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World Soundscape Project

Le projet international sur l'environnement sonore, ou World Soundscape Project, est un programme de recherche et d’enseignement lancé en 1969 par le compositeur canadien R. Murray Schafer de l’Université Simon Fraser.

Le projet international sur l'environnement sonore, ou World Soundscape Project, est un programme de recherche et d’enseignement lancé en 1969 par le compositeur canadien R. Murray Schafer de l’Université Simon Fraser. Le projet ouvre un nouveau domaine, celui des études modernes de l'environnement sonore, ou ambiance acoustique. Il cherche à sensibiliser le public au son, à documenter l’environnement sonore et ses caractéristiques changeantes, et à introduire le concept et la pratique de la conception d'ambiances sonores comme alternatives au bruit. L’objectif ultime du projet est de trouver un équilibre écologique sonore, où les communautés humaines et leur environnement sonore seraient en harmonie. Parmi les premiers collaborateurs de Schafer, citons Howard Broomfield, Bruce Davis, Peter Huse, Barry Truax,Hildegard Westerkamp et Adam P. Woog. La fondation canadienne Donner, le Conseil des arts du Canada et l’UNESCO y ont apporté leur soutien financier.

Réalisations notables

Outre ses enregistrements sur le terrain au Canada et en Europe, le projet a réalisé des travaux archivistiques et pédagogiques, et publié plusieurs études et travaux sur bande magnétique, notamment The Book of Noise (1970), The Music of the Environment (1973) et The Tuning of the World (1977), par R. Murray Schafer. Le projet a publié d'autres documents, dont A Survey of Community Noise By-laws in Canada (1972) et The Vancouver Soundscape (1974). Il a également produit dix émissions radiophoniques à la CBC, Soundscapes of Canada (diffusée en 1974 dans la série Ideas), Five Village Soundscapes, European Sound Diary (1977) et Handbook for Acoustic Ecology (1978).

Bien que l’équipe du projet soit aujourd'hui dispersée, l’Université Simon Fraser dispense encore des cours de communication acoustique et de sciences de l’environnement sonore. Certains compositeurs continuent seuls d’étudier l’environnement sonore, comme en témoigne la série d’émissions de radio « Soundwalking », de Hildegard Westerkamp, et des compositions sur les ambiances acoustiques. En 1993, lors de la conférence Tuning of the World, tenue à Banff, en Alberta, est née le World Forum for Acoustic Ecology, dans le but de sensibiliser le monde entier à l’environnement sonore.

Principes fondamentaux

Le terme « environnement sonore » (« soundscape ») désigne la façon dont les êtres humains perçoivent leur environnement. En tant que récepteurs à l’intérieur de cet environnement, ils appartiennent à un système dynamique d’échange d’informations et agissent sur les sons dès qu’ils pénètrent dans un espace donné. Produit par l’homme, l'environnement sonore est une « composition ». C'est en quelque sorte la manifestation acoustique du « lieu ». Les sons donnent aux gens un sentiment d'appartenance à ce lieu et réciproquement, les activités et comportements des êtres humains ont un impact sur la qualité acoustique d'un lieu.

Ainsi, l’environnement sonore est la somme de tous les sons produits à l’intérieur d’une région donnée. Il en reflète étroitement les caractéristiques sociales, technologiques et naturelles. Ainsi, tout changement dans ces caractéristiques se traduit par un changement de l'environnement sonore. En écologie sonore, on cherche à déterminer si cet environnement peut conserver son équilibre sonore ou même l’améliorer.

Le projet considère l’écoute et la production de sons comme étant subtilement liées. La qualité sonore de l’environnement se mesure donc à partir de l’examen de leur point d’équilibre. Ainsi, si ce qu'on entend (« impression ») est plus intense que le son qu'on émet (« expression »), il y a déséquilibre. Dans certaines conditions, le déséquilibre est créé quand on ne peut ni parler ni émettre des sons, mais seulement écouter ou percevoir des sons. Un environnement bruyant ou environnement coercitif peut avoir le même effet. Dans le premier cas, le bruit enterre nos pas, notre respiration et notre élocution normale. Dans un environnement coercitif, le bruit n'a pas besoin d'être très fort pour nous faire baisser la voix ou nous faire taire.

En revanche, notre capacité d’écoute augmente considérablement dans un environnement acoustiquement limpide, à haute fidélité, par exemple. Le rapport signal-bruit élevé y permet de discerner le moindre son. On y éprouve à la fois le désir d’écouter et de produire des sons, situation propice à une démarche positive et constructive de l'environnement sonore.

L'étude d'un environnement sonore donné révèle que l’image construite par l’auditeur dépend de sa perception. On peut analyser cette image en termes d’unités cognitives : premier plan, arrière-plan, contour, rythme, espace, densité, volume et silence. On en a tiré les concepts analytiques de tonalité, signal, empreinte, objet et symbole sonores.

