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Édition de langue anglaise

Dans les premiers temps, de sérieux obstacles nuisent au développement d'une industrie du livre au Canada. Dans un pays aussi vaste, peu peuplé et dont la population est disséminée, la distribution s'avère difficile et coûteuse.

Édition de langue anglaise

Dans les premiers temps, de sérieux obstacles nuisent au développement d'une industrie du livre au Canada. Dans un pays aussi vaste, peu peuplé et dont la population est disséminée, la distribution s'avère difficile et coûteuse. Les concurrents américains, qui ne sont pas liés par les lois britanniques sur les droits d'auteur, inondent souvent le marché d'éditions importées et à bas prix. De plus, les auteurs canadiens à succès font publier leurs livres par de grandes sociétés étrangères et évitent ainsi les stigmates de l'imprimatur colonial. Après 1890, les éditeurs britanniques et américains les plus importants établissent des filiales au Canada et presque tous les bénéfices sont envoyés au siège social. Le rôle de ces filiales consiste à représenter les éditeurs étrangers et à promouvoir leurs éditions au détriment des premières publications canadiennes. Finalement, les éditeurs canadiens ne peuvent ni obtenir de droits internationaux ni retirer de bénéfices sur des droits subsidiaires : ils sont de ce fait contraints de limiter leurs affaires au Canada.

À l'époque coloniale, il n'y a pas de distinction bien établie entre imprimer et publier. Les premiers imprimeurs jouent aussi le rôle d'éditeurs, de diffuseurs, de papetiers et de libraires. William Brown et Thomas Gilmore, qui fondent la première imprimerie à Québec en 1764, publient le premier journal de la province, La Gazette de Québec/Quebec Gazette et aussi leurs premiers livres, comprenant un abécédaire, des ouvrages de droit de F.J. Cugnet, un livre de catéchisme de 180 pages et Abram's Plains, un poème de Thomas Cary.

Hugh C. Thomson, de Kingston, continue la publication du journal puis édite deux ouvrages de poésie et un roman en deux tomes, St. Ursula's Convent (1824) de Julia Catherine HART, le premier roman publié par un auteur canadien. John Neilson, de Québec, publie History of Canada: from its Discovery, to the Peace of 1763 (1826). Puis Joseph HOWE, d'Halifax, édite le premier grand écrivain de l'Amérique du Nord britannique, Thomas C. HALIBURTON, dont The Clockmaker (1836) se vend rapidement et bat des records de ventes internationales. Malheureusement, cet ouvrage est piraté à Londres, à Philadelphie et à Paris. Howe prétend qu'il n'a retiré de ce livre que de maigres profits.

Vers 1851, il existe quelques imprimeurs-éditeurs à Montréal et à Toronto, et l'édition prend son essor grâce à une curiosité naissante pour l'histoire du Canada. L'Histoire du Canada en quatre volumes de F.-X. GARNEAU est diffusé à Québec entre 1845 et 1852 et provoque la réplique conservatrice de Robert Christie avec History of the Late Province of Lower Canada (1848-1855) en six volumes publiés par Thomas Cary Jr et John Lovell. Puis John Mercier McMullen, de Brockville, compile et publie seul History of Canada (1855), qui se vend bien pendant plus de 20 ans.

John Lovell & Son est la maison d'édition la plus prospère du XIXe siècle. Lovell inaugure la Literary Garland en 1838 et publie, entre autres, William KIRBY, Michel Bibaud, Charles SANGSTER, Rosanna LEPROHON, Catharine Parr TRAILL ainsi que des traductions de F.-X. Garneau. Son homologue, l'imprimeur Georges Maclean Rose, avec le comptable Robert Hunter, fonde Hunter, Rose and Co à Québec, en 1861. Ils s'établissent à Ottawa en 1865 puis à Toronto en 1871.

Rose s'associe pour quelque temps à Alexander Belford qui pirate avec succès des auteurs américains et inonde le marché des États-Unis d'éditions bon marché comme celle de Tom Sawyer de Mark Twain. Rose et Belford publient Rose-Belford's Canadian Monthly (1878-1882), suite du Canadian Monthly (1872-1878) et poursuivent le piratage. Rose fait paraître deux volumes de Cyclopedia of Canadian Biography (1886-1888). En 1891, une nouvelle loi américaine sur les droits d'auteur et, par la suite, l'accord anglo-américain sur les droits d'auteur mettent fin au plagiat aux États-Unis et au Canada.

