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Daphne Marlatt

Auteure d’une prose évocatrice et densément multidimensionnelle, Daphne Marlatt est surtout connue pour son roman dédié à Vancouver, dans lequel le protagoniste est ramené à la fois à ses racines autochtones et aux forces multiculturelles complexes qui ont façonné la ville et continuent de la transformer.

Daphne Marlatt (née Buckle), C. M., poète, écrivaine, éditrice, dramaturge (née le 11 juillet 1942 à Melbourne, en Australie). Membre de l’Ordre du Canada, Daphne Marlatt est connue pour avoir exploré l’interaction de la biographie, de l’environnement et du féminisme dans ses œuvres.

Enfance, formation et début de carrière

Daphne Marlatt déménage avec sa famille de l’Australie à Penang, en Malaisie, lorsqu’elle a trois ans. Six ans plus tard, sa famille déménage à nouveau, mais cette fois-ci à Vancouver, en Colombie-Britannique. Cette complexité de la façon dont l’environnement d’une personne façonne son histoire de vie a informé son imaginaire depuis. Elle fréquente l’Université de la Colombie-Britannique, où elle participe en 1963 à la première version de la TISH: a poetry newsletter, dont la poétique ouverte devient l’approche de base à partir de laquelle son féminisme ultérieur pourra croître. En 1964, elle obtient un baccalauréat en écriture créative. Elle participe aussi, avec George Bowering, Fred Wah et plusieurs autres, à l’influente Vancouver Poetry Conference de 1963. Après l’obtention de sa maîtrise en littérature à l’Université de l’Indiana à Bloomington, aux États-Unis, elle retourne en Colombie-Britannique, où elle habite et travaille essentiellement depuis 1970.

En insistant sur les éléments de la perception, l’écriture de Daphne Marlatt cherche à représenter les fluctuations de l’existence. Par conséquent, son style dense s’avère parfois compliqué pour les profanes. Rapidement reconnue comme écrivaine novatrice, elle publie son premier livre en 1968, Frames of a Story, un récit poétique basé sur le conte de fées La Reine des neiges, de Hans Christian Anderson. Leaf leaf/s, extraordinairement dense, suit en 1969. Son premier poème long, Vancouver Poems (1972), qui explore sa relation avec l’histoire locale, paraît peu de temps après. Steveston (1974), créé en collaboration avec le photographe Robert Minden, devient l’un de ses poèmes longs les plus admirés. Il qui donne un aperçu soigneusement documenté et profondément personnel de l’histoire de la ville. Beaucoup plus tard dans sa carrière, en 2008, elle produit le CD Like Light Off Water, Otter Bay, sur lequel elle lit des passages de Steveston accompagnée par de la musique composée par Robert Minden et Carla Hallett.

Travail ultérieur et féminisme

Rédactrice pour The Capilano Review, periodics et Island, elle compile et rédige aussi de l’information pour deux documentaires pour les archives provinciales de la Colombie-Britannique : Steveston Recollected (1975) et Opening Doors: Vancouver’s East End (1979). Au cours des années 1970 et 1980, elle publie plusieurs livres, dont Zócalo (1977) ; Selected Writing: Net Work (1980), qui est édité par Fred Wah ; How Hug a Stone (1983); et Touch to My Tongue (1984), qui expriment sa grande appréhension devant un monde en constante évolution.

Le dernier de ces ouvrages est aussi un poème d’amour dévoilant à la fois son homosexualité et sa relation avec l’écrivaine et militante Betsy Warland. Avec son féminisme de plus en plus affirmé, elle devient l’une des rédactrices fondatrices de Tessera, une revue canadienne de théories et de textes féministes. En 1983, elle aide à organiser le premier colloque Women and Words à Vancouver, qui réunit des écrivains canadiens anglophones et francophones. En 1988, elle publie Ana Historic, un roman dépeignant une écrivaine contemporaine vivant à l’époque sur laquelle elle effectue des recherches, et Double Negative, un long poème écrit avec Betsy Warland et traitant de leurs voyages en Australie. En 1994, Betsy Warland et elle publient Two Women in a Birth, un recueil de leurs collaborations comprenant « Touch to My Tongue » et « Open Is Broken » (1984, écrit par Betsy Warland), « Double Negative », « Reading and Writing Between the Lines » (1988) et « Subject to Change » (1991).

