérieure à celle des musiciens de son âge. Tout au long de son adolescence, il joue du piano dans plusieurs établissements de Toronto : des salles de concert, le TCM, la Hart House, le Musée des beaux‑arts de l'Ontario, la Canadian National Exposition et ailleurs en Ontario, à l'occasion.

Essor de la carrière musicale, 1950‑1955

Glenn Gould fait ses débuts à la radio de la CBC le 24 décembre 1950. Il y joue la Sonate K281 de Mozart et la Sonate no 3 de Paul Hindemith sur un piano à la basse sombre et profonde. Alors qu'il prépare l'enregistrement de sa performance aux fins de diffusion, il a une révélation, en quelque sorte. Il découvre qu'en supprimant les basses et en amplifiant les aigus, il peut donner au piano le son qu'il n'a pas réussi à produire, lors de sa prestation. Il se rend compte que, grâce à la technologie, il peut dépasser les limites du piano et améliorer son résultat original. Cette prise de conscience exerce une influence fondamentale sur ses attitudes, de même que ses démarches à l'égard de l'interprétation et de l'enregistrement.

En janvier 1951, Gould organise un ambitieux « récital de musique contemporaine » au Royal Conservatory of Music. Avec son camarade de classe Robert Fulford, il forme la compagnie New Music Associates, qui présente trois concerts à Toronto en 1952 et en 1954. Il entreprend sa première tournée dans l'Ouest canadien (Vancouver et Calgary) en 1951. Ensuite, il fait ses débuts à Montréal (1952), à Ottawa (1953), dans les Maritimes (Saint John, 1953) et à Winnipeg (1954). Il participe à l'inauguration du Festival de Stratford en 1953 comme membre de l'orchestre de chambre Festival Trio, avec le violoniste Albert Pratz et le violoncelliste Isaac Mamott. Il fait plusieurs retours à ce festival au cours des années suivantes.

Lorsqu'il atteint la vingtaine, Gould établit les caractéristiques du répertoire non conventionnel des concerts qu'il proposera à l'âge adulte : un peu de musique du XVIe et du XVIIe siècle, beaucoup de pièces de Bach, un ensemble très sélect d'œuvres classiques et romantiques, ainsi qu'une généreuse sélection de morceaux de musique du XXe siècle, principalement d'origine austro‑allemande, dont les œuvres complètes pour piano d'Arnold Schoenberg, d'Alban Berg et d'Anton Webern. Il joue très peu de pièces préromantiques et impressionnistes, qui constituent pourtant la base du répertoire standard pour piano de cette époque.

Au début des années 1950, Gould présente régulièrement des concertos, des récitals en solo et des concerts de musique de chambre à CBC Radio. (Le programme de l'émission du 21 décembre 1953 inclut la première canadienne du concerto de Schoenberg.) Il figure également parmi les artistes vedettes de la première émission de télévision diffusée au Canada anglais, le 8 septembre 1952.

En 1953, le père de Gould adapte une chaise à son intention. Il scie les pattes d'un fauteuil bridge pliant, afin de les raccourcir de 10 centimètres et d'assurer leur adaptabilité individuelle. Dès lors, Gould insiste pour s'asseoir sur ce fauteuil à chaque concert et à chaque enregistrement, même après l'usure complète de son siège rembourré. En effet, il préfère sa hauteur réduite (36 centimètres à partir du sol) au banc de piano standard (51 centimètres à partir du sol) employé par la plupart des pianistes. Il réalise ses premiers enregistrements en studio en novembre 1953, pour le label canadien Hallmark. Sa performance à la chaîne CBC Television, diffusée le 16 décembre 1954, correspond à sa plus ancienne apparition télévisée qui ait survécu jusqu'à nos jours.

Le 2 janvier 1955, Gould fait ses débuts américains à la Phillips Gallery de Washington, D.C., puis il se produit au Town Hall de New York le 11 janvier. À ces deux occasions, le programme comprend la musique d'Orlando Gibbons, de Jan Pieterszoon Sweelinck, de Bach, de Webern et de Berg, ainsi que les dernières œuvres de Beethoven. Le lendemain matin du récital de New York, Columbia Masterworks (qui englobe les collections CBS Masterworks et Sony Classical, et porte maintenant le nom Sony Masterworks) lui offre un contrat. Il enregistrera sous cette étiquette pour le reste de sa vie. Réalisé en juin 1955 et lancé en janvier 1956, son premier enregistrement avec Columbia se veut une lecture brillamment virtuose et hautement originale des Variations Goldberg de Bach. Il reçoit un accueil enthousiaste et attire immédiatement l'attention du monde entier.

Tournées et concerts, 1956‑1964

Au cours des neuf années suivantes, Glenn Gould effectue des tournées annuelles en Amérique du Nord. Parmi leurs faits saillants, citons sa performance présentée au Massey Hall le 16 avril 1956. À cette occasion, la Ville de Toronto lui remet une montre gravée. Sa seule composition majeure, le long Quatuor à cordes à un mouvement (écrit entre 1953 et 1955), est jouée pour la première fois par le Quatuor à cordes de Montréal le 21 mai 1956 à Radio‑Canada, réseau de radio francophone de la CBC. Cette œuvre constitue une synthèse de la fugue baroque, de la sonate classique, des harmonies postromantiques de Richard Strauss et des « variations évolutives » de Schoenberg.

