Three Day Road | l'Encyclopédie Canadienne

Article

Three Day Road

Le premier roman de Joseph Boyden, Three Day Road, a immédiatement fait, de son auteur, l’un des écrivains de fiction les plus en vue au Canada. L’ouvrage a remporté de multiples prix et a attiré l’attention du public sur un aspect négligé de l’histoire canadienne, à savoir le rôle joué par les Autochtones dans l’histoire militaire canadienne. Inspiré par l’histoire de Francis Pegahmagabow, un tireur d’élite anishnaabe de la Première Guerre mondiale, Three Day Road suit le voyage de retour chez lui d’un soldat blessé. Le roman met en parallèle la mort rôdant sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale avec la destruction des cultures autochtones. L’ouvrage remporte le prix du livre autochtone de l’année McNall‑Robinson, le prix Rogers Writers' Trust Fiction et le prix du premier roman Amazon.ca.


Joseph Boyden
Joseph Boyden est un juré du concours Arts et Récits Autochtones
Historica Canada | Historica Canada

Contexte

Joseph Boyden obtient une maîtrise en beaux‑arts en fiction de l’Université de La Nouvelle‑Orléans en 1995. Il travaille ensuite comme enseignant au collège Northern à Moosonee, en Ontario, jusqu’en 1997. Son travail et ses voyages autour de la baie James lui offrent l’occasion de rencontrer les Cris du territoire de Mushkegowuk, une région qui couvre une grande partie du nord de l’Ontario. Plus tard, il comparera cette expérience à la découverte d’une « mine d’or » de récits. Il s’inspire des gens qu’il rencontre et du milieu dans lequel ils vivent pour écrire Three Day Road et sa suite Through Black Spruce, ainsi que trois nouvelles de son premier recueil, publié en 2001, Born With a Tooth.

Three Day Road, en particulier, est partiellement inspiré de la vie de Francis Pegahmagabow, surnommé Peggy, qui fait une brève apparition dans le roman. Ce dernier, tireur d’élite anishnaabe (ojibwé), compte à son actif 378 victimes, devenant, à l’issue de la Première Guerre mondiale, le soldat autochtone canadien le plus décoré. Toutefois, après son retour au Canada, ses exploits restent largement ignorés de la majorité de la société canadienne. Ultérieurement, il devient un porte‑parole de premier plan de la lutte pour les droits des autochtones, alors qu’il occupe les fonctions de chef et de conseiller de bande de la Première Nation Wasauksing, qui l’a vu naître.

Joseph Boyden entend parler des exploits de Francis Pegahmagabow, pour la première fois, de la bouche de membres de la nation Wasauksing, alors qu’il se rend dans son chalet de famille situé à proximité de leur réserve. L’intérêt de Boyden pour les récits militaires est également motivé par son histoire familiale : son père, le docteur Raymond Wilfrid Boyden, a été décoré de l’Ordre du service distingué lors de la Deuxième Guerre mondiale, tandis que son grand‑père maternel et l’un de ses oncles ont servi durant la Première Guerre mondiale.

Synopsis de l’histoire

Le spectre de la mort, individuelle et culturelle, plane sur le roman. Il tire son titre d’un récit mythique sur la nécessité, pour ceux qui se préparent à la mort, de suivre pendant trois jours le chemin des âmes (titre de la traduction en français). Gravement blessé au cours d’un combat sur le front de l’Ouest pendant la Première Guerre mondiale, le tireur d’élite cri Xavier Bird revient au Canada alors que, unijambiste, dépendant à la morphine et doté d’un désir de vivre de plus en plus ténu, il n’est plus que l’ombre de celui qu’il a été. En arrivant à Moose Factory, il renoue les liens avec sa tante Niska, et ils entament un périple de trois jours en canot pour remonter la rivière jusqu’au domicile de cette dernière, dans le nord de l’Ontario.

