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Associations d'artistes

Au Canada, l'histoire des regroupements d'artistes en arts visuels compte quantités de sociétés éphémères qui ont eu une influence marquante tant sur les artistes professionnels que sur les amateurs.
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Huile sur toile réalisée par John Lyman, sans date (avec la permission du Musée des beaux arts du Canada/14902).

Associations d'artistes

Au Canada, l'histoire des regroupements d'artistes en arts visuels compte quantités de sociétés éphémères qui ont eu une influence marquante tant sur les artistes professionnels que sur les amateurs. Quelle que soit l'époque, différents types d'associations ont vu le jour, regroupant des artistes selon leur âge, leur région, leur esthétique, leur discipline artistique, leur profession, voire leur sexe. Créées souvent pour répondre à des besoins particuliers (former des groupes de pression, organiser des expositions, offrir aux artistes d'être mieux représentés sur le marché de l'art), les associations d'artistes sont souvent le résultats des efforts d'une seule personne qui gère le groupe à titre de président ou de secrétaire.

Les associations mixtes créées avant 1840 s'intéressent fort peu aux arts visuels, mais ces réunions entre artistes de différentes disciplines sont propices à de fructueux échanges intellectuels. Le Halifax Chess, Pencil and Brush Club (1787-1817) est considéré comme la première association d'artistes du Canada tel qu'on le connaît. Toutefois, son mandat ne se limite pas aux arts, mais prévoit aussi des rencontres sociales.

La Society for the Encouragement of Art and Science in Canada (Québec, 1827) se joint en 1829 à la Société littéraire et historique de Québec. Elle regroupe majoritairement des militaires et des membres du clergé autant que de professions libérales, intéressés par les questions d'ordre scientifique, historique et littéraire. Les artistes qui font partie de ce groupe sont surtout des amateurs ou de jeunes professionnels, tout comme c'est le cas pour la Society of Artists and Amateurs of Toronto (1834). À intervalles irréguliers, la Toronto Society of Arts (1847) et la Montreal Society of Artists (1847) mettent les artistes en contact avec un public capable de leur ouvrir les portes des cercles fortunés, auxquels appartiennent les rares personnes à commander des oeuvres d'art.

L'association montréalaise reprend ses activités en 1860 sous le nom de Société des Arts de Montréal, mais ses artistes cessent peu à peu de produire. Les collectionneurs ont la mainmise sur l'association et louent un espace une fois l'an pour y exposer leurs collections et les oeuvres de quelques artistes membres ou invités, faisant partie pour la plupart de l'éphémère Société des artistes canadiens (1867).

En 1879, l'association se porte acquéreur de locaux permanents, ce qui lui permet de tenir des expositions annuelles sur le modèle des salons de Paris et d'être l'hôte des expositions de l'Académie royale des arts, en invitant certains artistes à agir en qualité d'instructeurs ou de membres de comités. Ces derniers tirent profit de ce genre d'activités, mais lorsque l'association se transforme en musée, bien des artistes n'y trouvent plus leur compte. Malgré tout, l'école continue à avoir de bons professeurs, elle attire de nombreux artistes prometteurs et constitue une excellente tribune pour les professeurs d'art (voir éducation artistique).

La fondation de l'Académie royale des arts du Canada (ARC), en 1880, sous l'influence et le patronage du gouverneur général, le marquis de Lorne, et de la princesse Louise, marque une étape importante pour la reconnaissance du statut des artistes au sein de la société canadienne. L'Académie adopte plusieurs règlements des académies européennes et britanniques. Par exemple, les membres sont élus par nomination et doivent faire don de l'oeuvre soumise en vue de leur admission. Ces oeuvres sont devenues la base de la collection permanente du Musée des beaux-arts du Canada.

L'ARC continue de jouer un rôle de premier plan dans l'histoire de l'art au Canada. Devenue l'arbitre du bon goût dans les cercles artistiques reconnus, ses expositions annuelles, tenues dans quelques villes partout au Canada, deviennent des événements d'envergure nationale, et ses concours sont propices à rendre l'art accessible au public (voir art des lieux publics). Elle fait connaître l'art canadien à l'extérieur du pays en envoyant des oeuvres à des expositions de l'Empire britannique et à des expositions mondiales. Entre-temps, elle promulgue des cours visant à améliorer la qualité des oeuvres d'art produites au Canada.