Dans les années 1890, la maison d'édition canadienne la plus importante est la Methodist Book and Publishing House. Elle prend le nom de RYERSON PRESS après 1919, en l'honneur du premier directeur des publications méthodistes, Egerton RYERSON. Fondée en 1829, cette maison d'édition publie des livres de piété et quelques ouvrages techniques, puis est reprise en 1879 par le révérend William Briggs. Celui-ci développe l'édition d'ouvrages techniques et publie 37 nouveaux livres seulement pendant l'année 1897.

Il présente beaucoup de grands auteurs canadiens comme Kirby, Traill, Nellie MCCLUNG, Charles G.D. ROBERTS, J.W. BENGOUGH, Charles MAIR, Isabella Valancy CRAWFORD, Robert W. SERVICE et Pauline JOHNSON. La société des méthodistes publie les premiers romans de Ralph Connor (Charles W. GORDON) pour la Westminster Press. Malgré la vente des livres de Connor par millions d'exemplaires en dehors du Canada, la diffusion des livres étrangers est un procédé déjà bien établi, car il est source de profits.

Les manuels scolaires prennent aussi de l'importance. Les premiers viennent surtout des États-Unis mais, en 1846, paraissent 31 livres, choisis parmi la collection « Irish National School ». Cette collection est utilisée pendant des dizaines d'années. Toutefois, existent aussi des collections canadiennes : celle de John Lovell, « Series of School Books » (1858), composée de textes canadiens et celle de James Campbell, « Canadian National Series » constituée d'un choix de livres canadiens et britanniques. Lors de la publication de Ontario Readers (1884), Thomas Nelson, Edinburgh, William J. Gage et peu après Copp Clark s'emparent de l'ensemble du marché du manuel scolaire. Les éditions canadiennes de manuels étrangers représentent encore aujourd'hui une branche importante de l'industrie du livre.

Plus d'une douzaine de maisons d'édition sont fondées entre 1876 et 1913, époque de véritable expansion dans tous les domaines, dont Musson Book Co (1894), G.N. Morang (1897), McLeod & Allen (1901), University of Toronto Press (1901), Oxford University Press (1904), John C. Winston (1904), Macmillan Co of Canada Ltd. (1905), McClelland and Goodchild (1906, nommée plus tard MCCLELLAND AND STEWART INC.), Cassell and Co Ltd. (1907), J.M. Dent and Sons (1913) et Thomas Nelson and Sons Ltd. (1913).

Bon nombre de ces sociétés établies au Canada sont des filiales de maisons d'édition américaines ou britanniques, et tous les éditeurs canadiens sont les représentants de ces sociétés. C'est à cette époque que paraissent trois grands ouvrages qui marquent l'édition de livres d'histoire et de biographies canadiennes : THE MAKERS OF CANADA, 20 vol. (Morang, 1903-1908), Chronicles of Canada, 32 vol. (Glasgow, Brock and Co, 1914-1916) et le monumental CANADA AND ITS PROVINCES: A HISTORY OF THE CANADIAN PEOPLE AND THEIR INSTITUTIONS, 23 vol. (Glasgow, Brock and Co, 1914-1917).

L'édition connaît un grand essor après la Première Guerre mondiale qui fournit la matière de livres très prisés sur les grands événements récents et sur leurs acteurs. Les poèmes patriotiques, en particulier In Flanders Fields (1919) de John MCCRAE et des récits comme Winged Warfare (1918) de Billy Bishop, sont très populaires.

Pendant les années 20, l'édition subit une crise causée par la surproduction, mais, en même temps, apparaissent trois éditeurs importants : Lorne PIERCE, Hugh Eayrs et John McClelland. Selon Pierce, devenu chef de rédaction chez Ryerson Press en 1920, le nouveau sentiment d'identité national créé par l'effort de guerre du Canada peut être canalisé vers un renouveau littéraire. Il édite une nouvelle anthologie et, en 1923, Makers of Canadian Literature, en plusieurs volumes (12 seulement paraissent), puis il compile An Outline of Canadian Literature (1927).

