Fossiles de l'Éocène de la Colombie-Britannique | l'Encyclopédie Canadienne

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Fossiles de l'Éocène de la Colombie-Britannique

Les premières études paléontologiques et géologiques de ces dépôts datent d'environ 130 ans.
Fossile de métaséquoia, une plante fossile très commune que l'on retrouve sur tous les sites de la Colombie-Britannique (avec la permission de David R. Greenwood).
Fossile d'une mouche de la Saint Marc, un insecte fossile qu'on retrouve communément sur les sites de l'Éocène des hautes terres de l'Okanagan. La préservation exceptionnelle des fossiles dans cette région pourrait être due à la déposition post-mortem d'un biofilm de diatomes (avec la permission de Bruce Archibald).
Poissons fossiles de la Colombie-Britannique. Partie supérieure : un jeune spécimen de Eosalmo driftwoodensis, le plus vieux fossile connu de la famille des saumons et des truites, retrouvé dans les dépôts fossilifères de Driftwood Canyon près de Smithers. Partie inférieure : trois fossiles de meunier (Amyzon aggregatum) provenant de Horsefly. Les fossiles sont préservés dans des couches de sédiments annuelles appelées varves, et chacun des poissons est mort au cours d'un hiver différent (avec la permission de Mark V. H. Wilson).
Des paléontologues travaillant au site de fossiles Driftwood en 2008 (avec la permission de David R. Greenwood).

Fossiles de l'Éocène de la Colombie-Britannique

Il y a environ 50 à 55 millions d'années, pendant l'Éocène inférieur, la Colombie-Britannique était dotée d'un climat subtropical. Néanmoins, à l'intérieur des terres, entre près de Princeton et Smithers plus au nord, existait une région de hautes terres plus froide appelée les hautes terres de l'Okanagan. Située à une élévation d'environ 0,5-1.2 km, l'activité volcanique y avait créé de nombreux lacs. Au cours de l'Éocène inférieur, les hautes terres de l'Okanagan abritaient des forêts mixtes avec des conifères tels les cèdres, le sapin, la pruche, le pin, l'épinette et les séquoias; des feuillus et des arbustes tels l'aulne et le bouleau, le cerisier, l'orme, l'érable, le hêtre, le sassafras et la comptonie voyageuse; ainsi que le ginkgo et de rares palmiers et cycadophytes. La fougère aquatique Azolla couvrait les coins tranquilles des lacs, dans lesquels nageaient d'anciens saumons et autres poissons. Des nuées d'éphémères, de mouches scorpions (mécoptères), de chrysopes vertes (neuroptères), de mouches du terreau et une myriade d'autres insectes remplissaient l'air, leur diversité atteignant celle que l'on s'attend normalement à retrouver dans les forêts tropicales. Cet ancien environnement était très semblable, à plusieurs égards, aux forêts de feuillus que l'on retrouve aujourd'hui dans le sud-est des États-Unis. Il combinait un climat chaud tempéré de hautes terres à des mélanges de plantes caractéristiques des forêts de feuillus et de conifères et d'autres normalement associées aux forêts subtropicales, tels que l'eucommia chinois, le mélèze doré et le savonnier. Plusieurs de ces plantes de climat chaud se retrouvent maintenant uniquement dans le sud de la Chine.

 Les premières études paléontologiques et géologiques de ces dépôts datent d'environ 130 ans. Celles-ci incluent les travaux effectués par George Mercer Dawson en 1890, dans le cadre du relèvement de la Colombie-Britannique qu'il effectua pour la Commission géologique du Canada, ainsi que quelques études occasionnellement publiées dans les années 1920 et 1930. L'intérêt pour les fossiles de l'Éocène de la région des hautes terres de l'Okanagan s'est accru depuis les années 1970, principalement dans le domaine de la paléobotanie, mais aussi en paléoitchthyologie (l'étude des poissons fossiles), en paléoentomologie (l'étude des insectes fossilisés) et en études paléoenvironnementales. La région de Horsefly est reconnue pour ses poissons fossiles, et des générations de poissons y ont été préservées dans une succession de varves lacustres saisonnières. Des études menées par Mark Wilson de l'Université de l'Alberta ont révélé l'écologie inter-saisonnière à multidécennale du lac, et la microévolution des populations de poisson.

