Archéologie | l'Encyclopédie Canadienne

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Archéologie

Les documents archéologiques sont parfois divisés en deux périodes : historique et préhistorique, selon qu'il existe ou non des sources écrites. Au Canada, les vestiges archéologiques remontent à 30 000 ans (voir Préhistoire) dans les parties non glaciaires du nord du Yukon.
Archaïque maritime, artefacts de l
Provenant du site de Cow Point, des outils et des objets décoratifs, caractéristiques de la culture archaïque maritime (pendentif de pierre perforée, baïonnettes en ardoise polie, herminette de pierre, pointes de lance de pierre taillée et pointes de lance en ardoise) (avec la permission du Musée canadien des civilisations).
Sites archéologiques des lagunes d
Île-du-Prince-Édouard, il y a 2500 ans. De nombreux vestiges des milieux maritimes se trouvent sur les rivages des lagunes d'eau salée, offrant aux visiteurs une région riche en ressources animales marines et terrestres, en espèces de poissons et d'oiseaux (avec la permission du Musée canadien des civilisations).
Pointes en pierre
Des pointes en pierrre comme celles-ci : une pointe en pierre lancéolée de forme triangulaire, une pointe à petite tige et une pointe à tige comptent parmi les objets les plus importants de l'étude de la préhistoire (avec la permission du Musée canadien des civilisations/K75-946).
Statuette
Statuette en bois de cervidé, delta du fleuve Fraser, en Colombie-Britannique, à l'époque Marpole (avec la permission du laboratoire d'anthropologie de l'U. de la Colombie-Britannique).
Peigne
Peigne en défense de morse, région de Pelly Bay, dans les Territoires du Nord-Ouest; culture thulée (avec la permission du Eskimo Museum de Churchill).
Bol en stéatite
Bol en stéatite représentant une personne assise sur une tête, retrouvé près de Kamloops, en Colombie-Britannique. Objet préhistorique, oeuvre des Salish du continent (avec la permission du Provincial Museum of British Columbia, à Victoria).
Anse aux Meadows, l
Installation Viking au parc national historique de L'Anse aux Meadows, à Terre-Neuve, aussi un Site du patrimoine mondial des Nations-Unies (avec la permission de Malak, Ottawa).
Wanuskewin, parc du patrimoine
Wanuskewin est un centre d'interprétation autochtone exceptionnel situé à Saskatoon (photo de W.A. Sargent).
Site archéologique en Nouvelle-Écosse
Vue d'ensemble, en direction est, du site BkCy-10, Nouvelle-Écosse, 1978. Situé à proximité de la rivière Caribou, Pictou, Nouvelle-Écosse. Le site date de la période préhistorique tardive. On y a retrouvé des grattoirs, des pointes de projectiles, des outils en os, des pointes barbelées et de l'ocre rouge (photo de David Keenlyside/ASC/Musée canadien des civilisations).

Archéologie

L'archéologie est une science historique qui étudie les vestiges matériels afin de découvrir et comprendre les anciens comportements humains. Contrairement à l'histoire traditionnelle, elle n'utilise pas les documents écrits comme source principale d'information. Bien que les archéologues peuvent faire usage de tels documents ainsi que de l'histoire orale, l'essentiel de leur information provient des vestiges matériels laissés sur les lieux où, il y a longtemps, des gens ont vécu et séjourné, ont travaillé et ont été enterrés. Conséquemment, l'archéologie peut étudier non seulement le passé récent et les sujets qui sont, dans une certaine mesure, déjà documentés, mais aussi les époques immémoriales et celles qui ont précédé l'écriture.

Les documents archéologiques sont parfois divisés en deux périodes : historique et préhistorique, selon qu'il existe ou non des sources écrites. Au Canada, les vestiges archéologiques remontent à 30 000 ans (voir Préhistoire) dans les parties non glaciaires du nord du Yukon. La période historique s'étend habituellement de l'arrivée des Européens, il y a quelques centaines d'années, jusqu'à nos jours. Cependant, la transition entre les périodes préhistorique et historique n'est pas toujours nette. Souvent, les objets et l'influence des Européens (parfois même leurs maladies) ont pénétré au coeur du continent par l'intermédiaire d'autochtones qui commerçaient avec des groupes éloignés qui n'avaient pas encore rencontré d'Européens. La période qui s'est écoulée entre l'arrivée des Européens et le contact direct est habituellement qualifiée de « protohistorique ». Au cours des dernières années, afin d'éviter tout malentendu au sujet du mot « préhistoire », que l'imagerie populaire associe aux dinosaures et aux peuplades primitives, plusieurs autochtones et archéologues en sont venus à préférer le terme « précontact » pour désigner la période qui précède l'arrivée des Européens.