En 1921, Eayrs est nommé président de Macmillan (une société britannique). Il favorise les écrivains canadiens, en particulier Mazo DE LA ROCHE et Morley CALLAGHAN. McClelland publie plus d'auteurs canadiens que l'ensemble des autres éditeurs. Pendant les années 20, deux éditeurs font aussi une brève carrière en dehors de Toronto. À Ottawa, Graphic Publishers, lancée en 1924 par l'imprimeur Henry C. Miller, édite environ 34 ouvrages avant de faire faillite en 1932, et Louis Carrier fonde sa maison d'édition à Montréal en 1927. Elle ferme ses portes peu de temps après.

La Crise des années 30 entraîne des réductions de salaire, et les maisons d'édition d'origine canadienne enregistrent une baisse d'activité soudaine, tandis que les auteurs populaires étrangers sont favorisés. Néanmoins, Clarke Irwin and Co est fondée en 1930, d'abord comme agence. Elle devient plus tard une maison d'édition importante et publie pendant ces années plusieurs nouveaux auteurs canadiens dont Hugh MACLENNAN et Sinclair ROSS.

Après une brève reprise à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, la crise de l'industrie du livre se poursuit jusqu'aux années 50. Le marché canadien est inondé d'éditions de poche provenant de Grande-Bretagne et des États-Unis, et le nombre des filiales britanniques et américaines augmente. Néanmoins, l'édition connaît une croissance spectaculaire grâce aux manuels destinés à un nombre grandissant d'étudiants.

McClelland and Stewart devient le foyer d'une véritable renaissance de la littérature canadienne avec Irving LAYTON, Leonard COHEN, Mordecai RICHLER, Margaret ATWOOD, Al PURDY et bien d'autres. M & S entreprend d'éditer une nouvelle histoire du Canada en 18 volumes, Canadian Centenary Series, ainsi que des auteurs à succès comme Pierre BERTON et Farley MOWAT. Jack MCCLELLAND lance avec succès sur le marché international de nombreux BEST-SELLERS DE LANGUE ANGLAISE canadiens comme Comfortable Pew (1965) de Berton et fait réimprimer les collections des « New Canadian Library » (1958) et « Carleton Library » (1963).

La plus grande partie de l'industrie du livre est concentrée en Ontario, en particulier à Toronto, et au Québec, mais, pendant les années 60 et 70, de nombreuses maisons d'édition font leur apparition dans différentes villes du Canada : Oberon (Ottawa), Harvest House (Montréal), Fiddlehead Books (Fredericton), Douglas & McIntyre (Vancouver), Western Producer Prairie Books (Saskatoon), Breakwater (St. John's), Hurtig (Edmonton), Talonbooks (Vancouver) ainsi que James Lorimer, Anansi, Lester & Orpen Dennys, New Press, Peter Martin et Women's Press (Toronto) (voir ÉDITION, PETITES MAISONS D').

De 1969 à 1985, le revenu des ventes de l'industrie canadienne du livre est passé de 222 millions de dollars à 1,4 milliard de dollars. Cependant, les difficultés financières de l'édition sont largement connues, car certaines d'entre elles reviennent de façon chronique. Le marché du livre canadien de langue anglaise est relativement limité et doit faire face à la forte concurrence des livres américains et britanniques. À cause de l'augmentation des frais, les possibilités d'un éditeur d'imprimer et de vendre à profit 5 000 à 10 000 exemplaires d'un livre canadien sont de moins en moins certaines.

En 1970, de nombreuses compagnies canadiennes vivent dans une situation critique. La vénérable Ryerson Press, endettée de 2,8 millions de dollars, est alors vendue à McGraw-Hill (société américaine). L'Ontario Royal Commission on Book Publishing, présidée par Richard ROHMER, avocat et écrivain, est fondée pour étudier la situation de l'industrie du livre. Le gouvernement ontarien instaure pour les éditeurs canadiens un système de garanties d'emprunt, recommandé par la Commission même si beaucoup d'autres recommandations ne sont pas suivies. Cependant, les garanties ne sauvent pas Clarke Irwin and Co qui est mise sous séquestre en 1983. L'affaire est toutefois reprise par la suite par John Irwin.

