Canadiens de l'Asie du Sud | l'Encyclopédie Canadienne

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Canadiens de l'Asie du Sud

Les Asiatiques du Sud (ou Sud-Asiatiques) peuvent retracer leurs origines en Asie du Sud, qui peut comprendre l’Inde, le Pakistan, le Bangladesh, l’Afghanistan, le Népal, le Bhoutan, le Sri Lanka, et les Maldives. La majorité des Canadiens de l’Asie du Sud sont des immigrants ou des descendants d’immigrants de ces pays, originaires de communautés sud-asiatiques qui se sont établies à l’époque du colonialisme britannique, en Afrique de l’Est et du Sud, au Guyana, à Trinité-et-Tobago, aux îles Fidji et à l’île Maurice. D’autres viennent de Grande-Bretagne, des États-Unis et d’Europe. Lors du recensement de 2021, 2,6 millions de personnes se sont identifiées comme étant d’origine sud-asiatique.

Carte non politique de l'Asie du Sud avec les rivières.

Aperçu

Selon le recensement de 2021, les personnes d’origine sud-asiatique sont le plus grand groupe démographique de minorités visibles au Canada. Parmi ce groupe, 44,3 % sont nés en Inde, 28,7 % au Canada, 9,2 % au Pakistan, 5,4 % au Sri Lanka et 3 % au Bangladesh.

Les personnes désignées sous l’appellation « Asiatiques du Sud » partagent des caractéristiques culturelles et historiques. Toutefois, elles s’identifient plus souvent à des racines ethnoculturelles beaucoup plus spécifiques.

Origines

La diversité ethnique des Canadiens originaires d’Asie du Sud reflète l’incomparable pluralité culturelle de l’Asie du Sud. La majorité des Canadiens d’Asie du Sud sont nés en Inde, où l’on parle beaucoup de langues et où l’on compte des centaines de groupes ethniques différents. Ce pluralisme se reflète sur la religion : même si la majorité des Indiens sont hindouistes, beaucoup en sont musulmans et sikhs. Beaucoup d’autres sont chrétiens ou jaïns. Bien que ces deux pays soient différents sur le plan culturel, le Pakistan et le Bangladesh ont une religion commune prédominante : l’islam. Une troisième grande religion, le bouddhisme, est pratiquée par beaucoup de Sri Lankais, qui comptent néanmoins d’importants groupes religieux minoritaires hindouistes, chrétiens et musulmans parmi eux.

Migration

Les premiers immigrants de l’Asie du Sud arrivent à Vancouver en 1903. La grande majorité sont des sikhs qui ont entendu parler du Canada par des membres des forces indiennes britanniques postées à Hong Kong, qui ont traversé le Canada l’année précédente dans leur périple pour aller assister aux célébrations du couronnement d’Édouard VII. Ces premiers immigrants sont attirés par les salaires canadiens élevés et ils ont tôt fait de trouver du travail. L’immigration augmente rapidement et atteint le chiffre de 5209 personnes en 1908; tous sont des hommes qui abandonnent temporairement leur famille afin de trouver du travail au Canada. Il est probable que 90 pour cent d’entre eux étaient des sikhs, originaires de l’arrière-pays agricole du Panjab. La plupart d’entre eux restent en Colombie-Britannique.

Voyant en eux une menace raciale semblable à celle qu’avaient inspirée les Canadiens d’origine japonaise et les immigrants chinois avant eux, le gouvernement de la Colombie-Britannique ne tarde pas à limiter les droits et privilèges des Sud-Asiatiques. En 1907, ces immigrants sont privés de leurs droits de citoyen par les autorités provinciales. Ces restrictions entraînent les conséquences suivantes : ils ne peuvent ni voter au fédéral, ni occuper une charge publique, ni remplir la fonction de juré, ni exercer une profession ou un emploi dans la fonction publique, ni participer comme main-d’œuvre à la réalisation de travaux publics. L’année suivante, le gouvernement fédéral adopte un règlement d’immigration spécifiant que les immigrants peuvent entrer au Canada, mais au terme d’un voyage sans escale à partir de leur pays d’origine. Comme aucun service de transport de ce genre n’existe entre l’Inde et le Canada, ce règlement (et c’est là son but) a pour effet de rendre impossible l’immigration de Sud-Asiatiques. Cette interdiction prive les hommes de leur famille et paralyse l’expansion des communautés.