L'ARC ne réussit pas à combler les besoins particuliers des artistes régionaux. Si les membres sont choisis à l'échelle nationale, leur représentativité est loin de l'être. L'Académie a des moyens limités et sa structure est mal servie par l'éloignement de certains artistes et par les charges administratives. Dès sa fondation, l'ARC est prise à partie par des artistes, peu enclins à admettre sans regimber les normes esthétiques qu'elle impose au pays. D'autres associations ont pris de l'importance aux yeux des peintres, des sculpteurs, des artistes en arts visuels et des architectes canadiens.

L'Ontario Society of Artists (OSA), fondée en 1872, a toujours été dynamique. Elle crée sa propre collection, tient des expositions annuelles et fonde l'Art Union of Canada pour inciter les collectionneurs à acquérir les oeuvres de ses membres. En collaboration avec le ministère de l'Éducation, l'OSA fonde une école des beaux-arts, connue aujourd'hui sous le nom de l'Ontario College of Art and Design. Ce sont les membres de l'OSA qui en établissent le programme d'enseignement et qui y enseignent.

Tandis que le nombre d'artistes professionnels et formés augmente au sein d'une société en pleine croissance démographique et économique, de nouvelles associations d'artistes voient le jour, spécialisées pour la plupart. Toronto en est l'hôte de beaucoup, moins prestigieuses que l'ARC ou l'OSA, mais la diversité des objectifs y attire les artistes désireux de partager leurs talents respectifs avec d'autres artistes aux idées similaires.

La Toronto Art Students' League, fondée en 1886, est non seulement une école, mais aussi un endroit où les membres peuvent se rencontrer pour dessiner, échanger, discuter du travail des autres et créer des projets conjoints. La plupart des membres sont des illustrateurs, tout comme c'est le cas du Pen and Pencil Club de Montréal. L'Art Students' League donne naissance au Graphics Art Club, qui joue un rôle important dans l'évolution de l'art graphique avant de devenir la Société canadienne des arts graphiques en 1933.

Des groupes spécialisés dans un seul médium voient le jour, regroupant uniquement des professionnels. L'éphémère Association of Canadian Etchers (1885) reprend ses activités sur une base plus solide en 1916, sous le nom de Société des peintres-graveurs canadiens. Le Toronto Camera Club (1891) et le Montreal Sketching Club (1899) tiennent des rencontres et des expositions et tous deux publient des livres d'auteurs et des catalogues. Le nombre incroyable de ces associations et de leurs membres montre bien le vif besoin des artistes de rencontrer leurs collègues (voir photographie; gravure).

À l'opposé des groupes fortement structurés comme l'ARC ou le Women's Art Association of Toronto (1890), il existe des clubs comme le Arts and Letters Club of Toronto (1908), le Mahlstick Club (1899), l'Arche et le Arts Club de Montréal (1912). Leurs membres sont habituellement des amis, issus de la même classe sociale et partageant les mêmes goûts, qui se rencontrent quand bon leur semble. Les rencontres sont plaisantes, on y discute librement, chacun présentant à tour de rôle ses oeuvres pour en recevoir une critique amicale. Les ressources sont mises en commun pour organiser des expositions publiques ou privées, des dîners, des excursions ou des foires. Le Canadian Art Club de Toronto (1907) est simplement un groupe d'artistes connus, membres pour certains de l'ARC, dont le seul objectif est d'organiser des expositions pour les oeuvres de ses membres et d'attirer l'attention des collectionneurs.

Au début du siècle, des regroupements d'artistes voient le jour dans l'Ouest. La Winnipeg Art Society (1902), la British Columbia Society of Artists (1909) et la British Columbia Art League (1920) confirment le développement de la région et la volonté des artistes et des amateurs qui y vivent de se stimuler mutuellement et d'animer leurs activités créatrices. Au cours des années qui suivent la Deuxième Guerre mondiale, de nouveaux groupements se joignent au réseau : la Manitoba Society of Artists (1925), les Women Painters of Western Canada et l'Alberta Society of Artists (1931).

