Recensement canadien | l'Encyclopédie Canadienne

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Recensement canadien

Un recensement est un dénombrement de la population d’une région donnée. Au Canada, il existe deux types de recensements : le recensement de la population et le recensement de l’agriculture. Ils sont tous deux menés tous les cinq ans par Statistique Canada, un ministère du gouvernement fédéral. Le plus large recensement des deux, le recensement de la population, rassemble des informations démographiques. Ces informations incluent le lieu de résidence des personnes, leur âge, leur sexe, leur état matrimonial et leur ethnicité. Le gouvernement fédéral utilise ces données pour établir les limites des circonscriptions électorales, pour effectuer des paiements de transfert fédéraux (fonds versés aux provinces) et pour superviser divers programmes sociaux et politiques (par exemple, le Régime de pensions du Canada, les soins de santé et l’éducation). De plus, les données sont accessibles aux organisations non gouvernementales et au grand public. Certaines données plus anciennes sont également accessibles aux personnes intéressées par la recherche généalogique.

Jean Talon

Recensements coloniaux

Le premier recensement colonial au Canada est effectué entre 1665 et 1666. Il est mené par Jean Talonintendant de la  Nouvelle‑France, sous l’ordre de Louis XIV. Le recensement enregistre le nom, l’âge, le sexe, l’occupation, l’état matrimonial et la relation avec le chef de famille de chaque répondant. C’est Jean Talon lui‑même qui recueille la majorité de ces informations en visitant les colons dans toute la colonie.

Le saviez-vous ?
Le premier recensement de Jean Talon a révélé que la Nouvelle‑France comptait 3 215 habitants, avec près de deux fois plus d’hommes que de femmes (2034 hommes contre 1181 femmes). Afin d’accroître la population, 900 femmes célibataires, connues comme les Filles du roi, sont arrivées de la France entre 1665 et 1673. Suite au recensement de 1671, Jean Talon a annoncé avec joie les résultats au roi. « Par l’envoi que Sa Majesté [Louis XIV] a fait des filles qui y sont passées de France […], le nombre des colons a si fort augmenté que dans le recensement que je fis en 1671, je trouvai […] sept cents enfants nés dans l’année […]. »

En incluant le recensement de 1665 — 1666, on compte 98 recensements ayant eu lieu avant le premier recensement national du Canada, en 1871. Certains de ces recensements documentent des régions particulières, comme Terre‑Neuve et l’ Acadie et, plus tard, le Haut‑Canada et le Bas‑Canada. D’autres recensent l’ensemble de la colonie. Les premiers recensements évaluent principalement la capacité de la population en matière d’impôts et de service militaire. Le dénombrement du nombre de ménages indique combien de ceux-ci sont imposables. Un dénombrement du nombre d’hommes adultes permet de déterminer qui peut être enrôlé pour le service militaire. En plus de ces questions démographiques habituelles, certains recensements posent différentes questions selon les besoins de la colonie. Par exemple, à partir de 1667, la plupart des recensements posent des questions sur l’agriculture, incluant le nombre d’animaux d’élevage (bétail) et de terres déboisées.

Le dernier recensement sous le régime français est fait en 1739. Lorsque les Britanniques prennent le contrôle du territoire en 1763, la qualité et la quantité des recensements diminuent. Seuls trois recensements sont effectués (en 1765, 1784 et 1790) dans la province de Québec avant la fin du siècle. Le Haut‑Canada effectue des recensements annuels de 1824 à 1842. Cependant, ils sont moins fréquents dans le Bas‑Canada, en Nouvelle‑Écosse et au Nouveau‑Brunswick. En 1831, un recensement est mené à Assiniboia, marquant ainsi le premier recensement effectué dans une région qui fera éventuellement partie de l’Ouest canadien. Les recensements à Assiniboia continuent à être faits environ tous les trois ans, de 1834 à 1856.

En 1840, l’Acte d’Union remplace les législatures du Haut‑Canada et du Bas‑Canada, et crée une législature combinée pour la nouvelle province du Canada. Le premier recensement de la province du Canada est fait en 1841–1842 pour le Canada‑Est (aujourd’hui le Québec) et le Canada‑Ouest (aujourd’hui l’Ontario). En 1847, la législature de la Province du Canada promulgue l’Acte pour faire le recensement de cette Province et obtenir des renseignements statistiques en icelles. Cette loi assure la tenue des recensements de 1851 et de 1861, et stipule qu’un recensement doit avoir ensuite lieu tous les dix ans. Le recensement de 1851 inclut le Canada‑Est, le Canada‑Ouest, le Nouveau‑Brunswick et la Nouvelle‑Écosse. L’Île‑du‑Prince‑Édouard s’ajoute à la liste des régions dénombrées en 1861.