La contestation énergique de ces règlements devant les tribunaux ne donne rien et, en 1913, la frustration éprouvée face au traitement gouvernemental se transforme en appui au Parti ghadar, organisation vouée au renversement de l’administration britannique en Inde. Le règlement d’immigration est directement contesté en 1914, lorsque le cargo Komagata Maru prend la mer à Hong Kong, à destination du Canada avec 376 immigrants d’Asie du Sud à son bord. Le règlement stipulant que le voyage devait se faire sans escale, adopté pour empêcher que les passagers de navires comme le Komagata Maru immigrent, donne les résultats escomptés. Ce navire n’était pas arrivé directement d’Inde; avant d’arriver au Canada, il avait fait escale à Hong Kong pour embarquer des passagers d’origine indienne vivant à Shanghai, Moji et Yokohama. Les autorités de l’immigration isolent le navire pendant deux mois dans le port de Vancouver, jusqu’à ce qu’il soit forcé de retourner en Asie. Le sentiment révolutionnaire atteint alors son paroxysme; bien des hommes retournent en Inde travailler pour le Parti ghadar.


Le règlement fédéral exigeant l’entrée des immigrants au pays par transport sans escale demeure en vigueur jusqu’en 1947, tout comme d’ailleurs la plupart des lois anti-Asiatiques du Sud de la Colombie-Britannique. En 1919, en raison de pressions de la communauté et de représentations du gouvernement indien, le Canada permet aux femmes et aux enfants mineurs des résidents canadiens d’origine sud-asiatique d’immigrer et, vers le milieu des années 20, un léger mouvement d’immigration de femmes et d’enfants s’établit, mouvement qui ne réussit toutefois pas à contrebalancer les effets de la migration des Canadiens d’origine sud-asiatique vers l’Inde et les États-Unis, qui réduit alors leur population à environ l300 personnes au Canada.

Pendant les années 20, la sécurité économique des Sud-Asiatiques s’améliore, ces derniers travaillant principalement dans l’industrie forestière ainsi que dans la vente de bois et de sciure de bois utilisés comme combustible de chauffage domestique. Quelques scieries sont achetées par des Asiatiques, et deux d’entre elles emploient plus de 300 personnes. Les effets de la Crise des années 1930 sur cette communauté se font lourdement sentir, mais sont atténués par une entraide mutuelle très marquée. Au moment de la Deuxième Guerre mondiale, les Asiatiques du Sud de la Colombie-Britannique se sont assuré beaucoup d’appuis locaux en faveur de leurs démarches pour récupérer le droit de vote, principalement celui de la Fédération du Commonwealth coopératif. En 1947, l’interdiction du droit de vote en Colombie-Britannique de même que d’autres restrictions sont levées.

Devant l’indépendance imminente de l’Inde, le gouvernement fédéral abolit cette même année le règlement du voyage sans escale, le remplaçant en 1951 par des quotas d’immigration annuels de 150 personnes pour l’Inde, de 100 pour le Pakistan et de 50 pour Ceylan. À cette époque, il n’y a alors que 2148 Asiatiques du Sud au Canada. Une croissance modérée de l’immigration porte ce nombre à 6774 en 1961, puis à 67 925 en 1971 et en 2011, la population d’Asiatiques du Sud au Canada s’élevait à 1 567 400.

