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Marchands d'oeuvres d'art

Les marchands d'oeuvres d'art au Canada ne se limitent pas à vendre des oeuvres, ils influencent aussi le goût du public. Agissant comme intermédiaires entre l'artiste et l'acheteur, ils jouent un rôle important dans l'identification des artistes importants en art canadien.

Marchands d'oeuvres d'art

Les marchands d'oeuvres d'art au Canada ne se limitent pas à vendre des oeuvres, ils influencent aussi le goût du public. Agissant comme intermédiaires entre l'artiste et l'acheteur, ils jouent un rôle important dans l'identification des artistes importants en art canadien. Avec leurs ventes, ils contribuent à établir le niveau de renommée d'un artiste, au moins sur le marché. Pour réussir, un marchand doit agir de façon responsable, non seulement à l'égard du milieu, mais aussi à l'égard de l'artiste et du public. L'Association professionnelle des galeries d'art du Canada inc., créée en 1966, a tracé une ligne de conduite et élaboré un code de déontologie régissant les galeries d'art commerciales.

Jusqu'au milieu du XIXe siècle, les marchands canadiens ne peuvent se limiter à la vente d'oeuvres d'art et sont contraints d'offrir divers objets dans leur boutique. James Spooner, de Toronto, par exemple, exploite une petite galerie de tableaux à l'arrière de son bureau de tabac de la rue King Est, où il vend des oeuvres de Daniel Fowler, John Fraser, Paul Peel et Homer Watson. William Scott and Son, fondé en 1859, vend principalement des toiles de l'École de Barbizon; à partir de 1901, il sera le représentant de M.A. Suzor-CÔTé en plus de détenir la production de Cornelius Krieghoff. En 1897, William R. Watson hérite de John Ogilvy's de Montréal, un commerce d'art qu'Ogilvy avait créé comme passe-temps.

Dans les années 30, on voit apparaître plusieurs galeries importantes, Leroy Zwicker, à Halifax; Robertson et Wells, à Ottawa; Mellors Fine Art, Laing et Roberts, à Toronto. Toutes ces galeries offrent surtout des peintures anglaises et européennes du XIXe siècle. Les goûts du public et la Crise des années 30 rendent la vente de la peinture canadienne difficile. Quelques marchands agissent cependant en pionniers en soutenant de jeunes artistes canadiens : entre autres, Watson, qui vend les tableaux de Maurice Cullen de 1908 jusqu'à la mort de l'artiste en 1934; Douglas Duncan, qui ouvre la Picture Loan Society à Toronto, en 1936; Agnès Lefort et Denyse Delrue à Montréal, dans les années 50; Dorothy Cameron à Toronto (sa galerie Here and Now ouvre en 1959); David Mirvish pendant les 15 années qui suivent l'ouverture de sa galerie en 1963.

Le succès n'est pas instantané. Le Groupe des Onze, aidé de Jack Bush qui expose à la galerie Roberts, à Toronto, y organise deux expositions en 1954 et en 1955. Même si les critiques se montrent intéressés et que la deuxième exposition attire un très grand public, les ventes sont faibles. En 1955, Avrom Isaacs ouvre un atelier d'encadrements à Toronto, la Greenwich Gallery. En 1959, il l'appelle Isaacs Gallery et commence à parrainer un groupe de jeunes artistes, dont Michael Snow et Graham Coughtry, qui appartiennent maintenant à l'histoire de l'art du Canada.

Au cours des années 60, en raison de l'enthousiasme grandissant pour l'art canadien et de l'affluence du public, le nombre de marchands de tableaux augmente, surtout à Toronto. Le secteur corporatif fait désormais partie des amateurs d'art : des entreprises comme CIL, la Banque Toronto-Dominion et différentes pétrolières, en particulier Imperial Oil, commencent des collections. La Banque d'oeuvres d'art du Conseil des arts du Canada, créée en 1972, avec un budget annuel d'un million de dollars, et, de 1964 à 1978, le ministère des Travaux publics, qui consacre 1 p. 100 du coût de toutes les constructions gouvernementales à l'art, contribuent à augmenter les fonds disponibles (voir Art des lieux publics). Dans les années 1980, environ 70 p. 100 des ventes sur le marché sont destinées aux collections d'entreprises. Aujourd'hui, les collections d'entreprises déclinent et nombre des collections réunies au cours des années 1980 ont été éparpillées et vendues. Les collections privées sont désormais le pain quotidien de la plupart des galeries d'art commerciales. Parallèlement, depuis que les musées sont gravement sous-financés, ils comptent de plus en plus sur des dons provenant des entreprises et du secteur privé.

