L’explosion d'Halifax | l'Encyclopédie Canadienne

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L’explosion d'Halifax

Le 6 décembre 1917, la ville de Halifax a été ravagée lorsque deux navires sont entrés en collision dans le port de la ville. L’un des navires était un bateau de transport de munitions chargé d’explosifs à destination des champs de bataille de la Première Guerre mondiale. Ce qui a suivi a été l’une des plus grosses explosions causées par l’homme avant les premières bombes atomiques en 1945. Le secteur nord de Halifax a été complètement détruit par l’explosion et le tsunami qui a suivi. Près de 2000 personnes ont perdu la vie, 9000 autres ont été mutilées ou aveuglées, et plus de 25 000 personnes se sont retrouvées sans abri adéquat.

Ce texte est l’article intégral sur l’explosion d'Halifax. Si vous souhaitez lire un résumé en langage simple, veuillez consulter l’article L’explosion d'Halifax (résumé en langage simple).

Ville en temps de guerre

En 1917, Halifax est une ville portuaire très occupée en temps de guerre. La Première Guerre mondiale est en cours depuis trois ans, exposant les militaires canadiens à des blessures, à la mort et à des épreuves, mais elle apporte également la prospérité à Halifax. Après des décennies de périodes économiques difficiles, la ville est devenue une plaque tournante de l’effort de guerre canadien. Avec son port qui est l’un des ports libres de glace, les plus raffinés et les plus profonds en Amérique du Nord, Halifax est la ville portuaire à travers laquelle transitent des dizaines de milliers de soldats canadiens, britanniques et américains qui sont en route vers les champs de bataille européens ou qui sont sur le chemin du retour.

La population de la ville, qui est d’environ 50 000 habitants, est grossie par l’afflux de troupes, ainsi que par les officiers de marine britanniques et canadiens qui supervisent les activités du port. Des millions de tonnes de marchandises transitent également par le port en route vers la guerre; du blé, du bois, du charbon, de la nourriture, des munitions et des armes arrivent par chemin de fer pour partir par voie maritime. Le port n’est pas seulement le foyer de la jeune Marine royale canadienne, il sert également de base pour les navires de la Marine royale et les navires marchands de partout dans le monde lorsqu’ils ont besoin de réparations ou de réapprovisionnement.

« Olympic With Returned Soldiers »

Toute cette activité stimule l’économie, crée une abondance d’emplois et fait vibrer la petite ville d’une énergie que ses résidents n’ont pas ressentie depuis des décennies. Des migrants civils arrivent à la recherche d’un travail disponible, que ce soit sur les chantiers navals, sur les chemins de fer, à la raffinerie de sucre ou dans d’autres usines. Les femmes occupent également des emplois rémunérés autrefois réservés aux hommes, qui sont désormais partis à la guerre. Les rues sont pleines de soldats et de marins. Malgré les horreurs que la guerre déchaîne en Europe, cette guerre crée richesse et opportunités pour de nombreuses personnes à Halifax. Cependant, elle stimule également la demande pour l’alcool de contrebande et la prostitution, ce qui bouleverse la moralité et la sensibilité de l’ère victorienne que plusieurs Haligoniens entretiennent toujours.

La majorité de l’activité industrielle de Halifax est concentrée dans le quartier ouvrier de Richmond, dans la partie nord de la ville, une communauté très unie composée de maisons, d’écoles et d’églises faites en bois. Des rues non pavées sillonnent les pentes de Richmond et mènent jusqu’au port, où les usines, les quais, la vaste cale sèche et les gares ferroviaires bourdonnent d’activité. Plus au nord de Richmond se trouve la communauté noire d’Africville. De l’autre côté du port, sur la rive moins peuplée de Dartmouth, se trouve Turtle Grove, un village micmac établi depuis longtemps.