Comme les restrictions raciales nationales sont retirées des lois de l’immigration dans les années 60, l’immigration des Sud-Asiatiques s’accroît considérablement. Sur le plan culturel, l’immigration est beaucoup plus diversifiée. Dans les années 50, une large proportion d’immigrants s’avère des sikhs, parents des premiers immigrants sud-asiatiques, alors que dans les années 60 on assiste à des hausses marquées de l’immigration en provenance d’autres parties de l’Inde et du Pakistan. Au début des années 60, les deux tiers des hommes sud-asiatiques qui immigrent ici sont des professionnels. Ils sont enseignants, médecins, professeurs ou chercheurs. Au cours des années 60 et 70, la préférence du Canada pour des immigrants très qualifiés contribue à la diversification de l’éventail ethnique des immigrants sud-asiatiques et à la diminution de la proportion de sikhs. Dans les années 70, on assiste au début de l’immigration en provenance des îles Fidji, de la Guyane, de Trinidad et de l’île Maurice. Les lois d’immigration non discriminatoires adoptées en 1967 provoquent une autre ruée de l’immigration provenant de l’Asie du Sud.

En 1972, l’Ouganda expulse tous les Asiatiques du Sud qui s’y trouvent. Le Canada en accueille 7000 (dont bon nombre sont des Ismaïliens) en tant que réfugiés politiques. Par la suite, un flot régulier d’immigrants sud-asiatiques arrive au Canada en provenance du Kenya, de la Tanzanie et de la République démocratique du Congo (anciennement le Zaïre), soit directement, soit via la Grande-Bretagne. Les années 1970 voient aussi le début de l’immigration des personnes originaires de Fidji, du Guyana, de Trinité-et-Tobago et de l’île Maurice. De 1977 à 1985, la conjoncture économique canadienne étant moins favorable, l’immigration d’Asiatiques du Sud diminue de façon significative et est ramenée à environ 15 000 personnes par an.

Vie culturelle et religieuse

L’accent mis sur les événements culturels extra-familiaux et leurs institutions religieuses varie beaucoup d’une communauté à l’autre. À titre d’exemple, les sikhs sont nombreux, et leur identité (qui est à la fois ethnique et religieuse) ainsi que leurs institutions religieuses existent depuis la construction du premier temple sikh au Canada, en 1908. C’est avec beaucoup de succès qu’ils ont réussi à établir et à toujours préserver leur religion au Canada. (Voir aussi Sikhisme.)

Les musulmans ismaïliens constituent un groupe à la fois ethnique et religieux. Ils mettent sur pied de solides institutions religieuses. Les musulmans sunnites sud-asiatiques (qui viennent surtout du Pakistan et de l’Inde) se sont généralement regroupés avec d’autres sunnites pour construire des mosquées multiethniques : eux aussi ont réussi à transmettre efficacement leur religion à leurs enfants. Dans les groupes hindouistes de taille suffisante, les gens bâtissent des temples pour desservir une communauté en particulier ou plusieurs communautés et dans lesquels on se rend pour prier à l’occasion des cérémonies annuelles et des rituels importants reliés au mariage et au décès. Les Cinghalais, qui pratiquent le bouddhisme, ont érigé le premier temple à Toronto.

La plupart des communautés soutiennent de nombreuses autres institutions et activités. Des organisations religieuses reconnues comme telles prennent souvent en charge des écoles de langues pour les enfants, tout comme des activités culturelles telles la danse et la musique sud-asiatiques. En outre, il existe beaucoup d’associations socioculturelles d’Asiatiques du Sud au Canada, la plupart d’entre elles ayant été formées au cours des 20 dernières années. La musique folklorique et classique et la danse sont populaires. De plus, les communautés appuient maintenant la publication de journaux et bulletins de liaison partout au Canada. Les émissions de radio et de télé sud-asiatiques par câble, spécialisées, se sont rapidement multipliées surtout dans les grands centres.

Politique

Jusqu’en 1965, les mouvements politiques sud-asiatiques existent surtout pour exercer des pressions afin d’éliminer les restrictions légales adoptées par le corps législatif de la Colombie-Britannique et de modifier les lois de l’immigration. Depuis les 20 dernières années, les Asiatiques du Sud s’engagent de plus en plus dans divers mouvements politiques. Leurs associations font maintenant un lobbying de tous les instants auprès du gouvernement en vue d’une aide aux programmes culturels, d’un accès plus facile à l’immigration, et d’une action manifeste pour contrer préjugés et discrimination. Certains membres de cette communauté occupent des charges à l’échelle locale, mais ils ne s’intéressent guère au palier fédéral avant les années 80. En 1993, 16 candidats sud-asiatiques briguent les suffrages fédéraux et trois d’entre eux sont réélus. La même année, la Colombie-Britannique compte deux ministres provinciaux parmi les Sud-Asiatiques. Les Asiatiques du Sud s’occupent parfois de politique dans leur pays d’origine; les Canadiens sikhs ont ainsi soutenu activement les droits des sikhs du Panjab après 1983.