Au fur et à mesure que se déroule le voyage, le roman alterne entre le point de vue de la tante et celui du neveu, chacun se souvenant des circonstances qui l’ont amené là où il en est dans la vie. Les réminiscences de Xavier prennent la forme de rêves morphiniques et de souvenirs personnels, en particulier ceux qui concernent son ami Elijah Weesageechak. Xavier se souvient de son enfance auprès de Niska dans la brousse, après que cette dernière a réussi à le faire sortir d’un pensionnat indien, de la façon dont il a lui‑même aidé Elijah à s’évader d’un autre pensionnat quelques années plus tard, et des circonstances les ayant conduits d’une vie de camaraderie de chasse et d’exploration de la forêt aux batailles de la Première Guerre mondiale en Belgique et en France.

Niska, espérant que son neveu, en retrouvant ses racines, pourra s’extraire de son quasi-mutisme, lui fait le récit de son enfance et de son éducation dans une communauté crie traditionnelle. Elle lui explique qu’elle a hérité de son père son rôle de chamane et que c’est en tant que telle, qu’armée de son don de vision prophétique, elle a eu la responsabilité de chasser les windigos, des personnes possédées, devenues cannibales, qui menacent la tribu. Elle lui raconte comment l’élimination de l’un de ces windigos par son père, mal interprétée par les autorités blanches canadiennes, a conduit à l’exécution de ce dernier pour meurtre, et a déchiré leur communauté. Elle ajoute que, depuis cette date, elle a vécu en dehors de la société blanche, et que les quelques contacts qu’elle a eus avec les Blancs ont presque toujours été entachés par le racisme et l’exclusion.

Dans les moments où les épisodes de la guerre refont surface dans sa mémoire, Xavier se rend compte qu’il a été, tout comme son ami Elijah, victime d’une ségrégation similaire à celle subie par sa tante, et ce, en dépit de son rôle de tireur d’élite spécialisé. Il se souvient que, durant cette période, il éprouvait les pires difficultés à s’intégrer et qu’il se montrait de plus en plus dégoûté par la guerre et par le rôle qu’il y jouait. Il se remémore que son ami Elijah s’adaptait mieux aux manières blanches et semblait mieux accepter les meurtres qu’il commettait sous l’uniforme en Europe, le récit de ses exploits lui procurant, apparemment, autant de plaisir que leur accomplissement. Xavier raconte que, dépendant à la morphine, Elijah devenait de plus en plus audacieux et téméraire sur le champ de bataille, finissant par être poussé à prouver ses prouesses en s’emparant du « scalp » des soldats ennemis abattus. Horrifié par ce que son ami était devenu, Xavier explique qu’il a tenté de trouver un moyen de sortir de cette guerre. Alors que le voyage en canot touche à sa fin, il n’arrive pas vraiment à expliquer à Niska ce qui s’est réellement passé alors.

Accueil

Avant même sa publication, Three Day Road suscite un intérêt considérable. Le manuscrit fait l’objet de surenchères et est finalement acheté par Penguin Books Canada qui voit dans ce roman une chance de donner un nouvel élan à sa division fiction en pleine déliquescence. Dans leurs premières critiques, plusieurs médias notent l’intense campagne marketing dont l’ouvrage a bénéficié.

En dépit de ces quelques réserves, la première réaction de la critique s’avère extrêmement positive. Quill & Quire, le magazine professionnel spécialisé de l’industrie de l’édition canadienne, fait l’éloge de la qualité des personnages du roman de Joseph Boyden, qualifiant Xavier, Niska et Elijah de personnages « débordants de vie ». Le Globe and Mail suggère que Three Day Road pourrait prendre la place de The wars, de Timothy Findley, comme le roman canadien par excellence de la Première Guerre mondiale. Cette critique dithyrambique va jusqu’à faire un parallèle entre l’écriture de l’auteur et celle de Tomson Highway et d’Homère et conclut en estimant que Three Day Road constitue « une œuvre remarquable, et un premier roman “coup de poing” ».