Pour la première fois, Gould assume officiellement le rôle de chef d'orchestre le 20 février 1957 au Chrysler Festival, diffusé par CBC Television. En mai de la même année, il fait ses débuts européens comme pianiste, lors d'une tournée de concerts de deux semaines à Moscou et à Leningrad (devenue Saint‑Pétersbourg). Il devient ainsi le premier musicien canadien et le premier pianiste nord‑américain à jouer en Union soviétique après la Seconde Guerre mondiale). Suivent des représentations avec l'Orchestre philharmonique de Berlin, sous la direction d'Herbert von Karajan, et un récital au Festival de Vienne. Le 26 septembre 1957, Gould dirige des symphonies de Mozart et de Schubert. Jouées par l'Orchestre de la SRC à Vancouver, elles sont diffusées à l'échelle nationale par CBC Radio. Son récital présenté au Carnegie Hall, le 7 décembre 1957, constitue un autre fait saillant de cette période.

Gould retourne en Europe au cours des deux étés suivants. En 1958, il fait une apparition au Festival de Salzbourg, puis à l'Exposition universelle de Bruxelles avec l'Orchestre Hart House, sous la direction de Boyd Neel. Cette année‑là, il se produit également en Suède, en Allemagne et en Italie, puis fait ses débuts à Boston dans le cadre des Peabody Mason Concerts. Il donne 11 représentations en 18 jours en Israël, puis il propose des concerts et des conférences au Festival international de Vancouver (1958, 1960‑1961). En 1959, il donne un récital à Berlin et participe aux festivals de Salzbourg et de Lucerne. Il fait ses débuts à Londres avec l'orchestre symphonique de cette ville dans le cadre du cycle de Beethoven, sous la direction de Josef Krips. Il présente également deux récitals pour la BBC. En 1959, il reçoit la Harriet Cohen Bach Medal pour pianiste, prix créé en Grande‑Bretagne. Il se produit de nouveau au Carnegie Hall de New York le 13 février 1959.

Les 6 et 7 décembre 1960, Gould offre pour la première fois le concerto pour piano de Schoenberg au public canadien. Avec le violoncelliste Leonard Rose et le violoniste Oscar Shumsky, il endosse le titre d'artiste en résidence du Festival de Stratford en 1960, dont il devient l'un des codirecteurs musicaux (1961‑1964).

Parmi les performances les plus célèbres de Gould figurent le Concerto en ré mineur deBrahms (5, 6 et 8 avril 1962) avec l'Orchestre philharmonique de New York, dirigé par Leonard Bernstein. Avant le concert, le grand chef d'orchestre prononce un discours afin de signifier à l'auditoire son désaccord avec l'interprétation de Gould, qui se caractérise par des tempos exceptionnellement lents, des digressions par rapport aux indications de Brahms sur la dynamique et le phrasé, ainsi que par une mise en relief des motifs et du contrepoint.

Gould cultive des intérêts musicaux et intellectuels très variés : il a toujours refusé que sa vie se limite à celle d'un pianiste de concert. La direction d'orchestre et la composition font également partie de ses ambitions. Dès la fin de son adolescence, il démontre son savoir‑faire comme auteur spécialisé dans le domaine de la musique. L'étendue de ses talents et de ses intérêts suscite une grande admiration. Au cours de ses années de concertiste, il continue d'enregistrer à profusion pour Columbia, d'écrire et de prononcer des conférences, en plus de jouer à la radio et à la télévision de la CBC. Il réalise son premier radiodocumentaire, qui porte sur Schoenberg, en 1962 et présente une douzaine de conférences de 1963 à 1964. La plupart d'entre elles ont fait l'objet d'une publication.

Gould élève des objections musicales, personnelles et morales à l'égard des représentations devant public. (« En concert, je me sens rabaissé, comme un artiste de vaudeville », déclare‑t‑il.) Il se produit avec modération, voire à contre‑cœur; il donne environ 300 concerts au cours de sa carrière, dont moins de 40 à l'étranger. Il s'agit d'un nombre modeste pour un pianiste professionnel de sa longévité. En fait, Gould considère que les concerts en direct constituent une pratique anachronique. « Le but de l'art n'est pas le déclenchement d'une sécrétion momentanée d'adrénaline, mais la construction, sur la durée d'une vie, d'un état d'émerveillement et de sérénité », écrit‑il.

De plus en plus attiré vers son travail dans les médias électroniques et imprimés, Gould décide d'abandonner la vie de pianiste de concert pour se consacrer à l'enregistrement en studio, à la radiodiffusion, à la composition et à l'écriture. Il donne son dernier concert en direct le 10 avril 1964 au Wilshire Ebell Theatre de Los Angeles, au sommet de sa gloire et de son pouvoir créatif.

Carrière dans les domaines de la radiodiffusion et de l'enregistrement en studio, 1964‑1982

Glenn Gould a maintenant tiré un trait sur sa carrière de concertiste. Dès lors, ses récitals et ses documentaires présentés à la radio et à la télévision gagnent en originalité et en complexité au fil de son exploration, qui dépasse les limites de la diffusion conventionnelle. Au début des années 1960, il commence à proposer, à la radio comme à la télévision, des récitals dont les éléments portent sur un thème unique, ou qui sont reliés entre eux par ses propres commentaires parlés. Il devient également un écrivain prolifique : il explore d'innombrables sujets musicaux et non musicaux en rédigeant des textes de pochette, des articles de périodiques, des critiques, des scénarios et des entrevues.