Les vestiges archéologiques peuvent être aussi gros qu'une ville ou aussi petits qu'une perle en os, mais ils se limitent le plus souvent à des objets fabriqués à partir de matériaux non périssables comme la pierre ou la terre cuite. Certains objets organiques se sont conservés de façon remarquable dans des circonstances inhabituelles, telles des cavernes sèches, des sites submergés ou le pergélisol. Les foyers, la disposition des empreintes de piquets, les restes d'habitations, les alignements de pierres, les monuments de pierre, les carrières lithiques, et les pictogrammes et pétroglypes sont autant d'éléments qui peuvent fournir des renseignements importants sur les occupations, l'utilisation des ressources, la vie et les pratiques religieuses. Les sépultures, quant à elles, nous en apprennent sur les rites funéraires en plus de fournir, assez souvent, des informations sur les particularités biologiques des peuples anciens. Leurs habitudes alimentaires nous sont révélées par l'analyse des restes de plantes et d'animaux. Grâce à l'étude détaillée de toutes ces données, les archéologues sont en mesure de reconstituer maints aspects de la vie économique, sociale, religieuse et politique.

Un site archéologique est un lieu où l'on peut trouver des restes de l'activité humaine du passé. Il peut s'agir d'objets isolés, de lieux d'abattage et de cercles de tentes, mais aussi de sites plus complexes, comme des hameaux, des villages, des villes et des fortifications. Au Canada, parmi les sites et les monuments les plus imposants, mentionnons la forteresse de Louisbourg, les Sépultures tumulaires de la rivière à la pluie, les chemins conduisant à Head-Smashed-In Buffalo Jump en Alberta, certains villages de la fin de la période de précontact dans le sud de l'Ontario et la zone côtière de la Colombie-Britannique. Ces sites peuvent s'étendre sur plusieurs hectares.

Les sites archéologiques sont découverts soit par accident ou à la suite d'une recherche systématique. On peut apprendre beaucoup par la simple observation. Cependant, l'étude des sites enfouis requiert une excavation minutieuse au cours de laquelle il faut noter la position exacte de chaque objet ou élément ainsi que le contexte (ou couche de sol) où ils ont été trouvés. L'une des plus grandes difficultés pour l'archéologue consiste à déterminer la nature du site. Celui-ci a-t-il été utilisé une seule fois (composante unique) ou périodiquement (composantes multiples)? A-t-il toujours été occupé par le même groupe ou par plusieurs groupes différents? Et qu'y faisait-on?

La datation des sites anciens représente une autre difficulté. L'analyse au radiocarbone est l'une des méthodes de datation les plus utilisées au Canada. Au cours de leur vie, tous les êtres vivants assimilent du carbone, qui se décompose d'un isotope à un autre à un rythme connu. En mesurant la quantité de certains isotopes dans les restes organiques, comme le bois ou les ossements d'animaux, il est possible de déterminer à quel moment ces organismes ont cessé de vivre et, conséquemment, de dater approximativement le contexte dans lequel ils ont été trouvés. La plupart des archéologues se basent aussi sur la comparaison des types d'artefacts qu'ils trouvent sur un site pour vérifier l'analyse du radiocarbone et pour appliquer ces résultats à des sites qui n'ont pas été datés directement. Des séquences culturelles élaborées, qui s'étendent sur des milliers d'années, ont ainsi été produites pour la plupart des régions du Canada.

Les sites archéologiques sont des ressources non renouvelables. Ils représentent souvent notre seul accès à un passé lointain qui n'a pas laissé de traces orales ou écrites. Diverses lois et règlements provinciaux, territoriaux et fédéraux les protègent contre le vandalisme et les fouilles non autorisées. Partout au Canada, les sites sont inventoriés à des fins de gestion, selon un système connu sous le nom de code Borden, d'après Charles Borden qui, le premier, l'a proposé.

