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Psychiatrie

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La psychiatrie est la branche de la médecine consacrée à l'étude et au traitement des maladies mentales et d'un large éventail de troubles de comportement, notamment les réactions et les états émotionnels engendrés par les maladies physiques, le stress et les crises personnelles, les troubles de la personnalité et les problèmes d'adaptation et de réalisation de soi.

Les psychiatres sont des médecins et, à ce titre, ils doivent réussir les examens du Collège Royal des Médecins et Chirurgiens du Canada, ou au Québec, de la Corporation professionnelle des médecins. Ces examens sont précédés d'un internat et de quatre années d'études supérieures dans un centre reconnu. Ce programme vise à assurer que les psychiatres diplômés ont les compétences nécessaires pour établir des diagnostics et traiter l'ensemble des troubles psychiatriques, intervenir dans les urgences psychiatriques et appliquer les techniques de psychothérapies brèves ou prolongées ainsi que des thérapies médicamenteuses. Les résidents en psychiatrie, déjà détenteurs d'un doctorat en médecine, doivent s'inscrire dans une université et planifier leur programme de concert avec le directeur du programme de formation. Trois des quatre années de formation doivent être consacrées à une étude approfondie permettant aux médecins d'acquérir une expérience clinique de base et une formation théorique. De plus, au moins deux années sont consacrées à une supervision hebdomadaire en psychothérapie de longue durée.

Les connaissances théoriques et pratiques qui doivent former l'apprentissage de base au Canada comprennent les modèles fondamentaux des maladies, les tendances historiques en psychiatrie, les développements psychosexuels normaux et anormaux, l'apport des sciences biologiques, psychologiques et socioculturelles, la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, l'arriération mentale, la génétique, les théories de la personnalité et de la psychopathologie, l'évaluation psychiatrique, les urgences psychiatriques, la médecine psychosomatique, les réactions psychosociales à la maladie, les syndromes psychiatriques, les modes de traitement (p. ex., psychopharmacologie, thérapie comportementale, psychothérapies, thérapie sociale), la psychiatrie communautaire, la psychiatrie médico-légale, l'alcoolisme et les toxicomanies, la recherche et les méthodes de recherche en psychiatrie.

Toutes les écoles de médecine au Canada offrent maintenant des programmes d'études supérieures en psychiatrie. En 1986, on y trouvait 567 étudiants en psychiatrie.

La psychiatrie, tout comme d'autres professions liées à la santé mentale, se spécialise dans la psychothérapie. Souvent confondue avec la psychanalyse, la psychothérapie consiste pour le professionnel à établir une relation clinique avec un patient dans le but de modifier ses symptômes, de changer son comportement ou de favoriser sa croissance personnelle. Il existe de nombreux genres de psychothérapies, certaines mettent l'accent sur le changement d'attitude, d'autres sur la modification des réactions émotionnelles ou encore sur la transformation du comportement lui-même. En outre, des psychothérapies de soutien ou de rééducation sont utilisées pour traiter des problèmes de comportement qui ne sont pas à proprement parler des maladies mentales, à savoir les problèmes professionnels, scolaires ou matrimoniaux. La psychanalyse, terme mis de l'avant par Freud pour définir son système d'association libre, d'interprétation du rêve de résistance et de transfert, n'est pas largement pratiquée au Canada, où peu de psychiatres sont formés pour exercer cette spécialité. Les traitements médicamenteux et les électrochocs complètent les démarches psychothérapiques effectuées par les psychiatres dans le traitement des maladies.

Troubles psychiatriques

La connaissance générale de la maladie mentale est plus profonde qu'on ne le suppose généralement, bien qu'on n'ait pas encore trouvé de moyens précis de poser un diagnostic. Lors de l'examen du patient, le psychiatre examine ses antécédents personnels, médicaux et familiaux, et dresse un bilan du malaise ressenti. Il note le comportement du patient, sa façon de parler, son humeur, ses perceptions. Il observe le cours, la forme et le contenu de ses pensées et teste sa mémoire, sa perception du temps, de l'espace et d'autrui, de même que sa pensée abstraite. Partout dans le monde, la Classification internationale des maladies est utilisée pour classifier les troubles mentaux (troubles affectifs courants).

Les psychoses organiques sont des maladies associées à un dysfonctionnement des tissus cérébraux et se caractérisent par des pertes de mémoire, des problèmes d'orientation et des changements de comportement qui se manifestent souvent à un âge avancé. La plupart de ces symptômes sont attribuables à des maladies dégénératives comme la maladie d'Alzheimer. L'artériosclérose (durcissement des artères) est à l'origine d'une petite proportion des démences. De 5 à 10 p. 100 des personnes âgées de plus de 65 ans pourraient être atteints de démence.