Premier recensement national du Canada

Le premier recensement national du Canada est fait en 1871, soit quatre ans après la Confédération. Il compile les données des quatre premières provinces du pays : la  Nouvelle‑Écosse, le Nouveau‑Brunswick, le Québec et l’ Ontario. Comme pour les recensements coloniaux, les recenseurs (autrefois appelés énumérateurs) posent une série de questions aux ménages, au lieu des personnes qui remplissent elles-mêmes les formulaires de recensement. Au total, 211 questions sont posées.

En vertu de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867, la représentation à la Chambre des Communes fédérale doit être basée sur la population. Les données recensées indiquent combien de députés doivent être élus pour chaque région selon le nombre de personnes qui y habitent.

Le premier recensement du Canada en tant que pays composé de dix provinces et des deux territoires (à l’époque, le Nunavut fait toujours partie des Territoires du Nord‑Ouest) a lieu en 1951, alors que Terre‑Neuve s’est joint la Confédération en 1949.


Census of 1871 (English)


Création de Statistique Canada

En 1905, la demande constante de données démographiques mène à la création d’un bureau permanent de recensement et de statistiques, sous l’égide du ministère de l’Agriculture. Le ministère de l’Agriculture a été responsable des statistiques, de l’immigration, et de la santé publique à divers moments au cours des décennies qui ont suivi la Confédération. Suite aux recommandations d’une commission d’examen de 1912, le Bureau du statisticien fédéral est créé en 1915. Par la suite, le gouvernement forme le Bureau fédéral de la statistique en 1918. En 1971, son nom est changé pour Statistique Canada.

Types de recensement

Recensement de la population

Depuis 1971, le recensement de la population comprend deux parties : le formulaire abrégé et le formulaire long. De nos jours, le formulaire abrégé recueille les informations d’environ 75 % de la population canadienne, tandis que le formulaire long est distribué à 25 % des ménages. Le questionnaire plus court se limite aux questions sur l’âge, le sexe, le genre, l’état matrimonial et la langue maternelle. La question sur le genre est nouvelle lors du recensement de 2021. Auparavant, les répondants ne pouvaient s’identifier qu’en tant qu’homme et femme. En comparaison, le recensement de 2021 pose une question sur le sexe à la naissance et une question séparée sur le genre. La question sur le genre permet aux répondants transgenres et non binaires de s’identifier d’une manière qui leur était impossible précédemment.  

Le questionnaire long, qui est beaucoup plus détaillé inclut toutes les questions de la version courte, ainsi que des questions sur l’origine ethnique, la descendance autochtone, les minorités visibles, les changements de résidence, l’éducation, la santé, l’emploi et le lieu de résidence du répondant. Les deux questionnaires sont obligatoires, et sont recueillis tous les cinq ans.

Recensement de l’agriculture

En plus du recensement de la population, un recensement de l’agriculture est également effectué tous les cinq ans. Il est complété par les exploitants agricoles et il comprend des questions sur la taille et l’emplacement de la ferme, sur le type de cultures produites, sur l’utilisation de pesticides, d’irrigation et de fumier, ainsi que sur la valeur des opérations agricoles. Tout comme pour le recensement de la population, il est obligatoire de compléter le recensement de l’agriculture.

Le recensement de l’agriculture commence en 1871, en même temps que le premier recensement national de la population. Tout comme le questionnaire de la population, le recensement de l’agriculture est initialement effectué tous les dix ans. Cependant, la croissance rapide des provinces des Prairies mène à son exécution tous les cinq ans au Manitoba à partir de 1896, puis en Alberta et en  Saskatchewan dès 1906. En 1956, le recensement de l’agriculture commence à être effectué tous les cinq ans, dans toutes les provinces canadiennes.

Sondages complémentaires

Les données de recensement sont complétées et mises à jour grâce à de nombreuses enquêtes permanentes. Certains sondages sont mensuels (par exemple les sondages sur la main-d’œuvre, les industries manufacturières et la distribution du gaz naturel), d’autres sont annuels (par exemple les sondages sur la santé communautaire, les pipelines et les produits de l’érable), et d’autres sont moins fréquents (par exemple les sondages sur les peuples autochtones, menés tous les cinq ans).

De plus, Statistique Canada se base sur la collecte de nombreux dossiers administratifs pour définir les échantillons d’enquête, vérifier l’exactitude des statistiques, la tabulation directe, et d’autres données complétées. Ces dossiers administratifs incluent les statistiques vitales (naissances, décès et mariages), les déclarations fiscales des particuliers et des entreprises, l’immigration, et les rapports sur la santé et le crime.