L'archéologie au Canada

La formation universitaire est dispensée habituellement dans les départements d'anthropologie, mais deux universités canadiennes, l'Université de Calgary et l'Université Simon Fraser, ont des départements consacrés exclusivement à l'archéologie. Les archéologues oeuvrent de concert avec des spécialistes d'autres disciplines, comme la géologie, la géographie, la biologie, l'anthropologie physique, la paléontologie, la chimie, l'astronomie, les mathématiques, la physique, l'histoire, la sociologie et L'ethnologie. Les archéologues professionnels travaillent pour les musées, les universités, les organismes gouvernementaux de recherche et de régulation, et des firmes privées de consultants. Depuis les années 70, la profession se développe principalement au sein des organismes provinciaux chargés de la gestion des ressources culturelles et dans les firmes de consultants qui rivalisent pour l'obtention de contrats gouvernementaux ou industriels. Il existe aussi, dans chaque province, des sociétés d'archéologie offrant une tribune de discussion pour tous ceux qui s'intéressent à cette discipline.

Histoire de l'archéologie au Canada

Des origines à 1911
Les origines de archéologie canadienne se situent au début du XIXe siècle, à l'époque où les « antiquités » commencent à susciter de l'intérêt, parallèlement à la découverte du potentiel archéologique et au perfectionnement des méthodes de recherche. La période antérieure à la Confédération est aussi marquée par une chasse aux vestiges qui mène à la destruction de plusieurs sites, incluant des cimetières autochtones. La péninsule du Niagara, en Ontario, est une exception à la règle, puisque des fouilles sont entreprises dès 1828 sur l'emplacement des cimetières historiques des neutres, dont certains atteignent une renommée internationale. Tel est le cas des ossuaires Dwyer au nord de Hamilton. Dégagés un peu avant 1836, ils attirent l'attention de plusieurs personnes, incluant sir Daniel Wilson, le premier à doter l'archéologie canadienne de méthodes rationnelles et scientifiques.

En 1842, sir William Logan crée à Montréal la Commission géologique du Canada (CGC). Plusieurs scientifiques de la CGC s'intéressent à l'histoire naturelle, aux groupes autochtones et à l'archéologie. La commission met aussi sur pied le premier musée fédéral, ancêtre de l'actuel réseau des Musées nationaux.

Après la Confédération, en 1867, l'intérêt pour la période de précontact se développe lentement. Les amoncellements de coquillages des côtes Est et Ouest attirent toujours les collectionneurs, tandis que les spectaculaires tumulus du sud du Manitoba et de l'Ontario donnent lieu à des spéculations sur un peuple disparu de « constructeurs de tumulus », lesquels seraient apparentés aux tumulus élaborés que l'on retrouve dans les bassins des fleuves Mississippi et Ohio. Dans le sud de l'Ontario, la profanation de fosses funéraires des Hurons devient un sport du dimanche pour les pillards, malgré les objections de professionnels inquiets. Au Québec, des initiatives concertées sont prises pour localiser des lieux historiques. La tentative de sir John DAWSON pour localiser le site de Hochelaga à Montréal en est un exemple. Au Nouveau-Brunswick, Loring Bailey et William Ganong compilent les données sur les sites historiques et préhistoriques connus.

La période qui suit la Confédération donne lieu à une collecte intensive de données archéologiques et ethnographiques. On commence également à faire des enregistrements photographiques. Des sociétés historiques, scientifiques et naturalistes naissent un peu partout. Elles incitent les gouvernements à créer des musées et à instaurer des programmes éducatifs visant à promouvoir l'archéologie. En 1868, le premier musée provincial de la Nouvelle-Écosse ouvre à Halifax, alors que l'Ontario et la Colombie-Britannique financent des musées en 1886. C'est principalement à partir de ces milieux que la première génération d'archéologues commence à faire des recherches sur le terrain, à décrire et interpréter les résultats et à établir des standards de recherche.

Des personnalités comme T.G.B. Lloyd, William Gossip, Bernard Gilpin, Harry Piers, Spencer Baird, George Matthew, Henry Montgomery, George Laidlaw, Andrew Hunter, Frederick Waugh, Marvin Schultz, George Bryce, Charles Hill-Tout et James Teit contribuent toutes au développement de l'archéologie canadienne. Cependant, la personnalité la plus marquante est sans conteste l'Ontarien David Boyle. Ancien forgeron et maître d'école, David Boyle se hisse jusqu'au poste d'archéologue provincial en 1886, fonction qu'il occupera jusqu'à son décès en 1911. En 1886, il lance la première revue canadienne entièrement consacrée à l'archéologie et à l'ethnographie, l'Annual Archaeological Reports of Ontario, qui sera publiée jusqu'en 1928. Internationalement réputé en Angleterre et aux États-Unis, D. Boyle se dépense sans compter; il est considéré comme la figure dominante de l'archéologie et de la muséologie canadiennes.