Cependant, Gould ne réalise jamais son plan de se consacrer généreusement à la composition après son retrait de la vie de concertiste. Malgré d'ambitieuses esquisses de chansons, d'opéras et d'œuvres pour musique de chambre et pour orchestre, il met fin à son travail de compositeur après 1964. Il note ou enregistre toutefois quelques‑unes de ses transcriptions (versions réécrites pour piano), dont trois œuvres de musique orchestrale de Wagner et l'une des transcriptions personnelles de La Valse par Ravel.

De plus en plus, Gould recherche des moyens d'expression autres que le piano. Il crée des émissions qui ne le mettent pas en vedette, mais lui permettent d'explorer des sujets musicaux qui suscitent son intérêt, dont l'enregistrement et la diffusion, la « psychologie de l'improvisation », la musique aléatoire (musique composée au hasard, d'après un coup de dés, par exemple) et le synthétiseur Moog. Ses innovations sont récompensées de la Médaille du centenaire du Canada en 1967. Elles lui valent aussi le Prix Molson du Conseil des Arts du Canada en 1968.

À la fin des années 1960, Gould canalise ses ambitions de compositeur vers la production de « radiodocumentaires contrapuntiques », comme il avait l'habitude de les qualifier. Leurs fresques évocatrices de la parole, leurs effets sonores et leur musique s'appuient sur les principes et les techniques du radiodocumentaire, de la dramatique radio, du cinéma et de la musique. Il réalise également les émissions désignées par l'expression « trilogie de la solitude » : The Idea of North (1967); The Latecomers (1969) sur Terre‑Neuve et The Quiet in the Land (1977), sur les Mennonites du Manitoba. Elles approfondissent les effets de l'isolement géographique, culturel et religieux sur les personnes et les collectivités.

En 1970, il refuse sa mise en candidature à l'Ordre du Canada et déménage son studio d'enregistrement de New York à Toronto. Il compose la musique du long‑métrage Slaughterhouse‑Five (1972) et remporte le seul prix Grammy de son vivant dans la catégorie Meilleur texte de pochette d'un album classique pour Hindemith: Sonatas for Piano, paru en 1973.

Durant cette période, Gould crée aussi quatre documentaires majeurs sur des musiciens : le chef d'orchestre Leopold Stokowski (1971), le violoncelliste Pablo Casals (1974), ainsi que les compositeurs Arnold Schoenberg (1974) et Richard Strauss (1979). Parmi les principales émissions que Gould a réalisées pour CBC Television au cours des dernières années de sa vie figure un portrait documentaire compris dans la série Telescope (1969); l'émission spéciale The Well‑Tempered Listener (1970), qui consiste en une expérience technologique, sa série Music in Our Time (1974‑1977) et le documentaire Glenn Gould's Toronto, qui s'inscrit dans la série Cities (1979).

Par ailleurs, il participe à plusieurs productions importantes à l'étranger, dont Conversations with Glenn Gould (1966), émission coproduite par la CBC et la BBC; How Mozart Became a Bad Composer (1968), émission spéciale pour le NET; Les chemins de la musique (1974), série de quatre films pour la télévision française (ORTF) avec Bruno Monsaingeon. Citons également Radio as music (1975), vidéo autoproduite par Gould et Glenn Gould Plays Bach, série de trois films réalisés par Monsaingeon (1979‑1981).

En 1976, Gould reçoit un diplôme d'honneur de la Conférence canadienne des arts et le prix national de musique de l'Université de l'Alberta. En 1977, l'un de ses enregistrements du Prélude et de la Fugue en do majeur, extraits du livre 2 du Clavier bien tempéré de Bach, est gravé sur un disque qu'on embarque à bord de la sonde spatiale Voyager, afin de représenter la civilisation et l'intelligence humaines. En 1979, il gagne le Prix Juno du meilleur album classique de l'année pour Hindemith; Das Marienleben. Il reçoit finalement la Médaille et le Grand prix du disque du Conseil canadien de la musique en 1981.

Projets de retraite et décès

Tandis qu'il approche de la cinquantaine, Glenn Gould envisage de mettre fin progressivement à sa carrière de pianiste de studio pour exécuter un projet ambitieux : réaliser des enregistrements en tant que chef d'orchestre. À ce titre, il enregistre sa première et seule œuvre officielle (L'Idylle de Siegfried de Wagner) durant l'été 1982. Il arrange également la musique du long‑métrage The Wars (1983).

Gould a l'intention de cesser ses activités d'enregistrement vers 1985, pour se consacrer à l'écriture et à la composition. Le 27 septembre 1982, cependant, quelques jours après son cinquantième anniversaire de naissance et environ une semaine après le lancement du second enregistrement des Variations Goldberg, album à succès, il subit un grave accident vasculaire cérébral et meurt le 4 octobre 1982.