Identification au groupe

En 1994, environ 80 pour cent des Canadiens d’origine sud-asiatique sont des immigrants. Seuls les sikhs sont au pays depuis suffisamment longtemps pour avoir mis au point de véritables outils de solidarité. Une forte conscience de groupe et un statut de minorité se sont traduits par un haut niveau de rétention culturelle chez les sikhs de la Colombie-Britannique. Pratiquement tous les membres de la deuxième génération connaissent la culture et la langue sikhes, puis se marient avec des membres de la même communauté.

D’autres groupes, comme les ismaïliens, les Pakistanais et les musulmans sunnites mettent plus l’accent sur la religion que sur la culture ou la langue comme élément de solidarité. Pour la plupart des groupes sud-asiatiques, l’acculturation semble plus importante chez les membres de la deuxième génération, en raison des traditions sur le mariage et la famille. L’intégration sociale sera également un élément important du développement des relations futures entre les Sud-Asiatiques et les autres Canadiens.

Mode d’établissement

Jusqu’à la fin des années 1950, presque tous les Sud-Asiatiques du Canada vivaient en Colombie-Britannique, mais à partir de ce moment-là des immigrants plus instruits commencent à s’installer en très grands nombres partout au pays. En Colombie-Britannique, cette même population atteint près de 363 885 personnes en 2016, dont la plupart demeuraient dans la région de Vancouver. Un nombre important de personnes d’ascendance sud-asiatique vit en Ontario (1 182 845), en Alberta (231 550) et au Québec (95 670).

Vie économique

Les premiers sikhs établis en Colombie-Britannique travaillaient presque tous dans l’industrie forestière. Ils sont toujours présents dans cette industrie, à la fois comme travailleurs ou propriétaires. Les professionnels qualifiés de différentes origines ethnoculturelles arrivés entre 1960 et 1985 sont maintenant bien établis. La répartition professionnelle s’élargit dans les années 70 avec l’arrivée d’une plus grande proportion de cols bleus et de cols blancs. L’exode d’Ouganda amène des gens d’affaires qui deviennent pour la majorité d’entre eux entrepreneurs, les uns possédant des voitures-taxi, d’autres dirigeant des entreprises. La présence d’autres Sud-Asiatiques dans le milieu des affaires est également élevée. En Asie du Sud, peu de femmes de la classe moyenne travaillent à l’extérieur du foyer avant les années 90, mais les Canadiennes originaires de ces mêmes régions participent très activement à l’économie, soit comme travailleuses, soit comme employées de bureau. On trouve également des Sud-Asiatiques en agriculture, surtout en Colombie-Britannique.

Vie sociale et communautaire

Les Sud-Asiatiques du Canada ont des bagages culturels tellement variés qu’on ne peut guère généraliser au sujet de leur vie sociale et communautaire. Il reste tout de même que tous viennent d’endroits où les familles élargies, les liens du sang et les relations communautaires sont extrêmement importants. Généralement, les immigrants d’Asie du Sud adoptent vite nombre de traditions canadiennes, mais s’efforcent de préserver l’essentiel de leurs pratiques familiales et communautaires. Bien souvent, les parents tentent d’inculquer à leurs enfants les principales valeurs familiales sud-asiatiques. Ce mouvement s’accompagne d’un phénomène d’acculturation important chez les 15 pour cent d’entre eux qui sont nés au Canada. Les relations entre hommes et femmes changent aussi, d’autant plus que les épouses ont aussi un accès croissant à des ressources financières et sociales.

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