1911-1946 : Progrès et déclin

Le Musée provincial de l'Ontario est rebaptisé Musée royal de l'Ontario en 1914 et on l'aménage dans un nouvel édifice. Rowland Orr devient le second et dernier archéologue provincial, un poste en vigueur de 1911 jusqu'à sa mort en 1933. Cependant, la seconde génération d'archéologues professionnels sera dominée par deux autres personnalités : Harlan I. Smith et William J. Wintemberg, tous deux attachés au Musée de la Commission géologique du Canada, connu plus tard sous le nom de Musée national du Canada.

H. Smith commence sa brillante carrière en 1891, en tant qu'assistant de Frederic W. Putnam, du Peabody Museum. En 1895, il entre à l'American Museum of Natural History, ce qui l'amène en Colombie-Britannique où il participe à la Jesup North Pacific Expedition, organisée par Franz Boas. Plus tard, en 1911, Harlan Smith se joint au nouveau département d'anthropologie de la Commission géologique du Canada à titre d'archéologue en chef, fonction qu'il conserve jusqu'à sa retraite en 1937. Il commence par faire des plans pour des fouilles systématiques du pays, ce qui mène rapidement à l'excavation d'un site important dans chaque région. W. Wintemberg amorce, en 1900, ses premières recherches dans le sud de l'Ontario en qualité de protégé de D. Boyle et, en 1912, il entre au Musée commémoratif Victoria à Ottawa comme assistant de Harlan Smith. Peu après, Diamond Jenness, l'anthropologue canadien le plus éminent dans le domaine de l'archéologie arctique, se joint également au Musée. Ottawa devient en 1912 le foyer de la recherche archéologique pancanadienne.

Dans le sud du Canada, Harlan Smith entreprend des projets de reconnaissance en Colombie-Britannique et en Alberta en 1913. Il embauche W.B. Nickerson pour prospecter et fouiller la région des tumulus dans le sud du Manitoba de 1912 à 1915. Avec W. Wintemberg, il examine l'est et le sud de l'Ontario en 1911 et 1912 et entame des fouilles au fameux site Roebuck, qui dureront de 1912 à 1915. Assez rapidement, Smith et Wintemberg font aussi de la reconnaissance le long de la rivière Outaouais et du Fleuve Saint-Laurent, au Québec. Frank Speck, contractuel avec le musée, découvre le site de Tadoussac en 1915. Wintemberg et Smith font de la reconnaissance et effectuent des fouilles en Nouvelle-Écosse en 1913 et 1914. Au cours des années qui suivent, Wintemberg fait également d'autres travaux en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et à Terre-Neuve.

Les recherches archéologiques dans l'extrême nord du pays commencent dans le cadre de l'Expédition arctique canadienne entre 1913 et 1918. Vilhjalmur Stefansson et Diamond Jenness entreprennent tous deux des fouilles ponctuelles dans l'ouest de l'Arctique, et D. Jenness étudie en plus les Inuits de la baie du Couronnement (voir Inuits de Cuivre). Les premiers travaux d'archéologie professionnelle effectués dans l'est de l'Arctique sont l'oeuvre de Therkel Mathiassen, un archéologue de la Cinquième expédition Thulé, réalisée de 1921 à 1924 par un groupe de Danois. C'est lui qui ouvre la voie à l'étude scientifique de l'archéologie arctique grâce à sa définition de la culture inuite Thulé.

À l'époque, la question de l'origine des Inuits est très populaire et Kaj Birket-Smith émet l'hypothèse, aujourd'hui rejetée, d'une origine continentale dont il situe le foyer dans le centre nord du Canada. Lui et d'autres qui partageaient ses idées ont échoué parce qu'ils ont tenté de résoudre un problème de nature essentiellement archéologique en utilisant des données et techniques appartenant à l'ethnologie. En 1925, Jenness apporte une contribution d'importance en proposant une analyse et une définition de l'ancienne culture Dorset, qui a précédé la culture Thuléenne dans l'Arctique canadien.

