Célébration du Mois de l’histoire des Noirs au Canada | l'Encyclopédie Canadienne

Éditorial

Célébration du Mois de l’histoire des Noirs au Canada

L'article suivant est un éditorial rédigé par le personnel de l'Encyclopédie canadienne. Ces articles ne sont pas généralement mis à jour.

​Alors que février sera marqué par les célébrations du Mois de l’histoire des Noirs au Canada, le moment est idéalement choisi pour se pencher sur les apports des communautés noires au Canada et sur les préjugés et les discriminations auxquels elles ont dû faire face.
Loi visant \u00e0 restreindre l
Loi visant \u00e0 prévenir \u00e0 l'avenir l'entrée d'esclaves et \u00e0 limiter la durée du contrat de servitude, 9 juillet 1793.

S’il est vrai qu’avant même d’être devenu officiellement un pays, le Canada a commis la terrible faute d’asservir des milliers d’Africains, il a également, avant plusieurs autres pays, pris les mesures pour mettre fin à cette dramatique injustice.

En 1793, le Haut‑Canada (aujourd’hui l’Ontario) se dote, avec la Loi visant à restreindre l’esclavage dans le Haut‑Canada, d’une loi antiesclavagiste qui, sans aller jusqu’à proscrire totalement l’esclavage, planifie son interdiction progressive. Dans ce contexte, le Canada accueille, entre 1815 et 1860, des dizaines de milliers de Noirs fuyant l’esclavage aux États‑Unis par le chemin de fer clandestin.

Toutefois, lorsque les loyalistes noirs rejoignent leurs homologues blancs au Canada après la Révolution américaine, la réception qu’on leur réserve est beaucoup moins chaleureuse. Une certaine amertume des Blancs, en concurrence, pour trouver un emploi, avec les Noirs payés un salaire inférieur pour le même travail, est à l’origine des premières émeutes raciales en Nouvelle‑Écosse en 1784. Ce climat provoque une telle frustration chez certains loyalistes noirs qu’ils décident de retourner en Afrique en 1792.


Au cours du 20e siècle, les Noirs continuent, au Canada, de subir vexations et brimades. En 1962, Halifax décide de démolir le quartier historique noir de la ville, Africville, et menace les Noirs propriétaires de les expulser s’ils refusent de vendre leur bien immobilier. À Vancouver, à l’autre bout du pays, Hogan’s Alley subit le même sort en 1967, lorsque la moitié occidentale de ce quartier majoritairement peuplé de Noirs est rasée par la Ville pour mener de nouveaux projets de construction.

Une résidente d
Image\u00a0: Ted Grant/Bibliothèque et Archives Canada/e002283009.
William Spotts, Hogan
Image: City of Vancouver Archives/AM54-S4.

Le contraste entre ces épisodes et la longue histoire des communautés noires au Canada ainsi que leurs réalisations exceptionnelles est particulièrement frappant. Mathieu Da Costa, embauché comme interprète de Samuel de Champlain en 1608, serait le premier Noir présent sur le territoire de ce qui allait devenir le Canada. Depuis cette lointaine époque, en dépit des discriminations contre lesquelles ils ont souvent dû se battre, les Canadiens d’origine noire ont apporté d’importantes contributions à la communauté nationale dont voici quelques exemples :

Richard Pierpoint, autrefois esclave, demande au gouvernement, lors de la guerre de 1812, la création d’un régiment composé entièrement d’Afro‑Canadiens. Sa requête est partiellement suivie d’effet et il sert lui‑même, bien qu’il soit déjà dans la soixantaine, dans ce nouveau régiment (voir Le Coloured Corps).

En 1853, Mary Ann Shadd lance le Provincial Freeman, devenant la première femme noire en Amérique du Nord à publier un journal. Plusieurs années auparavant, elle avait ouvert une école interraciale à Sandwich en Ontario, la Windsor d’aujourd’hui. Toutefois, un différend mis sur la place publique qui la voit s’opposer à une éducation séparée entre Noirs et Blancs lui fait perdre ses financements.

Richard Pierpoint
Une illustration de Richard Pierpoint, Loyaliste noir.
Mary Ann Shadd Cary, c. 1845-55.
William Neilson Hall
Rosemary Brown
Alexander, Lincoln M.
Lincoln Alexander, lieutenant-gouverneur de l'Ontario.
Michaëlle Jean
La très honorable Michaëlle Jean, gouverneure genérale du Canada, 2005 - 2010 (photo du sergent Éric Jolin, avec la permission de Rideau Hall).

William Neilson Hall est le premier Noir à recevoir la Croix de Victoria, la plus haute distinction attribuée au sein du Commonwealth pour acte militaire de bravoure, pour son comportement héroïque à Calcutta lors de la mutinerie indienne de 1857.

Rosemary Brown est la première femme noire élue députée d’un parlement provincial en 1972. Lincoln Alexander, élu en 1968, est le premier Noir à devenir député. Quant à Michaëlle Jean, elle devient, en 2005, la première personne noire, tous sexes confondus, à occuper les fonctions de gouverneur général.

Viola Desmond est, sans conteste, une autre pionnière. En effet, en 1946, elle s’attaque à la ségrégation raciale dans un cinéma de New Glasgow, en Nouvelle‑Écosse, refusant de quitter le parterre, réservé aux Blancs, et de s’installer au balcon. Arrêtée, elle est accusée et ensuite déclarée coupable d’avoir tenté de frauder le gouvernement provincial, sous prétexte qu’elle a refusé de payer la différence de taxe entre les billets du balcon et ceux du parterre (voir Racisme).

Après cet incident, elle déclarera : « J’étais loin de me douter qu’une chose pareille puisse arriver en Nouvelle‑Écosse ou n’importe où ailleurs au Canada. » En 2010, Viola Desmond est totalement réhabilitée et son pardon s’accompagne d’excuses publiques du gouvernement de la Nouvelle‑Écosse reconnaissant que l’accusation portée contre elle l’avait été à tort et que les préjugés et la discrimination en étaient la principale raison.

Lors du plus récent recensement de la population en 2011, ce sont près d’un million de Canadiens qui se sont identifiés comme Noirs, un chiffre en forte augmentation par rapport à la décennie précédente. Alors que le pays rend hommage à des communautés noires diversifiées et toujours plus nombreuses, Historica Canada a produit une Minute du patrimoine racontant l’histoire de Viola Desmond. D’autres Minutes racontent les histoires de Richard Pierpoint, Jackie Robinson et Maurice Ruddick et présentent l’aventure du chemin de fer clandestin. Même si elles ne rendent compte que d’une fraction des récits que chaque Canadienne et chaque Canadien se devrait de connaître, elles donnent tout de même un aperçu des réalisations exceptionnelles des communautés noires ainsi que des difficultés qu’elles continuent à affronter de nos jours. Il y a là, sans aucun doute, de précieuses leçons à tirer pour toute la population au pays, quelle que soit son origine.