Imo et Mont-Blanc

Les Micmacs appellent le port K’jipuktuk, ou Chebucto, ce qui signifie « grand port ». Pendant la guerre, le port est protégé par un réseau d’emplacements d’armements fortifiés et de postes d’observation tenus par des militaires. De nombreux résidents de Halifax croient que des navires de guerre allemands pourraient arriver un jour au large et bombarder la ville. Des filets sont également tendus sous l’eau à l’entrée du port pour protéger la ville contre les sous-marins allemands. Des barrières dans ces filets sont ouvertes périodiquement pendant la journée afin de permettre au trafic maritime en surface d’aller et venir.

Halifax, Nouvelle-Écosse

À l’intérieur du port, la vaste zone protégée du bassin de Bedford fait de Halifax une zone de transit importante pour les convois transatlantiques escortés par la marine, qui sont organisés pour se protéger des sous-marins en maraude. Des convois de navires marchands se rassemblent dans le bassin de Bedford avant d’entamer le transport de leurs ressources et leurs soldats vers l’Europe pour l’effort de guerre.

Au début du mois de décembre, l’un des navires marchands se trouvant dans le port est l’imposant navire norvégien Imo, qui est en route de Halifax à New York afin d’y recueillir du matériel de secours destiné au peuple assiégé de la Belgique déchirée par la guerre. Les mots « BELGIAN RELIEF » sont gravés en grosses lettres sur le flanc de l’Imo. Un autre navire, le Mont-Blanc, un navire français transportant des munitions, chargé de tonnes de benzol, de l’acide picrique très explosif, de TNT et de fulmicoton, arrive à Halifax pour rejoindre un convoi transatlantique. Avant la guerre, le port de Halifax se trouvait sous contrôle civil, et les navires transportant des munitions ou des explosifs n’étaient pas autorisés à pénétrer à l’intérieur du port. Cependant, en ce temps de guerre, l’amirauté britannique a pris contrôle du commandement du port en temps de guerre et les navires comme le Mont-Blanc ont donc l’autorisation de traverser le port pour rejoindre le bassin de Bedford.

Collision

L’Imo quitte le port le matin du 6 décembre 1917. Il émerge du bassin de Bedford et se dirige vers le sud à travers les Narrows, la section la plus étroite du port, en longeant la rive est du canal, le côté de Dartmouth, au lieu de la rive ouest, le côté de Halifax, qu’empruntent habituellement les navires qui sortent du port. Ainsi, la trajectoire du Imo oblige les navires entrants à passer à sa droite, ou à tribord, au lieu de passer à sa gauche, à bâbord, comme c’est habituellement requis. L’Imo est piloté par un marin de port local expérimenté, William Hayes, qui connaît bien les règlements maritimes du port. Cependant, plus tôt ce matin-là, des rencontres avec deux navires entrants se dirigeant vers le bassin de Bedford en passant tous deux à tribord, font en sorte que l’Imo se trouve alors dans une position inhabituelle, trop à l’est, du mauvais côté des Narrows.

Le Mont-Blanc est arrivé au large de Halifax la veille et a jeté l’ancre à l’embouchure du port pour la nuit. Le matin du 6 décembre, le navire reçoit l’autorisation des autorités portuaires de se diriger vers le bassin de Bedford. Malgré la dangereuse cargaison du Mont-Blanc, il n’existe pas de protocole spécial pour le passage des navires transportant des munitions dans le port. D’autres navires comme l’Imo ne reçoivent pas non plus l’ordre de maintenir leurs positions ce matin-là jusqu’à ce que le Mont-Blanc ait franchi le port en toute sécurité.

Francis Mackey, le pilote du Mont-Blanc, guide son navire du côté de Dartmouth dans les Narrows lorsqu’il se retrouve face à face avec l’Imo, qui se dirige droit vers lui, dans la voie maritime que le pilote Francis Mackey croit être celle du Mont-Blanc. Ce dernier a maintenu par la suite que l’Imo se déplaçait à une vitesse dangereuse pour un navire aussi gros et encombrant dans le port, et que les navires entrants (le Mont-Blanc, dans ce cas-ci) avaient priorité de passage sur les navires sortants. Malgré l’exactitude de ces affirmations, il est certain que l’Imo naviguait trop à l’est, dans la voie qui aurait dû être celle du Mont-Blanc.