Schizophrénie
Cette maladie, accompagnant souvent le malade toute sa vie, se caractérise par des troubles de la pensée, des idées délirantes et des hallucinations, une réponse affective limitée, une absence d'impulsion et un mauvais jugement, mais jamais, contrairement à la croyance populaire, par un dédoublement de la personnalité. Nombreux sont ceux qui croient que cette maladie est, dans une large mesure, héréditaire, qu'elle est largement influencée par l'environnement social et qu'elle fait intervenir des perturbations cérébrales biochimiques. La médication a beaucoup amélioré les perspectives d'avenir des patients.

Dépression
Les troubles affectifs comprennent les dépressions bipolaires (manie et dépression) et unipolaires (dépression seule). Bien que 10 p. 100 de la population présente des symptômes de dépression, la proportion de personnes qui sont victimes de troubles affectifs graves au cours de leur vie est relativement faible, soit 0,2 p. 100. Les dépressions sont épisodiques, plus que chroniques. Les dépressions bipolaires (qui comprennent des phases maniaques) se manifestent habituellement dans la vingtaine et la trentaine et touchent aussi bien les hommes que les femmes; les dépressions unipolaires, qui apparaissent surtout dans la cinquantaine et la soixantaine, sont plus fréquentes chez les femmes. Le SUICIDE constitue un risque sérieux chez les patients qui souffrent de dépression grave et peut toucher 15 p. 100 de cette population. Les traitements utilisés pour traiter la dépression comprennent les antidépresseurs, les électrochocs et le carbonate de lithium.

Névroses
L'anxiété, la dépression légère, l'insomnie, la perte d'appétit, la fatigue, l'irritabilité, les problèmes de concentration et l'hypocondrie sont des névroses. Ce sont des troubles courants, qui durent habituellement peu de temps et qui sont généralement traités par des médecins généralistes à l'aide d'une psychothérapie et de médicaments. Certains troubles persistants doivent être traités par des spécialistes.

Troubles de la personnalité
Ce sont des troubles caractérisés par des schémas permanents et limités de comportement, un fonctionnement inefficace et des difficultés dans les relations avec autrui.

Services hospitaliers

Dans les années 40, la majorité des personnes qui souffraient de maladies mentales graves étaient traitées dans des hôpitaux psychiatriques éloignés de leur environnement et des autres services de santé. Au début des années 50, 75 p. 100 des patients des hôpitaux psychiatriques étaient hospitalisés depuis plus de 5 ans et avaient peu de chances d'en sortir. Peu de services appropriés étaient alors offerts en dehors des hôpitaux psychiatriques.

L'avènement d'une médication efficace a facilité la réinsertion sociale de malades hospitalisés et a réduit la nécessité d'hospitalisations, longues ou courtes. Les premiers psychotropes efficaces font leur apparition vers 1953 et ils sont maintenant largement utilisés, aussi bien par les omnipraticiens que par les psychiatres.

Il existe aujourd'hui 51 hôpitaux psychiatriques au Canada, qui emploient 34 000 personnes. Ces hôpitaux coûtent annuellement plus d'un milliard de dollars. Chaque année, environ 35 000 patients y sont admis, dont la moitié pour des séjours de moins d'un mois. Dans certaines provinces, plus du tiers des malades ne sont pas placés de leur propre chef dans un hôpital psychiatrique. L'utilisation de lits d'hôpital psychiatrique (pour les séjours de moins d'un an) varie généralement de 1 par 32 000 habitants en Nouvelle-Écosse à moins de 1 par 189 000 habitants en Saskatchewan.

Le nombre de séjours prolongés (plus d'un an) a atteint un sommet dans les années 50 avec 286 par 100 000 habitants, et la plupart concernaient des personnes âgées ou souffrant de lésions cérébrales. En Ontario, on dénombre actuellement 16 séjours prolongés par 100 000 habitants pour des patients âgés de moins de 65 ans. Le nombre de patients qui doivent être hospitalisés pendant une longue période diminue chaque année.

Beaucoup des patients qui sont encore hospitalisés pourraient être traités efficacement en unité de soins ambulatoires, en centre de jour ou à domicile. Des études portant sur les besoins des patients actuellement hospitalisés en Colombie-Britannique, en Ontario et au Nouveau-Brunswick révèlent toutes que de 40 à 60 p. 100 d'entre eux n'auraient pas besoin d'être hospitalisés pour des traitements, mais que les services et les installations qui répondraient à leurs besoins sont inexistants dans leur collectivité.