Opinions sur l'enregistrement

Mis à part le domaine de la musique populaire, aucun artiste n'a probablement élargi jusqu'à maintenant les possibilités technologiques de la musique enregistrée, ni exploré son esthétique et même ses implications éthiques autant que Glenn Gould. En fait, Gould estimait que ses prestations constituaient non seulement des lectures d'œuvres musicales, mais aussi des documents qui reflétaient son entière vision du monde. À l'instar des créateurs de la période romantique, il croyait que les artistes avaient une « mission morale », et que l'art présentait un énorme potentiel d'amélioration de la vie humaine.

Parmi les artistes classiques, Gould est devenu l'un des principaux partisans d'une véritable philosophie de l'enregistrement, qu'il a défendue passionnément dans ses articles et ses émissions. En outre, il a mis cette philosophie en pratique en réalisant des douzaines d'albums pour Columbia/CBS. Ainsi, il a acquis une expertise concrète des techniques d'enregistrement.

Selon lui, l'artiste de studio n'avait pas à se soucier de produire des effets musicaux dans une salle de spectacle, afin de capter et de retenir l'attention d'un auditoire. Il pouvait plutôt soumettre la musique à une inspection minutieuse des détails qui composent chacun de ses niveaux structurels. De plus, il pouvait laisser la technologie — disposition des microphones, collage, enregistrement fractionné, réverbération, entre autres — influer sur l'interprétation. Ainsi, il reportait les nombreuses décisions qui la concernaient à l'étape de la postproduction.

Selon Gould, l'enregistrement avait transformé les fondements mêmes de la relation traditionnelle entre le compositeur, l'artiste et l'auditeur. Il justifiait ses expériences d'interprétation, du moins en partie, en affirmant qu'il n'y avait aucune raison de réaliser un autre enregistrement du Concerto de l'empereur, par exemple, sans proposer de digressions significatives par rapport aux lectures conventionnelles existantes de l'œuvre.

Répertoire et style

Glenn Gould a réalisé des interprétations originales, profondément personnelles et parfois choquantes des œuvres musicales de son choix. Il recourait souvent à des tempos extrêmes, à des dynamiques étranges et à un phrasé encore plus bizarre. Toute sa vie, il a manifesté un penchant controversé pour le mépris des idées conventionnelles sur le piano et l'interprétation musicale. Cette attitude se manifestait surtout, peut‑être, par sa prédilection pour l'articulation détachée (jeu sans établissement de liens entre les notes mélodiques).

Son vaste répertoire, quoique sélectif, allait des virginalistes de la période des Tudor (joué sur un genre de clavecin) aux Canadiens contemporains. Il s'articulait principalement autour de Bach et de Schoenberg, mais était manifestement dénué de musique préromantique. Gould se faisait le champion des idiomes musicaux modernes qui se voulaient ésotériques et exigeants sur le plan intellectuel. De plus, il défendait les œuvres obscures de compositeurs comme Georges Bizet, Edvard Grieg, Richard Strauss et Jean Sibelius. En tant qu'interprète, il cultivait aussi un penchant (rare à cette époque) pour les transcriptions de musique orchestrale et opératique. En particulier, il a proposé un exemple dynamique et influent de l'approche « hautement moderniste » qu'on prônait au milieu du XXe siècle à l'égard des interprétations de Bach.

Le style pianistique de Gould — épuré, raffiné, rythmiquement dynamique, structurellement explicite et insistant sur le contrepoint — était plus moderniste que romantique. Néanmoins, il pouvait se révéler très lyrique et profondément expressif, à sa façon. En tant qu'artiste, cependant, Gould incarnait le romantisme à la perfection : il passait souvent de longues heures à remanier les indications d'interprétation (et même les notes, à l'occasion). Lorsqu'il abordait une œuvre, il s'efforçait de lui jeter un regard neuf en adoptant des tempos extrêmes, en privilégiant des phrasés et des ornementations bizarres, et en expérimentant d'autres éléments d'interprétation. Par conséquent, soit on le louangeait pour son originalité, soit on le condamnait pour son excentricité.

Mode de vie et excentricités

Au cours de sa carrière de concertiste, Gould a fait remarquer que les critiques européens rédigeaient des articles sur ses interprétations, alors que les critiques nord‑américains écrivaient davantage sur ses excentricités. À la fin de sa vie, des reportages sur son mode de vie et ses excentricités personnelles ont d'ailleurs alimenté sa légende. Gould menait une vie modeste en solitaire. (Il ne s'est jamais marié.) Il protégeait jalousement sa vie privée, refusait toute forme d'apparition publique et quittait rarement Toronto (surtout après 1970, année où il a déménagé son studio d'enregistrement dans cette ville). Ces dernières années, des médias ont mis au jour certaines des relations sentimentales que Gould a entretenues dans la discrétion, en particulier sa liaison de cinq ans (entreprise en 1967) avec l'artiste‑peintre Cornelia Foss. L'épouse du compositeur américain Lukas Foss avait quitté son mari pour déménager à Toronto avec ses enfants. Elle a vécu auprès de Gould pendant plusieurs années.