Après plusieurs coups de sifflet et de malentendus entre les officiers et les pilotes des deux navires, ainsi que des manœuvres ratées pour tenter d’éviter la collision, l’Imo heurte le flanc tribord du Mont-Blanc. Après quelques instants, les deux navires se séparent et s’éloignent l’un de l’autre, laissant une brèche dans la coque du Mont-Blanc et générant des étincelles qui enflamment des grains d’acide picrique volatils entreposés sous ses ponts.

Pendant près de 20 minutes, le Mont-Blanc brûle. L’incendie enflamme rapidement des fûts de benzène, une sorte d’essence, sur le pont supérieur du navire, et une énorme colonne de fumée noire s’élève. Le sinistre spectacle attire l’attention des gens qui sont sur la rive, y compris des enfants qui sont en route pour l’école, il attire également de nombreux résidents à leur fenêtre, et d’autres plus près du navire lui-même. Dans le port, des équipes de pompiers et de marins d’autres navires se dirigent vers le Mont-Blanc dans l’espoir d’éteindre l’incendie.

Peu de gens comprennent l’ampleur du danger, à l’exception de quelques responsables du port et d’officiers de marine, ainsi que Francis Mackey et l’équipage francophone du Mont-Blanc, qui fuient le navire dans des canots de sauvetage après le déclenchement de l’incendie, et qui rament désespérément en direction de la rive de Dartmouth. Pendant ce temps, la carcasse en flammes du Mont-Blanc dérive vers le quai n° 6, sur la rive d’Halifax, un quartier animé où se trouvent de nombreuses résidences, des commerces, des navires amarrés, une importante raffinerie de sucre, et le Collège royal de la Marine du Canada.

Vincent Coleman

Dans les gares de triage voisines, deux hommes apprennent ce que contient le navire et le danger d’explosion. Le chef William Lovett informe les gens dans les chantiers navals de la cargaison mortelle du Mont-Blanc et appelle un agent situé plus haut sur la ligne pour l’avertir du danger.

Vincent Coleman, un répartiteur de réseau ferroviaire, contrôle le trafic ferroviaire achalandé de passagers et de marchandises qui entre et sort de la péninsule de Halifax. Il s’apprête à fuir son bureau lorsqu’il réalise que plusieurs trains sont sur le point d’arriver, incluant le train de 8 h 55 en provenance de Saint John, au Nouveau-Brunswick, avec des centaines de passagers à bord. Tandis que le Mont-Blanc brûle et que les minutes s’écoulent, Vincent Coleman demeure à son poste, tapant un message télégraphique, avertissant les gares de train en amont d’empêcher tout train d’entrer à Halifax. « Navire de munitions en feu. Dérive vers le quai n° 6. Au revoir. » Vincent Coleman et William Lovett sont tous deux tués dans l’explosion.

Le train en provenance de Saint John est finalement sauvé, non à cause du message de Vincent Coleman, mais parce que le train était en retard et n’est jamais parvenu à l’extrémité nord de la ville. Toutefois, le message de Vincent Coleman, qu’il parvient à envoyer dans les dernières minutes de sa vie, est l’une des premières alertes reçues par le monde extérieur au sujet de la catastrophe de Halifax.

Explosion et tsunami

Le Mont-Blanc explose à 9 h 4 min 35 s, envoyant une onde de choc dans toutes les directions, suivie d’un tsunami qui déferle violemment sur les rives de Dartmouth et de Halifax. Plus de 2,5 km2 de Richmond sont complètement rasés, soit par l’explosion, par le tsunami, ou par les incendies de structures causés par les bâtiments qui se sont effondrés vers l’intérieur sur les lanternes, les fours et les fournaises.

Des maisons, des bureaux, des églises, des usines, des navires (incluant le Mont-Blanc), la gare de train et les gares de marchandises, en plus des centaines de personnes se trouvant dans les environs immédiats, sont pulvérisés sur-le-champ. Plus loin de l’épicentre de l’explosion, la citadelle de Halifax fait dévier les ondes de choc et protège ainsi les secteurs sud et ouest de la ville, où des vitres fracassées et des portes enfoncées sont les principaux dommages.