Entre 1908 et 1912, l'intérêt pour l'archéologie est à son comble. Des sections de l'Archaeological Institute of America sont établies à Montréal, Toronto, Kingston, Ottawa et Winnipeg. Cependant, elles ont pour la plupart la vie courte. La première société provinciale, l'Ontario Archaeological Association, est créée en 1919, mais elle ne vivra qu'une décennie. L'une des prochaines société d'archéologie provinciale à être formée est celle de la Saskatchewan. Elle dure de 1933 à 1952. En 1926, Thomas McIlwraith fonde, à l'Université de Toronto, le premier département d'anthropologie du Canada. Cependant, ce n'est pas avant 1938 que Phileo Nash se joint à cette université pour y donner les premiers cours en archéologie canadienne.

L'archéologie subit toutefois les conséquences de la Crise des années 30 et de la Deuxième Guerre mondiale. Il y a de nombreuses réductions de personnel et de budget, et le travail sur le terrain cesse presque complètement.

1946-1960 : Revitalisation

La période qui suit immédiatement la guerre en est une de revitalisation pour l'archéologie canadienne. Ces années sont caractérisées par la formation d'étudiants, de nouvelles techniques d'analyse et méthodes de datation, et l'accroissement du nombre de spécialistes dont les intérêts s'étendent au pays tout entier. Parmi ceux-là, Elmer Harp travaille à Terre-Neuve; John Erskine en Nouvelle-Écosse; J. Russell Harper au Nouveau-Brunswick; Edward Rogers au Québec; Thomas Lee en Ontario et au Québec; Kenneth Kidd, Douglas Leechman, Norman Emerson, Wilfrid Jury, James Pendergast, Clyde Kennedy, Richard B. Johnston et Frank Ridley en Ontario; Chris Vickers, R.S. MacNeish et Walter Hlady au Manitoba; Boyd Wettlaufer et Tom et Alice Kehoe en Saskatchewan; Douglas Leechman, Richard Forbis, William Mulloy et Marie Wormington en Alberta; Charles Borden, Douglas Leechman et Katherine Capes en Colombie-Britannique; Douglas Leechman et R.S. MacNeish dans le Nord-Ouest; et, dans le nord du Canada, on retrouve Henry B. Collins, William E. Taylor fils, Jørgen Meldgaard et Moreau Maxwell.

En Ontario, d'imposants projets archéologiques témoignent des nouvelles orientations prises à cette époque. Les fouilles réalisées sur le site de l'établissement jésuite de Sainte-Marie-des-Hurons, d'abord par K.E. Kidd en 1941 et par Jury en 1948, représentent un effort concerté pour mettre au jour et reconstituer l'une des premières missions historiques du Canada. Les fouilles qu'effectue Thomas Lee de 1951 à 1953 sur le site de Sheguiandah, à l'Île Manitoulin, mettent au jour l'une des plus grandes carrières lithiques paléoindiennes connues en Amérique du Nord. En 1956-1957, les travaux d'Emerson le long de la future voie maritime du Saint-Laurent donnent suite au premier sauvetage archéologique d'importance dans l'est du Canada, un projet mis de l'avant par Douglas Leechman dans les années 40. De 1955 à 1960, le Musée royal de l'Ontario commandite une équipe de recherche, sous la supervision de Richard Johnston, qui produit un rapport détaillé sur le célèbre Tumulus du Serpent, près de Peterborough. Kenyon apporte aussi son concours en mettant au jour le site du village iroquoien de Miller en 1958-1959. Grâce à ces initiatives, le travail archéologique au Canada prend une ampleur sans précédent.

1960-1975 : Les années de prospérité

À partir de 1960, l'archéologie canadienne se développe à un rythme accéléré. Cette quatrième période est caractérisée par l'expansion des programmes universitaires et des musées ainsi que par l'octroi de fonds publics considérables pour la recherche archéologique. De plusieurs manières, c'est l'âge d'or de l'archéologie canadienne : une période où les emplois abondent, des séquences culturelles régionales sont définies et une ébauche de l'histoire préeuropéenne du Canada est finalement réalisée.