Même à l'époque où ils sont les plus prospères et les plus indépendants, presque tous les éditeurs canadiens, pour survivre, sont contraints de vendre des livres étrangers. Depuis les années 50, les sociétés canadiennes ont de moins en moins la possibilité de pratiquer ce commerce intermédiaire, étant donné qu'un nombre croissant d'éditeurs étrangers établissent leurs propres filiales au Canada.

En 1985, éditeurs et diffuseurs des filiales étrangères comptent pour 60 p. 100 du revenu des ventes de l'industrie du livre. Malheureusement, cette expansion équivaut à écumer les profits. Les filiales étrangères génèrent des profits grâce aux livres importés et laissent la publication des nouveaux ouvrages canadiens aux sociétés canadiennes qui sont déjà affaiblies financièrement et qui vont donc s'endetter davantage. Les éditeurs canadiens publient tout de même plus de 80 p. 100 des nouveaux ouvrages d'auteurs canadiens (4105 sur 5135 en 1985).

En 1985, les filiales étrangères effectuent 60 p. 100 de toutes les ventes, mais seulement 20 p. 100 des ventes des nouveaux livres de littérature canadienne anglaise. Les éditeurs des filiales étrangères qui se lancent dans la publication de livres canadiens publient surtout des manuels scolaires : le marché comporte moins de risques, et la politique des gouvernements provinciaux favorise les manuels d'auteurs canadiens. Ils publient également des ouvrages techniques.

Il n'est pas facile de dissocier les problèmes que pose la domination étrangère des difficultés de l'édition en général. Les gouvernements ne savent guère comment procéder. Il existe des programmes, presque dans chaque province, dont le budget est parfois modeste, parfois élevé, qui sont destinés à soutenir l'industrie du livre. La plupart d'entre eux comportent pour l'éditeur canadien certaines conditions d'admissibilité, stipulant que les compagnies étrangères doivent vendre essentiellement des livres étrangers et renvoyer la plupart des bénéfices au siège social. S'il n'y a pas d'éditeurs canadiens, les auteurs canadiens auront moins de possibilités d'être publiés, et les gouvernements provinciaux ne pourront disposer des manuels nécessaires à leurs programmes d'études.

Le gouvernement fédéral apporte son appui aux éditeurs canadiens en créant le Programme d'aide au développement de l'industrie de l'édition (élaboré en 1979-1980 et géré par le ministère des Communications), le CONSEIL DES ARTS DU CANADA et le CONSEIL DE RECHERCHES EN SCIENCES HUMAINES DU CANADA. En évoquant la souveraineté canadienne en ce qui concerne la publication des JOURNAUX et des MAGAZINES, le gouvernement fédéral affirme en 1979 que son objectif est d'amener agences et éditeurs canadiens à jouer un rôle prédominant dans les deux langues sur le marché national. En 1986-1987, 11 millions de dollars sont versés aux éditeurs.

Entre-temps, le marché des manuels se fragmente. Le gouvernement de l'Ontario, par exemple, supprime les fonds réservés à l'achat de manuels. Il offre plus de cours avec des effectifs plus faibles et approuve l'utilisation d'un grand nombre de textes pour chaque cours. Mais, en principe, les divers gouvernements provinciaux continuent d'exiger que leurs écoles disposent de manuels canadiens. Il reste que les maisons d'édition canadiennes continuent de mener une existence précaire pour diverses raisons : la pratique traditionnelle de la vente des livres aux librairies, surtout celle qui permet que l'on puisse renvoyer à l'éditeur un nombre presque illimité de livres invendus; la faiblesse des CLUBS DU LIVRE et la domination étrangère; la distribution massive des livres de poche; et enfin, le peu d'empressement des banques canadiennes à prêter aux éditeurs.

Les Canadiens de langue anglaise ne manquent pas de livres. Quelque 75 000 ouvrages sont publiés chaque année aux États-Unis et en Grande-Bretagne, et le lecteur n'a que l'embarras du choix. Néanmoins, l'industrie du livre demeure sous l'emprise des sociétés étrangères qui ne consacrent qu'une faible part de leurs bénéfices à la publication d'auteurs canadiens. De ce fait, la culture canadienne et son expression, domaines cruciaux s'il en est, demeurent des plus incertaines. Voir aussi AUTEURS ET MILIEUX DE L'ÉDITION; POLITIQUE CULTURELLE.

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