Loi du Service Militaire | l'Encyclopédie Canadienne

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Loi du Service Militaire

La Loi du Service Militaire de 1917 est entrée en vigueur le 29 août 1917. C’était une loi politiquement explosive et controversée qui a amèrement divisé le pays selon des lignes franco-anglaises. Elle a soumis tous les citoyens masculins de 20 à 45 ans à la conscription pour le service militaire, jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale. Ainsi, la loi a eu des conséquences politiques importantes. Elle a mené à la création du gouvernement d’union du premier ministre Robert Borden et a poussé la plupart des partisans canadiens-français de ce dernier dans l’opposition.

Sir Robert Borden

Besoin de renforts

Plus de 300 000 Canadiens s’enrôlent pour combattre outre-mer au cours des deux premières années de la Première Guerre mondiale. Il s’agit d’un chiffre énorme pour un pays de seulement huit millions d’habitants. Cependant, à la fin de 1916, le nombre de volontaires s’est pratiquement tari. Le Canada n’a pas assez de recrues pour renforcer le Corps expéditionnaire canadien. Les effectifs de ce dernier sont épuisés par le terrible bilan des pertes subies au combat en France et en Belgique.

Au retour d’un voyage en France au printemps 1917, le premier ministre Robert Borden est bouleversé par l’énormité du conflit. Il est résolu à faire en sorte que le Canada joue un rôle important dans la guerre et il annonce donc que le service obligatoire est devenu nécessaire.

Borden sur le front occidental

Débat sur la conscription

Le débat sur la conscription consume et divise le pays. Certains Canadiens français la soutiennent, et quelques Canadiens anglais sont contre; mais en grande partie, le Canada anglais soutient la conscription de Robert Borden alors que d’autres groupes s’y opposent. Les opposants sont pour la plupart des agriculteurs (qui refusent le recrutement de leurs fils fermiers), des syndicalistes, des immigrants non britanniques, des pacifistes, et la majorité du Canada français, y compris presque tous les députés francophones. Des émeutes à ce sujet éclatent au Québec, où le soutien à la guerre a toujours été mitigé.

Le chef de l’opposition libérale, sir Wilfrid Laurier, fait une mise en garde contre un « clivage profond au sein du peuple canadien » et il refuse de soutenir l’appel de Robert Borden à un gouvernement de coalition unifié sur la question. Toutefois, Robert Borden parvient à faire adopter la Loi du Service Militaire par le Parlement, et celle-ci entre en vigueur le 29 août 1917. Elle soumet tous les citoyens de sexe masculin âgés de 20 à 45 ans à l’appel au service militaire jusqu’à la fin de la guerre.

Square Victoria, Montréal, Québec, le 24 mai 1917.
Rassemblement contre la conscription au Square Victoria, Montréal, Québec, le 24 mai 1917. Image: Bibliothèque et Archives Canada/C-006859.

Robert Borden déclare au Parlement : « Si nous n’adoptons pas cette mesure, si nous ne fournissons pas de renforts, si nous ne gardons pas notre foi dévouée en ces temps difficiles, avec quelle contenance pourrons-nous accueillir (les soldats) à leur retour? »

Quelques semaines plus tard, pour se préparer aux élections fédérales, Robert Borden concocte tant bien que mal un gouvernement d’union. Ce gouvernement est constitué en grande partie de conservateurs, de libéraux et d’indépendants anglophones. Les élections de décembre 1917, surnommées « les élections kaki » (en référence aux uniformes de l’armée) se déroulent sur la question de la conscription. C’est une amère compétition que les unionistes remportent; ils reçoivent une importante majorité à la Chambre des communes.

Élection de 1917

La Loi et les peuples autochtones

La Loi sur le Service Militaire inclut initialement les Indiens inscrits et les Métis de 20 à 45 ans. À l’époque, les « Indiens inscrits » sont des membres des Premières Nations ayant un statut officiel d’Indien enregistré auprès du ministère des Affaires indiennes. Cependant, certains dirigeants des Premières Nations contestent la conscription en raison du fait qu’elle viole les traités signés entre la Couronne et les peuples autochtones. Ils soutiennent également que les hommes qui n’ont pas le droit de vote ne devraient pas être forcés de se battre dans des guerres à l’étranger.

Conséquemment, les peuples autochtones (assujettis aux traités ou non) sont exemptés de la Loi en janvier 1918. Néanmoins, certains Indiens inscrits servent outre-mer en tant que conscrits, mais finalement, plus de 4000 hommes des Premières Nations se portent volontaire pour le service outre-mer entre 1914 et 1918. À ce chiffre s’ajoutent les nombreux soldats métis et des Premières Nations qui se portent volontaires sans s’identifier comme Autochtones. (Voir aussi Les peuples autochtones et les guerres mondiales.)

Francis “Peggy” Pegahmagabow

La Loi et les Canadiens noirs

La Loi du Service Militaire s’applique également aux Canadiens noirs, beaucoup d’entre eux se sont heurtés à de l’opposition lorsqu’ils ont tenté de s’enrôler plus tôt pendant la guerre. (Voir Volontaires noirs dans le Corps expéditionnaire canadien; 2e Bataillon de construction.) Malgré tout, la plupart des Canadiens noirs s’inscrivent pour le service militaire. Au moins 350 sont enrôlés dans le CEC et 220 sont envoyés à l’étranger. La majorité est affectée au Corps forestier canadien, qui emploie également la plupart des volontaires noirs. Au moins 28 conscrits noirs servent dans les unités du front pendant les cent jours du Canada, et 3 d’entre eux y perdent la vie. (Voir Les Canadiens noirs et la conscription pendant la Première Guerre mondiale.)

Importance

La Loi sur le Service Militaire est appliquée de manière inégale. Il y a de nombreuses désertions parmi les recrues appelées et plusieurs exemptions sont accordées. Des milliers de jeunes hommes refusent même de s’inscrire au processus de sélection. Parmi ceux qui s’inscrivent, 93 % demandent des exemptions.

Les convocations commencent en janvier 1918. Au total, 401 882 hommes s’inscrivent pour la conscription et 124 588 sont enrôlés dans le Corps expéditionnaire canadien. Parmi ceux-ci, 99 651 sont portés à l’effectif et le reste est déclaré inapte au service ou rejeté. En tout, 47 509 hommes conscrits sont envoyés à l’étranger et 24 132 servent en France. Bien que ces conscrits ne représentent qu’une petite partie des 236 618 autres grades qui servent ultimement au front, ils représentent un pourcentage important de l’infanterie de première ligne au cours des derniers mois de la guerre; à cet égard, leur nombre est essentiel pour maintenir les bataillons d’infanterie à pleine puissance et pour fournir une main-d’œuvre cruciale aux divisions appauvries du Corps expéditionnaire canadien durant les dernières batailles coûteuses, mais victorieuses, de 1918.

Même si les conscrits n’étaient pas nécessaires pour gagner la guerre, le Corps canadien et ses quatre divisions d’infanterie n’auraient pu être maintenus sur le terrain sans eux. Néanmoins, la Loi a un coût politique très élevé. Elle mène à la création du gouvernement d’union du premier ministre Robert Borden et elle pousse les partisans Canadiens français de ce dernier dans l’opposition. Ceux-ci sont sérieusement aliénés par cette tentative de les forcer à participer à ce qu’ils considèrent comme étant une guerre impériale britannique. De façon plus générale, la crise de la conscription divise amèrement le pays en lignes francophones et anglophones.

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