Le Musée national du Canada connaît une évolution tout au long des années 60 et au début des années 70. En 1967, année du centenaire du Canada, l'archéologue William E. Taylor devient directeur du nouveau Musée national de l'homme (aujourd'hui le musée canadien des civilisations). Cela coïncide avec une période où le gouvernement fédéral manifeste un intérêt croissant pour les questions relatives à la conservation du patrimoine. En 1971, la Division archéologique reçoit une augmentation substantielle de son budget de fonctionnement afin de mettre sur pied un programme d'archéologie de sauvetage à l'échelle nationale. Disposant d'un personnel permanent composé de 10 archéologues professionnels, le département est renommé Commission Archéologique du Canada.

Dans les universités de l'est du Canada, les archéologues reçoivent maintenant leur formation à l'université Memorial de Terre-Neuve à St-John's, à l'université de Montréal et à l'université du Québec à Montréal, tandis qu'en Ontario, l'université de Toronto décerne des baccalauréats et des doctorats à un nombre croissant de finissants et un nouveau programme de maîtrise voit le jour à l' université McMaster. Dans l'Ouest, des programmes de baccalauréat et de maîtrise en archéologie sont établis dans les universités du Manitoba et de la Saskatchewan, et des programmes de doctorat dans les universités de l'Alberta et de la Colombie-Britannique. La plupart font partie de départements d'anthropologie ou de départements conjoints d'anthropologie et de sociologie. Cependant, des départements indépendants d'archéologie sont mis sur pied à l'université de Calgary et à l'université Simon Fraser, une première en Amérique du Nord.

De nouvelles sources de financement deviennent accessibles au cours de cette période, notamment par l'intermédiaire du conseil des arts du Canada, qui, en 1961, entreprend de soutenir l'archéologie. Le Conseil national de recherches (sur une courte période) et le conseil de recherches en sciences humaines du Canada font ensuite de même. Parcs Canada lance de nouveaux programmes en archéologie préhistorique et historique. C'est aussi à cette époque que l'archéologie s'affirme au Québec grâce à la création, en 1962, de la Société d'archéologie du Québec. La période du milieu à la fin des années 60 est productive à tous les niveaux.

Les régions du nord du Canada suscitent une attention presque continue entre 1960 et 1975, période où on effectue de nombreux projets de reconnaissances et de fouilles dans les vastes zones de la forÊt boréale, dans les terres stériles du Keewatin et du Mackenzie, et dans les îles de l'archipel arctique. Une foule de découvertes résultent de ces nouveaux travaux et plusieurs des séquences culturelles qui correspondent à la période de précontact de l'histoire canadienne sont établies.

L'archéologie au Canada atteint une certaine maturité durant cette période. Non seulement le nombre d'archéologues professionnels s'élève à près d'une centaine, mais la plupart d'entre eux se réunissent pour former, en 1968, l'Association canadienne d'archéologie (ACA). Cet organisme tient lieu de tribune pour l'archéologie au Canada. En 1969, l'ACA lance une série de bulletins qui deviendront par la suite Le Journal canadien d'archéologie. En 1978, elle crée la prestigieuse médaille Smith-Wintemberg pour honorer ceux qui ont consacré leur vie à l'archéologie. Elle a été remise jusqu'à ce jour à Charles Borden et à J. Norman Emerson en 1978, à Richard Forbis en 1984, à James V. Wright et à William E. Taylor fils en 1992, ainsi qu'à Roy Carlson en 1995, Donald Mitchell en 1998, James Pendergast en 2000, B.O.K. Reeves en 2001, Norman Clermont en 2002, E. Leigh Syms en 2004 et R.G. Matson en 2005.

Le nombre de publications archéologiques augmente rapidement au cours de cette période. Au Musée national du Canada, la Commission archéologique du Canada lance, en 1972, la collection archéologique Mercure, qui remplace le bulletin du Musée national de l'homme. Parcs Canada publie une série sur les lieux historiques canadiens avec des comptes rendus détaillés de recherches, comme celles menées à la forteresse de Louisbourg, à Fort Garry et à Rocky Mountain House. Des musées provinciaux, des sociétés archéologiques, des universités et des organismes de réglementation proposent de nouveaux outils de diffusion. De toute évidence, la discipline de l'archéologie s'est fermement enracinée dans la plupart des régions du Canada au cours de cette période d'innovations.