Certains considèrent que Gould n'était pas simplement excentrique, mais probablement atteint d'une maladie mentale. (Bon nombre d'écrivains, notamment Timothy Maloney, Ph. D., ont supposé qu'il souffrait du syndrome d'Asperger, forme bénigne d'autisme qui s'avère propice à de grandes réussites.) Gould cultivait des habitudes peu communes. Il insistait pour élever la température ambiante à des degrés très élevés. Il portait toujours plusieurs couches de vêtements ainsi que des gants, en général. Il se préoccupait de sa santé au point de souffrir d'hypocondrie. En outre, il prenait plusieurs médicaments et évitait souvent les contacts physiques. Son langage gestuel chargé (il balançait et pivotait souvent le torse au clavier), de même que les vocalises et les murmures qu'il faisait entendre lors de ses interprétations ont également suscité de nombreux commentaires.

Gould l'écrivain

Glenn Gould a publié des douzaines productions écrites sur une grande variété de sujets (non liés exclusivement à la musique) : articles, notes de programme pour ses concerts, textes de pochette pour une vingtaine de ses albums, conférences, critiques, lettres à la rédaction et commentaires humoristiques. En 1973, il a reçu un prix Grammy du meilleur texte de pochette, qu'il avait rédigé pour son album Hindemith : Sonatas for Piano.

Gould a écrit à profusion sur l'enregistrement en studio et les médias de masse; ses idées s'harmonisaient souvent avec celles de son ami Marshall McLuhan. Ses écrits sur les médias électroniques demeurent pertinents à ce jour et se révèlent même visionnaires, dans certains cas. Si l'on tient compte des scénarios qu'il a rédigés pour ses productions radiophoniques, télévisuelles et cinématographiques, le résultat correspond à une œuvre impressionnante qui, bien qu'étant inégale et souvent controversée, lui a valu la réputation de penseur bien informé, provocateur et hautement original de la musique et de la technologie.

Pianos et chaise de Gould

Cinq pianos de Gould sont conservés à différents endroits. Le piano à queue Steinway CD 318 (1943), qui lui a servi à enregistrer la plupart de ses disques de 1960 à 1981, se trouve au Centre national des arts d'Ottawa. Le pianiste de jazz Bill Evans a aussi joué sur cet instrument, lors de la réalisation de son album légendaire intitulé Conversations with Myself, en 1963. Le Roy Thomson Hall de Toronto et la Central United Church d'Edmonton abritent respectivement l'un des deux pianos à queue Yamaha que Gould a achetés au cours des dernières années de sa vie. Les deux pianos qu'il gardait dans son appartement, soit un piano à queue Steinway (1932) et un quart de queue Chickering (1895), sont exposés respectivement à Rideau Hall, à Ottawa, et dans le hall d'entrée du Glenn Gould Studio, au Centre canadien de radiodiffusion de Toronto.

Après le décès de Gould, on a installé sa célèbre chaise pliante, que son père avait adaptée à son intention, dans une vitrine de la section musique de la Bibliothèque nationale du Canada. Elle y est demeurée jusqu'en 2005, année où on l'a entreposée dans une chambre forte et d'où on ne la ressortait désormais que pour les expositions et les événements spéciaux. Depuis juin 2012, toutefois, cette chaise est exposée en permanence au Centre national des arts d'Ottawa, tout comme le célèbre piano Steinway CD 318 de Gould.

Parutions et rediffusions posthumes

Gould avait la réputation de compter parmi les musiciens les plus éminents du monde entier. Cependant, son œuvre médiatique abondante, mis à part ses concerts et ses enregistrements, était difficilement accessible de son vivant. Pendant la majeure partie de sa carrière, il s'est donc fait connaître uniquement comme pianiste auprès d'une grande partie de la population. Depuis 1982, néanmoins, l'accessibilité de son œuvre s'est accrue. Son public international s'est nettement élargi, et une industrie artisanale a prospéré grâce à lui.

Peu de temps après la mort de Gould, CBS Masterworks a procédé à la remastérisation numérique et au relancement d'une grande variété de ses enregistrements en studio. De petites maisons de disques d'Amérique du Nord, d'Europe et du Japon ont aussi piraté plusieurs de ses concerts présentés devant public ou lors d'émissions de radio. Enfin, de 1992 à 1997, Sony Classical a lancé Glenn Gould Edition, série complète de plus de 75 CD, qui comprend plusieurs enregistrements de concerts et d'émissions. De 1992 à 1999, CBC Records a également lancé 8 volumes de Gould gravés sur 11 CD. Ils incluent plusieurs concerts radiodiffusés au début des années 1950.

Les enregistrements de Gould continuent de se vendre en quantités impressionnantes; en fait, ils s'écoulent mieux à l'heure actuelle que de son vivant. L'enregistrement des Variations Goldberg de 1982 a été certifié or au Canada en 1984; il a franchi le cap des 100 000 exemplaires vendus en 1992, qui lui ont valu la certification platine. Par ailleurs, la mort de Gould a relancé ses émissions de radio et de télévision, ainsi que ses films. En 1987, la CBC a entrepris la rediffusion de l'essentiel de son œuvre télévisée. Intitulée Glenn Gould Plays, cette série qu'on a également présentée en Europe est montée sous la forme de 24 émissions d'une demi‑heure. Parus en grande partie sous l'étiquette CBC Records, ses « radiodocumentaires contrapuntiques » ont fait l'objet d'une rediffusion par la CBC et à l'étranger. De son côté, Sony Classical a lancé la Glenn Gould Collection de 1992 à 1994. Cette généreuse sélection en plusieurs volumes comprend 16 heures de concerts télévisés sur vidéocassette et disque laser.