L’explosion brise des fenêtres à Truro, situé à 100 km de là, et est entendue jusqu’à l’Île-du-Prince-Édouard. L’équipage du bateau de pêche Wave, occupé à travailler au large de la côte du Massachusetts, affirme même avoir entendu le grondement de l’explosion à travers l’océan.

L’écrivaine Laura Mac Donald décrit la férocité de l’explosion dans son livre Curse of the Narrows :

« L’air de l’explosion a soufflé dans les rues étroites, renversant les bâtiments et s’écrasant dans les portes, les fenêtres, les murs et les cheminées avant de ralentir pour atteindre 750 miles à l’heure, soit 5 miles sous la vitesse du son. La déflagration a écrasé les organes internes, a fait exploser les poumons et les tympans des personnes qui se trouvaient près du bateau, et la majorité d’entre eux sont morts sur le coup. Elle a soulevé les autres pour les projeter contre des arbres, des murs, et des lampadaires avec suffisamment de force pour les tuer. Des toits et des plafonds se sont effondrés sur leurs propriétaires. Des planchers sont tombés dans les sous-sols, emprisonnant les familles sous des tas de bois, de poutres, et de meubles. Le danger était particulièrement redoutable pour ceux qui se trouvaient près du port, parce qu’une boule de feu, invisible à la lumière du jour, a jailli sur une zone de 1 à 4 miles entourant le Mont-Blanc. Les demeures de Richmond ont pris feu comme si elles étaient faites de petit bois. Dans les maisons qui ont été capables de résister à l’explosion, les fenêtres se sont tendues vers l’intérieur à leur pleine capacité jusqu’à ce que la vitre se brise autour de son point le plus faible, envoyant une pluie d’éclats de verre acérés couper les rideaux, le papier peint et les murs. Le verre n’a épargné personne. Certaines personnes ont été décapitées sur place, d’autres ont été sauvées par la chute d’un lit ou d’une étagère… De nombreux autres, qui avaient les yeux rivés sur l’incendie quelques secondes auparavant, se sont réveillés et ont constaté qu’ils avaient perdu la vue. »


L’explosion pulvérise des sections du Mont-Blanc vers le haut sous la forme d’une immense boule de feu. La grande tige de l’ancre du navire est projetée à travers la ville et survole le Northwest Arm, à près de 4 km de là, où elle se trouve encore. L’ Imo est projeté comme un jouet sur la rive de Dartmouth. Pendant ce temps, des fragments de métal brûlant du Mont-Blanc s’abattent sur Halifax, accompagnés d’une pluie noire de particules de carbone.

Plusieurs personnes sont elles aussi propulsées dans les airs. L’endroit où ils atterrissent ainsi que la manière déterminent en grande partie s’ils survivent ou non. Charles Mayers, troisième officier du vaisseau Middleham Castle, est soulevé par le souffle de l’explosion et retombe à près d’un kilomètre de son navire, atterrissant sur le toit de Fort Needham Hill, dans Richmond. « J’étais trempé quand je suis tombé », déclare-t-il. « Je n’avais pas de vêtements quand j’ai repris connaissance, à l’exception de mes bottes. Près de moi se trouvait une petite fille, et je lui ai demandé où nous étions. Elle pleurait et elle m’a répondu qu’elle ne savait pas où nous étions. Des hommes m’ont donné un pantalon et un imperméable. »

Le saviez-vous?
Les victimes de l’explosion incluaient des marins du NCSM Niobe, l’un des deux premiers navires de guerre de la Marine royale canadienne. Le capitaine du Niobe a envoyé l’équipe de la pinasse à vapeur (faisant partie de la drôme du navire), constituée de sept volontaires, pour aider le Mont-Blanc. Lorsque ce dernier a explosé, la pinasse à vapeur du Niobe et son équipage ont été pulvérisés en pièces. L’explosion a gravement endommagé le Niobe, mais il a été réparé et a continué à servir de navire de dépôt pendant encore quelques années.


