Affaire Drybones | l'Encyclopédie Canadienne

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Affaire Drybones

Dans l’affaire R c. Drybones (1970), la Cour suprême du Canada déclare qu’une disposition de la Loi sur les Indiens est « inopérante » – autrement dit qu’elle n’est plus applicable ou en vigueur –, parce qu’elle viole le paragraphe 1.b) de la Déclaration canadienne des droits, qui garantit l’égalité devant la loi.
Cour supr\u00eame du Canada
L'édifice de la Cour supr\u00eame du Canada de nuit.

Contexte

Dans la soirée du 8 avril 1967, Joseph Drybones – un Indien inscrit – s’enivre dans le bar de l’hôtel Old Stope, à Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest. Or, aux termes du paragraphe 94.b) de la Loi sur les Indiens, les Indiens inscrits n’ont pas le droit de s’enivrer à l’extérieur de leur réserve. Joseph Drybones est donc arrêté par les autorités locales et inculpé d’avoir enfreint le paragraphe en question.

Procès et décisions des tribunaux

Joseph Drybones comparaît devant le tribunal et plaide coupable du chef d’accusation porté contre lui. Il n’est cependant aidé d’aucun représentant légal et est incapable de s’exprimer en anglais, la langue employée à l’audience. Le 10 avril, Joseph Drybones est condamné à payer une amende de 10 dollars, en sus des frais de justice.

Après s’être adjoint les services d’un avocat, il interjette néanmoins appel de cette décision devant la Cour territoriale des Territoires du Nord-Ouest. L’avocat soutient alors que le premier procès de son client n’a pas été instruit équitablement puisque Joseph Drybones étant incapable de parler anglais, il n’a pas compris en quoi consistait son plaidoyer de culpabilité. L’appel de Joseph Drybones s’appuie également sur la Déclaration canadienne des droits, dont le paragraphe 1.b) garantit l’égalité devant la loi. Joseph Drybones a été inculpé d’ivresse parce qu’il était autochtone; une personne ivre non autochtone n’aurait pas été soumise aux mêmes mesures disciplinaires. La Loi sur les Indiens viole donc le droit de Joseph Drybones à l’équité devant la loi, qui lui est garantie par le paragraphe 1.b) de la Déclaration canadienne des droits. Le tribunal acquitte donc finalement Joseph Drybones.

La Couronne interjette un premier appel de cette décision devant la Cour d’appel des Territoires du Nord-Ouest, mais cet appel est rejeté. La Cour présente ensuite un appel devant la Cour suprême du Canada. À l’issue d’un jugement remporté par six voix contre trois, la cour conclut que Joseph Drybones a été puni en raison de sa race aux termes d’une loi dont la portée et les sanctions diffèrent de celles s’appliquant aux autres Canadiens. La cour déclare de plus que si un article d’une loi canadienne ne peut être raisonnablement interprété et appliqué sans supprimer, restreindre ou enfreindre un des droits reconnus et proclamés dans la Déclaration canadienne des droits, cette loi est inopérante (c.-à-d. non applicable), à moins que le Parlement déclare expressément que cette loi s’applique malgré les dispositions de la Déclaration canadienne des droits.

En conséquence de quoi la Cour suprême rejette l’appel de la Couronne et confirme l’acquittement de Joseph Drybones. En 1971, le Parlement abroge l’article 94 de la Loi sur les Indiens.

Importance

L’affaire Drybones marque un tournant pour ce qui est du statut juridique des Autochtones dans le contexte législatif canadien. Elle a permis d’éliminer une disposition de la Loi sur les Indiens qui se traduisait par une discrimination raciale à l’égard des Autochtones.

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