Distinctions

En 2005, le roman est sélectionné pour le Prix littéraire du Gouverneur général pour une œuvre de fiction. Cette même année, il remporte le prix Rogers Writers’ Trust Fiction, avant de décrocher, en 2006, le prix du premier roman Amazon.ca et le prix du livre autochtone de l’année McNally‑Robinson. L’ouvrage est également finaliste du concours Canada Reads de la CBC en 2006. On lui attribue, par ailleurs, un rôle majeur dans le renouveau d’intérêt vis‑à‑vis du rôle joué par les Autochtones dans l’histoire militaire canadienne.

À ce jour, Three Day Road s’est vendu à plus de 200 000 exemplaires au Canada. Joseph Boyden publie, sous le titre Through Black Spruce, une suite à son premier roman, un ouvrage qui va, encore une fois, plébiscité par la critique et qui va remporter le prix Scotiabank Giller, contribuant à faire de l’auteur l’un des romanciers les plus en vue au pays. En 2016, le premier ministreJustin Trudeau offre un exemplaire de Three Day Road au président des États‑Unis Barack Obama, qualifiant l’ouvrage de livre incarnant le mieux ce qu’est le Canada.

Controverses

Fin 2016, le Réseau de télévision des peuples autochtones (APTN) publie un article mettant en cause la légitimité des prétentions de Joseph Boyden quant à son ascendance autochtone. Cet article mentionne un certain nombre de questions que se posent les Autochtones à ce sujet, notamment des incohérences quant aux nations autochtones auxquelles l’auteur s’identifie — il prétend parfois avoir des ascendances métisses, mi’kmaq, ojibwées et nipmuc —, l’impossibilité de vérifier les liens familiaux dont il fait état, et le fait que l’oncle décédé que l’auteur évoque, qui travaillait comme animateur touristique au parc provincial Algonquin sous le nom de « Injun Joe », a toujours affirmé qu’il n’avait pas de sang autochtone. Joseph Boyden publie, en réponse, une déclaration sur les médias sociaux, concédant qu’il s’est effectivement montré quelque peu confus dans le passé quant à la définition de sa propre identité, se décrivant comme ayant une ascendance mélangée écossaise, irlandaise et autochtone. Il y mentionne aussi l’une de ses citations précédemment publiées : « Une petite partie du sang qui coule dans mes veines est autochtone, mais c’est une partie très importante de ce que je suis. »

L’article et la réponse de l’auteur déclenchent un débat national de plusieurs mois sur Joseph Boyden et sur ce qui constitue l’identité autochtone. Bien que ces discussions aient essentiellement porté sur le bien‑fondé du rôle joué par le romancier en tant que représentant public des Autochtones du Canada, le roman lui‑même, Three Day Road, s’est retrouvé dans l’œil du cyclone, essentiellement du fait que Joseph Boyden avait accepté le prix McNally Robinson du livre autochtone de l’année explicitement destiné à des auteurs autochtones. L’affirmation de l’auteur selon laquelle la structure de son roman s’inspire de l’importance des cycles circulaires dans les cultures crie et ojibwée, tout comme sa narration d’un récit se déroulant dans le cadre d’une communauté qui n’est pas la sienne, ont également été intégrées dans un débat plus large sur le concept d’appropriation culturelle.

Depuis sa publication en 2005, l’intégration de Three Day Road dans les programmes scolaires et sa présence dans les bibliothèques ont parfois été contestées, principalement en raison de ses descriptions ultraréalistes de la violence. En 2018, des parents du conseil scolaire du district de Lambton Kent se sont opposés à l’inclusion de Three Day Road au programme d’un cours secondaire axé sur les questions autochtones, citant, comme argument, le contenu sexuellement explicite du roman.

Prix

Prix du livre autochtone de l’année McNally‑Robinson (2005)

Prix Rogers Writers’ Trust Fiction (2005)

Prix du premier roman d’Amazon.ca (2005)