1975-1989 : Compressions et importance accordée à la gestion des ressources

Au Canada, les années 60 et les années 70 connaissent une croissance industrielle sans précédent, grâce aux oléoducs, aux barrages hydroélectriques, aux mégaprojets d'exploitation des sables bitumineux, aux nouvelles infrastructures autoroutières et autres projets à grande échelle. Les archéologues et les défenseurs du patrimoine à travers le pays exercent des pressions sur les différents gouvernements pour que ceux-ci légifèrent afin de protéger les sites historiques menacés. Cette demande de protection des ressources archéologiques s'inscrit dans une préoccupation sociétale plus large au sujet de l'environnement et de la conservation, qui se répand en Amérique du Nord et en Europe.

À la fin des années 80, la plupart des provinces et des territoires ont déjà leur propre législation pour gérer les ressources du patrimoine relevant de leur juridiction, ou en sont à mettre en place les structures préalables. Les divers règlements et lois mènent à la création d'organismes gouvernementaux formés de personnel professionnel, que chapeautent des musées, des ministères de la Culture, de la Citoyenneté, des Loisirs, des Ressources naturelles et même du Tourisme. Certains de ces organismes les plus importants - la Commission archéologique de l'Alberta, la Direction de la conservation du patrimoine de la Colombie-Britannique et la Direction du patrimoine de l'Ontario - sont plus imposants que bien des départements universitaires et disposent même de fonds plus substantiels (voir Patrimoine, Conservation du). En effet, la plus grande partie des fonds consacrés à l'archéologie à partir de 1975 relève de ce qu'on appelle la Gestion des ressources culturelles (GRC). Par contraste, depuis le milieu des années 70 le financement pour la recherche traditionnelle en archéologie a été réduit de façon considérable.

Les services gouvernementaux de la GRC gèrent les ressources du patrimoine en exigeant des entrepreneurs qu'ils paient pour mener les études visant à identifier la présence de sites archéologiques dans les secteurs où des projets de construction sont prévus, et en assurant que les effets néfastes des travaux seront atténués avant que ces derniers ne soient autorisés. Pendant la période prospère du début des années 80, plus de 200 permis d'archéologie sont émis annuellement en Alberta pour des projets de la GRC. Ceux-ci concernent tout autant des inventaires de secteurs de lotissement que des projets d'envergure échelonnés sur plusieurs années, comme celui du réservoir Old Man, où des centaines de sites archéologiques sont répertoriés et certains des plus importants fouillés méthodiquement avant que les terres ne soient submergées. Des projets semblables sont réalisés dans d'autres régions du pays, dont le projet de la baie James au Québec, l'étude du patrimoine du réservoir Nipawin en Saskatchewan, le projet du site C sur le barrage de la rivière de la Paix en Colombie-Britannique et le Programme d'initiatives pétrolières et gazières du Nord dans le delta du Mackenzie. Pour répondre à la demande de personnel qualifié, plusieurs programmes universitaires d'archéologie se développent, certains d'entre eux ajoutant même des cours spécifiques sur la théorie et les méthodes de la GRC.

En plus de la conservation et la protection des sites archéologiques, après 1975 on s'emploie à éveiller l'intérêt de la population à l'égard du patrimoine archéologique du pays. Les efforts les plus manifestes en ce sens se traduisent par la mise en place de centres d'interprétation remarquables, comme ceux de Head-Smashed-In Buffalo Jump, dans le sud de l'Alberta, et de Wanuskewin Heritage Park, près de Saskatoon. Conçus en étroite collaboration avec les populations autochtones, ces centres innovateurs offrent au public une expérience éducative combinant l'approche scientifique occidentale et la vision autochtone de l'histoire, qui se base sur les traditions et les légendes. D'autres formules telles que des prix littéraires pour le grand public, des affiches, des séries de conférences publiques, des émissions de radio et de télévision, des trousses pédagogiques pour écoliers et des semaines consacrées à des activités archéologiques constituent également des outils efficaces pour promouvoir l'archéologie.

Les années 90 et au-delà : Questions autochtones et réduction des effectifs

Un certain nombre de problèmes majeurs marquent l'archéologie canadienne au cours des années 90. Parmi ceux-là, la baisse constante de l'appui gouvernemental s'avère l'un des plus préoccupants. Partout au pays, les restrictions financières imposées par tous les niveaux de gouvernement forcent les musées et les facultés universitaires à réduire leur personnel. Les subventions à la recherche accordées aux étudiants et aux facultés sont radicalement réduites. À l'échelle provinciale, les organismes du patrimoine sont lourdement touchés, de sorte que beaucoup d'entre eux ont des effectifs deux fois moins nombreux qu'il y a dix ans. Dans plusieurs régions du Canada, il s'effectue moins de travail de recherche sur le terrain qu'à n'importe quelle autre période depuis le début des années 60.