Dans certaines villes (Victoria, Calgary, Regina, Saskatoon, St. Catharines, Windsor et Sherbrooke), les hôpitaux psychiatriques ne sont pas beaucoup utilisés. Les patients, qu'ils présentent des désordres sévères ou plus légers, sont traités dans les services psychiatriques d'hôpitaux généraux situés près de leur collectivité. Ce sont des « oasis psychiatriques » où des psychiatres attachés à des hôpitaux généraux traitent la plupart des patients nécessitant une hospitalisation. À l'heure actuelle, il y a plus d'admissions dans les services psychiatriques des hôpitaux généraux que dans les hôpitaux psychiatriques. Le nombre de services psychiatriques dans les hôpitaux généraux est passé de 45 en 1958 à 190 en 1985.

En regard d'autres pays, le Canada a une proportion relativement élevée de lits réservés aux soins psychiatriques dans les hôpitaux généraux. En 1985, cette proportion était de 25 lits par 100 000 habitants, variant de 19 par 100 000 habitants au Nouveau-Brunswick à 36 par 100 000 à l'Île-du-Prince-Édouard.

Ce sont les POLITIQUES SUR LA SANTÉ en vigueur dans les provinces de même que les besoins des patients qui déterminent le genre de services offerts. Les différences importantes dans le recours aux hôpitaux psychiatriques et aux services psychiatriques des hôpitaux généraux d'une région à l'autre procèdent surtout de différences dans la façon d'organiser les services plutôt que de différences cliniques chez les patients.

Personnel

Il y a environ 2700 psychiatres au Canada, dont 73 p. 100 exercent leur profession dans des cliniques privées. Environ 33 p. 100 des psychiatres ont étudié à l'extérieur du Canada. La majorité travaillent dans les grandes villes, tandis que 7 p. 100 d'entre eux exercent dans des collectivités de moins de 50 000 habitants.

Environ 80 p. cent des psychiatres sont des hommes, mais cette proportion est en pleine mutation puisque 44 p. cent des futurs psychiatres dans les écoles de médecine sont maintenant des femmes. La plupart exercent la psychiatrie générale, mais certains se spécialisent en pédopsychiatrie, en gérontopsychiatrie, en psychiatrie médico-légale, en psychiatrie de liaison, en thérapie comportementale, en thérapie familiale, en sexologie, en psychanalyse ou en recherche. Les services offerts par les psychiatres qui exercent en cabinet privé représentent 3,8 p. 100 des dépenses de santé. En moyenne, les psychiatres à temps plein consacrent 29 heures par semaine (82 p. 100 de leur temps) à la psychothérapie et aux soins de longue durée. Le reste du temps est passé en consultations et en visites dans les hôpitaux.

Le nombre de cas d'un psychiatre varie beaucoup et dépend du nombre d'heures et des types de psychothérapie exercées ainsi que de la durée du traitement. Dans certaines villes canadiennes, 50 p. 100 du temps des psychiatres est consacré aux patients nécessitant un traitement prolongé, ce qui représente un huitième des cas. Dans certaines provinces, le psychiatre qui exerce en cabinet privé voit 250 patients par année.

En vertu du système canadien de soins de santé, les médecins de famille, les psychiatres en cabinet privé, les cliniques communautaires de santé mentale, les services psychiatriques des hôpitaux généraux et les hôpitaux psychiatriques publics offrent des traitements aux personnes souffrant de maladies mentales. La plupart des malades peuvent être traités par un omnipraticien, sans avoir recours à un psychiatre.

Au cours d'une année, environ 10 p. 100 des adultes consultent un médecin de médecine générale pour des problèmes psychiatriques et 2 p. 100 de la population consulte un psychiatre ou une clinique de santé mentale. En outre, au moins 10 p. 100 de la population demande de l'aide à un ministre du culte, à un psychologue ou à un travailleur social pour les crises ou les problèmes personnels. Entre 18 et 24 ans, plus du tiers de la population va consulter un psychiatre.

Le nombre de psychiatres en cabinet privé et de services de psychothérapie offerts par des omnipraticiens a énormément augmenté. En 1985, la proportion d'heures consacrées à la psychothérapie par les psychiatres varie selon les régions de 62 à 1118 heures par 1000 Canadiens. En 1984-1985, 5,4 p. 100 (226 millions de dollars) des dépenses canadiennes de paiement à l'acte du régime d'assurance-maladie sont allées aux services de psychothérapie et de consultation offerts par les médecins. Environ 45 p. 100 de ces services ont été dispensés par des médecins généralistes. Entre 1972 et 1985, le nombre de services de psychothérapie ou de consultation offerts par les omnipraticiens est passé de 57 à 140 par l000 habitants, et les services de psychothérapie représentent actuellement 7,7 p. cent des coûts des consultations auprès des médecins de famille.