Salvage (1991) regroupe des poèmes rédigés sur une période de 20 ans qui retracent les nombreux changements qui sont survenus dans sa vie. Comme c’est souvent le cas dans ses œuvres, ceux-ci démontrent comment, en cherchant sa poétique, cette ouverture, d’abord découverte avec le groupe TISH: a poetry newsletter, lui a permis de rédiger un certain nombre de poèmes et de romans dans lesquels elle peut explorer sa vie dans sa forme naturelle, créant une œuvre à la fois profondément autobiographique et soigneusement gravée de façon textuelle dans chaque texte. Ghost Works (1993) regroupe trois œuvres importantes aujourd’hui épuisées : « Zócalo », « Month of the Hungry Ghosts » (1979) et « How Hug a Stone ». This Tremor Love Is (2001) est une suite de poèmes d’amour rédigés sur une période de 25 ans et dont le dernier poème est dédié à sa nouvelle partenaire, Bridget Mackenzie. Seven Glass Bowls paraît en 2003.

Dans Taken (1996), son deuxième roman, la narratrice offre son exploration de la vie de sa mère en Australie au temps de la guerre avec son mari parti au combat, de même que son expérience de l’absence de son amant durant la guerre du Golfe. Bien qu’il soit présenté comme un long poème en prose, The Given (2008), qui remporte le prix de poésie Dorothy Livesay en 2009, se lit comme un récit semblable dans lequel la mort de sa mère fait remonter chez la narratrice des souvenirs complexes de la vie dans les années 1950 à Vancouver. Sa pièce The Gull, la première pièce canadienne présentée selon la tradition ancienne rituelle du théâtre nô japonais, remporte le prestigieux prix Naoya Uchimura en 2008. Comme dans plusieurs de ses œuvres, Daphne Marlatt utilise des souvenirs nettement personnels en les intégrant dans une textualité rendue de façon complexe qui complique une lecture simplement autobiographique. Une grande partie de la théorie derrière une telle poétique soutenue se trouve dans les essais rassemblés dans Readings from the Labyrinth (1998).

Vancouver Poems

L’ouvrage le plus influent de Daphne Marlatt est sans doute Vancouver Poems. Même si d’autres poètes ont écrit des hommages à Vancouver, comme George, Vancouver (1970), de George Bowering, et Vancouver: A Poem (2008), de George Stanley, le recueil de poèmes de Daphne Marlatt se distingue par son lyrisme pur et la manière dont il évoque les origines autochtones de la région, de même que par les forces multiculturelles complexes qui ont façonné la ville. Vancouver Poems porte sur la ville relativement jeune en phase de changement, mais qui entretient toujours son sentiment d’être une ville portuaire masquée par le brouillard aux odeurs de poisson et de la mer, qui abrite toujours de vieilles maisons en bois et de sobres bâtiments édouardiens :

Slimey,

mackerel sea-sky (eyes down). Limed

public library steps, the gulls. Mean what they

cry. Time, time. How many stoops to a dead fish?

How would you like a tail in the eye, scales, a

little rheumy but other/wise…Off the point

they go fishing. Under latches of the bridge,

rusty, rattling their rods. Tide. Swirls down

deep there. Noon reigns with the street, a White Lunch.

Par un geste remarquable et sans précédent à bien des égards, presque 40 ans après la première publication de Vancouver Poems, Daphne Marlatt publie Liquidities: Vancouver Poems Then and Now (2011). Ce recueil contient des versions largement revues des poèmes du livre original, ainsi que des nouveaux, mais son thème central n’est pas seulement Vancouver comme nous la connaissons aujourd’hui, au 21e siècle (une ville en transformation), mais bien comme une ville gouvernée par la haute finance (« les liquidités »), et de gros navires de charge, de grandes tours et le prix des maisons astronomique en effaçant le patrimoine autochtone et multiculturel.

Distinctions

Membre de l’Ordre du Canada (2006)

Prix Naoya Uchimura (2008)

Prix Dorothy Livesay en poésie (2009)

Prix George Woodcock pour l’œuvre de toute une vie (2012)

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