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Joyce Wieland

Joyce Wieland, O.C., artiste visuelle et cinéaste (née le 30 juin 1931 à Toronto, en Ontario; décédée le 27 juin 1998 à Toronto).
La raison avant la passion
Coton piqué de Joyce Wieland, 1968 (avec la permission de la National Gallery of Canada/Musée des Beaux-Arts du Canada, Ottawa).\r\n \r\n

Joyce Wieland, O.C., artiste visuelle et cinéaste (née le 30 juin 1931 à Toronto, en Ontario; décédée le 27 juin 1998 à Toronto). Joyce Wieland est une artiste féministe et une pionnière. Elle est la première femme à avoir fait l’objet d’une exposition en solo à la Galerie nationale du Canada ainsi qu’au Musée des beaux-arts de l’Ontario. Elle a été une des figures marquantes et éminentes de la scène artistique canadienne entre 1960 et les années 1980.

Formation et début de carrière

Joyce Wieland étudie d’abord la conception de mode à la Central Technical School de Toronto. C’est justement à Central Tech qu’elle se forme auprès de la légendaire peintre torontoise Doris McCarthy. Celle-ci encourage autant le travail artistique de Joyce Wieland que son sens de l’indépendance et ainsi elle devient sa première mentore en tant qu’artiste. Diplômée en 1948, Joyce Wieland travaille dans le domaine de la conception graphique. Elle s’adonne aussi à son art dans son atelier de Toronto et elle voyage en Europe. Elle décroche un emploi au studio Graphic Associates, spécialisé dans le cinéma commercial et d’animation. C’est là qu’elle fait la connaissance de son futur mari, l’artiste Michael Snow. Joyce Wieland et Michael Snow se marient en 1956.

Joyce Wieland participe à des expositions collectives au cours des années 1950. C’est en 1960 que ses œuvres font l’objet d’une première exposition en solo, à la galerie Isaacs, à Toronto. Y sont présentés des tableaux expressionnistes abstraits ainsi que des dessins et des bandes dessinées, puis certaines de ses constructions.

Les années à New York

De 1962 à 1970, Joyce Wieland et son mari vivent à New York. Sur New York, elle continue de peindre mais elle s’intéresse aussi aux assemblages exploitant des matériaux divers ainsi que des combinaisons médiatiques variées. Par exemple, l’installation Un étranger dans la ville (1963) dispose des bandes de tissu sur un fond bourgogne foncé tandis qu’un phylactère de bande dessinée isolé s’exclame “Howdy Stranger!” (Tiens, salut l’étranger!) dans la partie supérieure du panneau. L’installation La raison avant la passion (1968), qui fait allusion au « travail des femmes » et y apporte une critique implicite, est une courtepointe matelassée avec, cousue en son centre, la formule “reason over passion” (la raison avant la passion) et avec des petites figurines de cœurs éparpillées sur les pourtours. Le travail de Joyce Wieland pendant cette période reflète à la fois la sensibilité esthétique du temps, procédant notamment du pop art et de l’art conceptuel, et les considérations politiques et culturelles de l’époque : féminisme, environnementalisme, guerre du Vietnam.

Sur New York, Joyce Wieland devient une des figures importantes de l’univers du cinéma expérimental, avec des films primés comme Rat Life and Diet in North America (1968) et La Raison avant la passion (1967-1969). À l’instar de son compatriote, le peintre Jack Chambers, qui a lui aussi tourné d’importants films expérimentaux, Joyce Wieland tourne des films dont les prises de position ne sont pas radicalement distinctes de celles de ses autres activités artistiques. Il s’y manifeste, entre autres choses, un intérêt senti envers le matériau concret avec lequel les films sont mis en forme et envers la façon dont les images qu’ils incorporent sont configurées et cadrées. Joyce Wieland se fera par la suite largement connaître pour son long métrage The Far Shore (1976), une relecture féministe de la vie de Tom Thomson.

Retour au Canada

En 1971, Joyce Wieland fait l’objet d’une exposition majeure en solo à la Galerie nationale du Canada, intitulée Véritable amour patriotique. Il s’agit de la toute première exposition d’envergure des œuvres d’une femme artiste canadienne vivante. Y figurent certaines des œuvres les plus connues de Joyce Wieland comme L’esprit du Canada allaite les castors français et anglais (1970-1971) et Ô Canada (1970), cette dernière représentant l’image de lèvres entonnant l’hymne national. Peu après cette exposition à la Galerie nationale du Canada, Wieland et Snow retournent au Canada et s’installent à Toronto. Le militantisme et l’art activiste sont devenus très importants pour Joyce Wieland et elle a le sentiment qu’elle ne peut pas s’impliquer adéquatement dans ce type de travail si elle continue de résider aux États-Unis. Wieland et Snow se séparent à la fin des années 1970.

Dans les années 1980, Joyce Wieland prend ses distances avec le militantisme politique et retourne à la peinture. Elle crée alors des tableaux agressifs, vivement picturaux, aux couleurs vives, et dont les thèmes prennent des dimensions alternativement sexuelles et spirituelles. En avril 1987, le Musée des beaux-arts de l’Ontario met en place une grande exposition itinérante des œuvres de Joyce Wieland, sa toute première exposition rétrospective des œuvres d’une femme artiste canadienne vivante. En septembre 1987, elle se voit remettre le Prix des arts visuels de la Toronto Arts Foundation. Au nombre de ses expositions solos ultérieures figurent des présentations à la Maison du Canada à Londres (1988), à la galerie d’art de l’Université McMaster à Hamilton, en Ontario (1990), et au Agnes Etherington Art Centre de Kingston, en Ontario (1994-1995).

Passionnément mobilisée par la perspective esthétique de la femme artiste, Joyce Wieland tire son inspiration de l’histoire canadienne autant que de la vie politique et des réalités écologiques. Sa recherche artistique la pousse à remettre en question la peinture conventionnelle tout autant que la domination traditionnelle exercée par les arts élitaires, au profit de l’utilisation en art de matériaux vernaculaires, artisanaux et domestiques. Défiant les hiérarchies convenues du goût artistique, son œuvre incorpore la peinture mais aussi la lithographie, les collages, le film, tout autant que la bande dessinée, la broderie, le tricot, la couture en courtepointe matelassée, et même, dans l’exposition Véritable amour patriotique, un gâteau avec le plus exquis des glaçages décoratifs. Dans ses œuvres sur tissu et dans son cinéma, elle mobilise une imagerie féminine tout autant que des objets de la vie quotidienne des femmes. Elle s’implique aussi dans des expériences d’art collaboratif et de créations collectives. Dans ses œuvres picturales tardives, Joyce Wieland approche la représentation paysagère visionnaire ainsi que l’imagerie figurative.

Les commandes faites à Joyce Wieland incluent notamment un timbre-poste pour la Société canadienne des postes, visant à souligner la Journée mondiale de la santé (1972); une murale en courtepointe matelassée intitulée Defend the Earth/Défendez la terre, pour la Bibliothèque scientifique nationale, à Ottawa(1972-1973); un assemblage de pièces de tissu en courtepointe matelassée intitulé Barren Ground Caribou, pour la station de métro Spadina, à Toronto (1977-1978); la murale Celebration, commandée par Cineplex Odeon pour le théâtre Pantages, à Toronto (1987); et The Ocean of Love, commandé pour le train transcontinental de Via Rail(1990).