Mort et destruction

Les quartiers nord de Halifax et de Dartmouth subissent le plus gros des dommages. Le nord de Dartmouth n’est pas encore très développé, mais la communauté micmaque de Turtle Grove, où des familles micmaques vivent depuis des générations, est complètement détruite; les maisons de Turtle Grove qui ne sont pas anéanties par l’onde de choc sont rapidement submergées par le tsunami.

L’explosion d'Halifax

Richmond est une scène apocalyptique : les arbres et les poteaux téléphoniques sont cassés, les maisons sont transformées en tas d’éclats de bois, ou fendues en deux, partiellement effondrées, ou incendiées. Sur le front de mer, les gares de triage sont détruites, de même qu’une série de grands quais qui s’avançaient précédemment dans le port. Même les plus gros bâtiments de pierre ou de béton, comme la Richmond Printing Company, sont réduits en ruines. Des survivants hagards, dont plusieurs sont blessés ou sévèrement ébranlés, errent ou rampent parmi les décombres, tentant de comprendre ce qui vient de se produire.

Partout à Halifax, on entend des histoires de survies miraculeuses. Et également des histoires de tragédies. Plusieurs enfants sont tués alors qu’ils marchent vers l’école ce matin-là, ou ils sont aveuglés par des éclats de verre. Ceux qui survivent à l’explosion se rendent en trébuchant à leur maison, mais la trouvent réduite en cendres, ou trouvent leurs parents morts ou blessés parmi les décombres.

Près de 1600 personnes meurent sur le coup, incluant des centaines d’enfants. Environ 400 autres meurent des suites de leurs blessures au cours des jours qui suivent. L’explosion et les projections de débris ont décapité certains des citoyens, ont arraché des membres à d’autres, et ont causé un large nombre de brûlures, de fractures et de plaies ouvertes. Les registres de la morgue de 1918 indiquent que 1631 personnes sont mortes ou portées disparues, le tiers de celles-ci étant âgées de moins de 15 ans. En 2004, le nombre de morts est réévalué à 1946.

Neuf mille autres personnes sont blessées, incluant des centaines qui se retrouvent aveugles ou partiellement aveugles à cause des éclats de verre (Voir aussi Explosion de Halifax et INCA.)

Plus de 1500 bâtiments sont détruits, et 12 000 sont endommagés. Environ 25 000 personnes se retrouvent sans domicile ou sans un abri convenable après l’explosion, un problème aggravé par le blizzard qui frappe Halifax le lendemain. Le coût total des dommages s’élève à près de 35 millions de dollars.

Secours

L’administration civile de Halifax est mal équipée pour faire face à la catastrophe. Avant l’explosion, les services sociaux sont peu nombreux, et ils sont principalement offerts par des organismes de charité privés, et non par le gouvernement. Le maire de la ville est absent au moment de l’explosion, de sorte que la direction de la réponse immédiate revient au maire adjoint, Henry Colwell. Il n’a lui-même à sa disposition qu’un petit corps de pompiers et de policiers, et pour aggraver les choses, Edward Condon, le chef des pompiers, est tué lors de l’explosion, et le seul camion-pompe de la ville est détruit.

Malgré ces obstacles, Halifax peut compter sur le soutien de légions de militaires entraînés qui se trouvent heureusement sur les lieux, fournissant une main-d’œuvre prête et organisée pour apporter de l’aide et établir un semblant d’ordre. La réponse militaire comprend des équipages de navires de guerre qui ont survécu à l’explosion ou qui arrivent dans le port au cours des jours suivants pour participer aux opérations de sauvetage et de secours. De nombreuses victimes blessées ou sans abri reçoivent des soins médicaux et un abri à bord des navires canadiens, américains ou autres dans le port.

Le saviez-vous?
Le docteur Clement Ligoure a été le premier médecin noir de Halifax ainsi que le héros méconnu de l’explosion de Halifax, car il a traité gratuitement des centaines de patients dans son cabinet médical à domicile.