Un autre problème vient du fait que bien qu'il ait signé presque toutes les conventions de l'UNESCO sur la conservation du patrimoine, le gouvernement fédéral ne possède toujours pas de cadre légal cohérent pour protéger les sites archéologiques des territoires qui relèvent de son autorité. Sur ce point, le Canada accuse un retard considérable par rapport aux États-Unis et aux pays européens. On a bien essayé d'établir une loi à la fin des années 80, mais la tentative a échoué pour diverses raisons, dont les désaccords avec les premières nations en ce qui a trait aux droits de propriété sur les vestiges archéologiques et à l'exemption des parcs nationaux. La question demeure non résolue et rien ne laisse croire qu'on parviendra à une entente dans un proche avenir. Entre-temps, les sites archéologiques continuent d'être menacés par les processus naturels d'érosion, le pillage aveugle et illégal et le développement économique à grande échelle.

L'engagement beaucoup plus marqué des peuples autochtones dans la gestion de leur propre patrimoine est un autre changement qui survient au cours des années 90. Ce processus a pris naissance dans les Territoires du Nord-Ouest, là où les permis archéologiques requièrent depuis longtemps l'approbation des membres de la première nation établie la plus près du site. En 1984, la signature d'un accord avec les Inuvialuits (voir Inuits du Mackenzie) sur la revendication du territoire concède à ces derniers la responsabilité en ce qui concerne l'octroi de permis archéologiques sur leur territoire. Les Inuits du Nunavut dans l'arctique de l'Est, gèrent maintenant aussi les ressources du patrimoine de leurs secteurs de peuplement par l'intermédiaire de la Fiducie du patrimoine inuit. Dans les deux cas, les archéologues et les autres scientifiques sont tenus de consulter les communautés au sujet de leurs programmes de recherche, d'offrir aux autochtones la possibilité de participer au travail sur le terrain et de rester ouverts à des interprétations différentes des leurs. La communauté s'attend à recevoir certains bénéfices sous forme de rapports traduits en inuktitut, de matériel éducatif et, possiblement, de présentations muséales.

Dans le sud du Canada, la situation fluctue également, avec la prolifération des traités portant sur les revendications territoriales et l'autonomie gouvernementale. La quasi-totalité de ces traités reconnaît aux autochtones la souveraineté sur des questions d'ordre culturel telles que l'archéologie. Depuis quelques années, l'Association canadienne d'archéologie tente de procéder à des ajustements pour tenir compte de ces changements et, en 1996, elle a émis une déclaration de principes du code d'éthique concernant les peuples autochtones. L'association tient aussi des sessions régulières dans le cadre de ses réunions annuelles pour discuter des nouvelles réalités de l'archéologie au Canada et de l'importance à accorder à la coopération avec les premières nations.

Les pratiques dans les musées connaissent également des modifications. Les recommandations émises en 1992 par le groupe de travail formé par l'Assemblée des premières nations et l'Association des musées canadiens ont reçu l'assentiment de tous les musées publics du Canada. Selon ces recommandations, il est obligatoire de remettre aux Premières Nations les ossements d'autochtones, les objets trouvés dans les sépultures, ainsi que tout autre objet dit « sacré ». Le Musée canadien des civilisations, le Musée royal de l'Ontario et le Musée royal de la Colombie-Britannique, par exemple, sont tous trois engagés dans différentes négociations de rapatriement (voir Rapatriement d'artefacts).

En ce début de nouveau millénaire, un optimisme prudent reste de mise en ce qui a trait à l'archéologie canadienne. Le passé lointain que nous révèlent les vestiges archéologiques fera toujours l'objet de découvertes et d'interprétations, mais dans une perspective plus large qui prend en considération les besoins et les aspirations des peuples autochtones. La discipline elle-même évolue. En effet, jadis majoritairement composée d'hommes, la profession voit un nombre sans cesse grandissant de femmes joindre ses rangs dans les secteurs privés comme au sein des gouvernements et des établissements d'enseignement. De fait, la majeure partie des étudiants inscrits dans les programmes de premier et de deuxième cycle partout au pays sont des femmes. L'archéologie est désormais bien intégrée au tissu varié que forme la société canadienne.

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