Apports de Canadiens à la psychiatrie

Le Canada a fait de grandes contributions à la psychiatrie. Les services canadiens de santé mentale ont été favorisés par des régimes uniques d'assurance-maladie et d'assurance-hospitalisation, qui prévoient une couverture universelle des soins de santé mentale. La Commission royale d'enquête sur les services de santé (1964) recommandait que les régimes d'assurance-maladie ne fassent pas de discrimination à l'endroit du diagnostic et du traitement des problèmes psychiatriques. Il n'y a donc aucune restriction quant à la durée et à la nature des traitements psychiatriques dispensés par les médecins généralistes et les psychiatres.

La Saskatchewan a été un chef de file international en ce qui a trait aux changements apportés aux services psychiatriques. Dans cette province, en effet, ils ne sont plus offerts dans des hôpitaux psychiatriques, mais bien dans des services psychiatriques d'hôpitaux généraux régionaux. Les services communautaires permettent aux patients de suivre un traitement près de leur foyer, ce qui favorise également leur suivi et la continuité des soins. Le Canada a également été une figure de proue en ce qui concerne les services psychiatriques dans les hôpitaux généraux de même que les hôpitaux de jour et de nuit. La notion d'hospitalisation partielle pour les patients n'ayant pas à être suivis 24 heures sur 24, mais qui ont besoin de consultations, de supervision ou de médication quotidiennes a vu le jour à Montréal.

En 1963, une publication de l'Association canadienne pour la santé mentale, Au service de l'esprit, souligne la nécessité d'apporter certains changements : intégration des services de santé mentale aux services généraux de santé, régionalisation, décentralisation des services psychiatriques des gouvernements provinciaux vers des organismes régionaux et coordination des services psychiatriques offerts aux patients pendant toutes les phases de leur maladie. Chaque étude des services psychiatriques menée au Canada après 1963 appuie ces principes de base comme objectif à atteindre.

D'importantes contributions ont été faites à la psychiatrie par D.E. Cameron, chef de file canadien de la recherche en psychiatrie, qui joua un rôle de premier plan dans la mise en oeuvre des hôpitaux de jour; F.C.R. Chalke, premier directeur de la Revue de l'Association des psychiatres du Canada, G.B. CHISHOLM, ancien directeur général des services médicaux de l'armée canadienne pendant la Deuxième Guerre mondiale et premier directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS); C.B. Farrar, fondateur du premier programme d'études supérieures en psychiatrie, ancien chef du département de psychiatrie de l'U. de Toronto et rédacteur en chef de l'American Journal of Psychiatry pendant 34 ans; C.M. HINCKS , fondateur du Comité national canadien de l'hygiène mentale, aujourd'hui l'Association canadienne pour la santé mentale, et directeur des comités canadien et américain de l'hygiène mentale dans les années 30; R.O. Jones, fondateur du premier programme de formation universitaire en psychiatrie; D.C. Meyers, fondateur du premier service psychiatrique dans un hôpital général en 1906; A.B. Stokes, ancien président du département de psychiatrie à l'U. de Toronto et l'un des fondateurs du Clarke Institute of Psychiatry. Parmi les manuels de psychiatrie signés par des Canadiens, mentionnons A Method of Psychiatry (1980), Précis pratique en psychiatrie (1981) et Psychiatrie clinique : approche contemporaine (1981).

Problèmes et perspectives

En dépit de l'évolution de la psychiatrie, il existe toujours des doléances quant aux services psychiatriques. Après étude de leurs services de santé mentale depuis la fin des années 70, presque toutes les provinces ont constaté que les objectifs énoncés par l'Association canadienne pour la santé mentale 20 ans auparavant n'ont toujours pas été atteints. Malheureusement, le traitement adéquat, administré aussi tôt que possible et de façon aussi continue que possible, sans déplacement et avec autant de réinsertion sociale que possible n'existe toujours pas. Le nombre sans cesse croissant de services psychiatriques demandés fait contrepoids aux augmentations de personnel, d'installations et de programmes psychiatriques.

De plus en plus, de nombreux psychiatres modifient leur rôle, consacrant moins de temps à conseiller d'autres médecins et assumant une plus grande responsabilité pour les soins de patients aux prises avec des problèmes de santé mentale, surtout pour les personnes qui ont des besoins relatifs par opposition à des besoins absolus, c'est-à-dire celles qui souffrent de névroses et de problèmes d'adaptation moins débilitants, pour qui le travail et l'insertion sociale demeurent possibles et à qui des services de psychothérapie ou des traitements d'ordre social pourraient être offerts par un médecin généraliste ou des professionnels de disciplines de santé mentale non médicales. Cependant, le traitement psychiatrique et le soutien social des patients souffrant de schizophrénie chronique ou de troubles dépressifs graves sont encore insuffisants.

Voir aussi SANTÉ MENTALE.

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