Concepts clés

La tonalité fait habituellement référence au ton dans lequel est écrite une composition. Elle renvoie au son dominant et omniprésent, habituellement perçu comme fond sonore, sur lesquels se détachent les autres éléments de l'environnement sonore.

Les signaux, terme emprunté à la théorie de la communication, se situent au premier plan de l'environnement sonore. En général, on l'écoute consciemment. Les signaux renferment souvent des messages ou de l'information.

Les empreintes sonores, analogues aux jalons d’un paysage, sont spécifiques à un lieu donné.

Un objet sonore, défini par Pierre Schaeffer, est un « objet sonore auquel peuvent s’appliquer nos sens, et non un objet mathématique ou électroacoustique à synthétiser ». Il s’agit de la plus petite particule autonome de l'environnement sonore.

Les symboles sonores forment une catégorie plus générale. Ils évoquent les réactions individuelles émanant de niveaux d’association collectifs et culturels.

Éducation

Sur ce point, la première et principale stratégie des chercheurs du projet de l'Université Simon Fraser est l’approche éducative. Pour aider les gens à prendre conscience de l'environnement sonore, on se sert d'exercices d’écoute et de « purification de l’ouïe ». Un auditeur averti peut analyser et évaluer ce qu’il entend, et même agir sur cette perception. Ainsi prend-il conscience du rôle qu’il joue en tant que producteur de sons et de l’influence qu’il peut avoir sur l'environnement sonore.

Recherches et constats (H2)

Le projet s’intéresse particulièrement aux environnements sonores au Canada et en Europe. Les sujets de recherche sont nombreux : nouveaux sons, « schizophonie » produite par l'omniprésence de sons électroacoustiques comme la musique d'ambiance enregistrée, la radio, le baladeur, archivage des sons perdus ou en voie de disparition, établissement d’un glossaire de sons, réalisation de tests d’associations sonores, analyse d'environnements sonores (manifestations culturelles, fêtes, modes d’expression sonore d’une communauté, bruit dans les écoles), conception de parcs acoustiques, classification et morphologie des sons, sémantique du son et significations du silence.

Applications

En somme, les écologistes du son font plus que lutter contre la pollution par le bruit. Ils peuvent favoriser la conception d’environnements sonores plus sains et plus agréables, en combinant les ressources de domaines divers : acoustique, architecture, linguistique, musique, psychologie, sociologie et urbanisme. L’éducation permanente de l’ouïe, l’urbanisme intelligent, les règlements sur la réduction du bruit, la conception de parcs et d’aires de jeux acoustiques, la préservation dynamique de sons anciens et modernes qui en valent la peine, voilà autant de moyens d’atteindre les buts fixés par le projet.

Voir aussi Acoustique - Recherche au Canada; psychologie de la musique; musicologie.

Publications

R. Murray Schafer, The New Soundscape (Don Mills, 1969).

— , The Book of Noise (Vancouver, 1970).

A Survey of Community Noise By-Laws in Canada (1972) (Vancouver, 1972).

The Tuning of the World (Toronto, 1977), traduit en français sous le titre de Le Paysage Sonore (Paris, 1979).

— dir., The Music of the Environment Series (1973-78).

Volume 1. The Music of the Environment (Vienne 1973); réimpr. sous le titre « La Musique de l’environnement », Cultures, I (no 1, 1973).

Volume 2. The Vancouver Soundscape, inclut 2 cassettes (Vancouver 1974).

Volume 3. European Sound Diary (Vancouver 1977).

Volume 4. Five Village Soundscapes, inclut 5 cassettes (Vancouver 1977).

Volume 5. A Dictionary of Acoustic Ecology (Vancouver 1978).

Barry TRUAX, « Soundscape studies, an introduction to the World Soundscape Project », Numus West, 5 (print. 1974).

Sound Heritage, livraison complète, III (no 4, 1974).

Sound Heritage, livraison complète, vol. 3, no 4 (1974).

Bruce DAVIS, « FM Radio as Observational Access to Wilderness Environments », Alternatives, IV (print. 1975).

UNESCO Courier, livraison complète, XXIX (nov. 1976).

R. Murray SCHAFER, The Tuning of the World (Toronto,1977)/Le Paysage sonore (Paris 1979).

Five Village Soundscapes, réimpr. dans Acoustic Environments in Change, éd. Helmi Järviluoma et coll. (University of Tampere, 2009). [inclut 2 CDs]

Discographie

R. Murray Schafer et Bruce Davis, Okeanos : composition sur bande quadraphonique de 90 minutes; 1971.

Soundscapes of Canada, durée de 10 heures, radiodiffusée dans la série « Ideas » à la CBC : 1974, location pour radiodiffusion, World Soundscape Project.

N. Ruebsaat, H. Westerkamp, Inside the Soundscape : série de cinq cassettes de compositions et de documents sonores sur l’environnement acoustique; (1986); non numéroté.

The Vancouver Soundscape 1973 /Soundscape Vancouver 1996 (Cambridge Street Publishing: 997). [CD double]

La version originale de cet article a paru dans l’Encyclopédie de la musique au Canada.