Office national du film du Canada | l'Encyclopédie Canadienne

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Office national du film du Canada

 Mourir à tue-tête
Monique Miller et Micheline Lanctôt dans Mourir à tue-tête, ONF (avec la permission de la Cinémathèque québécoise).\r\n \r\n
McLaren, Norman
Son esprit innovateur place le cinéaste Norman McLaren au premier rang des réalisateurs de films d'animation au Canada (avec la permission des Bibliothèque et Archives Canada).

Office national du film du Canada

La création de l'Office national du film (ONF) est l'événement marquant de l'histoire du cinéma canadien. Il joue un rôle de pionnier dans les domaines du documentaire social, du cinéma d'animation, du docudrame et du cinéma-vérité, et ne cesse de mettre au point de nouvelles techniques cinématographiques. Ses films ont remporté des centaines de prix à l'échelle internationale. À la suite de la présentation du rapport de John GRIERSON (premier commissaire à la cinématographie, nommé en octobre 1939) et conformément à la Loi nationale sur le film, l'ONF voit le jour le 2 mai 1939. Elle est révisée en 1950 afin de soustraire l'ONF de l'autorité directe du gouvernement. Cette modification donne également à l'Office le mandat de se faire l'interprète du Canada auprès des Canadiens et des autres nations.

À l'origine, l'ONF est conçu comme un conseil consultatif au personnel restreint, mais les films sur la guerre étant très recherchés et le tempérament de Grierson aidant, l'Office se lance dans une production active et absorbe, en 1941, le Bureau de cinématographie du gouvernement canadien (autrefois connu sous le nom de Exhibits and Publicity Bureau, créé en 1919). En 1945, l'ONF, l'un des plus grands studios cinématographiques du monde, compte 787 employés. Il a produit plus de 500 films, dont deux séries de propagande, The World in Action et Canada Carries On (v. f. En avant Canada), présentées chaque mois dans les cinémas canadiens et à l'étranger. L'Office s'est doté d'un studio d'animation sous la direction du cinéaste d'animation Norman MCLAREN, il a mis sur pied un réseau de distribution non commercial et est devenu une école pour de nombreux jeunes cinéastes canadiens.

Grierson démissionne en 1945; lui succède Ross McLean, son adjoint, qui fait face à d'énormes difficultés après la guerre. Les budgets et le personnel sont réduits et l'ONF se voit accusé d'être un refuge de révolutionnaires gauchistes ainsi qu'une menace à la présence des producteurs privés. Le remplacement de McLean par Arthur IRWIN, en 1950, calme les esprits. Ce dernier fait adopter une nouvelle loi nationale sur le film; il restructure l'ONF selon les nouvelles normes bureaucratiques et prévoit le transfert de l'ONF d'Ottawa à Montréal (cela se réalisera en 1956 avec son successeur, Albert TRUEMAN).

Durant la décennie qui suit la guerre, la production couvre de nouveaux domaines : on réalise les premières dramatiques, on explore de nouvelles techniques d'animation et on réalise les premiers films d'information et les premières productions pour la télévision. Les cinéastes accordent plus d'attention au style et à la technique. Ils adoptent un ton plus intimiste comparativement à l'approche didactique en vigueur durant la guerre. Cette nouvelle approche est perceptible dans les films réalisés par l'un des groupes de production, le Studio B, que dirige Tom DALY. Le travail de Daly conduit l'ONF à adopter, à la fin des années 50, la formule du cinéma-vérité (une première mondiale) pour la série télévisée Candid Eye (14 films ont été produits pour le réseau CBC et diffusés sur ses ondes entre 1958 et 1961).

Pendant quelques années, l'ONF est perçu au Québec comme un organisme de propagande fédéraliste niant les aspirations culturelles de la province. Sa production en langue française est minime jusqu'à la fin des années 1950, mais la demande d'émissions de télévision et le déménagement de ses bureaux à Montréal contribuent à renverser cette situation. L'ONF embauche beaucoup de jeunes cinéastes du Québec, notamment Pierre PERREAULT, Gilles CARLE, Michel BRAULT, Gilles GROULX, Claude JUTRA, Denys ARCAND et bien d'autres encore qui joueront un grand rôle dans l'épanouissement du cinéma québécois durant les années 1960, aussi bien au sein de l'ONF qu'à l'extérieur. Ces cinéastes refusent de subir la domination des administrateurs anglophones de l'Office.

Après plusieurs protestations, la nomination du premier commissaire de langue française, Guy Roberge, engendre une série de changements qui conduiront, en 1964, à la division de la production en deux aires linguistiques.

