Boyle, Joseph Whiteside | l'Encyclopédie Canadienne

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Boyle, Joseph Whiteside

Joseph Whiteside Boyle (né le 6 novembre 1867 à Toronto, en Ontario; décédé le 14 avril 1923 à Hampton Hill, dans le Middlesex, au Royaume-Uni). Surnommé «Klondike Joe», Joseph Boyle a été fondateur d’une société d’exploitation minière d’or et est devenu millionnaire à la suite de la ruée vers l’or du Klondike. Durant la Première Guerre mondiale, il a équipé une unité de mitrailleuses et a agi pour le compte des services secrets britanniques en Russie et en Roumanie. Il a également mis sur pied le réseau d’approvisionnement militaire russe et libéré des prisonniers de guerre roumains, et est devenu le confident, et peut-être même l’amant, de la reine Marie de Roumanie.

Joseph Boyle

Jeunesse

Joseph Boyle est le plus jeune des quatre enfants de Martha Bain et de Charles Boyle, un entraîneur de pur-sang dont les chevaux remportent le Trophée de la reine à plusieurs reprises. Lorsque Joseph Boyle est âgé de quatre ans et demi, la famille déménage à Woodstock, en Ontario. Il fréquente le Woodstock College en 1883-1884. À 17 ans, il laisse un mot à sa famille dans lequel on peut lire : « Je pars en mer. Je vous en prie, ne vous inquiétez pas pour moi. » Joseph Boyle travaille sur des cargos durant trois ans. Plus tard, il devient pompier à Chicago, boxeur amateur poids lourd au National Sporting Club de Londres, au Royaume-Uni, et le gérant de Frank Slavin, champion australien de boxe poids lourd.

Mariages et enfants

En 1888, Joseph Boyle épouse Mildred Raynor à New York. Ils ont quatre enfants – Joseph Junior, Flora, Susan et Charlotte – et divorcent après neuf années de mariage. En 1908, il épouse Elma Louise Humphries. Ce second mariage n’est toutefois pas plus harmonieux que le premier.

Ruée vers l’or du Klondike

En 1897, Joseph Boyle se joint à la ruée vers l’or du Klondike et progresse en empruntant le passage du col White. Ses activités d’extraction minière à la concession 13 portent fruit : il y trouve de l’or. En 1900, le ministre de l’Intérieur Clifford Sifton accorde à Joseph Boyle les droits de coupe et d’extraction hydraulique sur huit milles le long de la vallée du Klondike, une région connue sous le nom des « Concessions de Boyle ». En 1909, Joseph Boyle fonde la Canadian Klondyke Mining Company. La société, qui emploie un énorme équipement de dragage pour l’extraction de l’or du substrat rocheux, fait scandale et est mêlée à des poursuites judiciaires.

Joseph Boyle établit également une scierie et des entrepôts, en plus de verser des dons aux organismes de bienfaisance locaux de Dawson City. En 1904-1905, Joseph Boyle parraine une équipe de hockey, les Dawson City Nuggets, laquelle tente en vain de battre les Silver Seven d’Ottawa en vue de remporter la coupe Stanley de 1905. (Voir Les gars du Klondike en quête de la coupe Stanley (1905).)

Première Guerre mondiale

Lorsqu’éclate la Première Guerre mondiale en 1914, Joseph Boyle est millionnaire. Il contacte Sam Hughes, ministre de la Milice et de la Défense, et se porte volontaire pour former et équiper une unité de mitrailleuses réunissant 50 chercheurs d’or du Yukon. En 1915, la « batterie de Boyle » est intégrée au Corps expéditionnaire canadien. Joseph Boyle reçoit le grade honorifique de lieutenant-colonel au sein de la milice en 1916. Jusqu’à la fin de la guerre, il porte un uniforme de colonel décoré d’insignes faits de l’or du Klondike.

Aventures en Russie et en Roumanie

En juin 1917, Joseph Boyle accompagne le comité américain des ingénieurs en Russie, un allié de la Grande-Bretagne, de la France et des États-Unis en temps de guerre. À cette époque, le tsar Nicolas II renonce au trône, et le gouvernement provisoire de Russie dirige l’effort de guerre. Bien que Joseph Boyle ne parle pas russe et ne dispose d’aucune expérience en gestion des chemins de fer, il propose de coordonner le transport de nourriture et de matériel militaire jusqu’au front de l’Est. De concert avec les autorités locales, il participe au démantèlement des barrages et à l’organisation du transport maritime et ferroviaire. En parallèle, il collabore avec les services secrets britanniques et mène des opérations secrètes d’infiltration contre les forces allemandes et bolchéviques.