 Trouver des fossiles dans les hautes terres de l'Okanagan de la Colombie-Britannique est relativement simple, mais plusieurs sites demeurent dissimulés sous le couvert forestier ou sur les hauts rebords des vallées. De nouveaux sites sont parfois exposés lors de travaux de construction des routes. Les schistes se cassent facilement et révèlent des feuilles, des graines, des insectes, quelques rares plumes et d'encore plus rares fossiles de corps d'oiseaux superbement préservés. Des fossiles de sites reconnus apparaissent parfois en vente dans des magasins de roches, bien que la collecte de fossiles à des fins commerciales ne soit plus permise en Colombie-Britannique. Les dépôts fossilifères près de Smithers sont protégés dans le Driftwood Canyon Provincial Park, où l'on retrouve une présentation interprétative, et des fossiles provenant des dépôts peuvent être vus au Musée Buckley Valley de Smithers. Des collections importantes provenant des sites de fossiles de l'Éocène des hautes terres de l'Okanagan sont également conservés au Musée canadien de la nature à Ottawa, ainsi qu'au Royal BC Museum à Victoria.

La préservation exceptionnelle d'insectes fossiles dans plusieurs schistes lacustres de l'Éocène des hautes terres de l'Okanagan pourrait être en partie due à la déposition post-mortem d'un biofilm de diatomées (algues microscopiques) que l'on a récemment retrouvées préservées dans ces roches de façon merveilleusement détaillée. Les lacs de l'Éocène des hautes terres de l'Okanagan contiennent les plus anciennes diatomées d'eau douce ayant été répertoriées. Le paléoentomologue Bruce Archibald de l'Université Simon Fraser a découvert que sur certains spécimens d'insectes fossiles, les poils individuels sur les pattes ainsi que les différences de coloration sur les ailes sont visibles. Près de Princeton, des eaux riches en silice ont pénétré les schistes de l'Éocène et les tourbes correspondantes, transformant les sédiments en chert. Une fois coupée et polie, une couche chimique de la surface du chert peut être observée au microscope, révélant ainsi la complexité des détails anatomiques des tissus internes de plantes provenant d'anciens marais et de bords de lacs. Certains de ces fossiles ont été méticuleusement recollés par Ruth Stockey et ses étudiants de l'Université de l'Alberta, afin de construire des modèles tridimensionnels complets de plantes provenant de marais de l'Éocène.

Les fossiles d'animaux et de plantes préservés dans les schistes des dépôts lacustres de l'Éocène, ainsi que les cherts de Princeton en Colombie-Britannique, sont un exemple frappant d'un environnement de hautes terres plus froid pendant l'intervalle le plus chaud de toute l'époque cénozoïque (les derniers 65,5 millions d'années). Les études paléoclimatiques indiquent que la température annuelle moyenne dans les hautes terres de l'Okanagan au cours le l'Éocène inférieur oscillait probablement entre 10 et 15º C, ce qui est seulement un peu plus chaud que la température annuelle moyenne de Kelowna actuellement, qui est d'environ 8º C. Ce qui est considérable néanmoins, c'est que les hivers en Colombie-Britannique pendant l'Éocène inférieur étaient suffisamment doux pour permettre aux palmiers de pousser, et les températures moyennes ne descendaient pas sous 5ºC, comparé à -4º C aujourd'hui. De nouvelles études portant sur la fréquence des stomates (pores utilisés pour l'échange de gas) sur les feuilles de ginkgo, un indicateur sensible des anciens niveaux de gaz carbonique dans l'atmosphère, indiquent que ce gaz à effet de serre était alors deux fois plus présent dans l'air qu'il ne l'est actuellement. Les fossiles de la Colombie-Britannique pourraient donc accroître notre compréhension et notre aptitude à prédire les impacts du réchauffement planétaire sur les écosystèmes terrestres.

Voir aussi Paléontologie; Animaux fossiles.