Dans les années 60 aussi, on voit apparaître un nouveau type de commerces : les galeries coopératives ou galeries « parallèles ». Les galeries A Space à Toronto, SAW à Ottawa et d'autres centres dirigés par les artistes forment un réseau à travers le pays, consacré à la promotion des artistes contemporains et à la vente, mais sans le stigmate de l'orientation mercantile. Ces centres comblent un besoin né de la diversification de la scène artistique; on y trouve la performance, l'art vidéo ou de grandes installations. Plusieurs marchands contemporains, comme Ydessa Handeles, de Toronto, qui ouvre son commerce en 1980, appartiennent à cette nouvelle tendance. Ils considèrent que leur rôle consiste plutôt à trouver des commanditaires qu'à vendre activement, bien que la vente, surtout au Musée des beaux-arts du Canada, importe également (voir Courants artistiques contemporains).

Les marchands jouent un rôle important en influençant le goût du public et en promouvant l'inhabituel. Des galeries privées de tout le Canada aident à la promotion et à la vente de l'art autochtone. Max Stern, de la galerie Dominion, à Montréal, et G. Blair Laing font connaître la sculpture de Henry Moore au Canada. Stern est aussi le premier galeriste à accorder des contrats à des artistes, à commencer par Goodridge Roberts, en 1949. Mirvish garantit des revenus à plusieurs artistes vivants et il leur achète des oeuvres, Jules Olitski étant le premier d'entre eux en 1964. Ses relations avec les artistes américains donnent le coup d'envoi aux modifications des rapports entre les artistes et les marchands en Amérique. De plus, sa galerie participe à l'émergence d'artistes comme Jack Bush, Frank Stella, Kenneth Noland et Anthony Caro, entre autres, qui ont maintenant une renommée internationale. Aujourd'hui, de nombreux peintres, conservateurs et collectionneurs au Canada et aux États-Unis rappellent que sa galerie a initié leur apprentissage. Grâce à lui, les Canadiens entretiennent une nouvelle relation avec la scène internationale.

Les relations commerciales entre l'artiste et le marchand reposent habituellement sur un pourcentage, et la plupart des oeuvres vendues sont en consignation. Quelques marchands peuvent acheter la production d'un artiste pendant plusieurs années et composer ainsi avec le marché. Les ventes au pourcentage sont difficiles pour l'artiste inconnu, qui doit souvent contribuer aux coûts du vernissage et à d'autres dépenses connexes. Le marchand peut parfois avancer de l'argent plusieurs mois avant la tenue de l'événement, fournir l'espace d'exposition et quelquefois un catalogue modeste ou un dépliant de même que les frais d'encadrement et de publicité (ces coûts peuvent aussi être partagés). Certains marchands ont beaucoup de flair pour évaluer la valeur éventuelle du travail d'un artiste. Ils peuvent conserver les oeuvres jusqu'à la mort de l'artiste et alors en déterminer la valeur : Max Stern a acheté de nombreux tableaux d'Emily Carr alors qu'elle était méconnue. Walter Klinkhoff, qui commence à vendre de l'art en 1949, rappelle qu'il pouvait un temps monter des expositions d'oeuvres de Jackson, de Lismer, de Goodridge Roberts et d'Henri Masson, tableaux qu'il avait acquis pour empêcher que d'autres les possèdent, mais que ces inventaires se sont tous épuisés.

Depuis 1986 le marché connaît un regain, après un déclin qui a commencé en 1981. Les ventes aux enchères commencent à dominer les activités de collections publiques et privées. En février 2002, à la maison de vente aux enchères Sotheby's, à Toronto, une toile de Paul Kane, Scene in the Northwest - Portrait, se vend à 4,6 millions $, plus la commission de 10 %, fracassant ainsi un nouveau record de vente pour un tableau canadien vendu aux enchères. Quelques années plus tard, en 2011, un nouveau record de vente pour un tableau contemporain par un artiste canadien est atteint quand la maison de vente aux enchères Heffel Fine Art vend un tableau de Jean Paul Lemieux, Nineteen Ten Remembered, pour la somme de 2 millions $ (plus la commission).

En février 2013, Sotheby's Canada a annoncé qu’elle n’organiserait plus de ventes aux enchères et se concentrerait plutôt sur les ventes privées individuelles d’art canadien de premier ordre. Le président de Sotheby’s, David Silcox, a souligné à la même occasion que les ventes privées représentent le secteur en pleine croissance du marché de l’art. « Ce n’est pas la partie des enchères qui est rentable », a-t-il déclaré. La décision de Sotheby's d’abandonner le monde des enchères au Canada ouvre une brèche pour deux autres grands concurrents, Heffel Fine Arts de Vancouver et Joyner Waddington à Toronto, mais rien ne dit que l’un ou l’autre compte changer considérablement de stratégie en matière de ventes d’art.

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