À la suite de la guerre civile russe de novembre 1917, qui voit l’arrivée de Vladimir Lénine au pouvoir, le gouvernement roumain demande à Joseph Boyle d’assurer le transport de devises et de documents diplomatiques hors de Russie. Il réquisitionne un train et veille au transport, jusqu’en Roumanie, de l’argent et des documents, ainsi que de denrées alimentaires qui manquent cruellement.

Le gouvernement bolchévique déclare la guerre à la Roumanie en deux occasions distinctes, en 1918 et en 1919. Joseph Boyle participe à la négociation d’un traité de paix entre ces deux nations, ainsi qu’à la libération de prisonniers de guerre roumains. Lors de la Conférence de paix de Paris en 1919, Joseph Boyle participe à la négociation d’un prêt du Canada de 25 millions de dollars en vue d’appuyer les efforts de reconstruction de la Roumanie, dévastée à la suite de la Première Guerre mondiale. ( Voir aussi Traité de Versailles.)

La reine Marie de Roumanie

Queen Marie of Romania

En mars 1918, Joseph Boyle rencontre la reine Marie, épouse du roi Ferdinand de Roumanie et petite-fille de la reine Victoria. Ils entretiennent une amitié intime et passionnée. Dans ses mémoires, la reine Marie raconte : « Étant moi-même totalement insoumise et d’un esprit profondément rebelle, il est tout à fait naturel qu’une irrésistible sympathie ait jailli entre nous; nous nous sommes compris dès le moment où nos mains se sont jointes, comme si nous n’avions jamais été des étrangers l’un pour l’autre. Ses conseils sont judicieux, courageux, stimulants, parfois un brin impitoyables, mais toujours revigorants. »

Le saviez-vous ?
À la demande de la reine Marie, Joseph Boyle organise en 1918 l’évasion de la grande-duchesse Marie Pavlovna de Russie (une cousine du défunt tsar) de la ville d’Odessa, ainsi que celle de son second mari, Sergei Putyatin. Dans ses mémoires, la grande-duchesse Marie Pavlovna se souvient : « En quelque sorte, je ne plaçais que peu de confiance en la volonté d’un colonel canadien de nous sauver, mais je faisais totalement erreur. »

L’existence de relations intimes entre eux fait encore débat parmi les historiens. En juin 1918, Joseph Boyle subit un accident vasculaire cérébral qui lui est presque fatal; la reine Marie décide alors de l’installer dans sa résidence de campagne, où elle lui rend visite deux fois par jour. Les enfants de la reine Marie appellent Joseph Boyle « Oncle Joe ». Il leur lit les poèmes de Robert Service et accompagne au Royaume-Uni Nicolas, le plus jeune fils de la reine Marie, à l’occasion de son entrée à l’Eton College en 1919. (Voir aussi La Première Guerre mondiale dans la littérature canadienne et Héritage artistique de la Première Guerre mondiale.) À cette époque, la société de Joseph Boyle – la Canadian Klondyke Mining Company – est sous séquestre.

Joseph Boyle ne se remet jamais de son accident vasculaire cérébral et, en 1923, meurt à Londres d’un arrêt cardiaque. Trois ans plus tard, la reine Marie rend visite à son frère aîné David, à Toronto, à l’occasion d’une tournée royale.

Le saviez-vous ?
En 1926, la reine Marie devient la première reine consort d’Europe à réaliser une tournée royale au Canada. À l’occasion de cette tournée nord-américaine de sept semaines destinée à encourager l’investissement étranger en Roumanie, elle visite les chutes Niagara, Toronto, Ottawa, Montréal, Winnipeg et Vancouver.

Héritage

Joseph Boyle reçoit de nombreux honneurs, dont l’Ordre du service distingué du Royaume-Uni, la Croix de Guerre de la France, ainsi que trois distinctions de la part de la Russie comme de la Roumanie.

L’agent des services secrets britanniques George Alexander Hill, qui travaille avec Joseph Boyle en Russie, dit de lui : « C’est un combattant né, un grand orateur […] et un homme d’une indépendance qui confine à la révolution. Il ne s’encombre pas de protocoles et de bonnes manières, tout particulièrement lorsqu’il faut que le travail soit fait. »

En 1962, l’auteur Pierre Berton écrit dans le Toronto Star : « Je suis convaincu que si Joseph Whiteside Boyle était né au sud de la frontière, il serait désormais un acteur important de l’industrie du cinéma, comme de la télévision. » Dans le film Reine Marie de Roumanie sorti en 2019, l’acteur écossais Robert Cavanah tient le rôle de Joseph Boyle.

En 1983, la dépouille de Joseph Boyle est exhumée à Londres et rapatriée au Canada, à la demande de sa fille Flora. Il est inhumé de nouveau dans le caveau de la famille Boyle au cimetière presbytérien de Woodstock.