De partout à Halifax, les survivants se précipitent à Richmond pour venir en aide aux familles prises au piège dans les décombres, pour transporter des résidents blessés ou sous le choc en lieux sûrs, pour distribuer des vêtements et pour nettoyer les routes des débris. Des commerces locaux font des dons de fournitures et mobilisent des équipes de travail dans l’immédiat suivant la catastrophe. La prison de Rockehead, sur Gottingen Street, est transformée en abri temporaire pour ceux ayant perdu leur demeure. Comme les entrepreneurs de pompes funèbres de la ville sont submergés par le nombre de morts, la Chebucto Road School, située juste en dehors de la zone de l’explosion, sert de morgue. Pendant ce temps, les fonctionnaires de la ville mettent rapidement sur pied des comités responsables de fournir de la nourriture, des abris, et des transports d’urgence qui servent à la fois à amener les blessés à l’hôpital et à emmener les travailleurs humanitaires dans les zones dévastées. L’armée reçoit les pouvoirs d’urgence pour réquisitionner des automobiles, contrôler toute tentative de pillage, et réguler tous mouvements à l’intérieur comme à l’extérieur de Richmond.

Plan montrant la zone dévastée d’Halifax, en Nouvelle-Écosse

Des travailleurs de l’aide humanitaire et des fournitures de secours affluent rapidement à Halifax en provenance de pratiquement toutes les communautés de Nouvelle-Écosse. L’explosion fait également les manchettes partout dans le monde. Des trains de partout dans les Maritimes, dans le centre du Canada et dans la Nouvelle-Angleterre apportent bientôt de l’aide médicale, transportant des médecins, des infirmières, de la nourriture, des vêtements, des matériaux de construction et des travailleurs qualifiés. D’énormes volumes de secours et d’assistance, organisés dans la ville voisine de Boston, et fournis par le Massachusetts-Halifax Relief Committee sont particulièrement remarquables. De nombreux professionnels de la santé venus du Canada et des États-Unis sont ensuite hantés par l’horreur des blessures qu’ils traitent, surtout celles des enfants.

Des fonds sont recueillis grâce à des recours spéciaux pour Halifax, dans des villages et des villes, et auprès de gouvernements à travers le monde entier, jusqu’en Australie (dont le gouvernement national donne 250 000 $). Les fonds donnés par les gouvernements, les industries et les particuliers dépassent éventuellement les 20 millions de dollars et sont distribués de 1918 à 1976 par la Commission de secours d’Halifax, créée par le gouvernement fédéral pour superviser les réclamations pour pertes et dommages, le relogement et la réhabilitation des victimes de l’explosion. La Commission est responsable de la plupart des domaines des travaux de secours et de reconstruction. Elle offre des soins médicaux et psychologiques continus, elle paye les frais pour les soins, le transport et la subsistance des survivants démunis en espèce, elle fournit de l’aide ménagère pour les parents veufs qui doivent retourner travailler, ou elle fournit de l’argent aux personnes dont les blessures les empêchent de reprendre le travail. La Commission supervise également la reconstruction de la ville, y compris le premier projet de construction de logements sociaux au Canada, le district Hydrostone, à Richmond. Elle devient plus tard une commission de pensions responsable de distribuer des fonds aux personnes handicapées.

Enquête et poursuites

Les survivants de Halifax sont en colère, ils exigent des réponses, et des boucs émissaires, à la suite de la tragédie. Au départ, des rumeurs selon lesquelles des saboteurs allemands auraient orchestré l’explosion émergent. Toutefois, une enquête judiciaire, fortement influencée par les tactiques agressives de Charles Burchell, avocat engagé pour représenter les propriétaires du Imo, porte rapidement le blâme sur trois hommes : Aimé Le Médec, le capitaine du Mont-Blanc, Francis Mackey, le pilote du Mont-Blanc, un habitué du port de Halifax, et F. Evan Wyatt, l’officier de marine aux commandes du port. (La majorité de l’équipage du Imo, y compris son pilote, William Hayes, a perdu la vie dans l’explosion.) Le 4 février 1918, Arthur Drysdale, le juge de la Nouvelle-Écosse qui préside l’enquête, déclare le Mont-Blanc seul responsable du désastre.