Si l'apport des femmes cinéastes est important durant la guerre, celles-ci sont pratiquement absentes de la production active jusqu'au début des années 1970. Encouragées par des séries comme En tant que femmes (1972-1975) et Working Mothers (1974-1975), de même que par la création du studio D dirigé par Kathleen SHANNON, les femmes apporteront une contribution importante comme réalisatrices ou techniciennes. De leur côté, les Autochtones critiquent l'image folklorique et condescendante que les films de l'ONF projettent d'eux. Il faudra attendre la fin des années 1960 pour voir apparaître un portrait plus fidèle des Autochtones, notamment avec des programmes comme Challenge for Change/Société nouvelle. De plus, les Premières nations et les Inuits ont la possibilité d'utiliser l'équipement de l'ONF pour produire leurs propres films, ce qui conduira plus tard à la réalisation de films tels Foster Child (1987) et Kanehsatake : 270 Years of Resistance (1993) de Gil CARDINAL et comme le film de Zacharias KUNUK, ATANARJUAT - THE FAST RUNNER (2002, v.f. la légende de l'homme rapide), primé à plusieurs reprises et long-métrage coproduit par l'ONF et le Réseau de télévision des peuples autochtones.

La démocratisation des moyens de production se poursuit durant les années 1970, moment où l'ONF crée des centres régionaux de production d'un bout à l'autre du Canada. Le cinéma d'animation a toujours été une priorité à l'ONF. Bien que le travail de pionniers comme Norman Mclaren soit largement reconnu (son film Voisins a remporté l'Oscar du meilleur documentaire de courte durée en 1953), l'ONF s'est toujours fait un devoir de recruter de nouveaux talents. Ces derniers assurent la vitalité de cette section dont le rayonnement est international (voirCINÉMA D'ANIMATION). Les producteurs de films d'animation de l'ONF continuent de remporter des prix dans les principaux festivals, notamment Richard CONDIE pour La Salla en 1997, Wendy Tilby et Amanda Forbis pour When The Day Breaks en 1999 et Cordell BARKER pour Strange Invaders en 2001.

La production de longs métrages de fiction à des fins commerciales commence en 1963 et 1964 avec Drylanders de Don Haldane et se poursuit en dépit du débat qu'elle suscite. En effet, certains jugent que ce genre de production cadre mal avec la vocation d'un organisme d'État. Plusieurs longs métrages de l'ONF remportent des prix internationaux et bénéficient d'une vaste diffusion comme MON ONCLE ANTOINE de Claude Jutra (1971; selon les critiques, c'est encore et toujours le meilleur long-métrage canadien), J.A.MARTIN PHOTOGRAPHE de Jean BEAUDIN (1977) et LE DÉCLIN DE L'EMPIRE AMÉRICAIN de Denys Arcand (1986). Cependant, de fortes réductions au budget de l'ONF dans les années 1990 ont pratiquement entrainél'élimination presque complète de cet aspect de son programme. Ces mêmes compressions budgétaires obligent l'ONF à abandonner d'autres programmes et à réduire son personnel. En 2002, à la suite de la révision de son mandat par Jacques Bensimon, nouveau commissaire à la cinématographie, l'ONF met davantage l'accent sur la production numérique, la distribution et le mentorat des jeunes cinéastes; de plus, il s'engage à participer davantage à la vie communautaire et à conclure plus de partenariats avec des producteurs privés. Environ la moitié de toutes les productions et coproductions de l'ONF sont l'œuvre de cinéastes émergents. De plus, l'ONF utilise abondamment Internet et a remporté en 2010 un prix Webby pour Waterlife de Kevin McMahon, réalisé en coproduction.

Depuis la fin des années 1960, la croissance du secteur privé et le développement de la production télévisuelle ont fait perdre à l'ONF la position dominante qu'il occupait dans le cinéma canadien. Les ponctions récentes à son budget n'ont fait que réduire davantage son rôle. L'ONF continue toutefois de s'adapter aux constants changements, d'attirer de nouveaux cinéastes de talent, de mettre l'accent sur la qualité de la production et d'être l'agence cinématographique d'État la plus réputée du monde. En 2007, l'ONF avait été mis en nomination aux Oscars à 70 reprises et en avait remporté 12. Le premier lui a été attribué en 1941 pour Churchill's Island (v.f. La forteresse de Churchill) de Stuart Legg. Plus récemment, l'ONF a remporté un Oscar pour Ryan de Chris LANDRETH en 2005, et pour Le poète danois de Torill Kove en 2007.

En 1989, l'ONF avait remporté un Oscar honorifique à l'occasion de son 50e anniversaire et pour son engagement à encourager l'excellence dans toutes les sphères de la cinématographie.

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