Les écrits de Gould sont publiés dans deux grandes collections de langue anglaise et par certains périodiques. Ils sont également traduits dans plusieurs langues. Ses compositions ont connu un léger regain d'intérêt depuis sa mort. On les interprète à l'occasion d'événements sur Gould et ailleurs dans le monde. En 1995, Schott Musik International s'est chargée de proposer une édition complète de ses compositions et de ses arrangements. En 2011, la CBC a lancé un site Web pour célébrer le 80e anniversaire de naissance de Gould. Cette année‑là, elle a aussi produit une série de DVD intitulée Glenn Gould on Television, the Complete CBC Broadcasts 1954‑1977.

Documentation, sociétés et congrès sur Gould

La nouvelle disponibilité des enregistrements, des émissions, des écrits et des compositions de Glenn Gould a inspiré la rédaction d'une vaste quantité de documents à son sujet, dans nombre de pays et de langues. À l'heure actuelle, la documentation sur Gould rivalise avec celle d'artistes classiques aussi importants que le chef d'orchestre Arturo Toscanini. Elle va de l'hagiographie à la bourse d'études, puis de la biographie à l'ouvrage de référence, en passant par l'appréciation générale de ses réalisations, ainsi que l'étude approfondie de la quasi‑totalité des aspects de sa vie, de sa personnalité, de son œuvre et de sa pensée.

Bien qu'il soit encore exclu de certains cercles le qualifiant de simple excentrique, Gould est devenu un sujet d'étude, voire un objet de vénération comme artiste et penseur, en particulier à l'extérieur du monde anglophone, dans des pays comme la France, l'Allemagne, la Russie, l'Israël et le Japon. La CBC, la National Public Radio des États‑Unis, la BBC du Royaume‑Uni, la NHK du Japon et l'ensemble des grands réseaux européens ont réalisé des portraits posthumes, ainsi que d'autres émissions de radio et de télévision sur Gould.

À Groningen, aux Pays‑Bas, on a fondé la Glenn Gould Society le 1er octobre 1982; elle a commandité des événements publics et publié un bulletin semestriel jusqu'en 1992. Établie à Toronto en 1983, la Fondation Glenn-Gould (FGG) remet le prix triennal Glenn‑Gould de la musique et des communications, d'une valeur de 50 000 dollars, depuis 1987. La FGG a créé une société des amis de Glenn Gould en 1995 et publié GlennGould, magazine semestriel, jusqu'en 2008.

Le vif intérêt suscité par Gould a donné lieu à la tenue de cinq grands congrès qui avaient pour but d'analyser sa vie et son œuvre : le colloque Glenn Gould, du 13 au 15 octobre 1987, à l'Université du Québec à Montréal; le symposium Glenn Gould, du 13 au 15 mai 1988, à Amsterdam (organisé par la Glenn Gould Society); le congrès Glenn Gould, organisé par la FGG du 23 au 27 septembre 1992 à Toronto; le festival Glenn Gould, organisé par la Glenn Gould Society et tenu du 2 au 4 octobre 1992 à Groningen; enfin, le rassemblement Glenn Gould, organisé par la FGG, qui a eu lieu du 23 au 26 septembre 1999 au Centre canadien de radiodiffusion, à Toronto. En outre, plusieurs grandes villes ont organisé d'autres événements sur Gould, quoique d'envergure plus modeste.

Œuvres consacrées à Gould

La liste des artistes dont les œuvres rendent hommage à Glenn Gould ne cesse de s'allonger. Il a inspiré plusieurs transcriptions des Variations Goldberg, ainsi que les compositions originales d'Alexina Louie (O Magnum Mysterium: In Memoriam Glenn Gould, 1982), de Christos Hatzis (The Go(u)ldberg Variations, 1992) et d'Art Lewis (Homage to Glenn Gould, 1996), entre autres. Gould a su également inspirer les œuvres de peintres et de sculpteurs, dont l'exposition The Idea of North, présentée à New York en 1987. En outre, on a procédé au dévoilement d'une statue grandeur nature de Gould en 1999. Réalisée par Ruth Abernethy, elle représente Gould assis sur un banc de parc et est située devant le Centre canadien de radiodiffusion, à Toronto. Par ailleurs, la tournée de l'exposition du photographe Don Hunstein, intitulée The Hunstein Variations: A Photographic Record of Glenn Gould 1957-1999, s'est arrêtée dans plusieurs villes.

Bon nombre de chorégraphes ont créé des danses en s'inspirant de l'image et de la personnalité de Gould, ou de ses enregistrements. À titre d'exemple, The Goldlandbergs, œuvre présentée en 2013 par le chorégraphe israélien Emanuel Gat, reposait sur des éléments de l'émission radiophonique The Quiet in the Land. Un recueil de poèmes inspirés de Gould, Northern Music, est paru en 2001.