Annulation et rétablissement du long formulaire

Le 26 juin 2010, le gouvernement conservateur de Stephen Harper annonce que le formulaire long de recensement ne sera pas utilisé en 2011. Ce dernier est remplacé par l’Enquête nationale auprès des ménages (ENM). Le ENM est un questionnaire semblable au formulaire long, mais il peut être rempli sur une base volontaire plutôt qu’obligatoire. Le ENM est envoyé à 30 % des ménages plutôt que 20 % (échantillon utilisé pour le formulaire long du recensement de 2006).

Le gouvernement affirme vouloir respecter le désir de vie privée des Canadiens pour justifier sa décision, malgré la pratique déjà établie de supprimer toute identification personnelle des répondants dans les données du recensement. Cette décision donne lieu à une controverse publique, avec de nombreuses critiques de la part des spécialistes en sciences sociales et d’autres domaines. En 2010, Munir Sheikh donne sa démission en guise de protestation. Les critiques notent que le sondage volontaire signifierait une baisse de la qualité des données, alors qu’une augmentation de l’échantillonnage entraînerait une croissance des coûts.

Lorsque les résultats de l’ENM sont compilés en 2011, le taux de réponse est de 68,6 %. Ce taux est nettement inférieur au 93,5 % obtenu par le formulaire long de 2006. De plus, les coûts administratifs de cette enquête augmentent de 22 millions de dollars.

Le 19 octobre 2015, le gouvernement libéral de Justin Trudeau remplace celui de Stephen Harper. Peu de temps après, le 5 novembre 2015, les libéraux annoncent que le formulaire long sera rétabli pour le recensement de 2016. Ce dernier est mené selon des procédures semblables à celles des recensements de 2006 et des années précédentes.

À quelle fréquence le recensement est-il effectué ?

Le recensement de la population et le recensement de l’agriculture sont effectués tous les cinq ans. Cette fréquence a commencé en 1951. Avant cette date, ils étaient effectués tous les dix ans. Entre 1951 et 1981, les recensements effectués au milieu de la décennie sont plus courts et moins détaillés. Le recensement de 1986 est le premier recensement fait en milieu de décennie qui répète la plupart des questions posées cinq ans auparavant.

Données recueillies

Les recensements au Canada ont recueilli des données différentes à des moments différents. Certaines informations ont toujours été recueillies (par exemple le nombre de personnes dans une région et leur sexe). D’autres catégories de données ont été ajoutées ou retirées, ou dans certains cas, elles ont été élargies pour inclure davantage d’options. Les décisions concernant les questions incluses ou exclues sont basées sur la rétroaction des utilisateurs de ces données et sur les tests effectués auprès du public. Certaines conséquences de ces tentatives bien intentionnées pour améliorer les systèmes de collecte de données du pays ont pour résultat des ruptures dans une série de données historiques. Elles peuvent inclure un manque de comparabilité des données en raison de changements dans les définitions et dans les concepts de base. Ci-dessous se trouvent des exemples des principales composantes du recensement de la population, et la manière dont elles ont évolué avec les années.

Mariage

En 1665, le premier recensement colonial recueille de l’information sur l’état matrimonial dans la section « condition conjugale », une phrase que l’on ne voit généralement pas de nos jours. On demande aux répondants d’indiquer s’ils sont mariés, non ‑mariés (célibataires) ou veufs. Ces options demeurent les mêmes jusqu’au recensement de 1901, lorsque la réponse « divorcé(e) » est ajoutée à la liste de réponses possibles. En 1911, l’option « séparé légalement » est ajoutée. À partir de 1981, un couple hétérosexuel de longue date vivant dans le même ménage peut inscrire son statut comme « conjoint de fait ». Cependant, dans le recensement, ces réponses sont traitées comme étant « marié » lorsque les statistiques sur le mariage apparaissent. En 1991, cette situation change et la relation des conjoints de fait devient une catégorie statistique. Il faut attendre encore dix ans, jusqu’au recensement de 2001, pour que les conjoints de fait de même sexe puissent à leur tour être en mesure de noter leur relation.

Origine ethnique

Les recenseurs commencent à demander aux répondants leur origine ancestrale pour la première fois en 1871. Depuis lors, et à l’exception du recensement de 1891, une question sur l’origine ethnique est incluse dans chaque recensement, bien que sa définition et sa formulation aient changé au fil du temps. Par exemple, avant 1981, les répondants ne sont questionnés que sur leur descendance paternelle. De plus, même si un répondant déclare plusieurs origines, une seule est enregistrée par Statistique Canada. À partir de 1981, le nombre d’origines ethniques que les répondants sont autorisés à inscrire augmente progressivement à chaque recensement, tout comme le nombre d’origines enregistrées. Lors des recensements de 2016 et 2021, les répondants sont invités à lister autant d’origines qu’ils le désirent. En 2021, Statistique Canada fournit une liste de plus de 500 exemples d’origines ethniques et culturelles pour les répondants.