Les Maritimes ne sont pas en reste. Là aussi, les associations se multiplient. La Maritime Art Association, fondée en 1935, plonge ses racines dans des groupes antérieurs (p. ex. la Nova Scotia Society of Artists, le Newcastle Art Club, la Moncton Arts Society, l'Art Society of Prince Edward Island). En 1940, le groupe des Maritimes est unifié et renforcé par la publication de Maritime Art, une revue qui contribue à faire connaître les oeuvres des artistes. Contre toute attente, cette dernière devient un magazine national, le Canadian Art, publié conjointement par des curateurs de la galerie Nationale avant de devenir une publication indépendante de Toronto, Arts Canada.

De nouveaux groupes nationaux sont fondés en respectant l'esprit de leurs prédécesseurs. La Société canadienne des peintres en aquarelle (1925) porte intérêt (et fait renaître celui du public) à l'aquarelle, un médium déjà très populaire au cours du XIXe siècle. Le Council of the Guild of Sculptors (1896) reprend ses activités et se transforme pour devenir la Société des sculpteurs du Canada (1928).

Le Groupe des sept (1920-1933) est un exemple typique des autres associations qui se sont formées plus tard dans le siècle, en ce sens qu'il regroupe plusieurs artistes qui partagent le même idéal esthétique. Ensemble, ils cherchent à rendre hommage au Canada en privilégiant la peinture de paysages, sans que cela empêche pour autant les artistes de se distinguer. Aux Sept succède le Canadian Group of Painters (1933), regroupant des membres de partout au Canada, des femmes aussi bien que des hommes, et qui s'intéresse au modernisme, aux portraits comme aux paysages, de même qu'au « droit des artistes canadiens de trouver de la beauté et de l'intérêt dans toute chose ».

De nombreux artistes n'aiment pas le fait que le Groupe des Sept soit devenu une « institution nationale », et dans le climat de contestation qui s'ensuit, plusieurs nouveaux groupes voient le jour, surtout au Québec. Le Beaver Hall Hill Club (1920-1924) à Montréal, formé principalement de femmes peintres de la Société des Arts, étudie les tendances artistiques contemporaines, et les artistes se concentrent sur les aspects psychologiques et formels de leurs compositions. Le Eastern Group of Painters (1938) comprend sept artistes exerçant à Montréal, qui partagent le même intérêt pour la peinture et non pour une théorie nationaliste.

Lyman fonde à Montréal la Société d'art contemporain (1939-1948) afin de défendre l'art moderne. La Société est formée d'artistes et de quelques intellectuels qui ne partagent pas nécessairement le même style ou la même philosophie, mais qui désirent apporter leur appui à une forme artistique qui ne soit pas académique. En 1948, le mouvement des Automatistes et celui du Prisme d'yeux publient chacun un manifeste prônant une attitude critique à l'égard de la création artistique, ce qui provoque la chute du groupe de Lyman (voir Refus Global).

L'art abstrait s'impose partout au Canada grâce au Calgary Group (vers 1947), aux Plasticiens (dont le manifeste est publié en 1955), à l'Association des artistes non figuratifs de Montréal (1956-1961), au Groupe des onze (1953-1960) à Toronto et au Regina Five (au début des années 60). Ces groupes ne tentent pas de définir un nouveau courant artistique. C'est parce qu'ils se centrent sur un élément particulier de leur travail, depuis le processus de création (individualité du geste, spontanéité), jusqu'à la mise en valeur de certains éléments formels et graphiques (surface, espace, lumière, tracé, couleur), que ces artistes dotent leur art d'une nouvelle perspective, tout en prenant part à un mouvement d'envergure internationale. Ces groupes offrent une tribune idéale aux artistes qui veulent débattre des questions touchant le rôle de l'art et le sens qu'il revêt dans une civilisation postindustrielle (voir aussi Peinture: Les Débuts).

Le militantisme de la société occidentale des années 60 et du début des années 70 se reflète dans le genre d'associations d'artistes de cette époque. La période entre 1960 et 1980 voit se consolider des sociétés déjà en place et se créer de nouveaux groupes qui tentent de sensibiliser le gouvernement et le public au rôle et aux besoins des artistes. Ceux-ci s'engagent davantage sur les plans politique et social par le biais de leurs associations, cherchant à prendre part aux débats du moment tout en réaffirmant l'aspect professionnel de leur carrière.