Gould est également évoqué dans des nouvelles publiées par des écrivains comme Joy Williams, Lydia Davis et Joyce Carol Oates, ainsi que des romans écrits par Thomas Bernhard (Der Untergeher, 1983), par Thomas Harris (Le silence des agneaux, 1988), par Richard Powers (The Gold Bug Variations, 1991) et par Joe Fiorito (The Song Beneath the Ice, 2002), entre autres. Il constitue également la source d'inspiration du roman‑jeunesse The Maestro de Tim Wynne‑Jones et de la pièce pour enfants Not Quite the Same d'Anne Chislett.

Plusieurs pays ont produit des œuvres dramatiques sur Gould. La pièce de théâtre Glenn, de David Young, correspond à la plus importante d'entre elles. Après la présentation de sa première à Toronto, en 1992, elle était jouée au Festival de Stratford en 1999, puis adaptée à l'étranger. Lauréat d'un Prix Génie, le film biographique expérimental 32 films brefs sur Glenn Gould (1993), réalisé par François Girard, est structuré de manière à refléter les 32 parties des Variations Goldberg de Bach. Il comprend aussi des entrevues avec ceux qui ont connu Gould. Ted Dykstra a tenu le rôle principal de la pièce An Evening with Glenn Gould, de John McGreevy. On l'a présentée à Ottawa et à Toronto dans le cadre des célébrations du 75e anniversaire de naissance de Gould, en 2007. Cette année‑là, une portion du Metro Square de Toronto, situé près du Roy Thomson Hall, est devenue la place Glenn Gould.

Fonds d'archives Glenn Gould

Le Fonds d'archives Glenn Gould, intégré à Bibliothèque et Archives Canada (BAC), à Ottawa, constitue le principal dépositaire d'archives sur Glenn Gould. En octobre 1983, la bibliothèque (alors nommée Bibliothèque nationale du Canada) a fait l'acquisition de plus de 200 boîtes d'effets personnels appartenant à la succession de Gould. Cette documentation volumineuse comprend, entre autres : des compositions et des arrangements; des écrits; des bandes d'émissions radiophoniques; des enregistrements audio et vidéo; de la correspondance; des dossiers professionnels, financiers et médicaux. Tous les documents papier sont microfilmés. Certains objets, dont des vêtements, des clés de chambre de motel, des stylos et des bibelots sont conservés au Musée canadien des civilisations, situé à Gatineau (Québec).

La Bibliothèque nationale du Canada a monté une exposition d'envergure, intitulée Glenn Gould 1988, qu'elle a présentée d'avril à septembre 1988. Par la suite, cette exposition a fait la tournée du Canada et s'est rendue jusqu'à Tokyo. En 1986, le Centre culturel canadien avait présenté une exposition plus modeste à Paris, mais qui a connu une immense popularité. Elle s'est ensuite arrêtée dans huit autres villes d'Europe.

Le site Web de BAC permet de consulter des bases de données, des bibliographies et des écrits sur Gould, en plus d'accéder à une exposition virtuelle et à des enregistrements audio privés. Son catalogue principal renferme une collection complète de plus de 2 000 sources documentaires portant sur Gould.

Honneurs et hommages posthumes

L'Université de Toronto a créé le Glenn Gould Memorial Scholarship Fund, tandis que le Royal Conservatory of Music a fondé la Glenn Gould Professional School. Une conférence sur Glenn Gould s'est tenue pendant un certain temps à New York, et des cours de niveau collégial lui sont consacrés au Canada et aux États‑Unis. Il existe un parc Glenn Gould à Toronto et un croissant Glenn Gould à Uxbridge. En outre, la Ville de Toronto a désigné la maison où il a grandi (32, promenade Southwood) comme lieu historique. La promenade Walk of Fame du Canada lui a décerné une étoile en 1998, et Postes Canada a émis un timbre en son honneur en 1999.

Glenn Gould compte parmi les figures populaires d'Internet. Il fait l'objet de sites officiels, de bases de données et de groupes de discussion, entre autres. (La liste de diffusion F_Minor correspond probablement au plus notable d'entre eux.) Gould a également reçu des hommages empreints d'ironie, en particulier lors du Concours international Bach de piano, tenu du 1er au 12 mai 1985 à Toronto. Bien qu'il ait permis de recueillir des fonds pour la FGG, cet événement a essuyé des critiques en raison de son caractère inapproprié. En effet, Gould s'opposait énergiquement aux concours de musique et aux représentations devant public. De plus, l'auditorium du Centre canadien de radiodiffusion de la CBC a quand même reçu le nom de Glenn Gould Studio.

En 2007‑2008, le Musée canadien des civilisations a présenté une exposition pour souligner le 75e anniversaire de naissance de Gould. En 2012, on a célébré son 80e anniversaire dans le monde entier.

Glenn Gould figure en tête de liste des grands musiciens et des grands Canadiens. Lorsque le magazine Maclean's a désigné les 100 Canadiens les plus importants en 1998, Gould s'est classé au premier rang du classement des artistes et au cinquième rang du classement général. L'enregistrement de ses Variations Goldberg, version 1955, a été intronisé à la National Academy of Recording Arts and Sciences Hall of Fame en 1983. D'ailleurs, il compte parmi les premiers objets d'art audiovisuel intégrés au programme Masterworks du Canada en 2000, et le magazine Gramophone l'a sélectionné parmi les 10 meilleurs enregistrements du siècle.