Les données sur l’origine ethnique font face à deux défis majeurs. Le premier défi est la nécessité de continuellement réviser et d’élargir la liste des origines ethniques à mesure que la population canadienne se diversifie. L’autre défi est de reconnaître la fluidité et l’ambiguïté de l’origine ethnique pour de nombreuses personnes, qui résultent du changement d’identité et de la croissance des mariages mixtes. Par exemple, la dissolution de la Yougoslavie dans les années 1990 affecte les identités ethniques des immigrants de cette région. Certains se considèrent comme étant yougoslaves, alors que d’autres peuvent s’identifier comme étant Serbes, Croates, Bosniaques ou autre. Pour les enfants nés d’un mariage yougoslave mixte, l’ambiguïté de ce qui doit être déclaré comme étant leur origine ethnique devient peut-être plus compliquée.

Bien que l’autodéclaration de l’origine ethnique soit une grande amélioration par rapport aux anciennes méthodes qui présumaient que l’ascendance déterminait l’origine ethnique, ou qu’une personne déclarait la même identité ethnique tout au long de sa vie, la question de l’origine ethnique dans les recensements canadiens n’est pas un outil parfait pour mesurer la diversité du pays. Les réponses des répondants dépendent d’une variété de facteurs, y compris leur connaissance de leur descendance, ainsi que la manière personnelle dont ils définissent leur appartenance ethnique. De plus, en raison de la manière dont la question de l’ethnicité a évolué au fil des différents recensements, il est difficile de comparer les données au fil du temps.

Minorités visibles

Une question sur les minorités visibles est posée pour la première fois dans le recensement de 1996. Les données recueillies à partir de cette question guident les programmes et les politiques visant à accroître les niveaux d’emploi parmi les minorités visibles. La Loi sur l’équité en matière d’emploi définit les minorités visibles comme « les personnes, autres que les Autochtones, qui ne sont ni de race caucasienne ni de couleur blanche ». En 2016 et en 2021, les répondants sont invités à encercler toutes les minorités qui s’appliquent à leur situation parmi les catégories suivantes : Sud‑Asiatique, Chinois, Noir, Philippin, Latino‑Américain, Arabe, Asiatique du Sud‑Est, Asiatique de l’Ouest, Coréen, Japonais et « autre ».

Religion

Bien que le Canada recueille des données sur la religion, d’autres pays ont du mal à inclure cette question. Aux États‑Unis, par exemple, on communique des données sur les « organismes religieux » tous les dix ans de 1906 à 1936 en demandant aux pasteurs, aux prêtres, aux rabbins et aux autres personnes d’autorité religieuse de dénombrer les membres de leurs groupes religieux. Cependant, le gouvernement américain n’a jamais recueilli de données de recensement sur la religion auprès des individus. Les États-Unis envisagent d’introduire la question dans les années 1950 et 1960, mais des inquiétudes au sujet de la séparation de l’État et de l’Église font entrave au questionnement des Américains sur leur appartenance religieuse lors des recensements fédéraux.

Au Canada, de nombreux recensements coloniaux recueillent des données sur la religion, et la question devient permanente après l’établissement du recensement national en 1871. En 1951, lorsque le recensement commence à être effectué tous les cinq ans (au lieu de dix ans), la question sur la religion continue de n’être posée que tous les dix ans. Par exemple, les Canadiens sont interrogés sur leur appartenance religieuse lors des recensements de 2001, 2011 et 2021, mais pas en 2006 ni en 2016. La question du recensement demande aux répondants d’inscrire une religion ou une dénomination, et une option indiquant « aucune religion » est offerte.  

Comment les données de recensement sont-elles recueillies ?

Le questionnaire de recensement peut être rempli sur papier ou en ligne. Dans les résidences pour personnes âgées, dans les hôpitaux, les régions isolées et sur les réserves des Premières Nations, la collecte de données peut être faite par l’intermédiaire d’entrevues en personne. Un adulte du ménage répond au nom de tous les autres membres. En 2021, en plus de l’anglais et du français, le recensement est offert en 13 langues autochtones, et 12 langues supplémentaires, ainsi qu’en formats destinés aux besoins des personnes malentendantes et malvoyantes.

Avant 1971, la collecte des données était faite par des recenseurs allant de porte en porte pour effectuer des entrevues en personne. L’autorecensement est introduit en 1971, et l’option pour compléter le recensement en ligne est offerte à partir de 2006.

Lecture supplémentaire

Liens externes