On voit apparaître de nouveaux groupes, comme le General Idea de Toronto et N.E. Thing Co de Vancouver, stimulés par le développement d'une esthétique et d'un art communs (voir courants artistiques contemporains). Des groupes déjà en place tentent d'agir de façon plus cohésive et plus efficace. Ainsi, la Société des peintres-graveurs canadiens se joint à la Société canadienne des arts graphiques en 1976 pour former le Conseil canadien de gravure et de dessin.

Cherchant de plus en plus à atteindre un marché international et compétitif, les artistes en viennent à analyser plus objectivement le bien-fondé de leurs associations et les bienfaits qu'ils en retirent. La Society of Cooperative Artists (1957), devenue en 1967 la Société des artistes canadiens, publie Art Magazine à partir de 1969 pour mieux renseigner le public sur les oeuvres produites par ses membres et les activités des autres organismes et associations.

Des super sociétés sont fondées à l'échelle nationale afin de représenter les artistes en arts visuels dans tout le Canada d'une façon différente de l'ARC. La Professional Artists of Canada (PAC) est fondée en 1969 comme un regroupement d'associations, rassemblant sept sociétés désireuses de s'associer pour rejoindre le public et être ainsi en mesure d'en connaître les opinions.

Les associations déjà en place fondent la PAC en réaction à l'établissement, vers la fin de 1967, d'un groupe plus exigeant, le Canadian Artists Representation/Front des artistes canadiens (CAR/FAC). Fruit de l'initiative de Jack Chambers, il s'agit d'une structure décentralisée dès le départ, qui vise à réunir ses membres en fonction des exigences professionnelles, telles que le paiement des droits d'auteur aux artistes pour la reproduction de leurs oeuvres et une échelle de cotation pour les expositions.

En 1957, la Conférence canadienne des arts soulève des questions concernant les droits d'auteur, la réforme fiscale et la sécurité sociale pour les artistes en arts visuels qui n'ont ni gérant, ni revenu régulier. Mis à part les droits d'auteur, ces problèmes ne sont toujours pas résolus et il semblerait que les artistes en tant que groupe ne sont pas assez puissants pour mener à terme leurs exigences les plus élémentaires.

Des regroupements récents, comme le Western Front de Vancouver et l'Art Metropole de Toronto, sans nier une conscience sociale, ont pour but premier de fournir à leurs membres et aux invités un type d'organisation du genre des « galeries parallèles » et des centres dirigés par les artistes qu'on trouve partout au Canada. Ces centres offrent aux artistes des installations et l'espace nécessaire pour réaliser et exposer leurs oeuvres expérimentales, qui sont rarement mises en vente.

Les artistes québécois ont toujours fait bande à part, demeurant au sein d'associations les chapeautant. Dans les années 70, cependant, ils forment des groupes d'artistes spécialisés. Les sculpteurs et les graveurs en sont les plus actifs (Association des sculpteurs du Québec, 1961-1976; Conseil de la sculpture, 1978; Association des graveurs du Québec, 1971; Conseil de la gravure, 1978, qui prépare un code d'éthique pour ses membres et devient en 1985 le Conseil québécois de l'estampe). Comme c'est le cas au sein des autres associations canadiennes, les efforts pour unifier à long terme les artistes québécois (Société des artistes professionnels du Québec, 1966) obtiennent des résultats mitigés en raison du manque d'intérêt en général et de l'absence de solidarité de la part des artistes en tant que groupe.

Les groupes les plus créatifs et les plus actifs de l'histoire de l'art au Canada semblent être les petites associations organisées d'après les affinités naturelles et où les artistes créent des oeuvres selon un idéal esthétique commun. Ces associations naturelles permettent aux artistes de comparer leur opinion et leurs travaux à ceux de leurs collègues et amis, lors d'échanges directs et informels, et les aident par là à affronter avec une assurance et une confiance accrues l'isolement et les hésitations associés au travail en studio.

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