Héritage et influence

Les opinions sur Glenn Gould diffèrent grandement. Gould a connu une carrière de concertiste relativement brève et s'est tenu loin des salles de concert pendant 20 ans. En outre, de grands compositeurs d'œuvres pour piano comme Schubert, Schumann, Mendelssohn, Chopin, Liszt, Debussy, Bartók et Stravinsky sont absents de son répertoire. On le considère pourtant, dans une large mesure, comme l'un des plus grands pianistes du XXe siècle (et certainement comme le plus original et le plus singulier), en particulier pour l'interprétation de la musique de Bach et de ses compositeurs préférés du XXe siècle, dont Schoenberg et Berg. Gould comptait également de grands artistes, des chefs d'orchestre et des compositeurs de son époque parmi ses admirateurs.

Cependant, bon nombre de musiciens, de critiques et de passionnés de musique ont rejeté Gould avec véhémence. Ses interprétations musicales et ses prises de position publiques ont provoqué une hostilité considérable; certains le percevaient même comme une menace à la plupart des idées reçues. La controverse se poursuit, mais elle suscite moins le scandale aujourd'hui. De plus, Gould semble consolider sa place parmi les pianistes de renommée internationale. Plusieurs pianistes, dont András Shiff, Evgeny Kissin, Peter Serkin, Ivo Pogorelić et Piotr Anderszewski ont reconnu leur dette envers Gould pour son style épuré, raffiné, contrapuntique et structurellement explicite, de même que pour la liberté de création qu'il revendiquait en tant qu'interprète. L'exemple de Gould a encouragé les pianistes qui lui ont succédé à s’aventurer hors du répertoire standard pour piano. Bien qu'accueillie avec dérision, sa défense nuancée de la musique de Richard Strauss, au cours des 1950 et 1960, est maintenant considérée comme prophétique.

Gould a également exercé une influence ailleurs que devant un piano. Ses écrits sur les médias électroniques demeurent pertinents, voire visionnaires, dans certains cas. Les courants actuels de pensée sur les lieux, les possibilités et l'éthique de l'enregistrement lui sont très redevables. Ses idées trouvent fortement un écho dans la technologie numérique de notre monde actuel, qui en était à ses balbutiements au moment de sa mort. Son plaidoyer postmoderniste en faveur d'une ouverture des frontières entre les rôles de compositeur, d'interprète et d'auditeur a pressenti les technologies numériques comme Internet, qui démocratisent et décentralisent les institutions culturelles. Enfin, son style de radiodocumentaire a engendré de nombreuses imitations.

Gould s'est immiscé dans la culture populaire à un degré rarement atteint par les musiciens classiques. Il est important de souligner qu'à une époque ou nombre de musiciens canadiens ont dû s'expatrier pour connaître la réussite, Gould a toujours reçu un accueil extrêmement favorable au Canada. Les succès qu'il a remportés chez lui ont laissé présager la naissance d'une période nationaliste de la culture canadienne. Qui plus est, il a trouvé des occasions d'exercer son influence par l'intermédiaire des institutions culturelles alors en pleine expansion au Canada.

Des décennies après sa mort, Glenn Gould continue de divertir et de fasciner, en plus d'interpeler et de provoquer autant comme personnalité que comme artiste. Cette grande singularité qui continue de lui valoir de nouveaux admirateurs peut limiter son influence, car Gould était trop unique pour avoir ses imitateurs ou fonder un mouvement. Il semble néanmoins fort probable qu'il continue d'assurer une présence imposante dans le domaine de la musique classique. Sans aucun doute, il s'est révélé l'une des personnalités culturelles les plus importantes que le Canada n’ait jamais produites.

Prix

Harriet Cohen Bach Medal (1959)

Doctorat honorifique, Université de Toronto (1964)

Prix Molson, Conseil des arts du Canada (1968)

Meilleur texte de pochette – Album classique (Hindemith: Sonatas for Piano); prix Grammy (1973)

Diplôme d'honneur, Conférence canadienne des arts (1976)

Meilleur album classique de l'année (Hindemith; Das Marienleben); Prix Juno (1979)

Conseil canadien de la musique (1981)

Meilleur album classique (Bach: The Goldberg Variations), prix Grammy (1982)

Meilleure interprétation classique, soliste instrumental (Bach: The Goldberg Variations); prix Grammy (1982)

Meilleure interprétation classique, soliste instrumental (Beethoven: Piano Sonatas Nos. 12 and 13), prix Grammy (1983)

Meilleur album classique de l'année (Bach: The Goldberg Variations), Prix Juno (1983)

Intronisation, Panthéon de la musique canadienne (1983)

Intronisation (Goldberg Variations, 1956), National Academy of Recording Arts and Sciences Hall of Fame (1983)

Meilleur album classique de l'année (Brahms: Ballades Op. 10, Rhapsodies Op. 79), Prix Juno (1983)

Prix Grammy soulignant l'ensemble de la carrière, National Academy of Recording Arts and Sciences (2013)

Une version de cet article est parue, à l'origine, dans l'Encyclopédie de la musique du Canada.

Les oeuvres sélectionnées de
Glenn Gould

Music of
Glenn Gould

Lecture supplémentaire

Liens externes