Avec l’approbation de plusieurs Haligoniens, Aimé Le Médec, Francis Mackey et F. Evan Wyatt sont arrêtés et accusés d’homicide involontaire. Malgré plusieurs tentatives de poursuites, les charges sont abandonnées, faute de preuves.

En 1919, les conclusions de l’enquête font l’objet d’un appel devant la Cour suprême du Canada, qui déclare que le Mont-Blanc et l’Imo sont tous deux également coupables. Ce verdict est soutenu par le Comité judiciaire du Conseil privé à Londres, qui est à l’époque la plus haute cour d’appel pour le Canada.

En fin de compte, personne n’est officiellement condamné pour les erreurs de jugement ayant mené à l’explosion. Aimé Le Médec retourne en France, où il poursuit sa carrière de marin; F. Evan Wyatt est envoyé ailleurs par la Marine; et Francis Mackey demeure à Halifax, où il se remet à travailler comme pilote de port, malgré les difficultés auxquelles il fait face au milieu de la colère et de la méfiance du public.

En 1958, Francis Mackey déclare à la radio de la CBC : « [L’Imo] est arrivé du mauvais côté. Il a enfreint les règles, il est arrivé du mauvais côté face à un navire à vapeur, et du mauvais côté des Narrows, puis il a descendu les Narrows encore du mauvais côté et a frappé mon navire… Aucun navire n’était autorisé à sortir du port pendant qu’un autre y entrait. J’avais la priorité de passage, mais l’autre navire s’est avancé quand même. »

Souvenirs et commémorations

Pendant des décennies, les souvenirs de l’explosion persistent parmi les survivants qui en ont été témoins, et plusieurs d’entre eux partagent leurs histoires de cette journée terrifiante. Un des derniers témoins survivants était Kaye McLeod Chapman, qui n’avait que cinq ans lors des événements. Malgré la destruction de sa maison et de son quartier, Kaye McLeod Chapman a attribué sa survie au fait qu’elle tenait une bible et un livre de cantiques chrétien dans ses mains lors de l’explosion, alors qu’elle jouait à prétendre être à l’école du dimanche avec ses poupées. Demeurée profondément religieuse tout au long de sa vie, Kaye McLeod Chapman est décédée au Nouveau-Brunswick en octobre 2017 à l’âge de 105 ans.

Il existe de nombreuses plaques, des marqueurs, des morceaux d’épaves de l’explosion incrustés, et des pierres tombales dispersées un peu partout dans Halifax pour commémorer le désastre. L’un des rappels les plus frappants est le célèbre quartier Hydrostone, qui se trouve dans l’extrême nord autrefois dévasté par l’explosion, et qui est constitué d’une série d’immeubles à logements construits de briques hydrostones pour offrir des logements aux victimes ayant perdu leur demeure. L’ancien nom du quartier, Richmond, est maintenant presque oublié.

Près de Hydrostone se trouve le parc de Ford Needham, une colline couverte d’herbe dont le sommet est orné d’un monument de béton, où chaque année, le 6 décembre, les gens se rassemblent, près des Narrows, pour entendre la sonnerie des carillons à la mémoire des victimes du désastre. Un plus petit monument commémoratif de l’explosion se trouve également au cimetière de Halifax Fairview. Les tombes des victimes sont dispersées dans Fairview et dans d’autres cimetières à travers la ville.

L’un des plus poignants rappels de la tragédie et de l’aide apportée ensuite est le grand arbre de Noël coupé chaque année dans une forêt de la Nouvelle-Écosse et érigé dans le centre de Boston, un cadeau de remerciement de la part des habitants de Halifax envers la ville qui leur a fourni un soutien et un secours essentiels à la suite de l’explosion.

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